Raisons morales pour la promotion du sport sans drogue

RAISONS MORALES POUR LA PROMOTION
DU SPORT SANS DROGUE
RÉSUMÉ EXÉCUTIF
©CENTRE CANADIEN POUR L’ÉTHIQUE DANS LE SPORT
Mars 1993
RÉSUMÉ EXÉCUTIF
1re PARTIE.
LES ARGUMENTS ACTUELS NE JUSTIFIENT PAS LES INTERDICTIONS
On utilise généralement quatre groupes d'arguments pour justifier l'interdiction d'utiliser des
drogues dans le sport. À l'heure actuelle, aucun de ces groupes ne fournit de justification
suffisante pour interdire le dopage.
1) Tricherie et injustice
On dit parfois que le dopage est interdit parce qu'il constitue une tricherie et qu'il est injuste.
L'inconvénient de cet argument est qu'une pratique ne devient une tricherie que lorsqu'il y a
un règlement qui l'interdise1. Or, le fait que le dopage soit une tricherie fournit une bonne
raison de l'interdire et le fait que le dopage soit une tricherie donne à certains athlètes une
raison de se montrer très négatifs envers les individus qui s'adonnent au dopage, mais il
n'existe pas encore de raisons qui justifient la création du règlement qui interdit le dopage.
Il en va de même pour l'argument concernant l'injustice. L'idée de justice est reliée au respect
des règlements. Un geste est injuste s'il enfreint les règlements. Cette position donne le
même résultat que l'argument précédent. On a réclamé une notion de la justice qui ne serait
pas reliée aux règlements du sport, sans pour autant justifier cette demande. Cette notion doit
démontrer pourquoi le dopage est par lui-même injuste, même si les concurrents ont décidé
de s'y adonner et même si les règlements le permettent. La capacité de réussite d'un tel
argument n'a pas encore été établie.
1Ce règlement peut être écrit ou verbal, formel ou informel. Il se fonde sur l'entente entre les joueurs qu'un
certain comportement n'est pas acceptable.
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2) Torts
L'argument concernant les torts est présenté de plusieurs points de vue :
(i) Les torts aux athlètes qui s'adonnent au dopage
L'argument veut que le dopage soit interdit pour le bien des athlètes qui s'y adonnent.
Présenté ainsi, cet argument est paternaliste, inconséquent et incomplet. Il est paternaliste
parce que nous ne permettons pas, en général, que l'on s'interpose dans la vie d'adultes
compétents pour protéger les gens contre les maux qu'ils s'infligent. Il est inconséquent parce
que le sport, plus particulièrement le sport d'élite, est par lui-même une activité qui comporte
beaucoup de risques. On cherche encore à s'expliquer pourquoi nous cherchons à protéger
les athlètes contre les effets néfastes du dopage tandis que nous n'essayons pas de les protéger
des effets néfastes qu'ils subissent à la suite d'un entraînement excessif du sport qu'ils
pratiquent. L'argument est incomplet car les preuves de torts que causent les pratiques
considérées comme du dopage sont, au mieux, mitigées. Bien que les fortes doses de
stéroïdes aient des effets néfastes, il semble que ce ne soit pas le cas des faibles doses. On n'a
encore trouvé aucun effet néfaste secondaire au dopage sanguin.
(ii) Les torts aux autres athlètes (qui ne s'adonnent pas au dopage)
L'argument veut que le dopage soit contraignant. Comme le dopage améliore la performance,
il soumet les athlètes qui désirent réussir sans dopage à une pression encore plus forte.
Lorsque certains athlètes font usage de drogues, les non-utilisateurs se voient forcés d'en
utiliser pour ne pas devenir désavantagés. Cet argument a un certain mérite mais il demeure
incomplet parce que le sport d'élite est déjà excessivement contraignant. Si l'on établit que
l'entraînement à plein temps ou l'entraînement à haute altitude ou encore les régimes
alimentaires améliorent la performance, tous les athlètes doivent alors adopter ces
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mesures pour demeurer à la hauteur. La raison pour laquelle le dopage est contraignant n'a
pas encore été établie ni celle qui justifie pourquoi on interdit le dopage et non, par exemple,
l'entraînement à plein temps. Les mérites de cette position, que nous élaborerons lorsque
nous discuterons des justifications des interdictions, est qu'il est possible de démontrer
comment le dopage n'est aucunement pertinent par rapport à certaines affirmations sur les
éléments importants du sport. Si le sport, l'excellence du sport et les concours sportifs sont
un moyen de mettre ses aptitudes à l'épreuve, on peut alors présenter comme argument que la
performance améliorée résultant du dopage perd toute sa pertinence si on la compare à la
nature du concours même. (Surtout si l'on tient compte du fait que si certains athlètes
s'adonnent au dopage, les autres seront forcés de faire de même pour demeurer à la hauteur,
éliminant ainsi l'avantage que procurait le dopage.) Si le dopage n'a rien à voir avec le sport,
nous pouvons l'éviter en disant qu'il est inutilement contraignant, contrairement à un
entraînement accru, qui lui permet d'améliorer les aptitudes en compétition.
(iii) Le tort à la société
Cet argument veut que le dopage cause des torts aux autres individus, surtout aux enfants qui
voient les athlètes comme des exemples. Cet argument peut être utilisé de deux façons.
Premièrement, si les enfants voient que les athlètes ne respectent pas les règlements du sport
qu'ils pratiquent, les règlements, surtout les lois, perdront de la valeur à leurs yeux. Cet
argument n'a de poids que si le dopage est une infraction aux règlements, ce qui ne constitue
pas une justification pour interdire le dopage. Deuxièmement, le dopage sportif est vu
comme une partie d'un problème plus grave que représentent les drogues dans la société.
L'argument veut que si les enfants voient les athlètes utiliser des drogues pour réussir dans les
sports, ils verront les autres drogues comme un moyen viable d'arriver à d'autres fins. Les
limites de cet argument sont qu'il existe bien des choses que nous acceptons chez les
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adultes mais non chez les enfants, comme l'alcool et les cigarettes et le sexe, mais nous
n'interdisons pas ces substances ni ces activités chez les adultes pour la seule raison qu'elles
ne conviennent pas aux enfants.
(iv) Les torts des interdictions
Les raisons citées pour interdire le dopage sont toutes reliées aux torts causés par ces
substances. Malheureusement, comme nous devons renforcer les interdictions que nous
imposons, les interdictions viennent aussi, à leur tour, causer des torts. L'obligation de
surveiller le respect de l'interdiction d'utiliser les aides-à-l'entraînement, ces substances qui
ressemblent aux stéroïdes et qui aident à l'entraînement au lieu d'améliorer la performance
athlétique le jour de la compétition, doit se faire à l'aide de tests inopinés effectués au hasard,
en dehors des compétitions. Ce test est une importante intrusion dans la vie privée des
athlètes. Les athlètes subissent donc des torts en devant se soumettre à ces procédures de
tests pour avoir le droit de participer à des compétitions.
3) Perversion du sport
Cet argument veut que le dopage soit interdit car il est une antithèse de la vraie nature du
sport. Cet argument exige la présentation d'un compte rendu du sport qui démontre les
raisons pour lesquelles le dopage est incompatible. Il n'existe aucune façon de présenter le
sport pour démontrer son incompatibilité avec le dopage. (Ceci est attribuable, en partie, au
fait que le sport a une structure sociale et qu'il n'existe aucune raison évidente pour laquelle
cette structure ne pourrait pas inclure le dopage.) Nous présenterons un argument à l'effet
qu'il existe une façon de présenter le sport qui place la démonstration des aptitudes sportives
comme noyau central du sport. Les aptitudes sportives qui sont définies en fonction du sport
concerné et cette présentation montrera que le dopage n'est pas l'antithèse du sport et qu'il n'a
tout simplement rien à voir avec le sport parce qu'il n'améliore pas les aptitudes et ne fait que
donner un avantage aux athlètes qui s'y adonnent.
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4) Anomalie et déshumanisation
Cet argument prône l'interdiction du dopage parce que ce n'est pas une pratique normale et
qu'il est déshumanisant. L'argument prônant l'anomalie est faible pour deux raisons. La
première raison est que nous ne possédons pas de vraie notion d'«anomalie». La deuxième
raison est nous sommes inconséquents. Chaque notion d'anomalie présentée à ce jour
contient des critères en vertu desquels certaines choses sont permises et d'autres non.
L'argument sur la déshumanisation est intéressant mais incomplet parce que nous n'avons pas
de définition commune de la notion d'«humain». Il est donc difficile de déterminer les
raisons pour lesquelles certaines pratiques sont déshumanisantes. Il y a également un
problème de conséquence. Certaines pratiques, telles le «psycho-dopage», c'est-à-dire la
manipulation mentale des athlètes par le conditionnement opérant, sont permises tandis qu'il
est interdit de se réinjecter son propre sang. Nous tenterons ci-dessous de fournir une
structure qui nous permettra de comprendre davantage l'excellence de l'être humain et voir
pourquoi il faut limiter la poursuite de l'excellence.
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2e PARTIE.
UN PAS D'AVANCE
Notre proposition présente une approche à deux niveaux, offrant une justification morale
d'interdire le dopage sportif.
1) Pourquoi les athlètes ne devraient pas vouloir s'adonner au dopage?
(i) La joie du sport
Les bienfaits intrinsèques du sport
Le sport se compose de pratiques qui fournissent une occasion d'acquérir et de démontrer ses
aptitudes. Chaque sport donne lieu à ce qui est appelé une aptitude pour ce sport. Par
exemple, un renvoi fait du revers et qui dépasse l'adversaire lors de son approche au filet est
une preuve d'aptitudes à cause de tous les éléments qu'il faut maîtriser pour gagner au tennis.
C'est un coup difficile et efficace et c'est ce genre de démonstration d'aptitudes qui fait que le
sport procure autant de plaisir. La joie de faire du sport vient de l'acquisition de bienfaits qui
sont inhérents au sport et qui sont acquis par la maîtrise et la démonstration d'aptitudes. Si la
joie est la principale raison de faire du sport, le dopage perd donc toute sa raison d'être.
(ii) La non-pertinence du dopage
Le sport est un jeu où l'on peut créer des obstacles artificiels pour empêcher que les
participants atteignent trop facilement le but du jeu. Le participant démontre ses aptitudes en
surmontant les obstacles, tout en respectant les limites imposées par les règlements du jeu.
Le dopage n'aide pas à acquérir des aptitudes. Il ne fait que donner un avantage par rapport
aux autres qui ne s'adonnent pas au dopage. Le dopage n'est donc pas pertinent au sport. Ce
qui fait la beauté du sport est la maîtrise et la démonstration d'une aptitude lors d'une
compétition où tous les concurrents sont du même calibre.
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(iii) Prudence athlétique et évitement des risques inutiles
Si le dopage est non pertinent au sport et s'il n'améliore pas les aptitudes, il est facile de
comprendre pourquoi les athlètes choisissent de l'éviter. L'athlète n'a aucune raison de
s'adonner au dopage si les autres concurrents ne le font pas, même si les risques sont minimes
et les probabilités de tort sont faibles. Comme le dopage n'améliore en rien l'aspect «jeu» du
sport, les athlètes ont raison de l'éviter, comme tout mal inutile.
(iv) Le dopage va à l'encontre du sport
Le dopage est contraignant en ce sens que si les athlètes croient que leurs adversaires
s'adonnent au dopage, ils se sentiront obligés de faire de même pour demeurer à la hauteur.
Cette attitude élimine l'avantage compétitif que tentaient d'obtenir les premiers individus qui
se sont adonnés au dopage. Le dopage n'est un avantage que s'il assure la victoire et que
l'adversaire ne s'y adonne pas. Il n'offre aucun avantage si tout le monde s'y adonne.
Ces quatre arguments précisent les raisons pour lesquelles les athlètes devraient décider de ne
pas s'adonner au dopage. Ils indiquent aussi la méthode d'éviter l'intrusion dans l'intimité des
gens à laquelle oblige le respect des règlements. Si les athlètes désirent participer à un sport
sans drogue, comme nos arguments le suggèrent, ils voudront aussi s'assurer que la
compétition est équitable et qu'aucun tricheur ne tente de profiter d'eux. Les athlètes
pourraient se retrouver en position d'exiger qu'on impose le respect des règlements des
limites personnelles qu'ils ont eux-mêmes choisi de façon rationnelle et prudente. Nous
possédons donc la recette pour des tests demandés par les athlètes, ce qui représente une
approche complètement différente de l'approche traditionnelle d'imposition du pouvoir
venant d'en haut que nous avons toujours utilisée.
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2) Raisons pour lesquelles la communauté doit appuyer le sport sans drogue
(i) Étant donné que le dopage est non pertinent au sport, nous devons appuyer le sport sans
drogue selon le principe que nous désirons éviter les risques inutiles pour les athlètes qui ne
désirent pas s'adonner au dopage. Comme le dopage n'améliore pas l'acquisition des bienfaits
intrinsèques du sport, nous pouvons prévenir les effets contraignants du dopage en
l'interdisant.
(ii) La communauté est dans une bonne position pour défendre un certain point de vue de
l'excellence de l'être humain qui pourrait imposer des limites à la poursuite de l'excellence
sportive. Compte tenu que le sport amateur canadien est financé à même les fonds publics, la
communauté peut encourager l'excellence sportive en la situant dans un contexte de vie
humaine complète et d'excellente qualité. Par conséquent, bien que l'excellence en ski alpin
oblige parfois le skieur à prendre de très grands risques, la communauté est dans une bonne
position de limiter ces risques parce qu'elle ne désire pas encourager la vitesse en descente au
détriment d'une longue vie saine. Les partisans du sport devraient communiquer le message
que le sport n'est qu'un des aspects de la vie. L'excellence sportive est un objectif valable
mais sa poursuite ne doit pas se faire au détriment de sa santé ni de son bien-être futur.
Comme le sport est financé à même les fonds publics, la communauté peut imposer des
limites à son appui, des limites qui viennent du désir de promouvoir l'excellence de l'être
humain pendant toute sa vie.
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3e PARTIE
RECOMMANDATIONS
1)
Mettez à l'épreuve et élaborez les raisons morales du sport sans drogue et de l'entente
nationale contre le dopage avec les partenaires concernés. Notre justification morale
est plutôt théorique. L'étape suivante consiste à diffuser cette information d'une façon
qui nous permettrait de la présenter, par exemple, aux athlètes, aux associations
d'entraîneurs, aux ONS, aux éducateurs, à Sport Canada et à l'AOC. Idéalement, ceci
se ferait sous forme d'une brève présentation (ou vidéo) qui prévoit du temps pour la
discussion et de la rétroinformation. Ces présentations pourraient se faire lors de
réunions d'association ou de compétitions d'envergure. Les prochains Jeux du
Canada sont l'occasion idéale de joindre les athlètes. Ainsi, nous pourrons
progressivement affiner la langue et le contenu du consensus antidopage pour obtenir
un appui fondamental et de la part des praticiens pour la diffusion de messages
positifs qui forment le noyau du programme antidopage.
L'étape du développement donnerait lieu à la création d'une approche nationale,
canadienne, aux éléments importants du sport. En obtenant la collaboration des
partenaires à l'étape du développement, nous pourrons produire un programme
antidopage qui appartient à ceux qui seront les plus touchés. L'étape du
développement permettra de créer des programmes et des modules d'information et
d'éducation qui répondront à des besoins spéciaux, comme, par exemple, des sections
qui pourraient être intégrées aux manuels d'entraînement ou des projets d'éducation
des athlètes qui varieraient selon le niveau de scolarité et l'implication compétitive de
l'athlète dans le sport ou encore des plans de cours à l'intention des écoles, et ainsi de
suite.
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2)
Il est important que les messages antidopage créés ci-dessus et qui précèdent
l'annonce de l'engagement du Canada envers le sport sans drogue mettent l'accent sur
les aspects positifs du sport. Les messages doivent insister sur la maîtrise d'aptitudes
et la joie de participer à des compétitions équitables d'excellent calibre. Il s'agit de
promouvoir l'appréciation des bienfaits intrinsèques du sport (les mêmes raisons qui
ont incité les jeunes athlètes à s'adonner au sport) et le vaste principe d'une vie
humaine complète et d'excellente qualité. En remettant l'accent sur les aptitudes et les
bienfaits intrinsèques du sport, vous reléguerez la technologie à l'arrière-plan et
montrerez que ce qui compte est de gagner grâce à des aptitudes supérieures et non de
l'équipement supérieur. (Nous reconnaissons que ce message doit être communiqué
avec beaucoup de circonspection.) Ceci ouvre la voie à une démonstration d'un
engagement envers la sécurité dans le sport.
3)
Diffusez les appuis clairs et forts des gouvernements et des leaders sportifs du
programme antidopage. Les athlètes doivent savoir qu'en rejetant le dopage, ils
jouissent du plein appui des individus qui se préoccupent du sport canadien.
4)
Exercez des pressions pour qu'on apporte des modifications à la liste des substances
et des pratiques interdites. Cette liste est trop encombrante et importune.
5)
Minimisez le caractère intrusif des tests.
6)
Créez une ligne d'information téléphonique hautement visible qui fournira des
renseignements personnels et des conseils aux athlètes.
7)
Créez le poste de défenseur des athlètes. Les athlètes auraient ainsi l'occasion
d'obtenir des conseils si certains les poussent au dopage (par ex., les coéquipiers, les
entraîneurs).
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