TD droit administratif - SP et principe d`égalité
Transcription
TD droit administratif - SP et principe d`égalité
FACULTE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES SOCIALES DROIT ADMINISTRATIF L.II Droit - Année universitaire 2012-2013 Cours de Mme Nathalie Albert – Professeur agrégé de Droit public Chargés de travaux dirigés : Mélanie Cosso, Frédéric Dalibard, Franck Gagnaire, Philippine LohéacDerboulle, Pauline Parinet, Marion Travers Séance n°8 : Service public et principe d’égalité I°) Documents de travail : Sur l’égalité des usagers face aux tarifs des services publics Document n°1 : C.E., Ass., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, AJDA 1974, p.298, chr. Franc-Boyon ; RDP 1975, p.467, note M. Waline. Document n°2 : C.E., 2 décembre 1987, Comm. de Romainville, RFDA 1988, p.414, concl. J. Massot. Document n°3 : C.E., Sect., 29 décembre 1997, Comm. de Genevilliers, RFDA 1998, p.539, concl. J.-H. Stahl; AJDA 1998, p.102, chr. Girardot-Raynaud. Sur les liens entre égalité, neutralité et laïcité du service public Document n°4 : C.E., Avis, 3 mai 2000, Delle Marteau, RFDA 2001, p.146, concl. R. Schwartz ; AJDA 2000, p.602, chr. M. Guyomar et P. Collin. Document n°5 : TA Montreuil, 22 novembre 2011, AJDA 2012 p.163, note S. HennetteVauchez. Document n°6 : Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 (JO 17 mars 2004 p.5190), art.1er. Pour les commentaires, voir not. C. Durand-Prinborgne, « La loi sur la laïcité, une volonté politique au centre de débats de société », AJDA 2004, p.704 ; RDP 2004, n°2, dossier. Document n°7 : C.E., 5 décembre 2007, M. Singh, AJDA 2007, p.2343. Document n° 8: Article de F. Dieu, « Le Conseil d’Etat et la laïcité négative », JCP Adm., 2008, n°2070. Document n°9 : C.E., Ass., 19 juillet 2011, Communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole, AJDA 2011, p.1667, chron. X. Domino et A. Bretonneau ; JCP Adm. 2011, n°39, p.10, note JF Amédro ; D. 2011, n°34, p.2375, note M. Touzeil-Divina. II°) Exercice : Commentez CE, 5 décembre 2007, M. Singh. Document n°1 : C.E., Ass., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, AJDA 1974, p.298, chr. Franc-Boyon ; RDP 1975, p.467, note M. Waline. REQUETE DU SIEUR DENOYEZ [HUBERT] TENDANT A L'ANNULATION DU JUGEMENT DU 7 JUIN 1972 PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS A REJETE SA DEMANDE DIRIGEE CONTRE LA DECISION DU 3 JUIN 1971 DU PREFET DE LA CHARENTEMARITIME REFUSANT D'UNE PART DE LE FAIRE BENEFICIER DU TARIF APPLIQUE AUX HABITANTS DE L'ILE DE RE PAR LA REGIE DEPARTEMENTALE DES PASSAGES D'EAU, D'AUTRE PART DE LUI RESTITUER UN TROPPERCU DU PRIX DEPUIS 1964 ET ENFIN D'ABROGER LE TARIF DES CARTES D'ABONNEMENT EN VIGUEUR DEPUIS JANVIER 1972 SUR LA LIAISON LA PALLICESABLANCEAUX, ENSEMBLE A L'ANNULATION DE LADITE DECISION ET DU TARIF "ABONNEMENT" DE 1972 ; REQUETE DU SIEUR CHORQUES [EDOUARD] TENDANT A L'ANNULATION DU JUGEMENT DU 7 JUIN 1972 PAR LEQUEL LEDIT TRIBUNAL A REJETE SA DEMANDE DIRIGEE CONTRE LA DECISION DU 27 OCTOBRE 1971 DU MEME PREFET REFUSANT DE LUI ACCORDER LE BENEFICE DU TARIF APPLIQUE AUX HABITANTS DE L'ILE DE RE PAR LA REGIE DEPARTEMENTALE DES PASSAGES D'EAU, ENSEMBLE A L'ANNULATION DE LA DITE DECISION ; VU L'ORDONNANCE DU 31 JUILLET 1945 ET LE DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ; LE CODE GENERAL DES IMPOTS ; CONSIDERANT QUE LES REQUETES SUSVISEES DU SIEUR DENOYEZ ET DU SIEUR CHORQUES PRESENTENT A JUGER LA MEME QUESTION ; QU'IL Y A LIEU DE LES JOINDRE POUR Y ETRE STATUE PAR UNE SEULE DECISION ; SUR LES CONCLUSIONS DES REQUETES TENDANT A L'ANNULATION DES DECISIONS DU PREFET DE LA CHARENTE-MARITIME : CONS. QUE LES SIEURS DENOYEZ ET CHORQUES, TOUS DEUX PROPRIETAIRES DANS L'ILE DE RE DE RESIDENCES DE VACANCES, ONT DEMANDE AU PREFET DE LA CHARENTE-MARITIME DE PRENDRE TOUTES DISPOSITIONS POUR QUE LA REGIE DEPARTEMENTALE DES PASSAGES D'EAU, QUI EXPLOITE LE SERVICE DE BACS RELIANT LA PALLICE A SABLANCEAUX [ILE DE RE], LEUR APPLIQUE DORENAVANT NON PLUS LE TARIF GENERAL MAIS SOIT LE TARIF REDUIT RESERVE AUX HABITANTS DE L'ILE DE RE, SOIT, A DEFAUT, LE TARIF CONSENTI AUX HABITANTS DE LA CHARENTE-MARITIME ; QUE, PAR DEUX DECISIONS, RESPECTIVEMENT EN DATE DES 3 JUIN ET 27 OCTOBRE 1971, LE PREFET A REFUSE DE DONNER SATISFACTION A CES DEMANDES ; QUE, PAR LES JUGEMENTS ATTAQUES, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS A REJETE LES REQUETES INTRODUITES CONTRE CES DECISIONS PAR LES SIEURS DENOYEZ ET CHORQUES ; CONS. QUE LE MERITE DES CONCLUSIONS DES REQUETES EST SUBORDONNE A LA LEGALITE DES TROIS TARIFS DISTINCTS INSTITUES, SUR LA LIAISON ENTRE LA PALLICE ET L'ILE DE RE, PAR LE CONSEIL GENERAL DE LA CHARENTEMARITIME ET MIS EN VIGUEUR PAR UN ARRETE PREFECTORAL DU 22 MAI 1970 ; CONS. QUE LA FIXATION DE TARIFS DIFFERENTS APPLICABLES, POUR UN MEME SERVICE RENDU, A DIVERSES CATEGORIES D'USAGERS D'UN SERVICE OU D'UN OUVRAGE PUBLIC IMPLIQUE, A MOINS QU'ELLE NE SOIT LA CONSEQUENCE NECESSAIRE D'UNE LOI, SOIT QU'IL EXISTE ENTRE LES USAGERS DES DIFFERENCES DE SITUATION APPRECIABLES, SOIT QU'UNE NECESSITE D'INTERET GENERAL EN RAPPORT AVEC LES CONDITIONS D'EXPLOITATION DU SERVICE OU DE L'OUVRAGE COMMANDE CETTE MESURE ; CONS., D'UNE PART, QU'IL EXISTE, ENTRE LES PERSONNES RESIDANT DE MANIERE PERMANENTE A L'ILE DE RE ET LES HABITANTS DU CONTINENT DANS SON ENSEMBLE, UNE DIFFERENCE DE SITUATION DE NATURE A JUSTIFIER LES TARIFS DE PASSAGE REDUITS APPLICABLES AUX HABITANTS DE L'ILE ; QU'EN REVANCHE, LES PERSONNES QUI POSSEDENT DANS L'ILE DE RE UNE SIMPLE RESIDENCE D'AGREMENT NE SAURAIENT ETRE REGARDEES COMME REMPLISSANT LES CONDITIONS JUSTIFIANT QUE LEUR SOIT APPLIQUE UN REGIME PREFERENTIEL ; QUE, PAR SUITE, LES REQUERANTS NE SONT PAS FONDES A REVENDIQUER LE BENEFICE DE CE REGIME ; CONS., D'AUTRE PART, QU'IL N'EXISTE AUCUNE NECESSITE D'INTERET GENERAL, NI AUCUNE DIFFERENCE DE SITUATION JUSTIFIANT QU'UN TRAITEMENT PARTICULIER SOIT ACCORDE AUX HABITANTS DE LA CHARENTE-MARITIME AUTRES QUE CEUX DE L'ILE DE RE ; QUE LES CHARGES FINANCIERES SUPPORTEES PAR LE DEPARTEMENT POUR L'AMENAGEMENT DE L'ILE ET L'EQUIPEMENT DU SERVICE DES BACS NE SAURAIENT, EN TOUT ETAT DE CAUSE, DONNER UNE BASE LEGALE A L'APPLICATION AUX HABITANTS DE LA CHARENTE-MARITIME D'UN TARIF DE PASSAGE DIFFERENT DE CELUI APPLICABLE AUX USAGERS QUI RESIDENT HORS DE CE DEPARTEMENT ; QUE, PAR SUITE, LE CONSEIL GENERAL NE POUVAIT PAS LEGALEMENT EDICTER UN TARIF PARTICULIER POUR LES HABITANTS DE LA CHARENTEMARITIME UTILISANT LE SERVICE DE BACS POUR SE RENDRE A L'ILE DE RE ; QUE, PAR VOIE DE CONSEQUENCE, LES SIEURS DENOYEZ ET CHORQUES NE SAURAIENT UTILEMENT SE PREVALOIR DES DISPOSITIONS ILLEGALES DU TARIF DES PASSAGES POUR EN DEMANDER LE BENEFICE ; QU'ILS NE SONT, DES LORS PAS, SUR CE POINT, FONDES A SE PLAINDRE QUE, PAR LES JUGEMENTS ATTAQUES, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS A REJETE LEURS REQUETES ; SUR LES AUTRES CONCLUSIONS DE LA REQUETE DU SIEUR DENOYEZ : CONS., D'UNE PART, QUE LES CONCLUSIONS EN INDEMNITE ET LES CONCLUSIONS TENDANT AU REMBOURSEMENT DU TROP-PERCU QUE LE SIEUR DENOYEZ IMPUTE A L'APPLICATION QUI LUI A ETE FAITE DES TARIFS EN VIGUEUR NE SAURAIENT, EN CONSEQUENCE DE CE QUI A ETE DIT CI-DESSUS, ETRE ACCUEILLIES ; CONS., D'AUTRE PART, QUE LES CONCLUSIONS TENDANT A L'ANNULATION DES TARIFS D'ABONNEMENT ETABLIS POUR L'ANNEE 1972 ONT ETE PRESENTEES POUR LA PREMIERE FOIS EN APPEL ; QU'ELLES SONT, PAR SUITE, IRRECEVABLES ;... [REJET AVEC DEPENS]. Document n°2 : CE, 2 décembre 1987, Comm. de Romainville, RFDA 1988, p.414, concl. J. Massot. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1985 et 2 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE ROMAINVILLE, représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : °1 annule le jugement en date du 26 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération en date du 2 octobre 1984 par laquelle le conseil municipal a fixé les droits d'inscription à l'école nationale de musique de Romainville pour l'année scolaire 1984-1985 ; °2 rejette le déféré présenté par le préfet, commissaire de la République du département de Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de Paris, Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu le code des communes ; Vu la loi °n 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi °n 82-623 du 22 juillet 1982 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. Lecat, Maître des requêtes, - les observations de Me Ryziger, avocat de la Commune de Romainville, - les conclusions de M. Massot, Commissaire du gouvernement ; Considérant que le préfet, commissaire de la République du département de Seine-Saint- Denis, a déféré au tribunal administratif de Paris la délibération en date du 2 octobre 1984 par laquelle le conseil municipal de Romainville a fixé les droits d'inscription à l'école nationale de musique de Romainville pour l'année scolaire 1984-1985 ; que ces droits comportent des montants différents pour les "élèves extérieurs" et pour les élèves domiciliés sur le territoire de la commune et, en ce qui concerne les "élèves extérieurs" une différence des droits applicables aux "anciens années scolaires 1982-83 et avant" et aux "nouveaux" ; Considérant que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure ; Considérant que, s'il existe entre les usagers de l'école nationale de musique de Romainville, service public municipal non obligatoire, domiciliés sur le territoire de cette commune, et les usagers non domiciliés sur le territoire de la commune, une différence de situation de nature à justifier des tarifs différents dont il n'est pas contesté que le plus élevé d'entre eux n'excède pas le prix de revient du service fourni, il n'y a pas, en l'espèce, entre la qualité d'ancien ou de nouvel élève de cette école de différence de situation de nature à justifier l'application d'une discrimination de tarifs entre les élèves extérieurs à la commune et les élèves qui y sont domiciliés ; que la COMMUNE DE ROMAINILLE n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué en date du 26 juin 1985 le tribunal administratif de Paris a annulé comme entachée d'une discrimination illégale la délibération du 2 octobre 1984 fixant les tarifs de fréquentation de l'école nationale de musique de Romainville pour l'année scolaire 1984-1985 ; DECIDE : Article 1er : La requête de la COMMUNE DE ROMAINVILLE est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE ROMAINVILLE, au préfet, commissaire de la République du département de Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur. Document n°3 : CE, Sect., 29 décembre 1997, Comm. de Genevilliers, RFDA 1998, p.539, concl. J.H. Stahl; AJDA 1998, p.102, chr. Girardot-Raynaud. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 mars 1994 et 19 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Gennevilliers, représentée par son maire en exercice ; la commune de Gennevilliers demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, sur déféré du préfet des Hauts-de-Seine, la délibération du conseil municipal du 23 juin 1989 relative à la fixation des droits d'inscription au conservatoire municipal de musique pour l'année scolaire 19891990 ; 2°) de rejeter le déféré du préfet des Hauts-de-Seine devant le tribunal administratif ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Considérant que, par une délibération du 23 juin 1989, le conseil municipal de Gennevilliers a fixé les droits d'inscription au conservatoire municipal de musique en différenciant leur montant en fonction des ressources des familles des élèves et du nombre de personnes vivant au foyer ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le fonctionnement du conservatoire de musique de Gennevilliers constitue un service public municipal administratif à caractère facultatif ; qu'eu égard à l'intérêt général qui s'attache à ce que le conservatoire de musique puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs possibilités financières, le conseil municipal de Gennevilliers a pu, sans méconnaître le principe d'égalité entre les usagers du service public, fixer des droits d'inscription différents selon les ressources des familles, dès lors notamment que les droits les plus élevés restent inférieurs au coût par élève du fonctionnement de l'école ; que la commune de Gennevilliers est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, retenant l'unique moyen du déféré préfectoral tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, a annulé la délibération litigieuse ; Document n°4 : CE , Avis, 3 mai 2000, Delle Marteau, RFDA 2001, p.146, concl. R. Schwartz ; AJDA 2000, p.602, chr. M. Guyomar et P. Collin. Vu, enregistré le 2 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 25 janvier 2000 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-enChampagne, avant de statuer sur la demande de Mlle Julie MARTEAUX tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 1999 par lequel le recteur de l'académie de Reims a mis fin à ses fonctions de surveillante intérimaire à temps complet, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) les exigences tenant aux principes de la laïcité de l'Etat et de la neutralité des services publics qui fondent l'obligation de réserve incombant à un agent public, doivent-elles être appréciées en fonction de la nature des services publics concernés ; 2°) dans le cas du service public de l'enseignement, convient-il de distinguer suivant que l'agent assure ou non des fonctions éducatives et, dans cette éventualité, suivant qu'il exerce ou non des fonctions d'enseignement ; 3°) convient-il, dans certains cas, d'opérer une distinction entre les signes religieux selon leur nature ou le degré de leur caractère ostentatoire ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et notamment son article 12 ; Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 ; Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ; 1°) Il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble de ceux-ci ; 2°) Si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ; Il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions d'enseignement ; 3°) Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ; Les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l'administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté ; Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à Mlle Julie MARTEAUX, au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au ministre de l'éducation nationale ; Il sera publié au Journal officiel de la République française. Document n°5 : TA Montreuil, 22 novembre 2011, AJDA 2012 p.163, note S. Hennette-Vauchez Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2010, présentée par Mme O. ; Mme O. demande au tribunal d'annuler la disposition du règlement intérieur de l'école élémentaire Paul Lafargue à Montreuil, selon laquelle « les parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires doivent respecter dans leur tenue et leurs propos la neutralité de l'école laïque » ; (…) Considérant, en premier lieu, que Mme O. soutient que l'article du règlement intérieur contesté disposant que : « Les parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires doivent respecter dans leur tenue et leurs propos le principe de neutralité de l'école laïque » est dépourvu de base légale ; Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances » ; Considérant qu'il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble de ceux-ci ; que les parents d'élèves volontaires pour accompagner les sorties scolaires participent, dans ce cadre, au service public de l'éducation ; que le principe de la laïcité de l'enseignement public, qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé, dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes, les enseignants et les personnels qui interviennent auprès des élèves et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves ; que si les parents d'élèves participant au service public d'éducation bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur leur religion ou sur leurs opinions, le principe de neutralité de l'école laïque fait obstacle à ce qu'ils manifestent, dans le cadre de l'accompagnement d'une sortie scolaire, par leur tenue ou par leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques ; Considérant que la disposition contestée constitue, indépendamment du contexte local, une application du principe constitutionnel de neutralité du service public à l'accompagnement des sorties scolaires par les parents d'élèves, qui participent en tant qu'accompagnateurs au service public de l'école élémentaire ; que, par suite, Mme O. n'est pas fondée à soutenir que la disposition attaquée ne repose sur aucun fondement légal ou méconnaîtrait le domaine de la loi défini par l'article 34 de la Constitution ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les règlements intérieurs des autres écoles de la commune ne prévoiraient pas une telle disposition et que les mères portant un voile y seraient admises pour accompagner les sorties scolaires ne peut qu'être écarté ; enfants ; Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de l'intérêt qui s'attache aux principes de laïcité et de neutralité du service public dans les établissements scolaires publics, la disposition attaquée ne porte pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 18 du pacte international des droits civils et politiques ; qu'en outre, une telle disposition, qui est prise sans distinction entre les confessions des parents d'élèves, ne méconnaît pas, comme il a été dit précédemment, le principe de nondiscrimination édicté par les stipulations de l'article 14 de cette Convention ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 18 du pacte international des droits civils et politiques doivent être écartés ; Considérant, en troisième lieu, que la requérante ne peut utilement invoquer l'article 2 de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui ne concerne que les activités salariées ; Considérant, en quatrième lieu, que l'accompagnement des sorties scolaires par les parents d'élèves ne constitue pas un droit ; que, par suite, Mme O. n'est pas fondée à soutenir que la disposition attaquée du règlement intérieur aurait méconnu le droit des parents d'élèves à accompagner les sorties scolaires auxquelles participent leurs Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; Considérant que la disposition attaquée qui, ainsi qu'il a été dit, tend à protéger la liberté de conscience des élèves, ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations susvisées ; Considérant, en sixième lieu, que la recommandation n° 2007-117 du 14 mai 2007 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ne porte pas sur la disposition du règlement intérieur de l'école Paul Lafargue ; que Mme O. n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à en demander l'application au présent litige ; Considérant, enfin, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le règlement intérieur d'un établissement scolaire, lequel en l'espèce a pour objet, par la disposition contestée, de rappeler le principe de neutralité de l'école laïque, soit tenu de respecter ou de contribuer à la cohésion sociale ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme O. n'est pas fondée à solliciter l'annulation de la disposition du règlement intérieur de l'école élémentaire Paul Lafargue à Montreuil, selon laquelle « les parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires doivent respecter dans leur tenue et leurs propos la neutralité de l'école laïque » ; Décide : Article 1er : La requête de Mme O. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme O. et au recteur de l'académie de Créteil. Copie en sera adressée au directeur de l'école élémentaire Paul Lafargue. Document n°6 : Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 (JO 17 mars 2004 p.5190), art.1er. Article 1er Il est inséré, dans le code de l'éducation, après l'article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé : « Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. « Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. » Document n°7 : CE, 5 décembre 2007, M. Singh et M. et Mme Ghazal Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 22 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chain A, représentant son fils mineur Ranjit A, demeurant [...] ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 2005 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2004 du recteur de l'académie de Créteil confirmant la mesure d'exclusion définitive de Ranjit A du lycée Louise Michel de Bobigny prononcée le 5 novembre 2004 par le conseil de discipline du lycée ; (…) Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le conseil de discipline du lycée Louise-Michel de Bobigny (Seine-Saint-Denis), a, lors de sa séance du 5 novembre 2004, prononcé la sanction de l'exclusion définitive sans sursis de l'établissement de Ranjit A, élève de première, pour ne pas avoir respecté la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ; que, par une décision du 10 décembre 2004, prise après avis de la commission académique d'appel, le recteur de l'académie de Créteil a maintenu cette sanction ; que M. Chain A, agissant en qualité de représentant de son fils mineur Ranjit, demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 décembre 2004 ; Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que le sous-turban porté au lycée par Ranjit A n'est pas un vêtement religieux et n'est pas un signe dont le port est interdit dans les lycées publics par l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, manque en fait ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-51 du code de l'éducation issu de la loi du 15 mars 2004 : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ; Considérant qu'en estimant que le keshi sikh (sous-turban), porté par Ranjit A dans l'enceinte scolaire, bien qu'il soit d'une dimension plus modeste que le turban traditionnel et de couleur sombre, ne pouvait être qualifié de signe discret et que l'intéressé, par le seul port de ce signe, a manifesté ostensiblement son appartenance à la religion sikhe, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ; Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique [...] la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. - 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que selon l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que, compte tenu de l'intérêt qui s'attache au respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics, la sanction de l'exclusion définitive prononcée à l'égard d'un élève qui ne se conforme pas à l'interdiction légale du port de signes extérieurs d'appartenance religieuse n'entraîne pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l'article 9 cité ci-dessus ; que ladite sanction, qui vise à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics sans discrimination entre les confessions des élèves, ne méconnaît pas non plus le principe de nondiscrimination édicté par les stipulations de l'article 14 cité ci-dessus ; que dès lors, en jugeant que la décision attaquée ne méconnaissait pas les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit ; Considérant que les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait constitutive d'une discrimination à l'égard de la minorité nationale que formerait la communauté sikhe de France, contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une violation de l'article 8 de la même convention, sont nouveaux en cassation et ne sont donc pas recevables ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Chain A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Décide : Article 1er : La requête formée par M. Chain A représentant son fils mineur Ranjit A est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Chain A et au ministre de l'Education nationale. Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Créteil. Document n°8 : Le Conseil d'État et la laïcité négative Etude rédigée par : Frédéric Dieu Commissaire du gouvernement près le tribunal administratif de Nice JCP, Administrations et Collectivités territoriales, n° 13, 24 Mars 2008, n°2070 Se dirige-t-on, dans les établissements scolaires, vers une laïcité négative, réprimant toute manifestation d'appartenance religieuse un tant soit peu visible ? C'est ce que semblent indiquer les premières décisions du Conseil d'État relatives à l'application de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation qui, non seulement, appliquent strictement l'interdiction issue de la loi du 15 mars 2004 mais qui, en outre, en étendent considérablement la portée. Introduction 1. - Par quatre décisions en date du 5 décembre 2007Note 1, le Conseil d'État vient pour la première fois de faire application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation issues de la loi du 15 mars 2004Note 2 en prohibant le port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Ces décisions confirment, d'abord, l'interprétation stricte qui est faite de ces dispositions par l'Administration et le juge administratif : aucun élève n'a pour l'instant eu gain de cause en la matière et il est fort probable qu'il en sera ainsi à l'avenir. Le Conseil d'État a ainsi été amené à revenir sur sa jurisprudence antérieure issue de l'avis du 27 novembre 1989 qui avait posé une autorisation de principe des signes religieux à l'école. Désormais, l'interdiction est la règle tandis que l'autorisation est l'exception. Surtout, la Haute assemblée a confirmé que l'interdiction valait quels que soient l'intention et le comportement de l'élève en cause. 2. - Toutefois, de manière prétorienne et à la suite de la circulaire du 18 mai 2004 relative à l'application de la loi du 15 mars 2004 dont il avait examiné et confirmé la légalité, le Conseil d'État a créé une nouvelle catégorie de signes d'appartenance religieuse prohibés : celle des signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève. Ce faisant, le Conseil n'a fait ni plus ni moins qu'ajouter à la loi en étendant le champ de l'interdiction qu'elle prévoit. Si donc, sur le plan du raisonnement, cet ajout manifeste une certaine continuité avec la jurisprudence antérieure issue de l'avis du 27 novembre 1989, puisqu'il conduit le juge à s'intéresser, si ce n'est aux motivations (prosélytisme ou non) et aux attitudes (absentéisme ou non, caractère revendicatif ou non) de l'élève, du moins à son comportement, sur le plan des principes, il manifeste un total revirement puisque, non seulement, le Conseil, sur l'injonction du législateur, interdit aujourd'hui ce qu'il autorisait hier mais puisque, en outre, et surtout, de sa propre initiative, il étend considérablement le champ d'application de cette interdiction, laissant en la matière à l'Administration une grande marge d'appréciation dont la compatibilité avec les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est loin d'être évidente. 3. - Les quatre décisions du 5 décembre 2007, à la suite de la loi du 15 mars 2004, affirment ainsi le développement d'une laïcité négative à l'école, c'est-à-dire d'une laïcité qui refuse de laisser à la religion et, bien plus, à tout ce qui peut faire penser à la religion, toute possibilité d'expression. 1. Le Conseil d'État confirme le caractère en principe objectif de l'interdiction posée par l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation A. - La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 a substitué à l'analyse subjective et permissive jusqu'alors effectuée par la jurisprudence relative aux signes religieux une approche objective et répressive 1° Sur le fondement de l'avis du 27 novembre 1989, la jurisprudence administrative avait autorisé le port de signes religieux sous certaines réserves 4. - Par l'avis qu'il a rendu le 27 novembre 1989 dans le cadre de ses attributions consultatives, le Conseil d'État a pris position sur le droit des élèves de porter des signes d'appartenance religieuseNote 3. Il a estimé que la liberté de conscience comportait pour les élèves « le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ». Il en a déduit que le port de signes d'appartenance religieuse ne saurait faire l'objet d'une interdiction générale et absolue : le port par un élève, d'un signe visible manifestant son appartenance religieuse n'est donc pas, en lui-même, c'est-à-dire en principe, contraire au principe de laïcité. 5. - Adoptant le même raisonnement, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé un règlement intérieur qui interdisait le port de tout signe religieux à l'intérieur de l'établissementNote 4. Dans ce même arrêt, le Conseil d'État a affirmé, au bénéfice des élèves, le « droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires », droit dont l'exercice peut impliquer « le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance religieuse », avant, en l'espèce, d'indiquer que le port d'un « foulard qualifié de signe d'appartenance religieuse » par les élèves en cause n'avait pas le « caractère d'un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande », ne portait pas « atteinte à la dignité, à la liberté, à la santé ou à la sécurité des élèves » et ne perturbait pas « l'ordre dans l'établissement ou le déroulement des activités d'enseignement ». C'est ainsi que le Conseil a pu annuler la décision d'exclusion définitive qui avait été prise à l'encontre des élèves qui n'avaient rien fait d'autre qu'arborer un foulard manifestant leur appartenance religieuse. 6. - Plus généralement, l'autorisation de principe du port de signes religieux par les élèves des établissements publics a conduit le Conseil d'État à annuler les décisions prononçant des sanctions qui étaient fondées sur le seul port de ces signes religieuxNote 5. Dans trois arrêts du 27 novembre 1996Note 6, le Conseil d'État a ainsi très nettement distingué la situation dans laquelle la sanction est fondée sur le seul port du foulard islamique et est donc illégaleNote 7 des situations dans lesquelles cette sanction est fondée soit sur l'existence d'un trouble au bon fonctionnement de l'établissementNote 8, soit sur un manquement à l'obligation d'assiduitéNote 9. Il a, en revanche, considéré que l'Administration pouvait légalement interdire le port d'un foulard par des jeunes filles de confession musulmane pendant les cours d'éducation physique, en raison de l'incompatibilité entre cet élément vestimentaire et les nécessités de cet enseignement Note 10. 7. - La recherche d'une conciliation entre le droit de manifester et de pratiquer sa religion et les devoirs pesant sur l'élèveNote 11 a ainsi conduit le Conseil d'État à écarter tout refus de principe des autorisations d'absence demandées par certains élèves pour des motifs religieux Note 12. Contrairement aux conclusions de son commissaire du gouvernement qui estimait qu'une demande de dérogation portant sur un jour (le samedi matin) de chaque semaine était incompatible, par nature, avec l'obligation d'assiduité, en ce qu'elle tendait à la définition d'une règle particulière applicable, par dérogation, à la communauté et, ainsi, quasiment à l'octroi pour l'élève en cause d'un statut personnel, le Conseil a donc rejeté la requête, non pas en se fondant sur le caractère systématique de l'autorisation sollicitée, mais sur les exigences de la scolarité que suivait l'élève. Cela signifiait donc que l'Administration, saisie d'une demande d'autorisation d'absence pour un jour de chaque semaine, pouvait éventuellement y faire droit et devait en tout cas examiner si la dispense sollicitée était en l'espèce compatible avec le déroulement normal de la scolarité et le respect de l'ordre public dans l'établissement. Cette solution constitue, selon nous, l'expression la plus forte de la volonté de promouvoir une laïcité de reconnaissance et non doctrinaireNote 13 qui a animé le Conseil d'État durant les années 90. Étaient ainsi affirmées la possibilité et la volonté de concilier le respect des obligations scolaires avec le droit de manifester et pratiquer sa religion. 8. - Au total, ainsi que le soulignait le commissaire du gouvernement Kessler, commentant la portée de l'avis du 27 novembre 1989 dans ses conclusions sous l'arrêt précité Kherouaa : « la laïcité n'apparaît plus comme un principe qui justifie l'interdiction de toute manifestation religieuse. L'enseignement est laïc non parce qu'il interdit l'expression des différentes fois mais au contraire parce qu'il les tolère toutes [(...) il y a là] un renversement de perspective qui fait de la liberté le principe et de l'interdiction l'exception ». Nous n'étions donc pas loin alors de la « laïcité positive » qui reconnaît ou du moins tolère l'ensemble des religions et leur permet de s'exprimer au sein de l'espace public. Cependant, la loi du 15 mars 2004 est venue et l'approche des parlementaires, de la commission Stasi et du président de la République fut à cet égard radicalement différente puisqu'elle aboutit à interdire certains signes en raison de leur caractère « visible » ou « ostensible » et non en raison des conséquences qui résultent du port de ces signes. 2° La loi du 15 mars 2004 a posé une interdiction de principe des signes ostensibles d'appartenance religieuse 9. - Issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004, l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation dispose : « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ». 10. - Notons d'ores et déjà que si le Conseil constitutionnel avait été saisi de la loi, il n'est pas sûr qu'il en aurait admis la conformité à la Constitution. En effet, si le juge constitutionnel a interprété l'article 1er de la Constitution de 1958 comme interdisant « à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers »Note 14, cela ne nous semble pas pouvoir être interprété comme la légitimation a posteriori de la loi sur les signes religieux à l'école au regard de la Constitution. En effet, la loi du 15 mars 2004 édicte une interdiction du port des signes manifestant une appartenance religieuse quel que soit le comportement des élèves, c'està-dire que l'interdiction est de rigueur même si ceux-ci ne se prévalent pas de leur religion pour « s'affranchir des règles communes régissant les relations » entre eux-mêmes et l'établissement scolaire, règles communes relatives notamment à l'obligation d'assiduité et à la neutralité de l'enseignement. En fait, c'est seulement, il nous semble, lorsque l'élève se prévaut de sa religion pour s'affranchir de l'obligation d'assiduité (par exemple en n'allant pas en cours le samedi s'il est de confession juive ou le vendredi s'il est de confession musulmane) ou s'il perturbe le fonctionnement des enseignements et plus généralement de l'établissement (en adoptant un comportement prosélyte ou renvendicatif) qu'il enfreint les règles communes. Au total, la décision du Conseil constitutionnel est donc plutôt un rappel de l'esprit de la jurisprudence administrative issue de l'avis du 27 novembre 1989, qui n'interdisait le port de signes religieux qu'en cas de comportement prosélyte ou de méconnaissance des obligations scolaires, qu'une « validation » de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004. 11. - Il résulte précisément des dispositions de cette loi, telles qu'éclairées et même, nous y reviendrons, complétées par la circulaire « Fillon » du 18 mai 2004, que les signes concernés sont « ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse »Note 15. Il s'agit notamment des signes caractéristiques des trois grandes religions monothéistes existantes : le voile islamique, la kippa juive et la croix chrétienne de dimension manifestement excessive. La circulaire indique même, à propos du voile, que l'interdiction vaut « quel que soit le nom qu'on lui donne ». La circulaire confirme ensuite ce que l'exposé des motifs du projet de loi indiquait déjà : « la loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets ». Lors de l'examen du recours formé contre cette circulaire, le Conseil d'État a considéré que celle-ci s'était bornée à rappeler et à expliciter les termes de la loiNote 16. C'est dire que le Conseil d'État a pleinement « validé » l'explicitation par cette circulaire des dispositions de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004. 12. - Sur le plan juridique, cette expression irréductible de la liberté de religion des élèves est la condition sine qua non de la constitutionnalité (articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) comme de la conventionnalité (art. 9 Conv. EDH) des dispositions de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004. La protection ainsi accordée à cette liberté fondamentale empêche le législateur d'instaurer une interdiction générale et absolue du port de tous signes religieux à l'école et c'est pourquoi la loi parle du port de « signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse » et non, comme le proposait la mission d'information de l'Assemblée nationale dans son rapport du 4 décembre 2003, de « signes visibles ». La seconde expression aurait, en effet, impliqué une interdiction générale de tous les signes religieux à l'école puisque tous les signes visibles, même discrets, auraient été alors prohibés. L'esprit de la jurisprudence administrative perdure sur ce point : un règlement intérieur qui interdirait aux élèves de porter tout signe religieux serait illégalNote 17. Sur le plan pratique, la circulaire ne fournit, en revanche, aucun exemple de ces signes religieux discrets. En se fondant sur les rapports parlementairesNote 18, on peut estimer qu'une petite croix, une médaille de dimension modeste, une étoile de David ou une main de Fatima figurent au nombre de ces signes discrets. 13. - Des signes discrets tels qu'une médaille ne peuvent donc être regardés comme manifestant ostensiblement une appartenance religieuse au sens de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation. Cette interprétation de l'article L. 141-5-1 marque ainsi une certaine continuité avec les solutions jurisprudentielles antérieures à l'adoption de la loi du 15 mars 2004 et selon lesquelles, nous l'avons vu, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas, par lui-même, incompatible avec le principe de laïcité. 14. - Soulignons donc que la loi du 15 mars 2004 n'a pas pour but de prohiber le port de signes ou tenues religieuses mais d'interdire le port de tels signes ou tenues lorsqu'il manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. La différence est essentielle dans la mesure où cette interdiction est beaucoup plus large que la prohibition évoquée : peu importe, en effet, que le signe ou la tenue en cause n'aient pas, en eux-mêmes, et pour ceux qui les portent, une signification et une valeur religieuses puisque seul compte le sens qui leur est donné par autrui, c'est-à-dire par l'opinion publique, et, en l'espèce, par les autres élèves fréquentant le même établissement. Précisons à cet égard que c'est en premier lieu au chef d'établissement qu'incombe la tâche de déterminer si le signe ou la tenue en cause peut être perçu par les autres élèves comme une manifestation ostensible d'appartenance religieuse. De manière remarquable, la Cour de cassation a d'ailleurs également retenu la notion de manifestation ostensible des convictions religieuses pour considérer que la prohibition du port du voile par le règlement intérieur d'un collège catholique n'affectait pas ces convictions mais « un simple mode d'expression ostensible de celles-ci » et que cette prohibition ne méconnaissait donc pas le droit de manifester sa religion garanti par les stipulations de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentalesNote 19. L'on voit donc que l'esprit de la loi du 15 mars 2004, bien que ce texte ne soit pas applicable aux établissements scolaires privés, plane également sur eux et que le juge judiciaire a également retenu une interprétation objective, détachée de tout examen du comportement de l'élève, de la notion de signes d'appartenance religieuse alors même qu'il n'en avait pas l'obligation. 15. - Il y a là, en tout état de cause, une objectivation de la notion de signe religieux par rapport à la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989, laquelle se fondait essentiellement sur le comportement (absentéisme ou non par exemple) et les intentions (visée religieuse ou non, prosélytisme ou non par exemple) des élèves arborant un tel signe et donc sur leur subjectivité pour déterminer si la sanction prononcée par le chef d'établissement était ou non justifiée. Dans le cadre de la jurisprudence définie par le Conseil d'État, l'appréciation de l'Administration ne portait donc pas sur le caractère religieux ou non du signe incriminé puisque le port de signes religieux à l'école n'était pas, en lui-même, incompatible avec le principe de laïcité et était donc en principe autorisé. Dans le régime juridique issu de la loi du 15 mars 2004, la logique d'appréciation est renversée : c'est à l'Administration de qualifier une tenue ou un signe litigieux de signe religieux en se fondant sur ce que l'administrateur, en l'espèce le chef d'établissement, connaît des religions existantes. L'on voit donc que pour refouler toute expression religieuse ostensible dans les établissements scolaires, l'Administration doit se faire experte en religions. Pour terminer et plus concrètement, force est de constater que la sévérité de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 conduit à un rejet quasisystématique des recours en annulation des sanctions qui sont prononcées sur son fondement. Ainsi que l'indique une réponse ministérielle : « si, au cours de l'année scolaire 2003-2004, environ 1 500 élèves manifestaient ostensiblement une appartenance religieuse, seuls 639 cas ont été recensés à la rentrée 2004. Plus de 550 cas ont trouvé une solution par le dialogue (...). Sur l'ensemble des élèves qui s'étaient présentés avec un signe religieux ostensible à la rentrée [2004], l'immense majorité (90 %) d'entre eux a fait le choix de se conformer à la loi à l'issue du dialogue ». Néanmoins, 47 élèves, ayant refusé l'application de la loi, ont fait l'objet, après décision du conseil de discipline, d'une exclusion définitive de l'établissement où ils étaient scolarisés. « Vingt-huit recours contentieux ont été formés, vingt-huit décisions de rejet ont été rendues dont treize ont fait l'objet d'un appel. Actuellement, sept décisions d'appel ont confirmé les décisions de rejet et deux les ont annulées non pas sur l'interprétation faite de la loi du 15 mars 2004 mais en raison de la violation des dispositions concernant le règlement intérieur de l'établissement scolaire (...). Dans toutes ces affaires, il s'avère que les juges confirment l'interprétation faite par l'Administration de la notion de signe manifestement ostensible »Note 20. Ainsi que le rappelle cette réponse ministérielle, la loi du 15 mars 2004 a imposé, préalablement à toute sanction disciplinaire, une procédure de dialogue entre les autorités scolaires et l'élève. En conséquence, aucune sanction ne peut être prononcée à l'encontre de l'élève tant que dure le dialogue préalable entre celui-ci et le chef d'établissement, dialogue imposé par l'article L. 141-5-1 lui-mêmeNote 21. 16. - Dès lors cependant que ce dialogue n'a pas été « fructueux », en ce sens que l'élève a persisté dans sa volonté d'arborer un signe manifestant ostensiblement son appartenance religieuse, le chef d'établissement peut prononcer une mesure d'exclusion définitive de l'établissement, ce même si cette sanction n'a pas été prévue par le règlement intérieur de l'établissement. En effet, dans la mesure où cette sanction figure à l'article 3 du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement, son absence de mention dans le règlement intérieur ne fait nullement obstacle à son applicationNote 22. Autrement dit, seule l'application de sanctions autres que l'avertissement, le blâme et l'exclusion temporaire ou définitive est subordonnée à la mention de ces sanctions dans le règlement intérieur. Dans les arrêts annulés, la cour administrative d'appel de Nancy avait également jugé que lorsque le règlement intérieur subordonnait la sanction de l'exclusion définitive au cas où l'élève était en situation de récidive en ce qui concernait port de signes religieux ostensibles, l'autorité scolaire ne pouvait exclure l'élève qui n'avait pas, dans le passé, commis des faits de même nature ayant donné lieu au prononcé d'une sanction disciplinaire. Si ce motif n'a pas été explicitement écarté par le Conseil d'État le 16 janvier 2008, il l'a été par son commissaire du gouvernement (R. Keller) dans ses conclusions, celui-ci relevant à juste titre que « dès lors que l'élève, malgré le dialogue préalable, a persisté dans son refus de se conformer à la loi, il faut considérer que la condition de récidive est remplie ; toute autre interprétation serait contraire à l'intention du législateur ». En effet, si, dans sa rédaction initiale, l'amendement relatif à l'exigence du dialogue préalable prévoyait que « sauf dans les cas de récidive, la sanction ne pourra intervenir qu'après une phase de dialogue », la réserve du cas de récidive a été supprimée dans la rédaction définitive, les parlementaires considérant qu'elle était redondante avec l'exigence d'un dialogue préalable à la sanction. En bref, le règlement intérieur de l'établissement scolaire ne peut en aucun cas subordonner l'exclusion définitive de l'élève à une condition de récidive. 17. - L'on voit cependant que la rédaction particulièrement restrictive de la loi du 15 mars 2004 remplit son office puisqu'elle permet à l'Administration et au juge d'interdire tout ce qui manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, quels que soient finalement le support ou le moyen de cette manifestation. Toutefois, cela ne fait pas pour autant de l'école un « sanctuaire »Note 23 laïc. En effet, la loi du 15 mars 2004 « ne modifie pas les règles applicables (...) aux parents d'élèves » ainsi que l'indique le point 2.3 de la circulaire du 18 mai 2004, ce qui signifie que ces derniers disposent du droit d'arborer des signes religieux lorsqu'ils participent à des sorties scolaires ou à des activités au sein de l'établissement. Le règlement intérieur des écoles, collèges et lycées ne peut donc interdire le port du voile islamique aux mères d'élèves participant à des sorties scolaires ou à des activités au sein de l'établissement sous peine de prononcer une discrimination illégale au regard des stipulations de l'article 9 Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de la directive n° 2000/78/CE : cela a été récemment affirmé par une délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) dans une délibération du 14 mai 2007Note 24. Dans un tel cas, en effet, les parents d'élèves doivent être regardés comme des usagers du service public qui « ont le droit d'exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d'ordre, de sécurité, de santé et d'hygiène »Note 25. Les signes religieux peuvent donc bien, lorsqu'ils sont portés par des parents d'élèves, entrer dans l'enceinte des établissements scolaires. En revanche, dans la délibération précitée, la HALDE a estimé qu'il était cependant possible d'interdire les agissements des parents d'élèves qui présenteraient le caractère d'actes de prosélytisme, revenant ainsi à la logique de l'avis du 27 novembre 1989. La solution retenue par la HALDE est, en tout état de cause, constructive puisque les parents d'élèves accompagnant une sortie scolaire ou participant plus généralement à des activités scolaires sont en général assimilés, en matière de contentieux indemnitaire, à des collaborateurs occasionnels du service public et non à des usagers du service publicNote 26. Il est vrai que ces solutions valent lorsqu'il s'agit de permettre la réparation des dommages subis par les parents d'élèves ainsi requis ou sollicités par les autorités scolaires. La HALDE voit ainsi, dans la notion de collaborateur occasionnel bénévole, une notion « de nature fonctionnelle » dont la vocation « consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public », une telle notion ne pouvant donc emporter « la reconnaissance du statut d'agent public, avec l'ensemble des droits et des devoirs qui y sont attachés »Note 27. Il n'empêche, la solution retenue par la HALDE, qui estime illégaux les règlements intérieurs scolaires qui prohibent le port, par les parents d'élèves participant à des sorties scolaires ou à des activités au sein de l'établissement, de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse vient quelque peu heurter l'intention du législateur de bannir ces signes de l'enceinte des établissements scolaires et plus généralement de la vie scolaire. 18. - Rien ne permet ainsi d'affirmer que le juge administratif, saisi d'une contestation de la légalité de ces règlements, adoptera la même position. Gageons qu'il veillera en tout cas à rappeler l'interdiction de tout comportement prosélyte de la part des parents d'élèves participant à des sorties scolaires ou à des activités au sein de l'établissement. B. - Dans trois arrêts en date du 5 décembre 2007, le Conseil d'État a considéré que le seul port par des élèves de religion sikhe d'un sous-turban manifestait ostensiblement leur appartenance à cette religion et justifiait ainsi leur exclusion 1° La confirmation de la distinction entre signes manifestant une appartenance religieuse et signes religieux 19. - Dans les trois décisions relatives à l'exclusion des élèves de confession sikhe, le Conseil d'État a confirmé le raisonnement de la cour administrative d'appel de Paris qui avait estimé que ceux-ci, en arborant un sous-turban (« keshi »), avaient manifesté ostensiblement leur appartenance à cette religion. Peu importe donc que ce sous-turban ne soit pas en lui-même un signe religieux mais serve tout simplement, comme le turban lui-même, à cacher et protéger les cheveux qui ont une valeur sacrée aux yeux des Sikhs. 20. - Le sikhisme a été fondé au Pendjab par le gourou Nanak, qui est né en 1469 et est mort en 1539. Bien qu'empruntant certains éléments à l'islam et à l'hindouisme, cette religion monothéiste a développé une spiritualité originale. Son principal lieu saint est le Temple d'or d'Amritsar où est révéré le livre sacré des Sikhs appelé Gourou Granth. Environ vingt-trois millions de ses adeptes vivent en Inde. Les Sikhs sont aisément identifiables au moins à deux titres : d'une part, du fait de leur identité puisqu'ils accolent toujours à leur patronyme le nom « Singh » qui signifie « lion » en Pendjabi ; d'autre part, à raison de leur apparence physique caractéristique. En effet, ils s'abstiennent pour des motifs religieux de se raser la barbe et de se couper les cheveux et l'abondante pilosité qui en résulte est enserrée dans un turban arboré en permanence. C'est donc essentiellement ce turban qui manifeste leur appartenance à la religion sikhe et il faut d'ailleurs souligner que le port des cet accessoire n'a été introduit dans cette religion qu'au XVIIème siècle, soit deux siècles après sa créationNote 28. Si donc le turban sikh peut à la rigueur être considéré comme un signe religieux, il est difficile d'adopter le même raisonnement pour le sous-turban qui permet tout simplement aux personnes de religion sikhe de cacher leurs cheveux et c'est ici également que se manifeste le caractère extensif de la prohibition issue de la loi du 15 mars 2004 qui inclut tous les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse et non seulement les signes religieux. 21. - La rédaction adoptée par cette loi manifeste ainsi non seulement une objectivation mais aussi une extension de la prohibition des manifestations religieuses à l'école. En effet, elle permet d'exclure des élèves qui n'ont fait preuve d'aucun prosélytisme, sur la seule constatation que les signes qu'ils portent peuvent être objectivement interprétés et reconnus comme manifestant leur appartenance religieuse et ne s'embarrasse nullement de la notion de signe religieux, beaucoup plus restrictive et délicate puisqu'elle se limite à quelques éléments et nécessite, en outre, une connaissance précise de chaque religion pour déterminer si le signe en cause est bien un signe de la religion de l'élève. 22. - Par ailleurs, les décisions du 5 décembre 2007 confirment le caractère limité de la notion de signe discret et l'interprétation restrictive qui en est faite par le juge. Sans aller jusqu'à faire du signe discret un signe caché ou non visible, elles indiquent clairement que cette catégorie ne saurait comprendre des signes qui sont visibles par tous et, si l'on peut dire, de loin. L'on peut, en effet, estimer que le signe discret est celui que l'on ne peut remarquer qu'avec une particulière attention, ce qui exige une attitude active de la part des autres élèves, alors que le signe manifestant une appartenance religieuse est le signe qui s'impose au regard et que l'on voit de manière passive, que l'on subit même, bref un signe que l'on ne peut pas ne pas voir. D'une certaine manière, ce sont là l'intention et l'objet essentiels de la loi du 15 mars 2004 : empêcher les élèves d'imposer aux autres la vision de leur appartenance religieuse et des signes concrets qui la manifestent. 23. - Le déséquilibre est donc grand entre ce qui est permis et ce qui est interdit. En effet, ce qui est permis, ce sont, d'après la circulaire du 18 mai 2004, « les signes religieux discrets », et non les signes manifestant « discrètement » une appartenance religieuse, alors que ce qui est interdit ce sont les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Les deux notions ne se situent donc pas sur le même plan puisque alors que l'autorisation porte sur des signes religieux, l'interdiction porte sur des signes qui ne le sont pas forcément en eux-mêmes. L'autorisation nécessite ainsi, comme sous l'empire de la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989, de connaître et de reconnaître les signes religieux, lesquels sont en nombre plus limité (la circulaire cite ainsi une petite croix, une médaille de dimension modeste, une étoile de David ou une main de Fatima) que les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Surtout, la distinction faite entre signes discrets autorisés et signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse prohibés ne nous paraît guère cohérente au regard de la définition de ces derniers signes qu'a donnée la circulaire du 18 mai 2004. En effet, si ces signes sont « ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse », la même définition peut dans certains cas s'appliquer aux signes discrets : un élève qui porte une chaîne soutenant une croix, une étoile de David ou une main de Fatima n'est-il pas immédiatement reconnu par les autres élèves, en raison de ce signe, comme chrétien, juif ou musulman ? L'on voit ici que l'adverbe immédiatement n'est guère opérant pour distinguer les signes discrets des signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. En effet, si le signe est discret, c'est qu'il est visible, même si c'est seulement de près ; or, la seule vision d'une croix ou d'une étoile de David permet aux autres élèves de constater l'appartenance de l'élève qui la porte à la religion chrétienne ou juive, étant souligné que les élèves ont une connaissance des signes manifestant l'appartenance à ces religions beaucoup plus sûre que celle des signes manifestant l'appartenance à la religion sikhe. Le signe discret conduit donc souvent à se faire « immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse », même si, en raison de sa petite taille, c'est seulement par un petit nombre d'élèves. L'on voit donc à nouveau que la loi du 15 mars 2004, dans sa volonté de bannir des établissements scolaires toute manifestation religieuse un tant soit peu visible, et que la circulaire du 18 mai 2004, dans sa volonté de donner une interprétation encore plus extensive au champ d'application de la loi, permettent en fait d'interdire tout signe ayant une valeur et une signification religieuses, qu'il s'agisse de signes religieux en eux-mêmes ou de signes conduisant à reconnaître une appartenance religieuse. Pour le dire brutalement, nous ne voyons pas ce qui, en droit, pourrait faire obstacle à l'interdiction du port d'une étoile de David ou d'une croix chrétienne autour du cou (dans le cas bien sûr où ces signes seraient apparents et ne seraient pas cachés sous des vêtements) au motif que ces signes conduisent à identifier immédiatement l'élève chrétien et l'élève juif. Faut-il alors estimer que la loi du 15 mars 2004 a plutôt entendu distinguer les signes qui permettent de déterminer immédiatement une appartenance religieuse, même de loin et donc aux yeux de tous, et les signes qui permettent de déterminer immédiatement une appartenance religieuse mais seulement de près et donc aux yeux de quelques-uns (c'est-à-dire les signes discrets) ? Seules de nouvelles décisions du Conseil d'État permettront de le savoir mais l'on voit en tout cas que l'application de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation obligera probablement la Haute juridiction à poursuivre son interprétation constructive de ces dispositions et qu'il y a donc ici matière à contentieux. 24. - L'on peut ainsi imaginer qu'un élève portant un vêtementNote 29 sur lequel sont inscrits des paroles, signes ou dessins à caractère religieux qui comporte lui-même une référence religieuse non équivoque manifeste ainsi ostensiblement son appartenance religieuse et peut donc faire l'objet d'une mesure de sanction pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive. Songeons, par exemple, à des vêtements sur lesquels seraient inscrits des versets du Coran ou de la Bible ou sur lesquels seraient dessinés un croissant, une grande croix ou une étoile de David, songeons également à des vêtements sur lesquels seraient inscrits des paroles d'interpellation du type « Jesus loves you » ou des paroles du type « Allah Akhbar ». Comment enfin ne pas assimiler à un signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse un vêtement sur lequel figurerait la photographie d'un dignitaire religieux connu de tousNote 30. C'est ainsi qu'une imagination moyennement fertile démontre aisément le caractère très extensif de la prohibition instaurée par la loi du 15 mars 2004 et que c'est au fond toute référence religieuse que bannit cette loi. 2° La confirmation du caractère en principe objectif de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 25. - Dans les trois décisions du 5 décembre 2007 relatives aux élèves de religion sikhe, le Conseil d'État indique que ceux-ci, « par le seul port de ce signe » (le sous-turban), ont manifesté ostensiblement leur appartenance à cette religion. Peu importe donc l'intention (prosélyte ou non) ou le comportement (absentéisme ou au contraire assiduité, attitude revendicative ou non) de ces élèves, l'Administration étant ainsi exonérée de la nécessité d'entrer dans leur subjectivité. Le travail des chefs d'établissement est donc bien facilité. Dans ses conclusions sous l'un des arrêts de la cour administrative d'appel de Paris qui a été confirmé par le Conseil d'État le 5 décembre 2007, le commissaire du gouvernement Bruno Bachini estimait que les élèves concernés, « en se présentant à l'école coiffés de sous-turbans sikhs, immédiatement identifiables et dont la connotation religieuse est connue de tous, [avaient] fait clairement apparaître leur appartenance confessionnelle à tous les autres élèves ainsi qu'au personnel du lycée ». L'on voit donc que le signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse est celui qui s'impose au regard et à la raison puisque sa signification religieuse ne doit pas être équivoque. 26. - Les trois décisions du 5 décembre 2007 relatives aux élèves de religion sikhe sont importantes en ce qu'elles démontrent la visée générale de la prohibition instaurée par la loi du 15 mars 2004 qui sera désormais moins suspectéeNote 31 d'être essentiellement dirigée contre le port du foulard par les élèves de religion musulmane. Il s'agit en effet des premières décisions du Conseil d'État relatives aux élèves de religion sikhe. L'on peut cependant émettre des réserves sur le caractère extensif accordée par la jurisprudence administrative à la loi du 15 mars 2004. Il nous semble, en effet, excessif de considérer que tous les élèves et tous les personnels des écoles, collèges et lycées concernés reconnaissent un élève de religion sikhe au seul port par celui-ci d'un sous-turban. Il est très vraisemblable que de nombreux élèves et personnels sont tout à fait incapables d'identifier un Sikh (car il s'agit bien de cela) à ce seul signe et l'on (le juge) prête donc à l'élève et à l'agent de l'Éducation nationale moyens une culture religieuse bien vaste. Soulignons à cet égard que les décisions du Conseil d'État indiquent bien qu'à chaque fois l'élève exclu a manifesté « son » appartenance religieuse et non « une » appartenance religieuse, ce qui signifie selon nous que l'Administration doit, tout de même, connaître ou déterminer la religion de l'élève avant de décider si le signe qu'il porte manifeste son appartenance à sa religion. En d'autres termes, l'Administration ne saurait reprocher à un élève chrétien de porter un sous-turban puisque ce faisant cet élève ne manifeste pas « son » appartenance religieuse. L'Administration est ici (et c'est encore une hypothèse d'école) sur un terrain difficile car comment, autrement que par la couleur de la peau, déterminer si l'élève en cause appartient ou non à la communauté et à la religion sikhes avant de décider, si tel est le cas, que le port par celui-ci d'un sous-turban manifeste ostensiblement son appartenance à cette religion ? 27. - Cette remarque oblige donc à relativiser le caractère objectif de l'interdiction posée par la loi de 2004. En effet, ce caractère n'empêche pas l'Administration d'avoir à porter son appréciation subjective, non seulement, sur la réalité de l'appartenance religieuse de tel ou tel élève, mais encore, sur la manière dont les signes qu'ils arborent sont reçus, vus et compris par les autres élèves et les personnels. En d'autres termes, pour décider si un signe manifeste ostensiblement, c'est-à-dire aux yeux de ces derniers, une appartenance religieuse, l'Administration doit projeter sur eux ce qu'elle connaît et comprend de ces signes et donc sa propre perception de ceux-ci. Pour le dire brutalement, le signe qui manifeste ostensiblement une appartenance religieuse est en fait le signe que l'Administration perçoit comme tel. Paradoxalement, le caractère objectif de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 permet ainsi de renforcer le caractère subjectif de l'appréciation portée par l'Administration scolaire. 2. Tout en y ajoutant un élément subjectif caractérisé par le comportement de l'élève A. - La circulaire du 18 mai 2004 a ajouté à la loi du 15 mars 2004 en créant la catégorie des signes qui manifestent subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse 1° Un ajout contestable... 28. - La circulaire du 18 mai 2004 a ajouté à la loi du 15 mars 2004, qu'elle devait pourtant se borner à commenter, en indiquant que cette loi « interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu'il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l'établissement » (pt. 2-1 in fine). Il faut ainsi distinguer deux catégories de signes religieux ostensibles qui sont, l'une comme l'autre, prohibées à l'école. La première est constituée des signes qui manifestement objectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse : dans un article commentant la circulaire du 18 mai 2004Note 32, Olivier Dord parle de « signes ostensibles par nature » mais cette expression synthétique masque le fait que la loi du 15 mars 2004 prohibe, non pas le port des signes religieux, mais le port de signes manifestant une appartenance religieuse, cette seconde catégorie nous semblant plus large que la première. Les signes qui manifestent objectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse sont les tenues ou simples accessoires qui sont portés pour souligner de façon objective l'appartenance d'un élève à une confession particulière. Le foulard islamique, la kippa ou une croix de taille respectable représentent ainsi, par nature, l'expression d'une conviction religieuse. La circulaire du 18 mai 2004 ajoute à cette première catégorie une seconde catégorie bien plus subtile : il s'agit des signes qui manifestent subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse, que Olivier Dord appelle les « signes ostensibles par destination ». Ces signes ne sont pas, par nature, des signes confessionnels. Ils le deviennent néanmoins lorsque l'élève les arbore en leur conférant, de façon subjective, une signification religieuse et en faisant la marque substitutive de son appartenance confessionnelle. L'ajout effectué par la circulaire est en fait destiné à répondre aux tentatives de contournement de la loi et, notamment, à celle qui consiste à substituer à un voile islamique un bandana qui devient alors, en raison de la signification et de l'importance que l'élève y attache, un signe religieux manifestant subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse, dont le port est prohibé par la loi du 15 mars 2004. Cette extension du champ de la catégorie des signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse conduit en fait l'Administration à opérer, de façon très subjective, son travail de qualification juridique des faits dans une matière où le principe de laïcité lui interdit habituellement d'intervenir. 29. - Il lui revient ainsi d'opérer cette qualification à partir de ce qu'elle croit reconnaître comme intention dans le port par un élève d'un signe vestimentaire anodin auquel celui-ci (ou celle-ci) attacherait une valeur religieuse. Ce subjectivisme est doublement choquant. En effet, et tout d'abord, il n'appartient pas, selon nous, à une Administration soumise au principe de neutralité du service public de déterminer si telle tenue ou tel accessoire constitue ou non un signe religieux ostensible. Dans la pratique, ensuite, se pose la question des critères utilisés pour opérer la qualification juridique. Comment le chef d'établissement pourra-t-il déterminer si le port d'un signe, a priori non marqué religieusement, constitue en réalité une manifestation subjective (et ostensible) d'appartenance religieuse sinon en se fondant notamment sur des indices aussi contestables que le faciès ou la couleur de la peau ? Entre une élève blonde portant un bandana dans les cheveux et une élève d'origine maghrébine coiffée du même bandana, l'on voit aisément laquelle des deux retiendra immédiatement l'attention de l'Administration. 2° ... pourtant validé par les décisions du 5 décembre 2007 30. - Dans les quatre décisions du 5 décembre 2007, le Conseil d'État, dans le considérant de principe, a indiqué qu'étaient interdits non seulement les signes « dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse »Note 33 mais encore les signes « dont le port ne manifeste une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ». Cette seconde catégorie est illustrée par le bandana porté par une élève musulmane qui fait l'objet de la décision n° 295671. En effet, dans cette décision, le Conseil d'État relève que l'élève en cause et sa famille ont « persisté avec intransigeance dans leur refus » de renoncer au port permanent du bandana. Nous sommes donc ici à nouveau (et cela rejoint la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989) dans l'appréciation de l'intention et du comportement de l'élève dont l'on sanctionne alors le prosélytisme ou du moins l'attitude revendicative et délibérément antilaïque. Le Conseil d'État confirme, en effet, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 24 mai 2006 qui avait également insisté sur cette volonté de la part de l'élève et de sa famille de revendiquer, par le port du bandana, l'appartenance à la religieuse musulmane. Dans cet arrêt en effet, la cour avait relevé que l'élève, qui s'était d'abord présentée dans l'enceinte de l'établissement « avec un large foulard lui recouvrant entièrement la tête et les épaules » qui « revêtait par lui-même une connotation religieuse », avait substitué à ce foulard « un carré de tissu de type bandana » et avait « constamment réaffirmé son intention de ne pas se départir de son foulard ou de l'accessoire en tenant lieu ». C'est dire que la catégorie des signes religieux manifestant subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse concerne tout particulièrement les hypothèses dans lesquels le signe qui est arboré apparaît clairement comme le substitut d'un signe manifestant objectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse et c'est en fait l'appréciation du comportement de l'élève qui permet de déterminer si l'on est confronté à un tel signe de substitution. Cela signifie donc que l'on ne saurait reprocher à une élève qui n'est pas de confession musulmane et qui n'a donc jamais porté de voile ou de foulard islamique le port d'un bandana. Dans un jugement du 7 juin 2005Note 34, le tribunal administratif de Caen avait d'ailleurs déjà validé l'exclusion d'une élève musulmane qui avait substitué à son voile noir un « bonnet noir brodé » puis un « bonnet noir en laine » en considérant que le port permanent de ce bonnet avait fait de cet objet « la marque substitutive et la manifestation ostensible de son appartenance à la religion musulmane ». 31. - On voit donc ici, que le juge administratif est amené à nouveau à entrer dans la subjectivité de l'élève afin de déterminer si celui-ci, en arborant un signe n'ayant a priori rien de religieux, ne cherche pas à contourner l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004. Soulignons toutefois, que si le Conseil d'État a ainsi effectué un retour à l'analyse subjective prônée par l'avis de 1989 et a donc validé l'ajout effectué par la circulaire du 18 mai 2004Note 35, cela a pour conséquence non pas de limiter l'interdiction des signes religieux aux seuls élèves dont l'intention ou le comportement contreviennent à la laïcité, mais d'étendre considérablement la latitude d'action de l'Administration scolaire et donc le champ d'application de cette interdiction. En effet, à la catégorie des signes dont la connotation religieuse est comprise ou perçue par autrui (les autres élèves) s'ajoute désormais la catégorie des signes dont la connotation religieuse n'est pas connue d'autrui mais est seulement affirmée et manifestée par ceux qui les portent. Précisons, toutefois, qu'il ne s'agit pas pour l'Administration de demander à l'élève, pour le sanctionner ou non, s'il attribue une valeur et un sens religieux à tel ou tel signe mais de le déterminer à partir du comportement de cet élève. C'est dire que le signe qui manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève a pour particularité d'être un signe religieux subjectif ou personnel, et non objectif ou anonyme, dont le caractère subjectif et personnel est décidé par l'Administration et in fine le juge administratif. Dans ses conclusions sous les décisions du 5 décembre 2007, le commissaire du gouvernement Rémi Keller a tenté de fonder l'adoption de cette nouvelle catégorie de signes prohibés sur les travaux préparatoires de la loi du 15 mars 2004. Rémi Keller relève ainsi que « la question du bandana, en effet, a été abordée à plusieurs reprises par les parlementaires » avant de souligner que dans son rapport fait devant l'Assemblée nationale, Pascal Clément estimait que les chefs d'établissement devraient déterminer « si les jeunes filles (...) portent [le bandana] pour des motifs religieux », l'interdiction se justifiant en cas de réponse affirmative. Selon Rémi Keller donc, « le législateur a entendu interdire non seulement les signes religieux par eux-mêmes – à l'exception des signes discrets – mais également ceux dont le caractère religieux se déduira du comportement de l'élève ». 32. - Cette position ne nous convainc pas. Relevons d'abord que les décisions du 5 décembre 2007 n'ont nullement fait mention des travaux préparatoires de la loi du 15 mars 2004 alors que le Conseil d'État n'hésite pas à le faire lorsque c'est nécessaire. Dans son considérant de principe, le Conseil d'État se réfère simplement à « ces dispositions », à savoir les dispositions de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation issu de la loi du 15 mars 2004, et non à « ces dispositions, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 15 mars 2004 ». Surtout, il nous semble pour le moins « constructif » d'estimer, au vu de ses travaux préparatoires, que la loi du 15 mars 2004 a entendu prohiber deux types de signes religieux alors que sa rédaction définitive n'en évoque qu'un seul. Soulignons à cet égard qu'en général le recours aux travaux préparatoires est destiné à éclairer un point obscur de la loi dans sa rédaction définitive, c'est-à-dire quelque chose qui figure déjà dans la loi même si c'est sous une forme peu claire, et non à faire entrer dans le champ d'application de cette loi une prescription (et en l'espèce une prohibition) qui n'y figure en aucune manière. Si donc les travaux préparatoires de la loi du 15 mars 2004 peuvent être convoqués pour éclairer la notion de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, qui est la seule notion retenue par le législateur, ils ne sauraient servir d'alibi pour ajouter à cette notion une notion nouvelle. Soulignons enfin que l'on ne peut souscrire à l'affirmation selon laquelle « le législateur a entendu interdire (...) les signes religieux par eux-mêmes – à l'exception des signes discrets – (...) » dans la mesure où, nous l'avons vu, la loi ne prohibe pas les signes religieux mais les signes manifestant une appartenance religieuse, catégorie plus large et plus indéterminée aussi, ce qui a permis en l'espèce au Conseil d'État de ne pas s'attarder sur le caractère religieux ou non du sous-turban sikh puisqu'il fallait seulement déterminer si le port de ce sous-turban conduisait à les faire reconnaître immédiatement par les autres élèves comme des personnes de religion sikhe, ce à quoi le Conseil a répondu par l'affirmative (dans ses conclusions, Rémi Keller relève d'ailleurs opportunément que les requérants ont eux-mêmes indiqué que « le port d'un sous-turban par un jeune garçon ou un homme conduit immédiatement à le faire reconnaître comme ayant la qualité de sikh »). Il n'y a donc pas, parmi les signes prohibés, d'un côté les signes religieux et de l'autre les signes non-religieux qui le deviennent par la valeur religieuse que leur accordent ceux qui les arborent mais il y a les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse en eux-mêmes et les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse en raison de la valeur que leur confèrent les élèves. 33. - Au total, le Conseil d'État nous semble donc bien avoir ajouté à la loi du 15 mars 2004 (comme l'avait déjà fait la circulaire d'interprétation de cette loi) en créant une seconde catégorie de signes prohibés à côté de la seule catégorie qu'avait retenue, pour l'interdire, le législateur. Le paravent des travaux préparatoires de la loi ne doit donc pas masquer ou justifier cet ajout. B. - Une extension considérable de la marge d'appréciation de l'Administration qui pose problème 1° Une extension considérable de la marge d'appréciation de l'Administration 34. - En pratique, la marge d'appréciation de l'Administration trouvera à s'exercer dans deux domaines en particulier. Il lui faudra, tout d'abord, distinguer les signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse de ceux qui n'en expriment aucune : à cet égard, l'ajout par la jurisprudence, dans la catégorie des signes prohibés, des signes manifestant subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse contraindra l'Administration à exercer un contrôle beaucoup plus étroit sur les traditions et confessions des élèves Note 36 ainsi que sur leurs attitudes. 35. - A cet égard, il n'est pas exclu que l'Administration scolaire doive prochainement se pencher non plus seulement sur la signification religieuse des signes matériels (c'est-à-dire sur des objets) mais aussi sur la signification religieuse des signes physiques. En effet, l'on pourrait envisager que le port de la barbe puisse dans certains cas manifester ostensiblement une appartenance religieuse (essentiellement à la religion musulmane) puisqu'un tel signe ne saurait être assimilé à un signe discret autorisé par l'article L. 145-5-1. 36. - Plus généralement, la notion de signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève conduira à une extension de la notion de signes d'appartenance religieuse dont le port est prohibé et à une extension du contrôle de l'Administration sur les attitudes et les motivations des élèves. Ainsi, l'on peut estimer que l'Administration pourra de cette manière interdire aux élèves d'arborer des tenues dont la signification est culturelle avant d'être religieuse : que l'on songe par exemple à l'abaya (longue robe noire) portée par les femmes musulmanes ou encore aux tenues traditionnelles portées par les Sikhs. La solution retenue par le Conseil d'État est donc extrême dans la mesure où elle offre à l'Administration la possibilité d'interdire le port de vêtements traditionnels dès lors que l'élève leur accorde une signification religieuse. À cet égard, l'Administration sera, en outre, contrainte d'entrer dans la subjectivité de l'élève afin de déterminer si, pour lui et selon son comportement, le port de tel ou tel signe ou tel ou tel vêtement manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. L'on ne peut ainsi imaginer qu'une élève non musulmane mais chrétienne (ou du moins de tradition chrétienne) portant un bandana puisse faire l'objet d'une sanction pour avoir ostensiblement manifesté son appartenance religieuse. Cela signifie donc que, dans le raisonnement qu'elle doit tenir, l'Administration doit d'abord déterminer quelle est la religion (ou la tradition religieuse) à laquelle se rattache l'élève avant de décider si son appartenance religieuse est ostensiblement manifestée par le port du bandana. 37. - Il y a là, selon nous, un certain reniement de la neutralité du service public afin, paradoxalement, d'assurer un meilleur respect de la laïcité. S'agissant à nouveau des signes manifestant subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse, la circulaire du 18 mai 2004, en créant cette catégorie, et les décisions du Conseil d'État du 5 décembre 2007, en validant cet ajout, contraignent l'Administration à entrer dans l'appréciation subjective des convictions religieuses des élèves et de leurs intentions en matière vestimentaire. Il s'agit bien d'une atteinte à la neutralité confessionnelle du service public de l'enseignement et de ces agents. Plus largement, la nouvelle législation implique que l'Administration s'engage dans la délicate question consistant à déterminer ce qu'est un signe religieux ou plus précisément ce qu'est un signe d'appartenance religieuse. Dans la pratique, en effet, le chef d'établissement devra d'abord s'interroger sur le point de savoir si un signe manifeste une appartenance religieuse avant de se demander si le port par un élève de ce signe manifeste son appartenance religieuse puis de décider, si c'est le cas, s'il est assez discret pour être autorisé. On peut douter qu'il appartienne à une Administration laïque d'entrer dans ce type de considération alors que la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'État indique que la République « ne reconnaît (...) aucun culte ». L'on arrive ainsi à une situation dans laquelle la République, pour continuer d'ignorer les appartenances religieuses du moins dans les établissements scolaires, doit les identifier toutes à seule fin de les interdire. 2° Une interprétation extensive de la prohibition instaurée par la loi du 15 mars 2004 dont la conformité à la Convention européenne des droits de l'homme n'est guère évidente 38. - L'extension de la marge d'appréciation de l'Administration posera, d'abord, problème à l'Administration elle-même puisqu'elle va la contraindre à entrer de plain-pied dans l'interprétation des signes arborés par les élèves et dans la qualification, religieuse ou non, qu'il faut leur accorder. En outre et surtout, la compatibilité des décisions rendues par le Conseil d'État avec les stipulations de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est loin d'être évidente. En effet, même si la Cour européenne des droits de l'homme a, dans l'affaire « Leyla Sahin c/ Turquie »Note 37, confirmé que les États disposent d'une marge de manoeuvre pour appliquer ces stipulations et qu'en l'espèce le caractère laïc de l'État turc comme les menaces islamistes auxquelles il devait faire face légitimaient l'interdiction du port du foulard islamique à l'université, cette décision est essentiellement fondée sur le contexte national turc. Or, si la laïcité est un principe traditionnel de la République française, le caractère extensif de l'interdiction posée par l'article L. 141-5-1Note 38 semble disproportionné eu égard à la valeur de ce principe et à la teneur des menaces qui pèseraient sur la société française s'il n'était pas appliqué aussi strictement. En effet, alors qu'en Turquie est interdit le port d'un signe religieux en raison des menaces que font peser sur la société laïque les tenants d'une interprétation rigoriste de l'islam, ce sont tous les signes d'appartenance religieuse et, non seulement, comme en Turquie, les signes revendiqués par les « ennemis de la laïcité », qui sont interdits. En outre, la notion de signes ostensibles, ou plus exactement de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, conduit quasiment à prohiber le port de tous les signes visibles par les autres élèves, la catégorie des signes discrets étant très limitée. 39. - Commentant la décision du Conseil d'État rejetant le recours pour excès de pouvoir formé contre la circulaire du 18 mai 2004, décision sur laquelle s'est explicitement appuyé le commissaire du gouvernement dans ses conclusions sous les décisions du 5 décembre 2007 pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 9 Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Frédéric Rolin relevait ainsi à juste titre que le Conseil avait écarté tous les éléments de contexte sur lesquels s'était fondée la Cour européenne des droits de l'homme pour adopter une motivation purement abstraiteNote 39 qui ne faisait aucune place aux éléments de fait. Selon lui, une telle « extrapolation de l'arrêt de la Cour (...) apparaît extrêmement contestable, tant est dénaturée la portée de la solution rendue par l'instance européenne et qui, on doit le souligner nettement, ne peut valoir que pour la Turquie » et d'ajouter que « la seule solution acceptable, pour parvenir, éventuellement, à la même solution, aurait consisté pour le Conseil d'État à démontrer en quoi, dans le contexte particulier français, il existait une ou plusieurs justifications à cette restriction : comment et dans quelle mesure le port de signes religieux menaçait par principe la laïcité « à la française », quels risques l'acceptation de tels signes faisait courir à nos droits constitutionnellement garantis »Note 40. L'absence de justification à cette défense acharnée du principe de laïcité dans sa version négative (interdiction de toute manifestation ostensible d'appartenance religieuse) souligne en fait l'absence de consensus politique et social qui règne aujourd'hui en la matière (la loi en cause ayant été adoptée sous la précédente présidence) et le malaise du juge administratif contraint, pour appliquer la loi du 15 mars 2004, de renoncer à la position équilibrée et libérale (pour les religions) qu'il avait adoptée dans les années 90. 40. - De manière générale, l'on voit mal ce qui peut légitimer la prohibition instaurée par la loi du 15 mars 2004 au regard des stipulations de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent l'exercice de la liberté religieuse. Rappelons en effet qu'aux termes de cet article : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique (...) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Selon l'article 9 de la Convention, la liberté religieuse ne confère donc pas aux fidèles d'un culte des droits absolus et illimités car la jouissance de ces droits peut faire l'objet de restrictions lorsqu'elles constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à la sécurité publique ou à la protection de l'ordre public. Cet article a donné lieu à plusieurs arrêts de la Cour concernant le port du voile dans les universités en Turquie, dont l'arrêt de grande chambre du 10 novembre 2005, Leyla Sahin c/ Turquie, qui a d'ailleurs retenu une solution fort contestableNote 41. 41. - Quoiqu'il en soit, dans l'arrêt « Leyla Sahin c/ Turquie », la Cour a estimé qu'existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre la mesure prise (interdiction du voile à l'université : interdiction à laquelle l'État turc vient d'ailleurs de mettre fin) et le but visé (respect de la laïcité). De manière générale, la Cour juge que l'article 9 ne protège pas tout acte motivé par la religionNote 42. En ce qui concerne plus précisément les Sikhs, deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme ont jugé que certaines mesures conduisant à restreindre la possibilité de porter un turban ne portaient pas une atteinte excessive aux droits que les intéressés tirent de la Convention de 1950. Par un arrêt du 12 juillet 1978Note 43, X. c/ RoyaumeUni, la Cour a estimé que l'obligation de porter un casque de moto, justifiée par la protection de la santé, pouvait être imposée à un Sikh. Par un arrêt du 11 janvier 2005Note 44, Suku Phull c/ France, la Cour a à l'unanimité rejeté comme irrecevable car manifestement infondée la plainte d'un Sikh contre la décision des services de sécurité d'un aéroport de l'obliger à se défaire de son turban lors d'un contrôle avant de monter en avion. On voit donc que ces solutions étaient motivées par la nécessité de protéger la sécurité publique et elles rejoignent d'ailleurs en cela l'esprit de la jurisprudence administrative française qui considère que le pouvoir réglementaire a légalement la faculté d'assortir de certaines limitations l'exercice du droit de manifester des convictions religieuses, dans le but de préserver l'ordre public, celui-ci incluant la protection de la santéNote 45. De même, le juge administratif, comme la Cour européenne des droits de l'homme, a estimé que l'impératif d'intérêt général lié à la lutte contre la falsification des documents d'identité légitimait que fût imposée la production de photos tête nue pour la délivrance des cartes d'identitéNote 46 ou d'un passeportNote 47. Encore plus récemment, le Conseil d'État a ainsi rejeté la requête d'une personne de religion sikhe demandant l'annulation de la circulaire (à caractère impératif) du 6 décembre 2005 qui imposait la production de photos tête nue pour la délivrance de permis de conduire. Dans cette affaire, le Conseil d'État a considéré que les dispositions contestées, qui visaient à « limiter les risques de fraude ou de falsification des permis de conduire, en permettant une identification par le document en cause aussi certaine que possible de la personne qu'il représente », n'étaient « ni inadaptées ni disproportionnées » par rapport à l'objectif de protection de la sécurité publique et de l'ordre public, qui, selon les stipulations de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, légitime la limitation de l'exercice de la liberté religieuseNote 48. Dans ses conclusions, Terry Olson relevait notamment qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas « d'imposer aux personnes attachées au port d'un turban d'y renoncer de manière définitive ni même répétitive, ni d'ailleurs de les priver de la possibilité d'arborer cet attribut en public » mais simplement « d'y renoncer le temps très court qui est nécessaire à la prise d'une photographie ». Toutefois, outre que ce temps très court ne l'est pas tant que cela puisque la photographie en cause fixe pour de nombreuses années la physionomie de l'intéressé et qu'il s'agit précisément d'une photographie d'identité qui méconnaît son identité religieuse, la solution retenue par le Conseil d'État se situe tout à fait dans le cadre des restrictions à l'exercice de la liberté religieuse autorisées par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 42. - Rien de tel selon nous en ce qui concerne l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 puisque l'interdiction du port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse peut difficilement être légitimée par la protection de la sécurité publique, de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques ou par la protection des droits et libertés d'autrui : difficile en effet de considérer que le simple port d'un sous-turban sikh (ou d'un voile islamique) peut porter atteinte à ces différents intérêts. C'est, d'ailleurs, tout l'objet de cette loi d'édicter une prohibition de principe qui a vocation à s'appliquer même dans le cas où l'ordre public n'est pas troublé par le port de signes d'appartenance religieuse. En fait, seule la prohibition des comportements et attitudes prosélytes ou encore des attitudes revendicativesNote 49 pourrait être considérée comme protectrice de l'ordre (de l'établissement) et des droits et libertés d'autrui (les autres élèves et les personnels). L'on revient donc à la solution qu'avait retenue le Conseil d'État dans son avis du 27 novembre 1989. 43. - Il nous semble ainsi que la seule volonté de défendre le principe de laïcité ne suffit pas à elle seule à légitimer la méconnaissance du droit à l'exercice de la liberté religieuse et donc à assurer la conventionnalité de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation. Àcet égard, l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 10 novembre 2005 dans l'affaire Leyla Sahin c/ Turquie, s'il a considéré que la défense de ce principe permettait de garantir l'ordre public et de protéger les droits et libertés d'autrui à l'université, s'est cependant largement fondé sur le contexte propre à la Turquie, pays dont la grande majorité de la population est musulmane et dans lequel la laïcité est bien plus qu'en France menacée par des groupes et partis islamistes. Soulignons, d'ailleurs, que la prohibition édictée par le règlement de l'université Note 50 ne visait que « les étudiantes ayant la “ tête couverte ” (portant le foulard islamique) et les étudiants portant la barbe (y compris les étudiants étrangers) », c'est-à-dire uniquement les élèves de religion musulmane, ce qui était tout à fait cohérent avec la volonté de lutter contre les tentatives d'islamisation de la vie universitaire. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est ainsi particulièrement vigilante ou sévère en ce qui concerne la religion musulmane, la Cour ayant déjà estimé qu'il existait une « incompatibilité de la Charia avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu'ils résultent de la Convention »Note 51. C'est dire que, là encore, la défense du principe de laïcité ne justifie des restrictions à l'exercice de la liberté religieuse que lorsqu'il s'agit de lutter contre les prescriptions coraniques qui, précisément, selon la Cour, ignorent la distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel et sont ainsi directement anti-laïques. Dans le célèbre arrêt Kokkinakis c/ GrèceNote 52, la Cour européenne des droits de l'homme a en revanche indiqué que si la liberté religieuse relevait d'abord du for intérieur, elle impliquait de surcroît, notamment, celle de « manifester sa religion », y compris le droit d'essayer de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un « enseignement ». L'article 9 ne s'efface donc que lorsque l'on se trouve en présence d'un prosélytisme de mauvais aloi, tel qu'une activité offrant des avantages matériels ou sociaux ou l'exercice d'une pression abusive en vue d'obtenir des adhésions à une EgliseNote 53. Au total, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est donc assez proche de l'ancienne jurisprudence du Conseil d'État issue de l'avis du 27 novembre 1989 : les restrictions à la liberté religieuse ne sont en effet justifiées que lorsqu'il s'agit de protéger l'ordre public (en général) et de lutter contre des comportements excessivement prosélytes. Par ailleurs, la solution rendue par la Cour dans l'affaire Leyla Sahin c/ Turquie, propre à la Turquie et à la religion musulmane, paraît difficilement transposable à un pays tel que la France qui, bien qu'il attache une grande importance au principe de laïcité, ne peut guère justifier de l'existence d'une véritable menace contre ce principe. En ce qu'il vise toutes les religions et en ce qu'il n'est nullement motivé par une quelconque menace qui proviendrait d'une interprétation fondamentaliste de l'islam ou d'une autre religion, l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation ne nous semble pas conforme à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. Conclusion 44. - Les décisions rendues par le Conseil d'État le 5 décembre 2007, qui constituent les premières décisions rendues par la Haute assemblée depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 mars 2004, permettent d'abord opportunément d'enlever à cette loi le caractère de loi antiislam que certains avaient tenté de lui prêter lorsqu'elle fut adoptée. En effet, ces décisions visent également des élèves de religion sikhe et l'on relèvera que sera publiée au Recueil, outre la décision relative à l'élève musulmane, l'une des trois décisionsNote 54 relatives aux élèves de religion sikhe. 45. - Les décisions rendues par le Conseil d'État le 5 décembre 2007 signalent en revanche la particularité et, disons-le, l'isolement de la France parmi les autres pays européens puisque l'interdiction du port des signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse n'a pas d'équivalent parmi les autres États membres de l'Union européenne : un rapport du Sénat relatif au port du foulard islamique indiquait ainsi en novembre 2003 que ni la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Danemark et l'Espagne n'avaient adopté une législation prohibant le port de ce vêtement par les élèves des établissements d'enseignement primaire et secondaire (cf. http://www.senat.fr/lc/lc128/lc128_mono.html). Le droit allemand garantit ainsi aux élèves le droit de porter des signes religieux (les Länder pouvant cependant interdire aux agents publics le port de tels signes). La plupart des États membres de l'Union européenne concentrent en fait leur attention sur la nécessité de préserver la neutralité de l'enseignement en veillant (parfois) à ce que les enseignants n'arborent pas de signes religieux. Or, non seulement la loi du 15 mars 2004 est particulièrement restrictive en ce qui concerne l'exercice par les élèves de leur liberté religieuse mais en outre la jurisprudence ajoute à cette sévérité originelle une interprétation particulièrement extensive, et particulièrement constructive, de la prohibition posée par la loi puisque le caractère en principe objectif de cette prohibition est désormais complété par la possibilité pour les chefs d'établissements de traquer les tentatives de contournement, par substitution de signes, de la loi. 46. - Ce faisant, les décisions du 5 décembre 2007 démontrent que pour appliquer l'interdiction du port des signes d'appartenance religieuse, l'Administration scolaire est conduite à entrer de manière toujours plus profonde dans la connaissance et l'analyse des religions et plus précisément dans l'interprétation des signes, comportements et attitudes religieuses adoptés par les élèves. C'est ainsi que le caractère objectif et général de cette interdiction impose à l'Administration, beaucoup plus qu'auparavant, de penser et de connaître les religions des élèves. Le religieux n'a donc été « extrait » des élèves que pour être réintroduit dans l'Administration qui sera amenée à adopter des raisonnements de plus en plus subtils et, il faut bien le dire, de plus en plus contestables : que l'on songe, par exemple, au bandana qui, porté par une élève de confession musulmane, sera interdit tandis qu'il sera autorisé pour les autres élèves. Si donc la religion est chassée de l'école, c'est au prix d'un « investissement religieux » de plus en plus important de la part de l'Administration scolaire. En bref, si l'espace public scolaire est laïcisé, l'Administration scolaire est de moins en moins laïque. C'est qu'en effet la loi du 15 mars 2004 marque bien la naissance d'une laïcité négative bien différente de la laïcité-abstention d'autrefois selon laquelle la République devait ignorer les religions et ne pouvait donc ni les favoriser ni les désavantager : la laïcité négative au contraire a pour but de refouler l'expression et les points de vue religieux de l'espace public, il s'agit donc d'une attitude beaucoup plus combattive et beaucoup plus vindicative envers les religions quelles qu'elles soient, attitude que justifie la volonté de reconquérir et de relaïciser l'espace public scolaire après que la jurisprudence libérale des années 90 l'eut ouvert à la liberté religieuse. C'est ainsi que l'Administration scolaire, sur le fondement de la loi du 15 mars 2004, est aujourd'hui amenée à traquer les appartenances religieuses des élèves, ce au double sens de ce verbe puisqu'elle recherche d'abord ces appartenances (ce qui suppose une certaine connaissance des religions et des manières de les exprimer) pour ensuite les chasser hors de l'enceinte scolaire. De manière plus générale, l'Administration sera probablement confrontée à la difficulté de tracer la frontière, pour les élèves issus de régions non sécularisées où la culture et la civilisation sont empreintes de religion, entre les signes qui manifestent une appartenance culturelle et les signes qui manifestent une appartenance religieuse. 47. - En tout état de cause, la loi du 15 mars 2004 pourra, grâce aux décisions rendues le 5 décembre 2007, continuer de remplir son office qui est de traquer et de bannir toute expression religieuse dans les établissements scolaires. Il n'est pas sûr, cependant, que la menace pesant sur le principe de laïcité soit telle qu'elle justifie une position aussi rigide du législateur, de l'Administration et du juge. Nous sommes loin en tout cas de la « laïcité positive » qui semble avoir les faveurs de l'actuelle présidence et tout aussi loin de la jurisprudence libérale et équilibrée des années 90 qui avait permis au Conseil d'État de promouvoir une approche ouverte de la laïcité et de pacifier durablement les rapports entre l'Administration laïque et les différentes confessions. Note 1 CE, 5 déc. 2007, n° 295671, Ghazal : JurisData n° 2007-072808. – CE, 5 déc. 2007, n° 285394, Singh : JurisData n° 2007-072807. – CE, 5 déc. 2007, n° 285395, Singh : JurisData n° 2007-072904. – CE, 5 déc. 2007, n° 285396, Singh.Note 2 L. n° 2004-228 : Journal Officiel 17 Mars 2004.Note 3 AJDA 1990 p. 39 note J.-P. C. ; RFD adm. 1990 p. 1 note Rivero ; GACE, Dalloz, 2ème édition, n° 22.Note 4 CE, 2 nov.1992, n° 130394, M. Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme Kizic : JurisData n° 1992-047090 ; Rec. CE 1992, p. 389 ; RFD adm. 1993, p. 112, concl. D. Kessler ; AJDA 1992, p. 790, chron. C. Maugüé et R. Schwartz.Note 5 Ainsi, à propos du foulard islamique : CE, 20 mai 1996, n° 170342, Min. Éduc. nat. c/ Ali : JurisData n° 1996-050313 ; Rec. CE 1996, p. 187, concl. Schwartz ; JCP G 1996, IV, 2196, obs. M.-C. Rouault ; AJDA 1996, p. 709, obs. G. Koubi ; RFD adm. 1997, p. 151, chron. C. Durand-Prinborgne.Note 6 V. CE, 27 nov. 1996, 3 arrêts : JurisData n° 1996050909 : JCP G 1997, II, 22808, note B. Seiller. Note 7 CE, 27 nov. 1996, n° 172686, M. et Mme Jeouit : JurisData n° 1996-050999.Note 8 CE, 27 nov. 1996, n° 172207, Ligue islamique du Nord et ép. Chabou et a. : JurisData n° 1996-850620 : ce trouble, en l'espèce caractérisé par des mouvements de protestation organisés dans l'enceinte de l'établissement, peut également résulter d'un comportement prosélyte de la part du porteur du signe religieux.Note 9 CE, 27 nov. 1996, n° 170209, Wissaadane : JurisData n° 1996-050998.Note 10 CE, 10 mars 1995, n° 159981, Ép. Aoukili : JurisData n° 1995-040796 ; AJDA 1995, p. 332.Note 11 Notamment l'obligation d'assiduité posée par l'article L. 511-1 du Code de l'éducation.Note 12 CE, ass., 14 avril 1995, n° 157653, Koen : JurisData n° 1995-043358 ; Rec. CE 1995, p. 168 ; AJDA 1995, p. 501, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux.Note 13 C'est-à-dire moins fondée sur des principes applicables à tous que sur un examen des circonstances de chaque espèce, ces circonstances tenant au type d'établissement et de scolarité et à la nature des demandes « religieuses » de l'élève.Note 14 Cons. const., 19 nov. 2004, n° 2004-505 DC, § 18 : Journal Officiel 24 Novembre 2004..Note 15 Circ. min. Éduc., 18 mai 2004, relative à la mise en oeuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, pt. 2–1 : Journal Officiel 22 Mai 2004..Note 16 CE, 8 oct. 2004, n° 269077, Union française pour la cohésion nationale : JurisData n° 2004-067281 ; Rec. CE 2004, p. 367, concl. R. Keller ; RFD adm. 2004, p. 977, concl. R. Keller ; AJDA 2005, p. 43, note F. Rolin ; JCP A 2004, 1849, note E. Tawil.Note 17 CE, 2 nov. 1992, préc.Note 18 V. rapp. AN n° 1381, 2004, relatif à l'application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics, p. 19 et 21.Note 19 Cass. 1re civ., 21 juin 2005, n° 02-19.831 : JurisData n° 2005-029043, Bull. civ. 2005, I, n° 271, p. 226.Note 20 Rép. min. n° 99109 : JOAN Q, 12 déc. 2006, p. 12993 ; JCP A 2006, act. 1138.Note 21 TA Cergy-Pontoise, 21 oct. 2004, n° 407980, Singh : JurisData n° 2004-047754 ; Procédures 2005, comm. 79, note S. Deygas : pour une exclusion de l'élève durant la phase de dialogue et donc avant l'engagement d'une procédure disciplinaire, le juge du référé liberté enjoignant au chef d'établissement de saisir le conseil de discipline. – TA Grenoble, 25 mai 2005, Mlle Essakkaki : AJDA 2005, p. 1745, concl. Morel : l'organisation d'un mode de scolarisation particulier de l'élève durant cette phase de dialogue est une mesure conservatoire qui n'a pas le caractère d'une sanction mais qui peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.Note 22 CE, 10 mars 1995, n° 125274, Conféd. nat. des groupes autonomes de l'enseignement public : JurisData n° 1995-041219 ; Rec CE 1995, p. 813. – CE, 16 janv. 2008, n° 295023 et n° 295026, Min. Éduc. nat. c/ Karakoc et Bourhayel : JurisData n° 2008073045, ces dernières décisions annulant deux arrêts de la CAA Nancy, 24 mai 2006, n° 05NC01274 et n° 05NC01275, qui avaient jugé que la sanction de l'exclusion définitive devait être mentionnée dans le règlement intérieur pour pouvoir être appliquée.Note 23 Si tant est que l'on puisse ici faire usage, à contre-emploi, d'un terme à connotation fortement religieuse.Note 24 Délib. HALDE, n° 2007-117 : JCP A 2007, 2171, note E. Tawil.Note 25 Circ. Premier ministre, n° 5209/SG, 13 avr. 2007, relative à la charte de la laïcité des services publics : JCP A 2007, act. 108 et 434.Note 26 CE, ass., 22 nov. 1946, n° 74725 et n° 74726, Cne Saint-Priest-la-Plaine : Rec. CE 1946, p. 279. – CE, sect., 13 janv.1993, n° 63044 et 66929, Galtié : JurisData n° 1993-040195 ; Rec. CE 1993, p. 11 : au sujet de l'accident subi par une personne sollicitée par le proviseur d'un lycée pour encadrer une sortie scolaire.Note 27 L'avis contentieux du 3 mai 2000, Marteaux, a posé le principe selon lequel « si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses » : CE, avis, 3 mai 2000, n° 217017, Marteaux : RFD adm. 2001, p. 146, concl. R. Schwarz.Note 28 C'est, en effet, au XVIIe siècle que le dixième gourou sikh, nommé Gobind, a fondé une fraternité paramilitaire en vue de résister aux persécutions musulmanes et hindoues et a instauré la règle du khalsa, c'est-à-dire des « purs », qui impose notamment de ne jamais se couper les cheveux ni la barbe et qui justifie donc, du moins pour les Sikhs appartenant au khalsa, de recourir au port d'un turban qui fut d'abord un objet traditionnel et identitaire avant de devenir véritablement un signe religieux.Note 29 T-shirt ou pull-over par exemple.Note 30 Par exemple, et même s'il s'agit d'une hypothèse d'école dans tous les sens du terme, une photographie du pape Benoît XVI ou un portrait de l'imam Khomeyni.Note 31 Comme ce fut le cas dans les mois qui ont suivi son adoption.Note 32 O. Dord, Laïcité à l'école : l'obscure clarté de la circulaire « Fillon » du 18 mai 2004 : AJDA 2004, p. 1523.Note 33 Comme le sous-turban sikh puisque les décisions n° 285394, 285395 et 285396 précisent que les élèves ont, « par le seul port de ce signe » manifesté leur appartenance à cette religion. Note 34 TA Caen, 7 juin 2005, n° 500301, Kervanci.Note 35 Puisque encore une fois l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation issu de la loi du 15 mars 2004 ne prévoit nullement l'existence d'une catégorie de signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève.Note 36 Puisque, selon nous, si l'on peut reprocher à une élève de confession musulmane le port d'un bandana, on ne saurait le reprocher à une élève de confession ou du moins de tradition chrétienne.Note 37 CEDH, 10 nov. 2005, n° 44774/98, Leyla Sahin c/ Turquie : AJDA 2005, p. 2149 ; S. Plana, Les préventions de la Cour européenne à l'encontre de certaines prescriptions religieuses : Droit de la famille 2006, étude n° 19.Note 38 Qui vise donc désormais les signes d'appartenance religieuse par euxmêmes et les signes d'appartenance religieuse liés au comportement de l'élève.Note 39 L'objectif d'intérêt général qui s'attache au principe de laïcité dans les établissements scolaires.Note 40 AJDA 2005, p. 44.Note 41 Arrêt préc. : la Cour admet, en effet, la limitation d'une liberté appartenant à la requérante en raison des craintes que font naître les agissements d'autrui, à savoir les fondamentalistes musulmans ; c'est ainsi pour éviter les débordements auxquels pourrait mener l'action de ces derniers que la Cour limite la liberté de la première ; or, seuls des faits qui ne peuvent être contestés et des raisons dont la légitimité ne fait aucun doute peuvent répondre à l'exigence d'un « besoin social impérieux » et justifier une limitation à la liberté religieuse ; au contraire, dans l'arrêt en cause, la Cour européenne des droits de l'homme sanctionne une personne pour prévenir les conséquences des éventuelles actions d'autres personnes.Note 42 CEDH, 1er juill. 1997, n° 20704/92, Kalaç c/ Turquie : Rec. CEDH, 1997, IV, p. 1209.Note 43 CEDH, 12 juill. 1978, n° 7992/77, X. c/ Royaume-Uni.Note 44 CEDH, 11 janv. 2005, n° 35753/03, Suku Phull c/ France.Note 45 Cf. pour l'interdiction de certains modes de sépulture (en l'espèce, la congélation !) : CE, 6 janv. 2006, n° 260307, Martinot et a. : JurisData n° 2006-069429 ; AJDA 2006, p. 757, note L. Burgorgue-Larsen ; D. 2006, p. 1875, note I. Corpart et inf.rap. p. 1200, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat.Note 46 CE, 27 juill. 2001, n° 289946, Fonds de défense des musulmans en justice : JurisData n° 2001-062867 ; Rec. CE 2001, p. 400 ; D. 2001, inf.rap. p. 2639.Note 47 CE, 2 juin 2003, n° 245321, Aboutaher .Note 48 CE, 15 déc. 2006, n° 289946, Association United Sikhs et Mann Singh : JurisData n° 2006-071181 ; Rec. CE 2006, p. 565 ; AJDA 2007, p. 313, concl. T. Olson.Note 49 Absentéisme dans certaines matières : sport, sciences naturelles...Note 50 Il s'agissait d'une circulaire du recteur de l'université d'Istanbul.Note 51 CEDH, 13 févr. 2003, n° 413401/98, 413402/98, 413403/98 et413404/98, Rehfa Partisi c/ Turquie, § 122.Note 52 CEDH, 25 mai 1993, n° 14307/88, Kokkinakis c/ Grèce : § 30.1Note 53 CEDH, Kokkinakis, préc., § 48. – cf. aussi, CEDH, 24 févr.1998, n° 23372/94, 26377/94 et 26378/94, Larissis c/ Grèce : Rec CEDH, 1998, I, § 45.Note 54 CE, 5 déc. 2007, n° 285394, Singh, préc.. Conseil d'État , Ass., 19 juillet 2011, COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 septembre 2007, 7 décembre 2007 et 25 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS LE MANS METROPOLE, dont le siège est Hôtel Communautaire Condorcet, 16 avenue François Mitterrand à Le Mans Cedex 09 (72039), représentée par son président ; la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt n° 06NT01080 du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement n° 03-4569 du 31 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A, la délibération du 21 octobre 2003 de son conseil communautaire décidant le financement des travaux d'aménagement d'un abattoir pour ovins d'un montant de 380 000 euros ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS LE MANS METROPOLE a décidé l'aménagement de locaux désaffectés en vue d'obtenir l'agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête de l'Aïd-el-Kébir ; qu'il a autorisé le président de la communauté à engager la passation des marchés publics nécessaires ; que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire a arrêté à 380 000 euros l'enveloppe budgétaire destinée au financement de ces travaux ; qu'à la demande de M. A, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière délibération, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; que, par un arrêt du 5 juin 2007, contre lequel la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes (...). ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. ; Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ; Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ou qui sont prévues par ses statuts, construise ou acquière un équipement ou autorise l'utilisation d'un équipement existant, afin de permettre l'exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition qu'un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention et qu'en outre le droit d'utiliser l'équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à relever que l'abattage d'ovins lors de la fête de l'Aïd-el-Kébir présente un caractère rituel, pour en déduire que la décision d'aménager un abattoir temporaire méconnaissait les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, sans examiner si l'intervention de la communauté urbaine était justifiée par un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l'éloignement de tout abattoir dans lequel l'abattage rituel pût être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ; Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que demande la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS LE MANS METROPOLE au même titre ; (…).