marathon NY-retour

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marathon NY-retour
MARATHON DE NEW-YORK 2001
L’événement numéro 1 dans la ville de New-York n’aura pas manqué son rendez-vous ! Plus
de 30'000 coureurs de tous horizons, une ambiance et un public extraordinaires, des
conditions météorologiques proches de la perfection et une sécurité draconienne et
omniprésente : tous les ingrédients étaient réunis pour que la fête soit belle. Et elle le fût ! Vos
marathoniens régionaux, accompagnés par « leurs » 2 supporters acharnés, ont tous passé la
ligne d’arrivée. Dans des états de fraîcheur (ou plutôt de dégradation) très variables, mais
heureux ! Inutile aussi d’ajouter que « the race » aura été pour tous un gros coup au cœur : la
population de New-York (certains parlent de 2 millions de personnes) a été formidable et nous
a encouragés comme jamais. Beaucoup considéraient cette course comme un heureux break
dans un monde de malheurs à répétition…
Voici un compte-rendu de la courte aventure (5 jours au total) de ce marathon haut en couleurs. Les
quelques passionnés motivés et surtout désireux de se rendre à New-York pour ce marathon et pour rien
d’autre, n’avaient que peu de considération pour les mises en garde et autres recommandations de tiers…
Danger ? Peut-être, finalement… Mais nous y allions pour y courir le marathon mythique de New-York. Et
la plupart étaient largement préparé depuis plusieurs mois pour ça…
Ceci étant dit, départ jeudi tôt le matin de Genève pour New-York via Francfort. Arrivée dans l’après-midi.
Passage de l’immigration puis trajet de l’aéroport à l’hôtel. Prise en charge de nos chambres et fin de
journée libre pour flâner…
Vendredi matin, diverses visites dont celle des restes des World Trade Center (coup au cœur pour tous et
encore plus marqué pour ceux qui avaient eu la chance d’y monter) et marche dans Broadway… Dans
l’après-midi, nous allons chercher notre dossard. L’organisation est incroyable : malgré le nombre de
dossards à distribuer, l’attente est quasi nulle). Souper dans un restaurant français à proximité de notre
hôtel situé dans Times Square.
Samedi débute par la course de l’amitié (Friendschip Run) entre les Nations Unies et Central Park (env. 6
km, à un rythme de marathonien). A cette occasion, nous parcourons les derniers kilomètres du marathon
puis nous recevons un petit-déjeuner sur place. Douche puis départ pour le Madison Square Center et
l’Empire State Building. Soirée tranquille et repas à base de pâtes (sucres lents). Derniers préparatifs avec
une nuit courte, puisque…
Dimanche matin, 5h. Le réveil sonne. Il est temps de déjeuner correctement puis de se munir de son habit
de lumière, sans oublier d’accrocher son dossard sur le t-shirt spécialement imprimé et offert aux
participants par l’agence ! Départ à pied pour la New-York Library, d’où partent les bus pour un trajet d’une
durée d’environ une heure. Arrivée au départ du marathon où nous patientons jusqu’au départ…
10h50, le coup de canon est donné. Inutile de se ruer à l’attaque de ces 42 km et 195 m. : tous les
coureurs sont équipés de « chips » électroniques (sur les lacets de nos chaussures) qui déclenchent le
temps de chacun au passage de la cellule sur la ligne de départ au Pont Verrazano. L’organisation du
marathon est toujours aussi impeccable : stands de ravitaillement, massages et boissons, tout est prêt à
vous accueillir durant la course.
Faisons la course ensemble maintenant. Prenez ma place le temps de ce résumé. Vous êtes sur
Ford Wadsworth, à l’extrémité est du Pont Verrazano, campé sur vos deux jambes au milieu
d’une foule bigarrée, armé d’une paire de solides baskets et le moral chancelant. « Que fais-tu
là, mais que fais-tu là ? ».
« Bon, voilà, tu y es. Ton 3ème marathon de New-York… Les conditions de course sont idéales : temps clair
et frais. Certains autour de moi piaffent d’impatience avant de pouvoir commencer à courir normalement.
Les hélicoptères tournaient dans les airs, les orateurs se disputaient le micro pour nous souhaiter une
bonne course. Le maire Giuliani a parlé des événements et c’est une vague de sentiment qui a submergé
les participants. Je me sens tout petit, perdu au milieu de cette marée humaine qui s’élance sur le
majestueux pont Verrazano.
Je vois la photo que j’ai sur mon armoire, chez moi : ce pont rempli de couleurs, de points humains
mouvants, vu depuis un hélicoptère ou encore du haut d’un des piliers de l’immense construction. Non, ne
pense pas déjà à la douleur qui t’attend : profite de chaque minute et du spectacle offert. Sur ma gauche,
les tours jumelles n’existent plus au milieu du Manhattan Skyline. Sentiment de tristesse. Je fais un 1er bilan
physique après la traversée du pont (plus de 3 km !): tout va bien. Tête, souffle, jambes, moral : je vais le
finir quoi qu’il arrive ! La foule de coureurs s’étend de plus en plus et les gens deviennent très nombreux
au bord de la route. L’énergie que la foule nous transmet après quelques kilomètres n’est pas encore un
besoin. Mais les encouragements, qui n’en voudrait pas ?
Après les 15 premiers kilomètres, la fatigue commence à pointer ses souffrances. Mon bilan physique se
noirci : les muscles des jambes ne sont plus aussi souples et une ampoule se prépare sur un doigt de pied.
Toutefois, je reste persuadé que j’ai bien fait de garder mes chaussures d’entraînement pour le marathon ;
celles prévues pour la course, neuves ou presque avec quelques 30 kilomètres, n’étaient pas assez
« faites ». J’ai chaud malgré le fait que les personnes le long de la route portent des habits d’hiver (13 à
15° environ). Je traverse des quartiers très différents selon les endroits. Mexicains, Italiens, Irlandais, Juifs,
Noirs, Espagnols : toute la population de la ville est dans la rue. Concerts improvisés de musique classique,
de rock, disc-jockeys, des gens nous offrent de l’eau, des bananes, des oranges, des sucreries… Les
enfants tendent la main à notre passage et nous leur rendons la tape amicale. Une véritable communion,
une transmission d’énergie positive me permet de continuer d’avancer. Mes pensées sont confuses : j’ai de
la peine à calculer la distance parcourue. J’attends impatiemment de traverser ce satané pont de
Queensboro qui relie les quartiers du Queens avec celui de Manhattan. Là, quoi qu’il arrive, je sais que je
vais terminer ce marathon, peu importe l’état. La douleur augmente mais se fait plus diffuse aussi.
L’endorphine fait son effet. Je dois commencer à puiser dans mes réserves et alterner régulièrement la
course avec la marche. En fait, je cours entre les ravitaillements (chaque mile, soit 1,609 km.) et m’octroie
deux minutes de récupération en marchant et buvant.
J’arrive au 30ème kilomètre, réputé pour être le trou des coureurs de fond. Les réserves physiques sont à
zéro : le moral est primordial pour la suite des événements. Après ce pont interminable, je rentre dans la
célèbre First Avenue, longue de plus de 8 kilomètres. Infernal, sans fin, horrible. Les « blocks » se
succèdent sans que j’aie l’impression d’avancer : c’est vraiment un des pires endroits de la course… Enfin,
Willys Bridge ! Je rentre dans Harlem. Des groupes de gospel chantent a capella au bord du tracé. Un répit
pour la « descente » sur Central Park par le Madison Avenue Bridge. Là, à mes yeux, plus de raisons de ne
pas finir cette course : l’hôtel se trouve après l’arrivée ! Ah, l’hôtel. Une chambre, un lit, une baignoire… et
surtout, tous les produits relaxants que la pharmacie voisine m’a fournis. Je me réjouis d’en profiter, de me
crémer les jambes et de me délasser dans un bain chaud… Bref, retour à la dure réalité. Il me reste plus
de 10 kilomètres ! Et Central Park n’est certainement pas l’endroit le plus sympa : c’est vallonné ! C’est là
que l’amicale de la crampe fait son nid. « You look strong ! » (tu as l’air bien, en forme) me crient des gens
au bord de la route. Je me dis qu’il va falloir rester inflexible pour continuer : ils ne doivent pas bien me
voir ces gens. On voit sur moi que je suis mal. Mes traits sont tirés, mon corps s’affaisse et mes jambes me
portent à peine. Diable, l’envie de s’arrêter pour rentrer en taxi se fait pressante. Pas question ! Chaque
pas te rapproche de la délivrance. Les montées de Central Park annoncent que l’arrivée s’approche. Je
pleure de joie, avant même de voir l’arrivée. Je partage mes impressions avec un Hollandais qui ne
comprend rien de ce que je lui dis, dans un anglais qui devrait pourtant me permettre de converser. C’est
pas grave, on se fait signe que, de toute façon, on est cuit, mais qu’on va le terminer ! Encore une dernière
photo de l’arrivée avec cet appareil qui m’aura occasionné des crampes dans les bras et les épaules.
Je termine avec les larmes aux yeux. Cette ligne n’est rien, mais elle représente une masse d’effort et de
souffrances. Mes derniers mètres dans la plus grande détresse physique : j’ai mal partout ! Mes forces
retrouvées une fois l’arrivée en vue me permettent de me laisser aller, hurler ma joie, tel un footballeur qui
vient de marquer le but de la victoire. Un dernier coup d’œil au chronomètre, puis j’essaie de lever les bras
au ciel en traversant cette ligne et de paraître en état correct pour la traditionnelle photo de l’arrivée, prise
à l’insu de mon plein gré. Après avoir rendu ma « chips » électronique, un officiel me passe la médaille du
finisseur autour du cou. Il me dit que je suis le grand gagnant de la journée. Du coup, mon triste bilan
physique s’efface d’un bon bout : ils sont trop ces Ricains ! Avec 5 heures de trajet, je suis arrivé plus de 3
heures après le gagnant ! Celui-ci, si je calcule encore juste, aurait pu faire 2 tours (pas de gag douteux
SVP) dans le même temps que moi ! On me passe une sorte de couverture en alu autour de mes épaules
pour me réchauffer. Je cherche un endroit où me coucher, ou m’évanouir après l’arrivée.
Trop de monde, impossible de se laisser aller là. Alors je continue à marcher. Je me dis que les
organisateurs doivent vouloir ça : de l’autre côté de la barrière qui nous canalise, il y a des bancs ! J’ai froid
et mes idées sont confuses : encore une fois, j’ai dû aller au fond de moi-même. Quelques minutes plus
tard, je récupère mon sac et rentre très calmement à l’hôtel… à pied ! C’est une tradition, malgré l’état et
les 30 minutes de marche. Cette médaille qui me pend autour du cou me tire contre le sol et je dois faire
des efforts de concentration pour ne pas m’encoubler sur chaque trottoir de New-York. Les gens nous
reconnaissent aisément dans la rue et nous félicitent ! Un petit téléphone en PCV pour annoncer que je
suis toujours vivant à celle qui m’attend à la maison en Suisse, depuis une cabine téléphonique sur
Broadway… Mon contrat est rempli ! ».
Arrivée à l’hôtel avec le sentiment du devoir accompli. Retrouvailles avec mon collègue de chambre déjà
arrivé depuis longtemps, quelques commentaires partagés sur la course, puis un bain à base de produits
reconstituants. La suite se situe à plus de 80 étages au dessus du niveau du sol, dans l’hôtel voisin Marriott
Marquis. Là, dans le restaurant tournant, un apéritif pour les participants était prévu. Inutile de dire que le
verre de vin rouge, longtemps boycotté par les coureurs avant la course pour cause de crampes, était
largement permis. La nuit fut attendue avec impatience par certains !
Le lundi est un jour qui nous permet surtout de faire notre valise, de nous rendre à l’aéroport et de subir
les contrôles douaniers et l’enregistrement fastidieux des bagages… Bien sûr, une grue est nécessaire pour
se lever de son lit ! Le retour en classe économique, avec les jambes qui « tirent », n’est pas le moment le
plus agréable, mais nous sommes arrivés à bon port !
Le vainqueur homme est l’Ethiopien M. Tesfaye Jifar en 2:07:43 et la gagnante femme est la Kenyane Mme
Margaret Okayo en 2:24:21. Les deux ont réalisé là les meilleures performances à ce jour au marathon de
New-York.
Oui, la course à pied c’est bien. Mais à quel prix ? Deux genoux qui ont quelque peine à se plier et des
muscles un peu tétanisés durant encore une bonne semaine… Le physio du coin va se faire un plaisir de
s’en occuper. Et le physique se remet rapidement malgré tout !
Sinon, je me suis amusé à sortir quelques chiffres pour mieux situer l’événement :
- 30'574 inscrits, dont 9'813 femmes (plus de 32% !)
- des coureurs âgés de 18 à 90 ans (1 seul participant de 90 ans, mais 19 de 80 à 89 ans) !
- 9'230 inscrits participaient à leur 1er marathon (plus de 30% !)
- 604 participants suisses, soit moins de 2% du total
- 19'393 américains (63%) et 11'181 étrangers (37%)
- 155 coureurs ont participé à la course en chaise roulante
- records du monde de la distance : 24.10.99 à Chicago en 2:05:42 par M. Khalid Khannouchi (marocain
naturalisé américain) et 07.10.01 à Chicago en 2:18:47 par Mme Catherine Ndereba (Kenya).
Une note très intéressante : le nombre de femmes à n’avoir jamais couru un marathon était de 3'548 (sur
9'813), soit plus de 36% ! Les nouveaux entrants hommes étaient 5'682 (sur 20'761), soit 27%. Au vu de
ces résultats ainsi que de l’écart entre les gagnants des deux sexes (seulement 17 minutes !), doit-on voir
là l’émergence de la gent féminine dans un sport d’endurance tel que le marathon, difficile physiquement
et mentalement éprouvant ? Messieurs, nous devrions faire attention : nous ne serons pas loin de nous
faire dépasser dans les grimpettes de Central Park dans les années à venir !
Voilà. J’espère que j’ai réussi à vous plonger dans l’ambiance de cette course. Il y a encore tellement de
choses à dire que c’est impossible de l’écrire !
Je profite de l’occasion pour remercier tous les participants à cette expédition mémorable. Le groupe était
très homogène et je suis persuadé que de nouvelles amitiés sont nées du partage de cette expérience
unique. D’ailleurs, je donne rendez-vous à tous les amateurs de course à pied qui n’ont pas encore eu le
bonheur de participer à cette course mythique (ou une autre, à Paris, Londres ou Berlin par exemple) de
contacter nos agences de Cossonay ou d’Echallens : une fois dans sa vie de sportif, c’est indispensable de
vivre « ça » de l’intérieur !
Fabrice Martelli