Arielle Bertrand Ŕ 46 ans 3 enfants à charge Femme célibataire

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Arielle Bertrand Ŕ 46 ans 3 enfants à charge Femme célibataire
Arielle Bertrand Ŕ 46 ans
3 enfants à charge
Femme célibataire, mère de trois enfants âgés respectivement de 19, 15, et 10 ans. J'étais enceinte de
4 mois de mon premier enfant lorsque mon fiancé s'est tué dans un accident de voiture : une épreuve
particulièrement difficile que j’ai réussi à surmonter, ma vie professionnelle ainsi que mes enfants,
absorbant l’essentiel de mon temps.
Née à Saint-Laurent, de Flore Lithaw, ma mère, et d’Albert Bertrand, mon père, je suis profondément
attachée à l’Ouest guyanais, le territoire de mes racines.
Ma mère présidait l’Association Sportive Guyanaise et m'emmenait souvent aux manifestations et aux
réunions. J'aimais bien.
J’allais à l’école chez les sœurs, l’Institution Saint Léon qui est devenu par la suite, une école
publique, avant de partir étudier à Cayenne.
Durant la semaine, je logeais chez ma marraine et le week-end je rentrais à Saint-Laurent. La route
était bonne mais n’était pas encore asphaltée, en ce temps là.
Au Lycée professionnel Marchoux à Cayenne j'ai fait un BEP Sanitaire et Social, puis une formation
BAFA où j'ai découvert l'éducation populaire. J'ai bien essayé de suivre la formation diplômante pour
devenir secrétaire médicale ou infirmière, mais finalement, je me suis rendue compte cela ne
correspondait pas à ce que je voulais devenir, plus tard dans la vie active.
Oui, je savais ce que je voulais, et avec le BAFA en poche, après mon stage, je suis devenue
animatrice. J'aime encadrer les enfants et les jeunes dans leur temps de loisirs. Cela veut dire aussi en
faire des citoyens à part entière, leur montrer qu'on peut vivre ensemble. Pour travailler avec les jeunes
il faut leur apprendre à développer la relation à l’autre et leur inculquer le respect de soi et des autres.
On peut mesurer aujourd’hui, la grande responsabilité de la société, dans ce domaine.
Je me souviens avec beaucoup d’émotion de ma première colonie de vacances, à Saint-Laurent, ou
nous recevions les enfants des employés d'EDF, en partenariat avec le Centre d'Entraînement aux
Méthodes d'Education Active (le CEMEA).
Par la suite, après avoir travaillé quelque temps avec messieurs Baghooa et Flora, pour la Fédération
des Œuvres Laïques (le centre de vacances et d'hébergement se trouvant, à cette époque, sur le site de
l'actuelle gendarmerie, à Saint-Louis) ma candidature à la mairie de Saint-Laurent a été retenue,
m’offrant ainsi la possibilité de seconder monsieur Saleg, au service des sports.
Durant cette période, je préparais le 1er degré du Brevet d'Etat d'athlétisme et pratiquais le demi-fond
ainsi que le lancer de javelot, mais la compétition ne m'intéressait pas vraiment : ce que je voulais
avant tout, c’était être enseignante et encadrer les jeunes.
Depuis 2003, je suis revenue à mes premières amours : le loisir, et en tant que directrice du Centre de
Culture et de Loisirs, je gère un espace multidisciplinaire du centre-ville de la capitale de l'Ouest qui
est en pleine expansion et supervise le travail de 21 personnes : 10 salariés et 11 mises à disposition
par la Mairie.
Nous organisons différentes activités : des animations dans deux quartiers prioritaires (la Charbo et
Baka-lycée), la radio RLM 100, un cyber-espace.
Sur ces sites, nous regroupons 200 enfants de 6 à 12 ans, et les encadrons professionnellement. Les
garçons jouent avec de vrais ballons, les filles peuvent monter une chorégraphie, tous peuvent faire des
travaux manuels, dessiner, ou bien chanter. On les sent heureux d’être là ! Et puis la cohésion sociale
cela signifie rencontrer d'autres jeunes, plutôt que de rester enfermés chez soi.
Dans cette société de consommation, moderne, séduisante mais cloisonnée nos jeunes manquent de
repères. Avez-vous remarqué que même nos anciens préfèrent vivre à part ?
Livrés à eux-mêmes, nos jeunes sont souvent en échec scolaire, puis en échec social du fait du manque
de tissu économique solide. Je fais un travail d'encadrement et de recadre ment(!) des enfants et des
animateurs, mais la cohésion sociale ne dépend pas de seulement 2 ou 3 personnes mais nous concerne
tous. Il faut en venir à une politique de prévention qui promeut et rétablit le sens du respect de l’autre.
Actuellement, cela ne peut donc passer que par une aide aux diverses associations qui s'activent sur le
terrain pour un mieux-vivre ensemble. Sinon, c'est chacun pour soi, et du fait des retards pris en
matière d’infrastructures adaptées et de développement économique le risque d'explosion est réel.
J’ai conscience d’être une privilégiée dans cette société guyanaise en construction : j'ai été bien élevée
et encadrée, et je remercie toutes les personnes qui m'ont entourée, formée, qui m'ont fait confiance.
Sans eux, sans leur rigueur, sans leur enseignement, je n'aurais pu réussir.
J'aime être au contact de nos jeunes, être avec eux, les encadrer, mais également, lire, étudier et
apprendre. Vivre c'est toujours apprendre. Aujourd'hui je prépare une licence de Droit.
Je vis bien en faisant le travail qui me plaît : je suis respectée et reconnue.
Mais dire que la réussite d'une femme dépend de la position sociale de sa famille ou des hommes qui
l'entourent est un raccourci qui touche à la dignité de la femme : cela me parait tout simplement
inacceptable, inadmissible…
Arielle BERTRAND