Que reste-t-il de nos amours ?

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Que reste-t-il de nos amours ?
Que reste-t-il de nos amours ?
Il y a eu les
années septante avec les
premiers mouvements squat,
issus d’un combat
politique pour sauver
notamment le quartier
des Grottes de la destruction. Il y a eu les années 80 ou le
mouvement squat s’est étendu pour contrer
l’ampleur de la spéculation immobilière. Il y
a eu les années 90 avec un effet mode du squat
dans lequel s’engouffraient toute une génération
nouvelle qui, quoiqu’un brin opportuniste, aurait eu
tort de se gêner étant donné les loyers toujours hors
de prix du logement à Genève. On recensa dans le
courrant des années 90 environ180 squats à Genève,
ce qui fît dire à certains que Genève était la capitale
du squat. Elle en devenait en tout cas une sorte de
modèle de souplesse et de tolérance (en comparaison
de la tolérance zéro en France..). Jusque là, le mouvement squat bénéficiait d’un certain aval politique,
compte tenu du fait que les squatters, en dénonçant à
leur manière les problèmes de logements, permettaient
aux politiques de gauche de faire pression sur leurs
voisins de la droite (les libéraux et autres utopistes du
fric). Il ne faut pas oublier que la majorité a été durant
longtemps plutôt à gauche.
Ainsi trente ans ont passé, au rythme des ouvertures
et des fermetures d’immeubles, sans
trop de dégâts, dans une certaine
routine et avec un certain respect
de l’ordre typiquement suisse (On
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rappellera qu’il existe même une brigade des squats pour
gérer les conflits entre occupants et propriétaires.). Et
puis, nous voilà arrivés dans le nouveau millénaire. Les
dernières élections ont permis à la droite de reprendre
la majorité au sein du grand conseil. L’ancien procureur
a été remplacé par un jeune loup, qui semble bien décidé
à en découdre…La crise du logement s’est encore aggravée, et l’on atteint actuellement 0,3% de logements
disponibles sur le canton. Rappelons en comparaison, qu’il reste 39,3% de bureaux
disponibles, mais, grâce à la LTDR (loi
sur les démolition et transformations),
on espère que certains de ces bureaux
seront réquisitionnés pour être transformés en logements.
Alors que de nombreux ménages font
la course aux régies, les propriétaires
se frottent déjà les mains à l’idée des
prochaines augmentations de loyers que la
crise pourrait permettre. Avec la majorité de
droite au gouvernement et dans toute l’Europe,
le compromis et la tolérance semblent être définitivement enterré. Les gouvernements de droite se sentent
forts et prêts à tout pour nous le faire savoir.
Aussi, du fait de la crise, le mouvement de fermeture
des squats, qui était entamé depuis déjà un certain
temps, s’est accéléré. De cette manière, l’état et les
propriétaires entendent remettre ces immeubles sur le
marché du logement. Du coup, les ordres d’évacuation
se mettent à pleuvoir et de nombreux squats, plus ou
moins mythiques, disparaissent.
Toutes ces évacuations posent, d’une part, le problème
du relogement des occupants, dans le respect de leur
projet de « vie communautaire », et, d’autre part, le pro-
Le Fanzine
Plein feux sur
les squats de Genève
blème de la continuité des activités développées par le biais
des squats. Après trente ans d’existence, ce mouvement a
engendré une véritable culture alternative, avec la création
de nombreux théâtres, de bistrots, de salles d’expositions, de
concerts, bref, des lieux conviviaux et pas trop chers. (Qui
n’est pas allé passer une soirée à la Madone, au Bistro’K,
aux Banditos, qui n’est pas allé à une salsa sauvage ?) Il a,
de plus, amené beaucoup d’occupants à devenir des acteurs
sociaux et des militants, avec, par exemple, plusieurs tentatives de négociations (en général avortées faute de
soutien) pour obtenir la signature d’un bail associatif. Il
faut admettre que les autorités, malgré de grands
discours en faveur du bail associatif, n’en ont
sans doute pas fait assez et, en réalité, Aucun chef d’Etat ou dirigeant occidentalisé
auraient plutôt tendance à laisser pourrir n’ose se proclamer de Richelieu, Strafford ou
la situation jusqu’à ce que les habitants se Olivaires. Et pourtant. Aujourd’hui en Europe,
aux Etats-Unis, En Chine, partout 0ù règne la
découragent.
Serions-nous donc parvenu à la fin des Loi du Marché l’unique proposition politique
trente glorieuses ? Du fait du manque de appliquée se résume simplement ; nous voilà
engagés dans un processus d’absolutisme
bâtiments libres, les squats sont-ils en
avec un durcissement de l’autorité qui passe
voie de disparition ? Pas si sûr, car c’est par la supression des contre-pouvoirs, la
sans compter sur la persévérance de nom- diminution des libertés individuelles et assobreux irréductibles, qui après avoir expéri- ciatives (uniformisation des mentalités) et
menté ce type de vie communautaire, ne sont pas l’élimination des adversaires. Bienvenue au
prêt à changer leur manière de vivre. De plus, il faut XVIIéme siècle...
savoir, qu’il y aura toujours quelque part dans cette
ville, une maison, un immeuble, laissé à l’abandon dans “ j’ai remarqué de tous cotés dans le monde
un but purement spéculatif, que l’on pourra occuper, à une licence si effrenée par rapport à la
guerre que les nations les plus barbares
condition de ne pas y aller n’importe comment.
devraient rougir.
Cyr
Restons solidaires ,
[…] on foule aux pieds tout droit divin et
ill
Serrons-nous les coudes !
“ La nécessité publique n’a point
de loy”
Restons les habitants des immeubles que nous
occupons
Pour la belle vie, associative, culturelle, créative,
solidaire
Contre lʼhomogénéisation de la société et la pensée unique
Pour les grands appartements des familles du troisième millénaire
Contre la spéculation subventionnée par lʼargent
public
Pour une maison mêlant habitat et lieux culturels
Contre les appartements transformés en bureaux
Pour des lois protégeant lʼhabitant avant tout
Contre la loi du plus fort et lʼargent justifiant tout
Pour le droit à lʼautogestion, les espaces de vie et
dʼéchange
Contre les jardins transformés en parking
RHINO
Qui Démange
humain; comme si dès lors on était autorisé
fermement résidu à commettre toute sorte
de crime sans retenue. “
Grotius (Hugo De Grootdt) Holl. 1583 + 1645
d’après Henri-Paul Motte
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