v.1 à 84 - Lettres

Transcription

v.1 à 84 - Lettres
Séquence 4 : Phèdre de Sénèque.
L’OUVERTURE DE PHÈDRE : UNE SCÈNE EN DÉCALAGE ?
Quelques questions à se poser pour mieux comprendre
HIPPOLYTUS
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Ite, umbrosas cingite silvas
summaque montis juga Cecropii !
Celeri planta lustrate vagi
quae saxoso loca Parnetho
subiecta jacent, quae Thriasiis
vallibus amnis rapida currens
verberat unda ; scandite colles
semper canos nive Riphaea.
Hac, hac, alii qua nemus alta
texitur alno, qua prata jacent
quae rorifera mulcens aura
Zephyrus vernas evocat herbas,
ubi per graciles levis Ilisos,
[ubli Maeander super in aequales,]
labitur agros piger et steriles
amne maligno radit harenas ;
vos qua Marathon tramite laevo
saltus aperit, qua comitatae
gregibus parvis nocturna petunt
pabula fetae ; vos qua tepidis
subditus austris frigora mollit
durus Acharneus.
Alius rupem dulcis Hymetti,
parvas alius calcet Aphidnas.
Pars illa diu vacat immunis,
qua curvati litora ponti
Sunion urget. Si quem tangit
gloria silvae, vocat hunc Phlye :
hic versatur, metus agricolis,
vulnere multo iam notus aper.
At vos laxas canibus tacitis
mittite habenas, teneant acres
lora Molossos et pugnaces
tendant Cretes fortia trito
vincula collo.
At Spartanos (genus est audax
avidumque ferae) nodo cautus
propiore liga : veniet tempus,
cum latratu cava saxa sonent ;
nunc dimissi nare sagaci
HIPPOLYTE
Allez, placez-vous tout autour des forêts
ombreuses et des sommets de la montagne
cécropienne ! D’un pas alerte, parcourez en
tous sens les terrains qui s’étendent au pied
du Parnès rocheux, ceux que dans la vallée
de Thrie un cours d’eau fouette de son onde
vive : escaladez les collines, toujours
blanchies d’une neige riphéenne ! Par ici,
par ici, vous autres, là où de grands aunes
couronnent des bois, où s’étendent des
prairies que le Zéphyr caresse de son souffle
porteur de rosée, faisant jaillir de terre des
herbes printanières, là où l’humble Ilissos
glisse indolent parmi les maigres champs et
effleure de son onde chiche des sables
stériles. Vous, allez là où Marathon par le
chemin de gauche découvre des collines, où
les brebis mères accompagnées de leurs
agneaux gagnent leurs pacages nocturnes ;
vous, allez où le rude mont d’Acharne,
exposé aux tièdes austers, voit s’adoucir la
froidure. Que les uns foulent la roche du
doux Hymette et d’autres la modeste
Aphidna. Une région, depuis longtemps, est
en repos exempte de tribut, c’est là où
Sounion surplombe le rivage s’incurvant
autour de lui. Ceux que tente la gloire de la
forêt, Phlyé les appelle : ici séjourne la
terreur des paysans, un sanglier que de
multiples blessures ont rendu célèbre. Et
vous, laissez filer en douceur les laisses des
limiers ; mais que vos lanières retiennent les
impétueux Molosses et que les Crétois
batailleurs, au cou usé, tirent sur leurs
solides chaînes.
Quant aux Spartiates (c’est une race
audacieuse et avide de gibier), prenez garde
de les attacher d’un lien plus serré : viendra
le temps où les roches creuses résonneront
de leurs aboiements -. Maintenant, envoyés
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Séquence 4 : Phèdre de Sénèque.
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captent auras lustraque presso
quaerant rostro, dum lux dubia est,
dum signa pedum roscida tellus
impressa tenet. Alius raras
cervice gravi portare plagas,
alius teretes properet laqueos,
picta rubenti linea pinna
vano cludat terrore feras.
Tibi vibretur missile telum,
tu grave dextra laevaque simul
robur lato dirige ferro,
tu praecipites clamore feras
subsessor ages ; tu jam victor
curvo solves viscera cultro.
Ades en comiti, diva virago,
cujus regno pars terrarum
secreta vacat, cujus certis
petitur telis fera quae gelidum
potat Araxen et quae stanti
ludit in Histro. Tua Gaetulos
dextra leones, tua Cretaeas
sequitur cervas ; nunc veloces
figis dammas leviore manu.
Tibi dant variae pectora tigres,
tibi villosi terga bisontes
latisque feri cornibus uri.
Quidquid solis pascitur arvis,
sive illud Arabs divite silva
sive illud inops novit Garamans
sive ferocis juga Pyrenes
sive Hyrcani celant saltus,
vacuisque vagus Sarmata campis,
arcus metuit, Diana, tuos.
Tua si gratus numina cultor
tulit in saltus, retia vinctas
tenuere feras ; nulli laqueum
rupere pedes : fertur plaustro
praeda gementi ; tum rostra canes
sanguine multo rubicunda gerunt,
repetitque casas rustica longo
turba triumpho.
En, diva, fave : signum arguti
misere canes. – Vocor in siluas.
Hac, hac, pergam qua via longum
compensat iter.
en tous sens, qu’ils aspirent l’air de leur
narine au flair subtil et quêtent, la gueule
fermée, les tanières, tant que le jour demeure
indécis, tant que la terre couverte de rosée
conserve la trace des pas. Que les uns se
hâtent de porter sur leurs épaules les lourds
filets aux larges mailles, les autres les lacets
bien façonnés. Qu’un cordeau coloré de
plumes rouges rabatte le gibier en lui
inspirant une imaginaire terreur. A toi de
faire vibrer le javelot dans l’air, toi dirige
des deux mains le lourd épieu au large fer ;
toi, gardien des filets, tu attireras par tes cris
le gibier pour qu’il s’y précipite ; toi, une
fois vainqueur, tu ouvriras les chairs avec un
poignard recourbé. Assiste ton compagnon,
divine chasseresse ; la partie du monde à
l’écart des hommes est soumise à ton
empire ; tes traits atteignent avec sûreté le
gibier buvant les eaux glacées de l’Araxe et
celui qui s’ébat sur l’Hister gelé. Ta droite
frappe les lions de Gétulie, les biches de
Crète ou transperce d’un coup plus prompt
les daims rapides. A toi offrent leur poitrine
les tigres tachetés, leur croupe les bisons
velus et les sauvages aurochs aux larges
cornes ? Les bêtes paissant sur les terres
désertes, celles qui sont connues des Arabes
aux riches forêts ou des misérables
Garamantes, celles que recèlent les
montagnes de la farouche Pyréné ou les bois
d’Hyrcanie et les vastes espaces où erre e
Sarmate, toutes redoutent, Diane, ton arc !
Si un adorateur aimé a emporté dans les bois
ta bénédiction, ses filets retiennent les
fauves, leurs pattes ne peuvent briser les
lacets ; le butin fait gémir le char qui
l’emporte ; alors, les chiens ont la gueule
rougie de flots de sang et la troupe des
chasseurs regagne ses chaumines en un long
cortège triomphal. Viens déesse, sois
favorable ; les chiens ont donné allègrement
le signal. – Je suis appelé vers les forêts.
C’est par ici que j’irai, à l’endroit où la route
offre un raccourci.
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Séquence 4 : Phèdre de Sénèque.
I.
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Une ouverture déconcertante
Qu’est-ce qu’un spectateur attend généralement d’une ouverture de tragédie ou d’une
scène d’exposition ?
En quoi cette ouverture est-elle déconcertante de ce point de vue ?
Regardez le tableau ci-dessous : ce prologue ressemble-t-il aux autres débuts de pièce
de Sénèque ?
Si l’on s’en réfère uniquement aux propos d’Hippolyte, peut-on trouver un rapport
entre cette ouverture et le personnage éponyme de Phèdre ? En quoi cette absence de
rapport est-elle en soi significative ?
Tragédies de Sénèque
ayant pour titre un
personnage éponyme
Agamemnon
Hercule Furieux
Hercule sur l’Oeta
Médée
Œdipe
Phèdre
Thyeste
II.
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III.
-
Mention du personnage éponyme dès le début de la pièce ?
Oui (par l’ombre de Thyeste)
Oui (par Junon)
Oui (Hercule parle de lui-même)
Oui (Médée parle d’elle-mêmes)
Oui (Œdipe parle de lui-même)
Non (Phèdre n’est pas évoquée par Hippolyte)
Oui (par l’ombre de Tantale qui évoque ses descendants et la Furie qui
parle de Thyeste)
Un prologue qui joue sur le déplacement
Observez le relevé du champ lexical de la nature dans ce prologue : en quoi peut-on
dire que le cadre de cette ouverture est particulièrement mis en valeur ?
Observez l’attitude physique d’Hippolyte dans cet extrait : en quoi ce déplacement
contribue à l’effet de décalage de la pièce ? En quoi fait-il de ce personnage un
personnage insaisissable ?
De l’original à l’originel : une ouverture énigmatique et tragique
En quoi peut-on dire que cette ouverture originale annonce déjà le sort d’Hippolyte ?
En quoi peut-on dire, comme au vers 82-83, que cette ouverture est un « signum
misere » ?
Quelle fonction a alors finalement cette ouverture ?
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