La valorisation de la recherche en sciences humaines et sociales

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La valorisation de la recherche en sciences humaines et sociales
La valorisation de la recherche en sciences
humaines et sociales
Rédigé par
M. Wenceslas Mam’s Mamboundou, Président
Assisté de
M. Salim Laaroussi, vice-président
Présenté dans le cadre de la 91e réunion régulière du Conseil National des Cycles Supérieurs
( CAO- 11604)
Les 17 et 18 janvier 2004
À Trois-Rivières
Conseil national des cycles supérieurs
Fédération étudiante universitaire du Québec
La recherche constitue un atout incontournable pour le système d’innovation. L’importance d’une
société du savoir reposant sur un système scientifique performant et qui accorde une place
primordiale au système de production des savoirs, les universités, se doit donc d’être valorisé si
on souhaite relever les défis liés aux sociétés en pleine mutation, dans un monde concurrentiel.
Dans cette perspective, l’innovation devient donc une exigence pour toutes les organisations,
mais également pour tous les domaines du savoir et pour toutes les régions du Québec. Elle devra
donc s’appuyer sur une stratégie de valorisation de la recherche afin que les connaissances et les
découvertes soient transférables au bénéfice d’une amélioration des pratiques et de la résolution
des problèmes.
Repères et définition
C’est en 1986 que le Conseil de la science et de la technologie organisa un colloque axé sur le
thème Sciences sociales et transformations technologiques1. En 1999, le même conseil rédigea un
avis2 qui a été présenté dans le cadre de la mise en place de la nouvelle politique québécoise de la
science et de l’innovation. L’objet visait donc la contribution de la recherche en sciences sociales
et humaines à l’innovation technologique et sociale du Québec. Ainsi, la nouvelle politique
adoptée en 2001, reconnaissait le rôle fondamental3 des sciences sociales et humaines dans le
processus de valorisation de la recherche.
La Politique de la science et de l’innovation reconnaissait que toutes les recherches sont donc
susceptibles d’être valorisées. Si, dans le domaine de la santé, des technologies et des ingénieries,
la valorisation de la recherche emprunte souvent la voie de la commercialisation, cela n’est pas le
cas dans les sciences humaines et sociales.
Par innovation sociale, on considère « toute nouvelle approche, pratique ou intervention, ou
encore tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation ou solutionner un
1
Sciences sociales et transformation technologique, Les Actes d’un colloque, Conseil de la science et de la
technologie, juin 1987.
2
Conseil supérieur de la science et de la technologie, Innovation sociale et innovation technologique : L’apport de la
recherche en sciences humaines et sociales, CST, 2000, 63 p.
3
Politique québécoise de la science et de l’innovation, Gouvernement du Québec, 2001, p. 89.
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problème social et ayant trouvé preneur au niveau des institutions, des organisations, des
communautés »4. Cette définition met l’accent sur le changement fondé sur des connaissances
nouvelles ou des pratiques qui permettent l’amélioration d’un état ou la résolution d’une
problématique. Ainsi, l’innovation n’est pas réservée uniquement au domaine technologique ou
de la santé. Cette définition met en exergue la nécessité de prendre en compte les sciences
humaines et sociales dans le processus de diffusion des savoirs.
La contribution des sciences sociales et humaines
Les sciences sociales et humaines revêtent une dimension large et touchent à plusieurs champs
disciplinaires. En partant des sciences sociales (sociologie, science politique, etc.) aux humanités
(arts et lettres), et en passant par les sciences de l’administration, les sciences des
communications, de l’éducation et les sciences humaines (histoire, géographie, droit et
philosophie), on considère que l’ensemble de ces disciplines peuvent et doivent contribuer à
l’innovation.
L’innovation sociale étant un aspect essentiel du développement durable et ayant pour but de
créer de nouveaux moyens d’insertion plus satisfaisante, de répondre aux besoins des
populations, de questionner des pratiques diverses et de renforcer le développement local, il y a
donc lieu de penser que les questionnements soulevés par ces disciplines permettront de
transformer les pratiques existantes.
En effet, si l’on a tendance à mettre l’accent sur les découvertes issues des sciences et génies et
celles des sciences de la santé, on oublie que la résolution de problèmes économiques, éthiques et
autres reposent davantage sur la recherche en sciences sociales et humaines. Ces dernières
apportent une contribution importante aux activités humaines et complètent souvent les questions
liés aux autres sciences. Autrement dit, le développement et la diffusion des découvertes issues
de la technologie ou de la santé peuvent nécessiter l’appropriation d’un processus social que
4
C. Bouchard, avec la collaboration du Groupe de travail sur l’innovation sociale, Recherche en sciences humaines
et sociales et innovations sociales, contribution à une politique de l’immatériel, 1999, p. 2.
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seules les sciences humaines sont en mesure de résoudre.
D’ailleurs, plusieurs exemples de recherches en sciences sociales et humaines peuvent souligner
tout le potentiel de valorisation des disciplines regroupées en son sein.
Grâce à leur contribution, les sciences sociales et humaines peuvent aider à résoudre les questions
se rapportant à l’éthique et à la déontologie dans l’ensemble du processus se rapportant à la
création des connaissances scientifiques. Les disciplines comme la philosophie, l’anthropologie,
le droit, la sociologie et encore les sciences religieuses peuvent questionner les processus de
recherche dans leur utilisation des sujets expérimentaux et des animaux de laboratoire car, il peut
exister des conséquences sur les êtres humains et l’environnement. À cet effet, les récents débats
sur le clonage humain et les OGM montrent toute la complexité du développement scientifique et
des enjeux socioculturels, politiques et économiques engendrer par l’innovation.
Cependant, au-delà de la compréhension des dynamiques liées à l’acceptation des découvertes
issues d’autres disciplines, les sciences sociales peuvent en elle-même également contribuer à :
1) Une innovation dans les politiques publiques : garderies à cinq dollars, les politiques
familiales, les politiques d’emploi, la politique en éducation;
2) Une meilleure connaissance d’un phénomène et apporter des changements dans les
pratiques sociales et professionnelles : violences conjugales, les drogues, les relations
interculturelles, la mondialisation, la prévention dans les services sociaux, les techniques
d’enseignement, etc.
3) Apporter des changements organisationnels tant pour le secteur public que pour
l’entreprise privée.
Ces quelques exemples soulignent tout le potentiel de valorisation des sciences sociales et
humaines et leur contribution au processus d’innovation. Elles ont donc un rôle à jouer. Trop
longtemps sous-estimées dans leur apport qui s’est souvent reflété par le peu de financement qui
leur était accordé, toute politique visant à assurer une participation de la science dans le
développement du Québec devrait donc inclure les sciences humaines sans discrimination
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Pour une meilleure intégration des connaissances en sciences sociales et humaines
L’adoption de la dernière politique de la science et de l’innovation du Québec a évidemment
reconnu le potentiel des sciences humaines dans la valorisation de la recherche. En effet,
plusieurs efforts ont été effectués par le gouvernement du Québec en vue de doter la recherche
universitaire d’instruments adéquats pour la valorisation de la recherche. Cependant, on peut voir
que cette valorisation a davantage pris la voie de la commercialisation. Force est donc de
constater que les sciences sociales et humaines n’ont pas reçu l’application qui leur était dévolue
dans la Politique de la science et de l’innovation.
Dans la perspective d’une amélioration de la situation, il faut reconnaître que pour assurer le
développement des sciences sociales et leur permettre de jouer un rôle majeur dans les mutations
en cours au niveau québécois et international, il revient à l’État d’assumer le financement de la
recherche. Pour les sciences sociales et humaines, l’État a un rôle central car, 79% du
financement en sciences humaines et sociales provient des deux paliers gouvernementaux contre
67% en sciences naturelles et génies, et 52% en sciences de la santé. Or, si l’on souhaite que les
chercheurs québécois continuent de performer dans le domaine des sciences sociales et humaines,
au niveau des organismes de financement fédéral, et que ce champ de recherche joue un rôle
majeur dans le développement de la recherche, le gouvernement du Québec se doit de modifier
ses perceptions envers les sciences sociales et humaines.
Recommandations
Considérant que la recherche en sciences sociales et humaines est sous financée;
Considérant que les sciences sociales et humaines contribuent à l’avancement des connaissances
et participent à l’amélioration de la vie quotidienne;
Considérant que les sciences humaines et sociales jouent un rôle complémentaire dans le
processus d’innovation;
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Le CNCS recommande :
Que le gouvernement applique la Politique de la science et de l’innovation dans le processus de
valorisation de la recherche en sciences sociales et humaines.
Que le gouvernement consolide la fonction recherche en sciences sociales et humaines dans le
secteur public et parapublic.
Que le gouvernement augmente le recours à la recherche gouvernementale en sciences humaines
et sociales pour l’ensemble de ses ministères auprès des universités.
Que le gouvernement alloue un budget spécifique au Fonds de recherche sur la société et la
culturelle qui permettrait de développer une stratégie et assurer la promotion de la recherche en
sciences sociales et humaines dans les secteurs public, parapublic et privé.
Que le gouvernement mette en place des incitatifs fiscaux pour encourager le financement de la
recherche en sciences humaines et sociales par le secteur privé (CNCS-21103).
Que soient élargis les programmes de crédits d’impôts pour couvrir également la recherche en
sciences humaines et sociales (CNCS-21203).
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