La transition constitutionnelle tunisienne comme laboratoire des
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La transition constitutionnelle tunisienne comme laboratoire des processus constituants contemporains Tania Abbiate* 1. Introduction; 2. Les étapes fondamentales de la transition; 3. La participation; 4. Réflexions conclusives. 1. Introduction La Tunisie est le Pays pionnier des soulèvements populaires qui ont intéressé l’Afrique du Nord et le Moyen Orient entre la fin du 2010 et le débout du 2011, dénommés « Printemps arabe ». L’épisode déclenchant des protestations a été le suicide d’un jeune vendeur des fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, après l’énième confiscation de son petit banc par la police. À partir de ce geste désespéré, qui rassemble sur lui la colère de plusieurs années d’oppression, la population de la Tunisie et des autres pays a donné lieu à manifestations sur les rues et virtuelles. En Tunisie, le soulèvement populaire a réussi à provoquer, sans aucune aide extérieure et sans recours à la violence, la chute du régime autoritaire en place depuis l’indépendance (1956) et le pays a entrepris un processus de transition constitutionnelle, qui représente un champ d’analyse très intéressant. Le processus de réforme institutionnel entrepris par la Tunisie permet en effet de réfléchir sur une caractéristique des processus constituants contemporains, la participation citoyenne. Ce trait est en effet évident dans la transition constitutionnelle tunisienne, qui grâce au niveau élevé du développement du processus de la transformation institutionnelle, est devenu un modèle pour les autres pays de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient. L’objet de cette contribution sera exactement la transition constitutionnelle tunisienne : dans une première partie on se dessinera le cadre normative de la période transitoire et les étapes de la transition ; dans une deuxième partie on approfondira le caractère participatif de l’élaboration de la nouvelle constitution ; enfin, dans la troisième partie, on élaborera quelques considérations conclusives. 2. Les étapes fondamentales de la transition * Doctorante de recherche en droit public comparé à l’Université de Sienne (Italie), [email protected] . 1 Le processus de transformation institutionnelle a été enclenché entre décembre 2010 et janvier 2011 et se caractérise comme tous les transitions constitutionnelles par un enchevêtrement entre faits constituants (de nature sociopolitique) et actes constituants (de nature juridiqueconstitutionnelle)1. Ce mélange des événements politiques et actes juridiques est évident dans le bref encadrement de la période transitoire qui suivit. L’analyse de la transition peut partir du 14 Janvier 2011 avec le départ de l’ancien Président, après les troubles qui ont bouleversé le pays depuis le 17 décembre 2010. Sa fuite ouvre une première question de caractère constitutionnel, puisque les représentants de l’ancien régime tentent de laisser la porte ouverte à un retour de Ben Ali à travers l’application de l’article 56 de la Constitution du 1959 concernant l’empêchement provisoire du Président 2 . Cette tentative ne réussit pas et en effet le Conseil constitutionnel déclare l’empêchement définitif du Président de la République avec application de l’article 57 de la Constitution et attribution temporaire des pouvoirs du Président au Président de la Chambre des Députés, Fouad Mebazaa3. À partir de ce moment initial, la Tunisie a choisi d’élaborer une nouvelle constitution afin de marquer une rupture définitive avec l’ancien régime à travers l’abolition de la Constitution de 1959 et l’élaboration d’une nouvelle carte fondamentale. La volonté d’entreprendre un processus d’élaboration d’une nouvelle constitution est motivée par le fait que le texte du 1959 était dépourvu d’effectivité : il avait seulement un caractère nominal et non substantiel, puisque les dispositions n’étaient pas respectées ou garantis. La choix de commencer le processus est annoncée le 3 mars, 2011 par le Président par intérim qui rende public l’organisation d’élection d’une Assemblée nationale constituante, et elle est formalisé dans le décret-loi n. 14 portant l’organisation provisoire des pouvoirs publics qui entra en vigueur le 15 mars 2011 et représente le première acte de rupture avec l’ordre 1 Voir: A. Lollini, Costituzionalismo e giustizia di transizione: il ruolo costituente della Commissione sudafricana verità e riconciliazione, Il Mulino, Bologna, 2005, p. 60. 2 L’art. 56 de la Constitution du 1959, modifié par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, dispose « En cas d’empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer, par décret, ses attributions au Premier ministre, à l’exclusion du pouvoir de dissolution de la Chambre des députés. Au cours de l’empêchement provisoire du Président de la République, le Gouvernement, même s’il est l’objet d’une motion de censure, reste en place jusqu’à la fin de cet empêchement. Le Président de la République informe le président de la Chambre des députés et le président de la Chambre des conseillers de la délégation provisoire de ses pouvoirs ». 3 L’art. 57 de la Constitution du 1959 modifié par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002 dispose « En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement absolu, le Conseil constitutionnel se réunit immédiatement et constate la vacance définitive à la majorité absolue de ses membres. Il adresse une déclaration à ce sujet au président de la Chambre des conseillers et au président de la Chambre des députés qui est immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l’État par intérim, pour une période variant entre quarante cinq jours au moins et soixante jours au plus. Si la vacance définitive coïncide avec la dissolution de la Chambre des députés, le président de la Chambre des conseillers est investi des fonctions de la Présidence de l’État par intérim et pour la même période. […] ». 2 précédent, puisque il dissout officiellement les Chambres de Députes et des conseillers, le Conseil constitutionnel et le Conseil économique et sociale (art. 2) et il organise le fonctionnement provisoire des institutions de l’état. Ce décret-loi, comptant 19 articles, contienne la discipline des pouvoirs publics dans la période transitoire, en disposant par exemple que « Les textes à caractère législatif sont promulgués sous forme de décrets-lois. Le Président de la République par intérim promulgue les décrets-lois après délibération en conseil des ministres et veille à leur publication au Journal Officiel de la République Tunisienne. » (art. 4), et que « Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République par intérim assisté d'un gouvernement provisoire dirigé par un Premier ministre » (art. 6). À la lumière de son importance, il a été définit « un acte constituant, générateur d’une nouvelle légalité, fondateur, d’un ordre nouveau constitutionnel»4. Dans ce moment initial de la transition, les acteurs de la transition tunisienne ont décidé de créer des nouveaux instances, la plus important de lesquelles est l’Instance supérieure pour la sauvegarde des objectifs de la révolution, des reformes politiques et de la transition démocratique, qui à partir d’un organe de conseil est devenu un proto-parlement chargé de proposer des textes. Son rôle quasi législatif est témoigné par le décret-loi n.27 du 18 avril 2011 su l’Instance supérieure électorale et par le décret-loi n. 35 du 10 mai 2011 relatif à l’élection de l’ANC. Les élections, organisées au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, se sont déroulés le 23 octobre 2011 et elles ont représenté les premières à caractère démocratique, libre et transparente dans le pays5. Aux élections se sont présenté plus de cent partis politiques – phénomène qui s’explique avec la libéralisation de la sphère politique après la chute de régime – et plus de 27 ont obtenu un siège au sein de l’ANC. Dans la situation de fragmentation politique qui est sortie des élections, le partis islamique Ennahda s’est affirmé come première force politique de la Constituant avec 89 sièges sur 217, mais il a obtenu seulement une majorité relative et donc il a formé une coalition avec deux partis séculaires, le Congrès pour la République et Ettakatol pour constituer la majorité gouvernementale. Cette coalition, dénommée troika, est arrivée à compter 138 sur 217 sièges dans l’ANC. 4 Voir : R. Ben Achour, S. Ben Achour, La transition démocratique en Tunisie: entre légalité constitutionnelle et légitimité révolutionnaire, in Revue française de droit constitutionnel, n. 92, 2012, p. 722. 5 Malgré les élections se sont déroulés depuis l’Independence, l’opposition politique n’a jamais eu une réelle possibilité de gagner, puisque la situation politique était signée par le pouvoir presque absolu du partit au pouvoir : tout d’abord le Neo-Déstour de Habib Bourguiba et après le 1987 par le Rassemblement Démocratique Constitutionnelle de Zine El-Abdine Ben Ali. 3 L’Assemblée s’est installée le 22 novembre 2011 et a dédié ses primées mois d’activités à l’élaboration d’un règlement intérieur qui a été approuvé le 20 janvier 2012, et d’une nouvelle organisation des pouvoirs publics, la loi constituante n. 6/2011 du 16 décembre 2011. Cette loi représente l’acte fondamental pendant toute la période transitoire, comme démontre la dénomination « petite constitution ». Entre les dispositions contenues dans cette loi, on souligne qu’elle dote l’ANC des pouvoirs législatifs et constituants (art. 10). L’organisation du fonctionnement de l’Assemblée en détail est disposée par le règlement intérieur qui prescrit la création de six commissions permanentes constituantes, composée par 22 membres représentatifs des groupes parlementaires, 6 et huit commissions permanentes législatives7. Les commissions constituantes ont commencé à travailler à l’élaboration d’une nouvelle Constitution en février 2012 et presque au débout des travaux il s’est posé la question du mandat de l’ANC. Initialement le décret convoquant l’ANC avait imparti un délai d’une année à partir de son élection, mais « dès l’adoption du préambule du texte sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics l’ANC, par vote majoritaire, a rejeté cette limitation arguant de son caractère souverain et de la légitimité populaire »8. Pour ce qui concerne la procédure d’approbation de la nouvelle constitution, l’art. 107 du règlement intérieur dispose que « L’adoption de la Constitution se fait conformément à l’article 3 de la loi fondamentale relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics », et l’article 3 de la « petite constitution » dispose une procédure complexe : « L’Assemblée nationale constituante approuve le projet de Constitution article par article, par la majorité absolue de ses membres, qui sera par la suite approuvé dans sa totalité par la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée, en cas d’impossibilité, le vote se fait par la même majorité à la suite d’une deuxième lecture dans un délai ne dépassant pas un mois de la première lecture, et cas d’impossibilité le projet de Constitution sera soumis au référendum afin qu’elle soit ratifiée la majorité des électeurs ». Toutefois, comme on verra le nouveau texte constitutionnel sera adopté à une forte majorité (200 voix pour sur 217) dans la première lecture. Les années 2012-2013 constituassent la période dans laquelle le nouveau texte est élaboré et sont troublés par de dramatiques épisodes de violence politique qui causent une grave crise politique. 6 Selon, l’art. 64, les commissions constituantes sont les suivants : 1- Commission du Préambule, des principes fondamentaux de la Constitution et de sa révision. 2 - Commission des droits et libertés. 3 Commission du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et la relation entre eux. 4 - Commission de la Magistrature judiciaire, administrative, financière et Constitutionnelle. 5 - Commission des instances Constitutionnels 6 - Commission des collectivités publiques régionales et locales. 7 La liste de commissions législative est contenue dans l’art. 67 du règlement intérieur de l’ANC. 8 Voir : R. Ben Achour, S. Ben Achour, La transition démocratique en Tunisie, cit., p. 731. 4 En effet, le 6 février 2012 Chokri Belaid, un représentant de l’opposition politique et farouche adversaire aux islamistes au pouvoir, est assassiné9. À partir de ce meurtre s’est ouverte une crise politique qui a rejoue son sommet dans l’été 2013, après l’assassinat du député à l’ANC Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. En suite à cet assassinat, environ 70 députés se sont retirés de l’ANC et le processus constituant a semblé tomber. En effet, le 6 aout le Président de l’ANC, Moncef Marzouki, a suspendu les travaux de l’ANC. Pendant ce temps, l’ANC avait élaboré quatre moutures du texte constitutionnel et avait créé une commission chargé de promouvoir l’accord des députés sur la version finale (la Commission du consensus). Arrivé à ce point ici, cependant, le processus risquait d’échouer ; mais heureusement, la table des négociations entre les principales partis politiques, dénommé « Dialogue nationale », organisée par quatre acteurs non institutionnelles (la LTDH, l’UGTT, UTICA et l’ordre des avocats) en octobre a fait prévaloir la volonté d’accomplir le processus de transition constitutionnel. Grâce à l’action de médiation des ces organisations, les forces politiques tunisiennes ont trouvé un accord sur un feuille de route qui a permis l’approbation de la nouvelle constitution le 26 janvier 2014. À la lumière de ce bref cadre de la transition, il s’avère que la Tunisie a jusque-ici traversé avec succès des différentes phases transitoires et surtout la difficile crise politique. Cependant, l’approbation de la nouvelle constitution ne représente pas l’étape finale de la transition, puisque elle n’est pas encore entrée en vigueur et maintenant il s’ouvre la difficile phase de consolidation des principes établis dans le nouveau texte. 3. La participation citoyenne dans la transition constitutionnelle La participation de la citoyenneté dans le processus d’élaboration de la nouvelle constitution représentait une conséquence inévitable des protestations de rue et virtuelles qui avaient provoqué la chute du régime autoritaire et avait donné débout à la transition constitutionnelle. Cependant, la participation a été seulement partialement institutionnalisée et donc elle s’est développée principalement à traves des initiatives de la société civile. Malgré ça, le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution peut être définit participatif. Tout d’abord, on peut distinguer deux profils de la participation : un profil passif, qui concerne l’information à propos des travaux constituants et notamment la transparence, et un 9 Les autorités tunisiennes ont annoncé le 4 février 2014 de avoir tué Kamel Gadhgadhi, l’auteur présumé du meurtre de l’opposant de gauche Chokri Belaïd, au cours d’une opération antiterroriste à Raoued, mais dans le période qui va depuis son assassinat au débout de 2014 Ennahda a été accusé d’avoir caché les responsables de ce grave épisode. 5 profil actif, qui concerne l’engagement direct dans le processus d’élaboration de la Constitution. Pour ce qui concerne le droit d'accès à l'information, on peut noter que le règlement intérieur de l’ANC comporte plusieurs dispositions relatives à l’exigence de transparence et à la publication de ses travaux. L’article 54 dispose « les réunions des commissions sont publiques. […]La commission publie les dates de ses réunions et son ordre du jour sur le site web de l’assemblée. ». L’article 76 dispose « les séances plénières sont publiques et doivent être rendues publiques par divers moyens, notamment : l’annonce des dates des séances plénières et leur ordre du jour ; l’accueil des citoyens et des journalistes dans les places qui leur sont réservées conformément aux décisions prises par le bureau ; la publication des débats et décisions de l’Assemblée ainsi que les résultats du vote et du scrutin dans le Journal officiel de la République de Tunisie dans son numéro réservé aux délibérations de l’Assemblée Nationale Constituante ; la diffusion radiotélévisée des délibérations des séances plénières ; la publication sur le site web de l’ANC ». De plus, le décret-loi 41 du 26 Mai 2011 modifié et complété par le décret-loi 54 du 11 juin 2011 et la circulaire d’application n°25 du 5 mai 2012, définissent les principes qui régissent l’accès aux documents administratifs des organes publics et prévoient le droit pour le citoyen de porter plainte devant le Tribunal administratif en cas de violation du droit d'accès aux documents par l'organisme public. Malgré ces dispositions, l’ANC a été accusé de ne pas publier tous les rapports et procès-verbaux ainsi que le détail des votes des élus réalisé et de travailler en secret. Cette attitude a été la cible de critiques provenant de plusieurs associations de la société civile, qui ont mis en place plusieurs moyens pour garantir le droit d’accès à l'information10. L’exemple le plus significatif est représenté par le projet Marsad (qui signifie la boussole en arabe) crée par l’association Al Bawsala, une organisation non gouvernementale qui aime à faciliter l’accès à l’information, à promouvoir une démocratie participative et à instaurer la règle de transparence. Le projet est constitué par un site web où on peut trouver les biographies des élus ainsi que des interviews, leur participation aux votes et leurs propositions. Marsad représente une source d’information précieuse pour ceux qui sont intéressé au processus constituant puisque il contienne aussi les chroniques des travaux de l’ANC, en arabe et en français. En effet, on peut noter aussi un manque à propos de l’aspect communicatif : le contenu de la page web de l’ANC n’est pas traduit complètement en français et donc les personnes qui ne connaissent pas l’arabe ont des difficultés à accéder aux informations. 10 Voir : Marsad, an à l'assemblée nationale constituante, http://www.marsad.tn/fr/1an/index 6 Pour ce qui concerne le profil actif de la participation, l’analyse peut commencer encore une fois depuis le règlement intérieur de l’ANC. L’Article 59 dispose « Les commissions peuvent approfondir l’étude des sujets qui lui sont soumis et se faire éclairer par les avis des experts et spécialistes soit par le biais de rapports écrits sur des questions précises ou par leurs auditions. […] ». Les commissions constituants ont en effet fait plusieurs auditions, principalement entre mars et décembre 2012, mais plusieurs observatoires ont dénoncé qu’il manquait une méthodologie unique pour auditionner les experts, puisque chaque commission constituante décidait sa méthodologie de travail11. Le règlement intérieur de l’ANC contienne aussi une autre disposition qui concerne une quelque forme d’engagement directe entre citoyenneté, l’article 79 qui dispose « L’Assemblée tient ses séances plénières sur convocation de son Président aux dates fixées par la conférence des Présidents. Il est tenu compte dans ses séances la réservation d’une semaine pour permettre aux membres de communiquer avec les citoyens. ». Cependant, cette disposition n’a eu que une application très limitée. De plus, on doit souligner que l’ANC a crée une équipe chargée des relations avec la société civile, présidée par Badreddine Abdelkafi. Cette équipe a obtenu le soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et a organisé deux journée ouverts, le 13-14 septembre 2012 et une série de rencontres entre députés et citoyens dans les 24 gouvernatorats de la Tunisie et dans le deux circonscriptions à l’étranger12. Les propositions provenant de ces rencontres ont été soumis à l’examen des commissions constituants et l’équipe chargée des relations avec la société civile a élaboré un rapport finale publié sur le site web de l’ANC. De plus, l’ANC a organisé des débats avec les étudiants universitaires à Tunis et Sfax. Certains observatoires ont critiqué ces débats organisé par l’ANC, parce qu’il n’y a pas été une sélection de participants et ils n’ont pas témoigné la tentative d’assurer une représentation égalitaire des positions politiques et idéologiques13. Malgré que ces dispositions et initiatives témoignaient une attention à la question de la participation active des citoyens, ce sont d’autres initiatives qui ont eu un rôle plus déterminants dans ce domaine ici. Les associations de la société civile, souvent supportées par des organisations internationales, ont organisées : des débats citoyens - élus, des initiatives de sensibilisation et éducation civile et ont crée des observatoires de la transition. 11 G. Weichselbaum, Case study : Tunisia, paper presenté au colloque « Stellenbosch Annual Seminar on African constitutionalism », 4-6 septembre 2013. 12 Cette initiative a été dénommé « Dialogue nationale ». 13 G. Weichselbaum, Case study : Tunisia, cit.. 7 Au delà de ces initiatives officielles et non officielles destinés à garantir le droit d’accès à l’information et à renforcer le principe démocratique de la participation citoyenne dans la prise de décision, le caractère participatif du processus constituant tunisien est évident aussi dans les débats et les protestations suivants la publication de certaines propositions des dispositions constitutionnels. Un exemple est représenté par la participation contestataire des femmes, qui ont défendu leurs droits en s’opposant à la proposition de la « complémentarité homme-femme » au lieu de l’égalité dans la nouvelle constitution14. En conclusion, malgré les manques de l’ANC pour ce qui concerne l’ouverture de processus à l’extérieur (aspect qui est définit légitimité procédurale15) les associations de la société civile tunisienne et la citoyenneté ont subvenu à ces carences et ont permis que l’élaboration de la nouvelle constitution fût participative. Cependant, la question centrale est si les propositions avancées par les participants au Dialogue national et aux autres initiatives non officielles ont influencé l’élaboration de la nouvelle constitution, c'est-à-dire l’évaluation de la participation. Dans ce domaine le débat est ouvert : certains observatoires pensent que le processus constituant tunisien a montré la centralité de la bataille politique au regard la nouvelle constitution, tandis que l’influence de la participation de la société civile semble moins évidente16 ; autres soulignent l’abandonnement des propositions les plus radicaux grâce aux protestations de la société civile17. Certainement, l’évaluation de la participation populaire est un aspect très difficile à considérer, mais même s’on peut énumérer tous les aspects critiques concernant la participation, comme le fait que la consultation de la citoyenneté organisée par l’ANC s’est déroulée après l’élaboration de la première mouture de la constitution, on doit reconnaitre que la participation est un caractère désormais nécessaire dans tous les processus constituants18. 14 Voir: L. El Houssi, Tunisia. Complementarietà? no grazie, in Yalla Italia, 1-10-2012, http://www.yallaitalia.it/2012/10/tunisia-complementarieta-no-grazie/ 15 Voir: J. Elster, Lo studio dei processi costituenti : uno schema generale, in G. Zagrebelsky, P.P. Portinaro, J. Luther (cur.), Il futuro della Costituzione, Einaudi, Torino, 1996, pp. 209-228. 16 Cette idée est soutenu par exemple par un rapport de l’association National Democratic Institute qui montre un niveau de satisfaction à propos de la participation plutôt bas : en particulier, les 117 participants au focus groups organisé en Avril 2013 ont dénoncé d’avoir reçu peu d’information et de n’être pas eu consulté suffisamment. Voir : N. Roswell, A. Ben Yahia, Prioritizing patriotism: Tunisian Citizen express their views. Findings from focus groups in Tunisia, 20-29 avril 2013, http://www.ndi.org/files/Tunisia-priortizing-patriotismfocus-groups-june-2013.pdf 17 Interview de l’autrice au Professeur Rafaa Ben Achour, Tunis, 20 février 2014. 18 C. Kirkby, C. Murray, Constitution-Making in Anglophone Africa: We the People?, paper présenté au colloque “Elections, Accountability and Democratic Governance”, Cornell University, New York, 20 avril 2012, p. 7. 8 4. Réflexions conclusives La Tunisie a été le premier pays du monde arabe à avoir entamé un processus de transition constitutionnel, qui a connu plusieurs étapes fondamentales comme les élections de l'Assemblée constituante du 23 Octobre 2011 et l’adoption de la nouvelle Constitution le 26 janvier 2014 à une majorité écrasante de 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions. Cependant le processus a été signé par beaucoup de difficultés et bien que ce type des complications et même les épisodes de violence ne sont pas rien de nouveau dans les transitions, comme montrent le cas de l’Inde où le processus de rédaction de la nouvelle constitution a été compliqué par la violente partition des Indes19 ou le cas de l’Afrique du Sud qui dans la phase d’élaboration de la Constitution intérimaire a été troublé par des épisodes violents20, la situation tunisienne en 2012 et en 2013 était particulièrement grave. Il semblait que l’unité du corps politique se fût effritée: le débat publique était dominé par la polarisation des visions et la stagnation du processus, unie à la détérioration de la situation économique et sociale, alimentait la désillusion de la population. Dans le sommet de la perte d’espoir, les acteurs du processus transitionnel, soutenus par des organes représentatifs de la société civile, ont trouvé un accord pour faire aboutir la rédaction de la nouvelle constitution. Selon le feuille de route approuvé dans le cadre du dialogue national en décembre 2013, la formation d’un nouveau gouvernement intérimaire chargé de préparer de nouvelles élections a permit au processus d’élaboration de la nouvelle constitution de réussir. Le nouveau texte s’inscrit dans le sillage du constitutionalisme libéral-démocratique et révèle en plusieurs dispositions d’être le fruit d’un compromis politique. L’article 1 dispose par exemple que « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. Il n’est pas permis d’amender cet article »21, tandis que l’article 2 dispose « La Tunisie est un Etat civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. Il n’est pas permis d’amender cet article. ». La Constitution contienne beaucoup dispositions qui montrent qu’elle possède l’acquis du constitutionalisme contemporaine, comme un catalogue de droits très riche, comptant droits de première, deuxième, tantième et quatrième génération 22 ; elle garantit la séparation et 19 Voir: H. Lerner, Making Constitutions in deeply divided societies, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2011, pp. 109-151. 20 Voir: V. Federico, Sudafrica, Il Mulino, Bologna, 2009, pp. 51-52. 21 Cet article a été au centre du débat, puisque dans un première moment Ennahda avait tenté d’introduire la Chariaa comme source première du droit, mais la levée de bouclier dans la société civile qui a fait face à cette idée, l a abouti au retrait de la proposition. 22 On peut souligner par exemple la liberté de croyance (art. 6), l’égalité homme-femme (art. 21), le droit de vote (art. 34), le droit à la santé (art. 38), le droit d’accès à l’information (art. 31), le droit à l’eau (art. 44). 9 l'équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif, en instituant un régime politique mixte23 ; elle établit qu’elle est la norme suprême et dispose la création d’une Cour constitutionnelle chargée de garantir la conformité des lois à la Constitution24, ainsi comme des dispositions non amendables et une procédure complexe pour la révision 25 ; enfin, elle dispose la créations de cinq instances constitutionnelles indépendantes chargés de renforcer le régime démocratique dans différents domaines, dont les membres seront élus par une majorité qualifiée26. Comme on a justement souligné, la seconde Constitution tunisienne apparaît donc cohérente et représente le résultat d'un processus démocratique participatif destiné à garantir le développement d'un Etat de droit 27 . La citoyenneté a en effet réclamé de participer directement à la rédaction du nouveau texte constitutionnel et elle a pris partie à la création d’un nouveau ordre institutionnel, grâce principalement aux initiatives promus par les associations de la société civile, comme les syndicats et les organisations non gouvernementales, puisque l’Assemblée n’a pas réglé en détail l’engagement de la citoyenneté dans la phase d’élaboration de la constitution. Au débout de son activité, l’Assemblée n’avait pas crée une campagne d’information et éducation civil et, malgré les dispositions relatif à la transparence dans le règlement intérieur, elle avait assumé une attitude peu transparent, qui a été le cible des critiques des associations de la société civiles, qui ont crée des observatoires de la transition, comme le projet Marsad en se dotant pour mission de rendre transparent le processus d’adoption de la constitution et des lois par l’ANC. La pression provenant de la société civile a forcé l’Assemblée même a organisé des initiatives pour promouvoir la participation citoyenne dans le processus, comme le Dialogue nationale, qui s’est conclus avec la publication d’un rapport finale. Toutefois, l’organisation de programmes participatifs par organe constituant peut être critiqué : les manques principaux sont représentés par l’absence de la création d’une campagne d’information et sensibilisation, 23 24 25 26 27 Chapitre III (arts 50-70) et chapitre IV (arts. 71-101). Arts. 118-124. Chapitre VIII (arts. 143-144). Chapitre VI (arts. 125- 130). Voir : X. Philippe, G. Weichselbaum, Tunisie: la nouvelle Constitution offre-t-elle les garanties d'un Etat démocratique?, in www.huffpostmaghreb.com , 29-01-2014, 10 semblable au celle crée par l’Administration de l’Assemblée constituant sud-africaine28, et par la manqué valorisation du site internet29. Dans le processus constituant tunisien on peut reconnaitre aussi une autre caractéristique des transitons constitutionnelle contemporaine, qui est l’attention pour l’engagement de la communauté internationale30. Plusieurs organisations internationales ont en effet soutenu les associations locales engagées dans la transition et l’Assemblée constituant, en organisant par exemple journées d’études et en proposant aux commissions l’aide des experts internationaux. Pour ce qui concerne le support aux associations locales, un exemple est représenté par le projet Marsad qui est financé par l’organisation Media In Coorporation and Transition soutenue par le ministère allemand des affaires étrangères. Autres exemples sont l’organisation Democracy Reporting International, l’Hanns Seidel Foundation, le Puisqueter Centre, l’Konrad Adenauer Stiftung, etc. Aussi le PNUD a lancé un plan stratégique pour soutenir la Tunisie dans la gestion de sa transition vers la démocratie et à a joué un rôle de support très important surtout dans l’organisation de la consultation engagée entré députés et citoyens dénommée « Dialogue nationale ». Toutefois, l’engagement des Nations Unies a été beaucoup moins important que dans d’autres processus, enclenchés après des conflits, comme en Bosnie ou Cambodge31. Mais, l’acteur international qui a joué le rôle le plus important est la Commission européenne pour la démocratie (Commission de Venise), qui à la demande du président de l'Assemblée nationale constituante tunisienne, M. Mustafa Ben Jaafar, a publie un rapport sur le projet final de Constitution Tunisienne le 17 juillet 2013. Les rapporteurs de la Commission ont exprimé leurs suggestions sur le projet final de Constitution publié par l’ANC le 1 juin 2014 et le texte constitutionnel approuvé le 26 janvier 2014 montre en plusieurs dispositions que les députés ont tenu en compte les conseils provenant de la Commission de Venise. De plus de ces formes d’engagement, les commissions constituants ont auditionné des acteurs non tunisiens et ont fait des missions à l’étranger pour réfléchir sur les expériences étrangères. 28 Voir: The Constitutional Assembly: Annual Report 1996, http://www.polity.org.za/polity/govdocs/constitution/ca/ANREPORT/CA95_96.PDF 29 Il est indicatif que l’ANC a crée une page face book très tardivement, en 2014. Ce retard est particulièrement grave si on considère que dans les révoltes internet et les social network ont joué un rôle important. 30 C. Saunders, Constitution-making in the 21st century, cit., p. 3. 31 Voir: G. De Vergottini, Diritto costituzionale comparato, Cedam, Padova, 2011, pp. 234 e ss. 11 Malgré tout ça, la perception dominante à propos de la procédure d’élaboration du nouveau texte est qu’elle a été un processus interne et la nouvelle constitution est le fruit d’un processus historique. Malgré le fait que l’Assemblée constituante ait été affaibli par l’affrontement entre laïcs et islamistes qui s’est aggravé après les épisodes de violence politique et l’avancement de propositions controversés dans le texte constitutionnel, le récent dépassement de la phase la plus délicate de la transition doit donc être salué positivement : en effet les acteurs de la transition tunisienne ont démontré de être capables de construire une série des pactes politiques susceptibles de déboucher sur l’institutionnalisation d’un régime démocratique32. Il convient toutefois de signaler que la Tunisie doit encore affronter de grandes défis dans les prochaines mois, comme les élections prévues avant la fin du 2014, et la création tout d’abord de l’instance intérimaire chargé de control de constitutionalité et après de la Cour constitutionnel. Les prochaines mois et années seront donc crucials pour évaluer s’il y aura eu un réel processus d’appropriation par la population de la constitution et si le nouveau texte aura installé les gardes fous propres à empêcher un retour au régime dictatorial. 32 Voir : L. Chouikha, E. Gobe, La Tunisie en 2012: Heurs et malheurs d’une transition qui n’en finit pas, in L’Année du Maghreb. 2013, p. 407. 12