Les Suisses ne s`avouent pas vaincus

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Les Suisses ne s`avouent pas vaincus
LE COURRIER
FOCUS
LA LIBERTÉ • MERCREDI 9 AVRIL 2014
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SUISSE
Les Suisses ne s’avouent pas vaincus
ACCORDS ERASMUS • En Allemagne, Espagne, Italie ou Finlande, des hautes écoles ferment leurs portes
aux étudiants suisses. Mais les services d’échanges helvétiques ont du ressort.
PIERRE-ANDRÉ SIEBER
«Du travail de fourmi.» Dans les
bureaux de coordination de feu les
échanges Erasmus de l’Uni de
Lausanne (UNIL), Antoinette
Charon Wauters, cheffe des relations
internationales, n’est pas d’humeur
badine. Depuis l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de
masse, la Suisse est hors jeu des
accords d’échanges «Eramus+».
D’où l’obligation pour les services
des hautes écoles helvétiques de
faire des miracles: conserver
«Erasmus+», rebaptisé SwissEuropean Mobility Programme, en
signer un nouveau sur le modèle
bilatéral simple ou conclure une
nouvelle convention (procédure la
plus lourde).
Alors que cette vaste opération
de rabibochage n’est de loin pas
terminée, une quinzaine d’étudiants de l’UNIL n’ont pas pu trouver de solution en prévision du
semestre prochain. Ainsi, 280 candidatures ont été déposées (un
nombre en augmentation cette
année), dont 95 en médecine et 100
pour la Faculté des hautes études
commerciales (HEC).
Refus d’Unis de qualité
Les trois quarts environ des 210
partenaires de l’UNIL reconduisent
le défunt accord sous le nouveau
label. Ils acceptent les étudiants
suisses pour 2014/15 aux mêmes
conditions d’échange qu’auparavant: l’étudiant reste immatriculé
dans son université mais ne paie
pas de taxe de l’établissement hôte.
A ce jour, 65 accords ont été resignés sous la nouvelle appellation
Swiss-European Mobility. Et 56
réponses sont encore attendues par
le service de coordination de
l’UNIL, principalement d’Espagne,
d’Italie et de France.
«Une quinzaine d’étudiants de
l’Université de Genève sur 280 inscrits pour les échanges n’ont pas de
solution et devront être réorientés
vers d’autres destinations ou
devront payer les taxes exigées»,
précise Olivier Vincent, responsable
du service. «Il faudra peut-être
annuler l’échange.»
Malgré leurs efforts, les Suisses
essuient des refus. La haute école lausannoise dénombre 18 universités de
l’UE qui ne veulent pas reconduire le
défunt programme d’échange et non
des moindres: Philipps Universität
Marburg (Allemagne), Universidad
Complutense
et
Universidad
Autonoma (Madrid), ainsi que les
Uuniversités de Valence en Espagne,
Jyväskylä en Finlande, Pavie, Trente
et Udine (Italie).
De cette liste, cinq établissements avaient été retenus dans les
choix des étudiants de l’UNIL soit
Marburg (lettres), Madrid Autonoma
(géosciences et environnement),
Madrid Complutense (lettres, biologie et médecine) et Valence (médecine et sciences politiques). Il faudra
chercher ailleurs ou payer les taxes.
Anglaises plutôt chères
Les responsables des échanges,
non seulement à l’UNIL mais aussi à
l’Université de Neuchâtel, de Genève
et de Fribourg, constatent des attitudes opposées dans une même
ville. Ainsi, deux hautes écoles
madrilènes poursuivent la collaboration alors que deux autres refusent.
D’autres encore veulent faire payer
les taxes, ce qui est contraire à l’esprit
du programme d’échanges. Les
enchères grimpent jusqu’à 65 euros
(79,50 fr.) le crédit ECTS – système de
points élaboré par l’Union
européenne (UE) et destiné à faciliter la comparaison des programmes
universitaires –, donc 3900 euros
(4770 fr.) pour une année de master.
Certaines universités anglaises
sont chères: elles facturent jusqu’à
10 000 livres sterling (14 751,60 fr.)
pour un semestre! Il est vrai que les
taxes au Royaume-Uni sont très
élevées pour leurs propres étudiants
et qu’elles ne peuvent que très difficilement être comparées à ce qui se
pratique sur le continent, mais tout
de même...
Les universités suisses essuient déjà des refus pour reconduire des programmes d’échanges d’étudiants. KEYSTONE
mettrait de débloquer bien des cas.
Il est certain aussi que bon nombre
d’universités européennes tiennent
autant que nous à ces échanges.»
A l’Université de Fribourg,
Veronika Favre, coordinatrice du
Service des relations internationales
(SRI), indique que la moitié des 200
partenaires continuera à coopérer
tandis que l’autre moitié n’a pas encore donné de réponse. Six ont rompu
les liens: Autonoma et Complutense
à Madrid, Paris Sorbonne, Alexandru
Ioan Cuza à Iasi (Roumanie), et les
Universités
de
Valence (Espagne)
et Montpellier.
Le service de
coordination des
échanges
de
l’Université
de
ANTOINETTE CHARON WAUTERS Neuchâtel (UniNE) dénombre le
«Refusant dans un premier refus de deux hautes écoles de l’UE
temps, des partenaires reviennent seulement sur 100. L’une ne veut
parfois en arrière, mais cela deman- plus accueillir les étudiants de
de des négociations intenses», l’UniNE et l’autre les acceptera avec
poursuit la cheffe des relations un statut de visiteurs, donc en faiinternationales de l’UNIL. «La repri- sant payer plein pot les taxes unise par la Confédération des mon- versitaires. Trois autres établissetants jusque-là assurés par l’UE per- ments liés à l’UniNE par le passé
«Le retour en arrière
exige d’intenses
négociations»
sont en train d’analyser la situation
et les conséquences juridiques sur
leurs institutions, tandis qu’une dizaine d’autres n’ont pas encore
donné suite, l’incertitude durant
jusqu’en juin.
Résolutions inattendues
Les solutions trouvées ne doivent pas faire oublier la difficulté de
la situation. «Nous n’avions vraiment pas besoin de cela», soupire
Olivier Vincent. «Les négociations
ne sont jamais gagnées d’avance.»
Parfois des résolutions inattendues
peuvent intervenir dans la même
ville: à Madrid, c’est l’Universidad
Carlos III qui a accueilli les étudiants
de l’Uni de Genève éconduits par
l’Universidad Complutense…
Une conséquence positive, s’il y
en a une, pourrait être similaire à
celle intervenue après le refus de
l’Espace économique européen
(EEE) en 1992 qui avait – déjà –
bouté la Suisse hors d’Erasmus.
Secouées, les hautes écoles s’étaient
alors dotées de services d’échanges
internationaux et avaient fini par
rétablir la situation en plus de 20
ans d’efforts soutenus. I
Ne pas trop se réjouir…
«Les services d’échanges des hautes écoles ont
mouillé la chemise pour que les échanges se passent
le mieux possible», constate Raymond Werlen, secrétaire général de la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS). «Pour cette année, les
accords sont sauvés. Comment cela jouera à l’avenir?
Il se dégage une incertitude qui ne profite ni aux étudiants, ni aux professeurs.»
Autrement dit, il faut réintégrer le plus rapidement
possible le programme «Erasmus+» en tant que pays
associé, ce qui est le but du Conseil fédéral. C’est bien
l’avis de Gaétan Lagger, conseiller scientifique au
Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à
l’innovation (SEFRI). «On ne pourra pas remplacer la
participation un pour un à «Erasmus+» par d’autres
accords», souligne-t-il. «La pleine association assure à
la Suisse toute une série d’avantages qui dépassent le
cadre de la mobilité estudiantine et représentent pas
moins de 33 volets d’activités en groupe, partenariat
ou réseaux.»
Des nouvelles devraient être données «avant
Pâques» aux hautes écoles suisses concernant la part
du financement qui n’est plus assurée par l’UE. A titre
d’exemple, le montant dépensé par l’UNIL pour les
seuls échanges «Erasmus» en 2013 atteignait
500 000 francs. PAS
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