Séance 5 : Culture du risque et réduction de la vulnérabilité
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Séance 5 : Culture du risque et réduction de la vulnérabilité
37 Rédu uire la vulnérabilité a inondations aux des acctivités économiques Module I Séquence 2 : Territoires, risque inondation et vulnérabilité des activités économiques Séance 5 : Culture du risque et réduction de la vulnérabilité Informations pratiques : Durée : 45 minutes Nombre de diapositives : 19 Outil(s) : Diaporama/Brain storming Objectifs : Définir ce qu’est la culture du risque Explorer les rapports entre culture du risque et réduction de la vulnérabilité Imaginer et proposer des actions contribuant à une culture du risque Mots clés : Culture du risque/Information préventive/Mémoire/ Repère de crue Contenus et éléments de discours Diapositives 2 à 3 Le formateur propose au stagiaire dans un temps court (2 mn) de réfléchir à la signification de l’expression «culture du risque». Le formateur recueille l’ensemble des idées émises et les complète sur la base des principales définitions des notions suivantes : Connaissance Individuel Collectif Sensibilisation Préparation Représentations Perceptions Territoire Transmission Mémoire Chapitre 1 : Les liens entre culture du risque et vulnérabilité (diapositives 4 à 9) Diapositive 5 L’oubli des catastrophes : fléau de la culture du risque ? L’oubli des catastrophes du passé est fréquemment cité comme « fléau » de la culture du risque. Au Moyen-Âge, les populations qui croyaient que les catastrophes leur étaient envoyées par Dieu, le priaient, mais construisaient et entretenaient des digues, évitaient de construire dans le lit majeur des rivières ou si elles le faisaient, n'habitaient pas au rez-de-chaussée (les maisons anciennes de Vaison-la-Romaine au bord de l'Ouvèze ou celles de Sommières au bord du Vidourle, ou encore les maisons des bords de la Meuse de Charleville-Mézières jusqu'à Namur en sont des exemples). Plus anciennement, les Romains avaient jeté des ouvrages d'art parfaitement adap- Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010 Réduire la vulnérabilité aux a inondations des activités économiques 7 Selma Leydesdorff, Quand les eaux montent: souvenirs de survie apres les inondations de 1953, in: R. Favier, A-M. Granet-Abisset, Histoire et Mémoire des Risques Naturels, Maison des sciences de l'Homme-Alpes : Grenoble 2000, pp.177-191 38 tés aux crues cévenoles comme en témoignent les ponts du Gard ou de Vaison-laRomaine. Indiscutablement, ces populations avaient une culture du risque, une connaissance des phénomènes naturels et différents systèmes de perpétuation et d'amélioration de ces connaissances, conduisant à une socialisation aux risques des différents membres de la société. Qu'en est-il aujourd'hui ? La plupart des acteurs de notre société fortement urbanisée a désappris les signes que lui offre la nature. Dans le même temps, des lois, des règlements, des normes, multiples, souvent inconnus, hors de portée du grand public, se sont multipliés. Des professionnels ont alors été chargés de la sécurité des populations lesquelles se sont senties moins concernées par leur sécurité. Aujourd’hui, la population française est de plus en plus mobile (notamment pour des raisons professionnelles). Cette mobilité, combinée à une urbanisation croissante, induit une méconnaissance des spécificités territoriales. Autrement dit, les nouveaux arrivants n’ont pas de culture locale du risque. Elle ne leur a pas été transmise par les générations passées. Peu à peu, cette culture disparaît et avec elle, se perdent des réflexes élémentaires et une part de bon sens. Face à ce constat, les autorités ont souvent encouragé les acteurs locaux à travailler sur la mémoire des catastrophes. Ce travail peut s’effectuer de différentes manières. Communiquer, informer et invoquer la mémoire des catastrophes n’est pas toujours suffisant. Si la communication a forcément un impact sur la forte ou faible vulnérabilité, aujourd’hui ce sont surtout les médias qui font, défont, sélectionnent, construisent et déconstruisent les situations de catastrophe. La télévision violente, traumatise et dénonce pendant la catastrophe. Après la catastrophe, elle surcompense par des connotations euphoriques : à tout malheur son antidote ! Cette communication changeante ne contribue pas à poser les jalons d’une véritable culture du risque. Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010 On peut s’interroger sur la brutalité d’une image et sur le fait qu’elle participe ou non à créer une culture du risque. Ce type de communication renforce les stéréotypes, mais pas la mémoire ! L’exemple des inondations de la province de la Zélande (Pays-Bas) en 1953, montre à quel point la mémoire du risque peut être détournée de ses objectifs initiaux. Diapositive 6 Les inondations de la province de la Zélande (Pays-Bas) en 1953. Selma Leydesdorff7, professeure d’Histoire à l’Université d’Amsterdam a mené une étude intitulée « Quand les eaux montent : souvenirs de survie après les inondations de 1953 » sur une inondation terrible survenue aux Pays-Bas : « La nuit du 31 janvier 1953, la Zélande, province du sud-ouest des Pays-Bas, a connu des inondations très importantes qui sont restées inscrites dans les mémoires sous le nom de désastre. Plus de 1 800 personnes ont trouvé la mort ». Aux Pays-Bas, les inondations portent parfois un prénom, comme on le fait pour les cyclones. Le fait de nommer la catastrophe peut aider à mieux s’en souvenir. C’est visiblement le cas de l’inondation la plus célèbre : l’inondation Elisabeth survenue en 1650. Elle fait partie de la mémoire collective des catastrophes du passé tout comme la dernière grande inondation de 1911. Entre 1911 et 1953, les terres n’ont jamais été inondées (sauf volontairement en 1944 pour empêcher les forces alliées d’atterrir). Profondément ancrées dans les mémoires, ces inondations ont participé à forger une culture du risque pour la société néerlandaise. Pourtant, avant 1953, personne ne pensait que l’eau pouvait monter plus haut que les genoux. Les entretiens menés auprès des sinistrés de 1953 par Selma Leydesdorff relatent une expérience vraiment traumatisante. Les victimes parlent d’eaux glacées, de peur, d’impuissance, de frissons dans le dos, de trombes d’eau, d’odeur fétide, d’océan, de boue et finalement d’un immense nettoyage. Elles se sont senties abandonnées par le reste du monde, comme si personne 39 n’était au courant de leur sort, elles craignaient à tout moment d’être submergées. Elles ont ensuite parlé de la manière dont elles ont survécu et continué à vivre. Les souvenirs les plus poignants concernent les rescapés de la dernière heure et les personnes qui en ont réchappé de justesse. Toutes les personnes interrogées ont été confrontées à la mort. Au cours de ces entretiens, les personnes ont éprouvé beaucoup de difficultés à trouver les mots justes pour témoigner d’événements aussi horribles. La mémoire a tendance à se fragmenter. Aux Pays-Bas, le souvenir de cette inondation fait partie de la mythologie qui nourrit l’identité d’une mémoire nationale formée par des siècles de victoire sur les eaux. Au lendemain de ce désastre, le discours national, largement relayé par les médias, se fondait sur la fierté nationale. L’ensemble de la population avait collecté de l’argent et des biens pour les survivants, chaque village avait envoyé de jeunes volontaires, etc. 2) Ensuite, l’auteur explique que si elle n’avait pas réalisé cette étude, ces personnes n’auraient jamais eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet. Après une catastrophe, encore trop souvent, il n’existe pas d’espaces permettant aux personnes de parler. Certes, il existe aujourd’hui des cellules psychologiques d’urgence, mais que se passe-t-il quelques mois, quelques années plus tard ? Permettre tout simplement aux victimes de témoigner, c’est déjà œuvrer pour la culture du risque et la mémoire des catastrophes. Diapositive 8 Dans ce contexte, il est important de mener des actions préalables d’information et de sensibilisation auprès de l’ensemble des acteurs concernés pour les convaincre de l’intérêt qu’ils ont à agir. Mais avant d’informer et de communiquer, il convient de définir les publics cibles. Diapositive 9 Or, durant les entretiens, il est clairement apparu une distorsion de perception entre la mémoire nationale et la mémoire des victimes. Plusieurs survivants se sont même interrogés sur la pertinence de leurs témoignages pour l’étude de Selma Leydesdorff tant ils étaient éloignés du discours médiatique. Préparer et former la société civile. Au final, les commémorations officielles se sont succédées, et ont transformé cette tragédie en une victoire sur la mer, symbolisée dans la construction d’un réseau de digues et de voies navigables (le Plan Delta). La mémoire « officielle » a effacé les pertes, les tristesses et les peurs en insistant sur l’action collective nationale. Aujourd’hui, les souvenirs des sinistrés n’ont plus rien à voir avec une victoire héroïque de la nation sur les eaux ! Préparer : Connaissance de l’alerte, connaître le signal d’alerte, savoir l’interpréter. On peut citer à titre d’exemple la ville de Quimper qui a mis en place un système d’alerte par abonnement gratuit à un service appelé « info crues ». Ce système permet de prévenir environ 900 personnes en moins de 5 minutes en cas de crue menaçant la sécurité des personnes ou des biens. Diapositive 7 Cette étude est intéressante pour au moins deux raisons : 1) Tout d’abord, elle interroge sur l’intérêt d’une mémoire du risque « à tout prix » ? Quel peut être l’intérêt de se souvenir de quelque chose qui ne s’est pas produit ainsi ? Rédu uire la vulnérabilité a inondations aux des acctivités économiques Former : Le développement d’une culture du risque passe également par l’amélioration de la connaissance de la vulnérabilité des territoires, de l’habitat, des réseaux, des équipements, des activités économiques, … Plan de secours : à partir du moment où le risque est perçu, la diffusion d’une culture du risque peut passer par l’incitation des entreprises à se doter de plans de secours. Plus un acteur économique est préparé, moins il sera vulnérable. Les plans de secours doivent devenir une sorte « d’automatisme » (PCA : Plan de Continuité d’Activité et PRA : Plan de Reprise d’Activité). Ces plans participent forcément à diminuer la vulnérabilité des en- Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010 Réduire la vulnérabilité aux a inondations des activités économiques 40 treprises puisqu’ils diminuent le niveau d’endommagement. Des citoyens mieux formés (et ce dès leur plus jeune âge) à une culture du risque (meilleure connaissance des phénomènes naturels, meilleure appréhension de la vulnérabilité) amélioreront les comportements individuels et collectifs (moins de blocages pour la mise en œuvre des plans de prévention, moins de stress en période de crise). La (re)construction d'une culture du risque se fera si, à tous les niveaux de la société, on saura faire la distinction entre un événement normal (là où, par exemple, des techniques de réhabilitation du bâti existant sont suffisantes) et un événement grave (là où des mesures d'expropriation seront exigées). Chapitre 2 : Que faire concrètement ? (diapositives 10 à 23) le risque en oubliant les événements passés ou à mystifier une crue ancienne qui a laissé des souvenirs terribles (comme nous l’avons vu pour les Pays-Bas) car aucune donnée, source ou référence n’a permis de la relativiser. Les repères de crue contribuent à l’information préventive de la population. Ils permettent de développer une culture du risque inondation en fournissant une information fiable et facile à comprendre par tous. Cadre réglementaire : La loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 indique que « dans les zones exposées au risque d’inondations, le maire, avec l’assistance des services de l’Etat compétents, procède à l’inventaire des repères de crues existant sur le territoire communal et établit les repères correspondant aux crues historiques, aux nouvelles crues exceptionnelles ou aux submersions marines. La commune ou le groupement de collectivités territoriales compétent matérialisent, entretiennent et protègent ces repères ». Diapositive 11 Des mesures réglementaires. L’ensemble des mesures réglementaires contribuant à diffuser une culture du risque ne seront pas développées dans le cadre de cette séance. Elles le seront au cours de la séance 8 consacrée au rôle des collectivités dans la prévention et la gestion du risque inondation. Diapositives 12 à 15 Les repères de crue. Les repères de crue permettent de « faire vivre » la mémoire des inondations que le temps peut parfois occulter. Aujourd’hui, la mobilité des personnes (notamment pour des raisons professionnelles) laisse peu de place à la mémoire collective locale. La transmission orale des événements passés entre générations devient difficile et ne suffit plus. Les repères de crue permettent de laisser des traces matérielles pour sensibiliser, entretenir et transmettre une mémoire collective des crues d’un cours d’eau. Une mauvaise connaissance des processus d’inondation conduit souvent à minimiser Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010 Le décret n°2005-233 du 14 mars 2005 précise que « les zones exposées au risque d’inondation doivent comporter un nombre de repères de crues qui tient compte de la configuration des lieux, de la fréquence et de l’ampleur des inondations et de l’importance de la population fréquentant la zone ». La pose de repères de crues est une mission du maire qui peut être réalisée directement par la commune ou par un établissement à caractère intercommunal. La prise en charge de la pose des repères de crues peut s’inscrire dans le cadre du Plan d’Actions et de Prévention des Inondations (PAPI) et des Plans de Prévention des Risques (PPR). Diapositives 16 et 17 Des mesures hors du champ réglementaire. Des projets événementiels ou pérennes L’opération « fil bleu » dans la Loire a consisté à tendre un ruban bleu dans plusieurs communes à la hauteur de la précédente inondation. Pendant cette opération, plusieurs manifestations et ani- 41 mations autour du risque inondation se sont déroulées. Rédu uire la vulnérabilité a inondations aux des acctivités économiques Des projets « nature » ou sportifs En Belgique, il existe un circuit de VTT (agrémenté de panneaux d’interprétation) qui chemine sur des diguettes permettant de lutter contre le ruissellement et l’érosion des sols. Des projets culturels ou artistiques La récente commémoration du centenaire de la crue de 1910 au cours d’une exposition temporaire de carte postale à Paris est un exemple d’action possible. Des pièces de théâtre, des lectures publiques sont aussi des vecteurs de sensibilisation. Diapositives 18 et 19 Culture du risque et réduction de la vulnérabilité. Les chefs d’entreprises sont avant tout des citoyens. L’information du citoyen se répercutera sur la conscience du chef d’entreprise. Informer, communiquer en « créant un environnement favorable » participe à créer les conditions pour que des répercussions allant dans ce sens se fassent sentir sur tout le territoire. Tous ces moyens sont mobilisables pour participer au développement d’une culture du risque sur le territoire. Et d’autres solutions restent encore à inventer ! Si les acteurs des territoires n’agissent pas en ce sens, il se pourrait bien que, dans le futur, la principale vulnérabilité des sociétés soit justement son incapacité à inventer une culture sociale, adulte, démocratique, ouverte, et pas seulement technique du risque ! Pour qu’une société développe une culture du risque, il faut que dans un premier temps elle ait conscience de ses vulnérabilités, et dans un second temps qu’elle développe des comportements adaptés pour faire face à ce risque. Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010 42 Réduire la vulnérabilité aux a inondations des activités économiques Notes personnelles : Livret de route "formateur" EP Loire - UNCPIE 2010