B. La 6ème réforme de l`Etat et les institutions provinciales

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B. La 6ème réforme de l`Etat et les institutions provinciales
IEV
Etat de la question
LA 6EME REFORME DE L’ETAT
ET LES INSTITUTIONS PROVINCIALES.
REVOLUTION OU SIMPLE STATU QUO?
GIUSEPPE COSANNI
Décembre 2014
Editeur responsable : Hervé Parmentier - 13 Bd de l’Empereur - 1000 Bruxelles
Introduction ............................................................................................ 2
A.
Les institutions provinciales au sein de la Belgique fédérale. ......... 2
1.
Les compétences et les organes provinciaux. ............................... 2
2.
Le transfert aux régions de la législation provinciale ..................... 4
3.
Les réformes entreprises par la région wallonne dans la matière
provinciale depuis la régionalisation. .................................................... 4
B.
La 6ème
réforme de l’Etat et les institutions provinciales ............... 7
1.
Les modifications institutionnelles pour assurer l’exercice complet
aux régions des compétences liées aux provinces. ................................. 7
2.
Evaluation de ces modifications institutionnelles ........................... 8
Conclusion ............................................................................................... 9
1
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Introduction
Issues du découpage administratif qui découla de l’occupation française des
Pays Bas autrichiens et de la Principauté de Liège en 17951, les provinces belges
vont se voir attribuer le rôle de niveau intermédiaire entre l’Etat central et les
communes lors de la création de notre pays en 1830.
Cependant suite à une réflexion sur la réforme des institutions entreprise dans
les années 1960, d’aucuns étaient d’avis qu’elles devaient disposer de plus de
compétences2. Néanmoins, le constituant a opté au fil des ans, pour un
fédéralisme composé de régions et de communautés3. Leurs compétences se
consolident progressivement et les régions se voient attribuer en 2001 la
composition, l’organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions
provinciales.4.
Suite à la 6ème réforme de l’Etat5, les pouvoirs régionaux se voient confier le
pouvoir de supprimer ou de remplacer, s’ils le souhaitent, les provinces par des
collectivités supracommunales.
Face à ce nouveau changement, la présente note vise à présenter brièvement
l’institution provinciale : ses compétences et ses organes, de voir les réformes
qui ont été entreprises au niveau wallon (partie A), et ensuite, d’analyser les
modifications institutionnelles intervenues en 2014 et leurs conséquences sur les
provinces (partie B).
A.
Les institutions provinciales au sein de la
Belgique fédérale.
Avant d’analyser le changement constitutionnel en matière de provinces
intervenu en 2014, il est essentiel de faire une brève description des institutions
provinciales, en commençant par leurs compétences et leurs organes, leur place
dans le fédéralisme belge ainsi que les réformes qui ont été entreprises par la
Région wallonne en la matière.
1. Les compétences et les organes provinciaux.
Dans notre pays, il y a actuellement dix provinces : cinq en Flandre et cinq en
Wallonie6. A Bruxelles-Capitale, les 19 communes de la Région ne font plus partie
1
M. COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66, 2006, p.11.
Commission nationale pour la réforme des institutions (dite de la Table ronde) installée le 14
janvier cfr : M. COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66, 2006 p.17.
3
M.COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n,°66, 2006, p.17.
4
Loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux Régions et
Communautés, M.B. 03/08/01 modifiant la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes
institutionnelles, M.B. 15/08/80.
5
Révision du 6 janvier 2014 de l’article 41 de la Constitution, M.B. du 31/01/14 et article 20 de la
loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’Etat, M.B. du 31/01/14.
6
Article 5, alinéa 1er de la Constitution coordonnée du 17 février 1994, M.B. du 17/02/94 : « La
Région wallonne comprend les provinces suivantes : le Brabant wallon, le Hainaut, Liège, le
Luxembourg et Namur. La Région flamande comprend les provinces suivantes : Anvers, le Brabant
flamand, la Flandre occidentale, la Flandre orientale et le Limbourg ».
2
2
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d’aucune province depuis la scission intervenue le 1er janvier19957 de la province
du Brabant en Brabant wallon et en Brabant flamand.
Leurs compétences sont variées. En effet, l’article 162 de la Constitution prévoit
que les institutions provinciales sont compétentes pour tout ce qui est d’intérêt
provincial. Cela signifie que les provinces peuvent agir dans les matières qui ne
sont pas réglées par l’Etat fédéral, les régions et les communautés et qui ne sont
pas d’intérêt communal8. Au fil du temps, elles ont pris des initiatives en matière
de sport, de culture, d’enseignement, d’environnement, de création des services
sociaux et sanitaires… De plus, elles peuvent être chargées par les autorités
supérieures de l’exécution de certaines missions. Dans ce cadre, elles n’agissent
plus comme un pouvoir local autonome mais comme une autorité déconcentrée
soumise au contrôle hiérarchique. Par exemple, elles sont compétentes pour
l’élaboration des plans d’urgence dans le respect de la législation fédérale, pour
le contrôle juridictionnel dans le cadre des élections communales ou pour la
délivrance d’autorisations des collectes porte-à-porte dépassant le territoire de
plusieurs communes.
Chaque province est composée d’un Conseil provincial, d’un Collège provincial et
d’un Gouverneur de province9.
Le Conseil provincial est composé de membres élus par les habitants de chaque
province tous les 6 ans10. Il règle tout ce qui est d’intérêt provincial sous réserve
de dispositions décrétales ou légales qui limiteraient son autonomie. Pour ce
faire, le Conseil adopte des règlements provinciaux. C’est également à lui que
revient le rôle de donner la confiance au Collège provincial et de le contrôler. Le
Conseil provincial détient également la compétence d’arrêter annuellement le
budget et les comptes de la Province, ainsi que de nommer et suspendre les
agents de l’administration. C’est en quelque sorte l’organe législatif de la
province.
En Wallonie, l’« exécutif »de la province se nomme depuis les élections
communales et provinciales du 8 octobre 2006 en Wallonie, le Collège
provincial11. En Flandre, il se nomme encore députation permanente. C’est à lui
qu’il revient le rôle d’exécuter les décisions prises par le Conseil provincial et de
gérer au quotidien l’administration provinciale.
De plus, il existe dans chacune des provinces un Gouverneur de province qui est
nommé à durée indéterminée par le Gouvernement régional, sur avis conforme
du Conseil des ministres fédéral12. Sa tâche est d’être le commissaire des
autorités fédérales, régionales et communautaire sur le territoire provincial.
A noter que, depuis la 6ème sixième réforme de l’Etat, les missions du Gouverneur
sur le territoire bruxellois relèvent désormais
du Ministre-Président du
7
M.COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66, 2006, p.23.
A.GERLACHE, J. VANDE LANOTTE, M.UYTTENDAELE, S. BRACKE, G. GOEDERTIER, La Belgique
pour débutants, Brugge, La Charte, 2008, p.181.
9
M. COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66, 2006, p.33, p.47 et p.55.
10
A.GERLACHE, J.VANDE LANOTTE, M.UYTTENDAELE, S.BRACKE, G. GOEDERTIER, La Belgique
pour débutants, Brugge, La Charte, 2008, p.182.
11
Article 134 du décret wallon du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, M.B. du
30/03/04.
12
Article 6, VIII, 1° de la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, M.B. 15/08/80.
8
3
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Gouvernement bruxellois et d’un fonctionnaire désigné par celui-ci sur avis
conforme du Conseil des ministre fédéral13.
2. Le transfert aux régions de la législation provinciale
Depuis les accords du Lambermont traduits dans la loi spéciale du 13 juillet 2001
portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés
modifiant la LSRI14, les régions sont compétentes pour la législation organique
des pouvoirs locaux, jusqu’ici exercée par l’autorité fédérale. Cette législation
comprend globalement l’organisation des communes et des provinces, l’élection
de leurs conseils, la tutelle et leur financement général (fonds des provinces et
fonds des communes)15.
De plus, les autorités régionales sont également compétentes pour les
agglomérations et fédérations de communes, les organes intra communaux
(districts), les fabriques d’église et la législation liée aux funérailles16.
Il appartenait en revanche toujours à la Constitution fédérale de fixer la
répartition des pouvoirs locaux en provinces et communes17. De ce fait, les
régions ne pouvaient pas supprimer un niveau de pouvoir local18.
3. Les réformes entreprises par la région wallonne dans
la matière provinciale depuis la régionalisation.
Désormais compétente pour l’organisation des provinces, la Région wallonne a
entrepris une série de réformes en la matière.
a) En 2002, le Parlement wallon adopte une note d’orientation « La démocratie
équilibrée », dans laquelle est consacré le principe d’un niveau intermédiaire
entre les deux niveaux de pouvoir territoriaux principaux que sont la Région et
les communes19.
En exécution de cette note, un décret est adopté, le 21 mars 2002 qui organise
le partenariat et le financement général des provinces20. Celui-ci divise le fonds
wallon des provinces en deux parties : une partie liée au financement général
des provinces et une autre liée à la conclusion d’un contrat de partenariat entre
la Région et la province. Le contrat précise les objectifs assignés aux parties
13
Article 48 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises telle que
modifié par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’Etat, M.B. 31/01/14.
14
Loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, M.B. 15/08/80.
15
Article 6, VIII, de la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles tel que modifié par
la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et
communautés, M.B. 03/08/01.
16
Ibidem.
17
Anciens articles 41 et 162 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 avant la modification
intervenue le 6 janvier 2014.
18
C.C., arrêt n°95/2005 du 25 mai 2005, M.B. du 07/06/05.
19
M.COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66, 2006, p.26.
20
Décret wallon du 21 mars 2002 organisant le partenariat et le financement général des provinces
wallonnes, M.B. 04/04/02.
4
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(Région et province), les délais de réalisation de ces objectifs, les moyens à
mettre en œuvre pour les atteindre et les critères d’évaluation21.
Au début de chaque triennat, la province transmet au gouvernement wallon une
liste d’actions qu’elle entend mener. S’ensuit une négociation entre celui-ci et
l’institution provinciale afin de conclure un contrat de partenariat. A défaut, le
gouvernement régional a la faculté de réduire d’un 1/9ième le subventionnement
lié au partenariat22. Le contrat fait l’objet d’évaluations annuelles durant les
deux premières années, ainsi que d’une évaluation finale à la fin du triennat23.
Ces évaluations se déroulent en concertation avec les provinces. Malgré tout, il
appartient toujours au gouvernement wallon, après décision motivée, de décider
si oui ou non une province a bien réalisé ses objectifs24. Ces contrats de
partenariat devait permettre d’assurer une cohérence de l’action provinciale avec
celle de la Région et d’éviter les doublons mais ils se sont révélés au fil du temps
être peu efficaces dans la rationalisation des compétences provinciales en plus
d’être une lourdeur administrative supplémentaire.
b) En 2004, la Région entreprend une réécriture quasi complète de loi provinciale
du 30 avril 1836. Cela se traduit par l’adoption du décret wallon du 12 février
2004 organisant les provinces wallonnes25. Le but de ce décret est de renforcer le
rôle du conseil provincial, d’améliorer l’information au public de l’action
provinciale, de revoir les compétences provinciales, d’éviter les doublons et de
limiter le recours à des structures para provinciales (régies, intercommunales,
…).26
Dans ce cadre, ce décret prévoit que la Région wallonne reprend à sa charge les
voiries provinciales, la gestion des cours d’eaux non navigables, les aides à
l’investissement aux entreprises ainsi que les aides directes aux agriculteurs et
horticulteurs27.. C’est également en 2004 que le Gouvernement wallon a codifié
les textes législatifs et réglementaires traitant des provinces mais aussi des
autres pouvoirs locaux
dans le Code de la démocratie locale et de la
décentralisation du 22 avril 200428.
c) En 2009, à l’issue des élections régionales, une majorité PS-CDH-Ecolo se met
en place à la Région wallonne. La déclaration de politique régionale wallonne
(DPR) 2009-2014 prévoit ainsi la mise en place, en deux phases, de
communautés de territoires en remplacement des provinces.
21
Article 4 du décret wallon du 21 mars 2002 organisant le partenariat et le financement général
des provinces wallonnes, M.B. 04/04/02.
22
Article 5 du décret wallon du 21 mars 2002 organisant le partenariat et le financement général
des provinces, M.B. 04/04/02.
23
Article 6 du décret wallon du 21 mars 2002 organisant le partenariat et le financement général
des provinces, M.B. 04/04/02.
24
Article 8 du décret wallon du 21 mars 2002 organisant le partenariat et le financement général
des provinces, M.B. 04/04/02.
25
Décret wallon du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, M.B. 30/03/04.
26
Projet de décret organisant les provinces wallonnes, Doc.Parl., Parl.w., 2003-2004, n°613.
27
Ce transfert devait s’accompagner d’arrêtés d’exécution qui n’ont jamais été adoptés Ce n’est
que 10 années plus tard, sous l’initiative du ministre wallon des Pouvoirs locaux, Paul Furlan, qu’un
nouveau décret et ses arrêtés d’exécution seront adoptés afin de concrétiser le transfert des
voiries provinciales à la Région au 1er janvier 2015
28
M.COLLINGE, La province, Bruxelles, Dossiers du CRISP n°66,2006, p.27.
5
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La première phase consiste en un réaménagement des compétences provinciales
selon le principe de subsidiarité, de cohérence et d’efficacité. La seconde phase,
qui suppose une modification de la Constitution, prévoit la suppression des
provinces et leur remplacement par des communautés de territoires29.
De plus, la DPR 2009-2014 prévoit une politique de partenariat plus forte en
définissant pour chaque province un nombre d’ « axes prioritaires »30. Ces
« axes » doivent être négociés avec la Région et la Communauté française.
Ceux-ci seront ensuite déclinés en plan stratégique provincial, comprenant une
série de missions et d’objectifs variables en fonction des spécificités de chaque
province et le cas échéant, des bassins de vie.
La première phase s’est traduite par l’adoption du décret du 13 octobre 201131
prévoyant une réduction du nombre de mandataires provinciaux. Concrètement,
on passe de maximum 30 à maximum 22 députés provinciaux et, et en ce qui
concerne les conseillers provinciaux, pour Liège et le Hainaut de 84 à 56 et, pour
les 3 autres provinces, de 56 à 3732. Une seconde étape est franchie par le
décret du
16 mai 2013 modifiant certaines dispositions du Code de la
démocratie locale et de la décentralisation en matière de gouvernance
provinciale qui prévoit la limitation des frais de fonctionnement des institutions
provinciales. Plus récemment, le décret du 20 février 2014 a modifié le décret du
12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, dans le but de recadrer les
compétences provinciales et de leur interdire de prendre des actions dans le
domaine de l’énergie et du logement33 afin d’éviter les doubles emplois avec les
compétences régionales.
La réforme constitutionnelle étant intervenue en fin de législature,
Gouvernement n’a pu concrétiser la deuxième phase de sa DPR.
le
d) En 2014, le Gouvernement wallon PS-CDH a entendu, au travers de sa
déclaration de politique régionale, « optimaliser le rôle des provinces » et
« développer la supracommunalité ». De cette manière, le gouvernement
régional souhaite faire participer les institutions provinciales au développement
des projets de supracommunalité sur leurs territoires. Concrètement, le
gouvernement wallon entend soutenir les initiatives locales tout en accordant,
dans le cadre de ses moyens budgétaires, des subventions régionales à des
projets supracommunaux sur base d’un droit de tirage et en majorant les
subsides selon qu’il s’agisse de projets présentés par une communauté de
29
Déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 « Une énergie partagée pour une société
durable, humaine et solidaire », Gouvernement wallon, 2009, p.255.
30
Déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 « Une énergie partagée pour une société
durable, humaine et solidaire », Gouvernement wallon, 2009, p.255-256.
31
Décret wallon du 13 octobre 2011 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie
locale et de la décentralisation en matière de composition des Collèges et Conseils provinciaux.
M.B. 26/10/11.
32
Articles 1 et 2 du décret wallon du 13 octobre 2011 modifiant certaines dispositions du Code de
la démocratie locale et de la décentralisation en matière de composition des Collèges et Conseils
provinciaux. M.B. 26/10/11.
33
Articles 1 et 2 du décret du 20 février 2014 modifiant le décret du 12 février 2004 organisant les
provinces wallonnes, M.B. du 19/03/14.
6
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territoire, qui peut être une province, ou une commune seule34. La DPR 20142019 veut aussi mettre en œuvre les axes prioritaires des provinces.35.
e) Enfin, toujours en 2014 mais dans un tout autre registre, l’accord de
Gouvernement NVA - OPEN VLD - CD&V pour la législature régionale flamande
2014-2019 prévoit, d’une part, de « sortir » les villes de Gand et Anvers de la
division du territoire en provinces (« extra-provincialisation ») et, d’autre part,
de retirer les matières personnalisables et la culture aux autorités provinciales36.
Comme on l’a vu, depuis la régionalisation de la compétence organique sur les
Provinces, la Wallonie a beaucoup travaillé sur l’avenir de ses institutions
intermédiaires. D’une réduction des structures à une priorisation des
compétences en passant par la réflexion autour de l’enjeu de la
supracommunalité, les provinces ont fait l’objet de nombreuses réformes tantôt
concertées, tantôt subies. Néanmoins, avant la sixième réforme de l’Etat, la
Région ne disposait pas de la compétence complète sur son niveau
intermédiaire : la Constitution garantissait en effet aux provinciales leur
existence et leur autonomie et toute réduction de compétence par le pouvoir
régional devait être justifiée et proportionnée. Comme on va le voir au chapitre
suivant, ce n’est désormais plus le cas.
B.
La 6ème réforme de l’Etat et les institutions
provinciales
1. Les modifications institutionnelles pour assurer
l’exercice complet aux régions des compétences liées
aux provinces.
Après plus d’un an et demi de blocage, un accord institutionnel est conclu le 11
octobre 2011 entre huit formations politiques (PS–SPA–MR–OPEN VLD–CD&V–
CDH-ECOLO–Groen !)37. Cet accord contient le transfert de compétences aux
communautés et régions, une révision de la loi spéciale de financement, une
solution au problème des arrondissements électoral et judiciaire de Bruxelles
Halle Vilvorde, la réforme du sénat et toute une série de réformes qu’il serait
vain de vouloir exposer ici.
Cet accord institutionnel prévoit également des dispositions relatives aux
provinces traduites par la révision des articles 5, 11 bis, 41, 162 et 170§3 de la
Constitution38.
34
Déclaration de politique régionale wallonne 2014-2019, « Oser, Innover, Rassembler »,
Gouvernement wallon, 18 juillet 2014, p .108.
35
Déclaration de politique régionale wallonne 2014-2019, « Oser, Innover, Rassembler »,
Gouvernement wallon, 18 juillet 2014, p .106-107.
36
Regeerakkoord Vlaamse regering 2014-2019, Gouvernement flamand, 23 juillet 2014, p.7.
37
Accord institutionnel pour la sixième réforme de l’Etat, « Un Etat fédéral plus efficace et des
entités plus autonomes », PS – CDH – MR- SP.A-OPEN VLD – CD&V- Groen ! , 11 octobre 2011.
38
Révision du 6 janvier 2014 de l'article 5, alinéa deux de la Constitution, M.B.,31/01/14; Révision
du 6 janvier 2014 de l'article 11bis de la Constitution, M.B.,31/01/14; :Révision du 6 janvier 2014
de l'article 41 de la Constitution, M.B.,31/01/14; Révision du 6 janvier 2014 de l'article 162 de la
Constitution, M.B.,31/01/14; Révision du 6 janvier 2014 de l'article 170, § 3 de la Constitution,
M.B.,31/01/14 ; Articles 20, 21,27 et 36 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième
7
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Cela concerne :
 D’une part le pouvoir donné aux régions de supprimer par décret spécial39,
si elles le souhaitent, les institutions provinciales, à l’exception du
Gouverneur de province qui reste le commissaire du gouvernement fédéral
sur le territoire.
 D’autre part, la possibilité pour les régions, en remplacement ou des
provinces, de créer des collectivités supracommunales soumises, comme
les institutions communales et provinciales, aux principes constitutionnels
visés aux articles 41, 162 et 170 de la Constitution. Ceux-ci comprennent,
par exemple le fait de bénéficier d’un conseil supracommunal élu au
suffrage direct, de s’occuper de tout ce qui est d’intérêt supracommunal,
de publier les budgets et les comptes, de la publication des séances des
conseils, de lever des impôts, de s’associer ou encore d’organiser des
consultations populaires dans le respect de la législation régionale.
En supprimant les autorités provinciales, les régions ne pourraient toutefois
rendre impossible l’exercice des missions déléguées aux provinces par l’Etat
fédéral ou par les communautés40. C’est pour éviter cela qu’on réserve toujours
le droit aux autorités fédérales et aux communautés de confier l’exécution, aux
institutions provinciales ou aux collectivités supracommunales, de certaines
tâches et missions.
2. Evaluation de ces modifications institutionnelles
Désormais, les Régions ont donc le champ libre pour mener toutes les réformes
qu’elles entendent en matière de provinces, en ce compris, si elles le souhaitent,
supprimer purement et simplement ces dernières.
Cette réforme suscite plusieurs réflexions.
La première consiste à savoir si cette autonomie régionale est pleine et entière.
En effet, il découle de ce changement institutionnel que la suppression complète
des institutions provinciales est laissée au libre choix des Régions. Cependant,
une obligation de concertation est requise avec l’autorité fédérale compétente en
ce qui concerne la gestion des compétences provinciales déconcentrées41.
De plus, en vertu de l’article 5 de la Constitution, il appartient toujours au
pouvoir constituant de nommer les provinces des régions flamande et wallonne.
Il n’appartient donc pas aux pouvoirs régionaux de modifier le nom des provinces
sans modifier la Constitution. Dès lors, l’idée certains membres du CD&V, de
l’Open VLD et de la NVA de rebaptiser la province d’Anvers en « Brabant central»
(« Midden Brabant ») ne pourrait pas se réaliser pleinement par un seul vote au
parlement flamand.
Réforme de l’Etat modifiant la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, M.B. du
31/01/14.
39
Décret adopté à la majorité des deux tiers des votes positifs du parlement régional avec un
quorum de présence de la moitié de ses membres.
40
Proposition de révision de l’article 41 de la Constitution, Doc.parl., Chambre, 2012-2013, n°52237.
41
Article 6, §3, 1° de la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, M.B. 15/08/1980.
8
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Par ailleurs, si une Région souhaite s’inscrire dans le cadre de l’article 162 de la
Constitution pour créer des collectivités supracommunales, celles-ci devront
appliquer les principes généraux visées à l’alinéa 2 de cette disposition (élection
directe, intérêt supracommunal, publicité des séances, etc.), qui énonce les
principes généraux applicables aujourd’hui aux institutions provinciales et
communales. Elles disposeraient alors, entre autres, aux mêmes titres que les
institutions communales et provinciales, d’un conseil élu au suffrage universel et
seraient compétentes pour tout ce qui est d’intérêt supracommunal. Dès lors,
toutes autres considérations mises à part, l’on peut raisonnablement s’interroger
sur l’opportunité, défendue par certains, de supprimer les institutions
provinciales pour les remplacer par des collectivités, par hypothèse plus
nombreuses, et régies par les mêmes principes généraux.
De même, en plus de la liberté dont disposent les communes de s’associer et de
constituer des intercommunales en vertu de l’alinéa 4 de l’article 162 de la
Constitution, l’article 165
de notre loi fondamentale permet également la
création d’agglomérations ou de fédérations de communes pour gérer des
matières communales. Les régions règlent le fonctionnement et la compétence
de ces institutions42. On se pose alors la question de savoir quelle serait pla lusvalue de mettre en place un niveau de pouvoir local supplémentaire43 disposant
du même statut que la province et la commune pour gérer des matières
dépassant les limites communales, alors que la Constitution, déjà depuis de
longues dates, permet la création de fédération de communes ou
d’agglomérations urbaines ?
Enfin, indépendamment de la réforme constitutionnelle dont il est ici question, ,
les régions et les communes peuvent déjà d’initiative organiser la
supracommunalité, à travers la forme juridique qu’elles estiment la plus
adéquates. C’est ainsi que de nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières
années, le plus souvent sous la forme d’asbl (Wallonie Picarde, Conférence des
bourgmestres de la Province de Liège, etc.).
Conclusion
Au fil des ans, les provinces ont subies les répercussions des réformes
institutionnelles qui ont métamorphosé notre pays en un Etat fédéral composé de
communautés et de régions. Les Régions ont désormais la compétence complète
sur l’institution provinciale.
Dans le cadre de la 6ème réforme de l’Etat, les régions ont obtenu la possibilité, si
elles le désirent, de supprimer les institutions provinciales et de les remplacer
éventuellement par des collectivités supracommunales qui pourraient, en
fonction des choix des Régions, disposer de l’autonomie locale, être compétente
pour tout ce qui a trait à l’intérêt supracommunal et disposer du même statut
juridique que les communes et les provinces.
42
Article 6, VIII, 3° de la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, M.B.15/08/80.
La collectivité supra communale telle que réglée à l’article 41 de la Constitution coordonnée du
17 février 1994. M.B. 17/02/94.
43
9
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Cependant, la Wallonie et les communes n’ont pas attendu la dernière réforme
de l’Etat pour amorcer la réflexion de l’organisation supracommunale du
territoire. Partout en Wallonie, les provinces sont pleinement parties prenantes
de cette réflexion et viennent en soutien, voire même sont à l’origine, des
initiatives locales qui ont vu le jour au cours des dix dernières années. On peut
donc franchement se poser la question de l’efficience d’une supracommunalité
qui serait le parfait reflet des provinces actuelles et bénéficierait des garanties
constitutionnelles.
En tout état de cause, la supracommunalité reste essentielle pour la gestion
quotidienne des services rendus aux citoyens. En effet, elle permet de
décloisonner des limites communales des enjeux comme la mobilité,
l’aménagement du territoire, le développement économique ou encore l’emploi,
l’enseignement et la formation. Avec une administration en place et une
compétence fiscale propre, les provinces réformées, aux compétences priorisées
et clairement identifiées, ont un rôle évident à jouer dans le développement de la
supracommunalité. Celle-ci ne requiert pas la création d’un autre niveau de
pouvoir disposant du même statut que la province. L’expertise territoriale
développée au fil des années par les provinces et leur pouvoir fiscal propre
peuvent en effet déjà être mis à contribution pour développer des projets de
supracommunalité sur le territoire.
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