role des indices visuels et des processus cognitifs dans l`acquisition

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role des indices visuels et des processus cognitifs dans l`acquisition
J. VANKERSSCHAVER, Centre de Recherche de l'U.E.R.E.P.S. Case 910, 13288
MARSEILLE Cedex 2.
ROLE DES INDICES VISUELS ET DES PROCESSUS
COGNITIFS DANS L’ACQUISITION D’UN GESTE
TECHNIQUE AU FOOTBALL
De nombreux écrits, de nombreuses séances d'entraînement ou de formation montrent
que les éducateurs adoptent souvent des optiques fonctionnelles sans se soucier des
structures sous-jacentes comme si les structures étaient secondaires. Or, l'explication
du comportement des enfants, adolescents, adultes, n'est possible que lorsque l'on est
capable de décrire les éléments des phénomènes et les lois de leur fonctionnement et
de leur production, ces phénomènes dépendent de l'interaction individu-milieu, donc de
l'interaction de leurs deux fonctionnements.
Dans les activités physiques comme les jeux collectifs, il est intéressant de connaître le
fonctionnement des jeux (que font les joueurs) le fonctionnement des joueurs (comment
le font-ils) et l'interaction de ces deux fonctionnements (quels sont les transactions ?
Delaunay 1980).
Nous accepterons pour une grande part les idées de Parlebas 1974 en ce qui concerne
le fonctionnement des jeux collectifs. Pour réaliser les actions tactiques, le joueur en
possession du ballon est amené à effectuer des gestes techniques appelés habiletés
sensori-motrices. L'aspect cognitif de l'acquisition des habiletés sensori-motrices,
nombreuses et complexes dans les jeux collectifs, et notamment dans ceux qui ont un
ballon, n'a pas suffisamment attiré l'attention des spécialistes. Certes, le risque de
s'éloigner des problèmes d'entraînement et de pédagogie est réel, toutefois la
compréhension des processus mis en jeu dans ces habiletés sensori-motrices devrait
répondre ultérieurement à ces soucis d'efficacité.
De nombreux chercheurs s'intéressent aujourd'hui aux conditions cognitives de
l'acquisition des habiletés sensori-motrices. Ainsi, dans la littérature française, LeplatPailhous (1976), Girouard-Vachon-Dessurault (1977), Alain-Proteau (1978, 1979),
Girouard-Perreault-Blach et Vachon (1979), Girouard (1979), Laurent (1979), Pailhous
(1979, 1980), Cadopi (1980), étudiant des activités sensori-motrices complexes,
analysent la part que prennent les processus cognitifs dans la formation ou le contrôle
de l'exécution de l'habileté mise en jeu. Notre travail s'inscrit dans ce courant de
recherche et les premiers résultats obtenus nous incitent à poursuivre dans cette
direction.
Dans certaines habiletés sensori-motrices complexes où le sujet réalise plusieurs
actions en même temps, on peut penser que le contrôle des coordinations mises en jeu
soit dans la phase de formation, soit dans la phase d'exécution, soit dans les deux,
exige l'intervention des processus cognitifs. En effet, dans les tâches complexes, les
processus cognitifs peuvent permettre :
- d'une part, de coder des éléments de la réalité extérieure, et en particulier son
organisation spatiale sous la forme d'images spatiales, statiques ou cinétiques
anticipatrices ou reproductrices au sens de Piaget-Inhelder (1966) ;
- d'autre part, de traiter ces informations codées.
Ce codage et ce traitement permettent alors la planification de l'action et seront d'autant
plus efficaces que le milieu présentera des traits stables (Lomov, 1963 ; Pailhous,
1970).
Les activités physiques et sportives présentent de nombreux exemples d'habiletés
sensori-motrices complexes dans lesquelles la difficulté se situe, en particulier, au
niveau des coordinations sensori-motrices mises en jeu. Dans certaines de ces
activités, comme l'athlétisme, des tâches spatiales s'ajoutent aux tâches sensorimotrices, ce sont des activités topocinétiques où la motricité est la conséquence du
projet spatial ; l'espace construit le mouvement. Dans d'autres activités, l'espace est le
support du projet moteur (Pailhous, 1979), il n'est que le contenant de l'action; ce sont
des activités morphocinétiques où le sujet crée des formes comme dans la danse ou
l'expression corporelle (Serre, 1975 ; Pailhous, 1979 ; Cadopi, 1980). Des activités
comme les jeux collectifs (ou comme l'expression corporelle) invitent les sujets à
exécuter des gestes avec ou sans le ballon, des accélérations afin d'être sollicités, ou
pour engendrer une action tactique. L'aspect spatial est important, l'aspect moteur l'est
également. Ces deux aspects sont les conséquences d'un projet sémantique (les
actions de tous les joueurs sont porteuses de sens) c'est pourquoi nous parlerons avec
Delaunay 1980 de "sémiocinèse".
Deux aspects des mouvements et des déplacements ont été plus précisément
analysés :
- d'une part la locomotion : le sujet est transporté (Lishman et Lee, 1975 ; Berthoz
et Pavard, 1976 ; Berthoz, 1976, 1978; Lee, 1979) ou se déplace activement (Lee
et Lishman, 1977 ; Laurent, 1979). Ces études soulignent l'importance du rôle
joué par les effets visuels consécutifs à la locomotion dans le contrôle du
déplacement.
- d'autre part, les coordinations oculo-manuelles: la saisie d'un objet (Paillard,
Beaubaton, 1978), le pointage d 'une cible (Paillard, 1976), la projection d 'un
objet (Ripoll, 1978), la poursuite d'une cible (Leplat, 1972 ; Wempe et Batny,
rapporté par Navon et Gopher, 1979) ; toutes ces activités montrent le rôle
primordial que joue la vision des membres en mouvement venant du déplacement
du champ sensoriel du sujet (bras, main...).
Le contrôle de ces actions, relativement simples, semble assez bien s'expliquer par la
mise en jeu des processus sensori-moteurs; la vision et la proprioception jouent un rôle
déterminant.
En est-il de même dans une action de locomotion au cours de laquelle le sujet saisit un
objet ? L'extrême complexité des coordinations sensori-motrices est évidente. Le
déplacement de la tête provoque des effets visuels massifs (mouvement des objets du
champ) auxquels s'ajoute la vision des membres et de l'objet dans le champ visuel. La
régulation de cette action complexe ne saurait être expliquée uniquement par les
processus sensori-moteurs.
On peut penser qu'elle impliquerait également des processus cognitifs permettant en
particulier de coder et de traiter des informations visuelles impliquées de façon décisive
dans ce type d'action. C'est pourquoi il est intéressant de perturber, selon des
modalités précises, la prise d'information visuelle par le sujet pour étudier la manière
dont s'effectue le contrôle de l'action.
Quand on veut se dispenser de l'apport fourni par les indices visuels, pour contrôler et
élaborer le mouvement de saisie, parce que ces indices sont nécessaires au contrôle
de la locomotion, on dispose de deux grands moyens, non exclusifs d'ailleurs, de les
remplacer :
- faire assurer cette prise d'information par un autre sens (auditif, proprioceptif...);
- coder au niveau représentatif les éléments de la réalité extérieure, impliqués
dans l'action, et ensuite déléguer à cette représentation la régulation de l'action.
l - CARACTERISTIQUES GENERALES DE LA SITUATION.
Pour analyser le contrôle du déplacement nécessaire à la saisie d'un objet, nous avons
choisi d'utiliser une activité sportive très connue, le football, et nous analyserons plus
particulièrement la course avec la balle dans les pieds. Au cours de la locomotion, le
flux visuel est constant, par contre la vision des mouvements du ballon et des membres
est discontinue. Cette action est particulièrement complexe car elle implique une
parfaite maîtrise d'une cible en mouvement et de la locomotion du sujet lui-même afin
de permettre à celui-ci d'être disponible pour recevoir et traiter les informations issues
du milieu extérieur (positions et déplacements successifs des partenaires et des
adversaires). La variabilité des situations provoquée par les déplacements permanents
des autres joueurs nécessite un contrôle visuel intense de la part du sujet courant avec
la balle dans les pieds. C'est dans ce contexte que se posent les questions du contrôle
visuel de la balle et de la trajectoire du sujet.
Le canal visuel du sujet étant surchargé, nous dirons, selon Paillard (1978), que tous
les moyens que le sujet "aura d'ouvrir la boucle visuelle de régulation seront les
bienvenus". Aussi, nous interrogeons-nous sur le mode de contrôle de l'action :
- le sujet contrôle-t-il son action sur la base du mouvement relatif jambe-ballon par
rapport à lui ?
- le sujet contrôle-t-il son action sur les effets visuels consécutifs à sa
locomotion ?
- le sujet contrôle-t-il son action en utilisant les processus cognitifs pour établir
une relation entre la discontinuité des mouvements ballon-jambe et la continuité
du flux visuel, et par conséquent code-t-il certains éléments de cette action, et
lesquels ?
Cette habileté est extrêmement complexe car, d'une part le sujet se déplace pour
poursuivre et saisir un objet en mouvement ; d'autre part, le mouvement de l'objet a été
provoqué par le sujet lui-même pendant sa locomotion ; enfin, le canal visuel du sujet
est surchargé par la nécessité de la prise en compte des actions des autres joueurs.
Les effets visuels massifs et constants consécutifs à la locomotion interfèrent avec la
vision discontinue des membres et de l'objet. Etant donné que le sujet ne peut se
dispenser de la prise d'information sur les actions des partenaires et des adversaires,
peut-il traiter en même temps ces trois types d'informations ? Peut-il construire une
relation - et de quelle nature - entre les deux types d'informations suivantes : vision des
mouvements du ballon et des membres, effets visuels consécutifs à la locomotion. Nous
pensons que c'est sur la base de la redondance entre ces deux derniers types
d'informations visuelles que se constitue un modèle interne (Pailhous, 1979), servant
de référence au sujet pour construire son action. La construction de ce modèle interne
implique la mise en jeu des processus cognitifs. Selon le degré d'habileté, on peut
penser que ces processus interviennent soit dans le codage de la réalité extérieure,
soit dans le traitement des informations codées, soit dans les deux phases permettant
ainsi la planification de l'action. Aussi faisons-nous les hypothéses suivantes :
- le sujet a besoin des processus cognitifs pour élaborer et exécuter son action, et
particulièrement pour rendre disponible le canal visuel ;
- la part et la nature des processus cognitifs mis en jeu dans le contrôle de l'acquisition
de l'habileté sensori-motrice varient avec le niveau d'apprentissage.
2 - L'EXPERIENCE.
2.1. Matériel.
Sur un terrain de football, on trace un parcours de vingt mètres, balisé tous les mètres
par un plot (figure 1). Une zone préparatoire de cinq mètres est mise en place pour
permettre la mise en action. Une zone finale de dix mètres est conçue pour éviter un
ralentissement trop précoce. Le sujet se déplace avec le ballon dans les pieds, sur une
ligne parallèle à la zone balisée et située à cinq mètres de cette dernière, afin de lui
éviter de heurter les plots au cours des essais.
L 'enregistrement magnétoscopique se fait dans les conditions habituelles. L’objectif se
trouve à un mètre cinquante du sol et vingt mètres des plots.
Un chronomètre est déclenché par un signal donné par un observateur placé à l'aplomb
du début de la zone balisée. Il s'arrête quand le sujet passe devant le dernier plot.
2.2. Procédure.
2.2.1. Etape préliminaire :
L'expérimentateur invite le sujet à effectuer un certain nombre d'essais jusqu'au
moment où il peut réaliser une course sur le parcours balisé avec le ballon dans les
pieds, pendant une durée de sept secondes (plus ou moins sept dixièmes de seconde,
soit une vitesse de trois mètres par seconde ou dix kilomètres huit cents par heure).
Cette vitesse correspond à celle qu'utilise le joueur quand il court vers le but adverse
tout en observant les déplacements des partenaires et des adversaires, afin d'effectuer
une passe efficace.
Cette période permet de familiariser les sujets avec la tâche et de calibrer la vitesse qui
devra rester constante pendant les essais.
Figure 1. Organisation matérielle de l'expérience.
2.2.2. consignes et essais :
Le sujet doit parcourir une distance de vingt mètres avec le ballon dans les pieds à une
allure constante. Il effectue trois essais dans chaque modalité. En cas d'échec (perte de
balle), le sujet refait jusqu'à six ou sept essais. Si l'échec persiste, les trois meilleurs
essais seront retenus. L'arrêt de la course du joueur, la recherche de la balle quand
celle-ci est perdue sont d'autres indicateurs d'échec.
2.3. sujets.
Dix-huit sujets ont effectué l'expérience. La population est composée d'étudiants en
éducation physique et sportive et de joueurs professionnels de football.
Six sujets sont des débutants (leur spécialité sportive n'est pas le football). Toutefois,
ils ne sont pas étrangers à la tâche demandée, car au cours de leur enseignement à
l'unité d'enseignement et de recherche en éducation physique et sportive
(U.E.R.E.P.S.), ils ont eu des cours de football et se sont trouvés confrontés au
problème de la course avec le ballon accompagnée ou non de la vision.
Six autres sujets sont des optionnaires football. Ils jouent dans des clubs amateurs et
peuvent être considérés comme des joueurs moyens (autour de dix années de pratique
dans un club civil).
Six sujets sont des footballeurs professionnels internationaux de l'olympique de
Marseille et sont donc des joueurs confirmés.
La taille des sujets est sensiblement équivalente (178 cm pour les confirmés, 175 pour
les moyens, 177 pour les débutants).
2. 4. conditions expérimentales.
on distingue quatre modalités expérimentales diminuant progressivement les indices
visuels.
A) Le sujet a une vision normale (VN) : l'analyse du comportement dans cette modalité
permettra d'avoir une description du comportement spontané du sujet.
Les trois autres modalités éliminent la vision de la balle et de la partie antérieure du
corps. Pour avoir un comportement rapproché de celui qu'il a dans le jeu, il est
nécessaire que le sujet ne voit pas la balle.
B) Le sujet porte un masque obstruant de cinquante degrés la partie centrale du visage.
Des fentes latérales (FL) (voir figure 2a) sont découpées dans le masque. Elles ont la
cm de haut sur 5 de large. Le sujet doit garder la tête haute afin de maximiser les
indices périphériques. Toutefois, s'il baisse la tête, il ne voit pas la balle.
Figure 2a : Masque permettant, avec des fentes latérales, un angle de non vision de 50°.
Figure 2b : Masque permettant avec un cache un angle de vision de 50°
FIGURE 2. MASQUES MODIFIANT LES INDICES VISUELS.
C) Le sujet porte un masque présentant un cache (C) lui permettant un angle de vision
centrale de 50 ° (complément du masque précédent, voir figure 2b). ce cache est long
de la cm avec un rebord de 5 cm. on demande au sujet de courir la tête haute en
regardant le fanion situé à 35 mètres du départ. Le ballon n'est pas visible à une
distance de 8 mètres des pieds du sujet. S'il baisse la tête, l'essai est annulé.
L’enregistrement magnétoscopique nous donne la possibilité d'éliminer ou de conserver
les essais.
D) Le sujet n'a plus aucun indice visuel à sa disposition : il porte un masque obstruant
les yeux (YF). cette condition permettra d'évaluer le caractère nécessaire ou non, dans
l'exécution de l'action, des indices visuels.
2.5. Les variables dépendantes.
La présentation des modalités a été changée. L'analyse de variance1 montre que les
effets d'ordre ont été compensés. Les principales variables sont:
- L'échec ou le succès pour réaliser le parcours.
Deux variables statiques :
- la distance entre le ballon et le pied arrière du sujet au moment où celui-ci quitte le
sol, appelée écart à la balle.
- le temps que met le sujet pour rejoindre la balle à la vitesse moyenne pour Un écart
moyen, appelé le temps à la balle.
Ces deux variables considèrent une succession de temps ou d'écarts comme si nous
avions arrêté le ballon après chaque foulée. Pour réintroduire le dynamisme dans
l'action, nous analyserons les deux Variables dynamiques suivantes :
- Le temps pendant lequel le sujet ne touche pas la balle.
- La distance qu'il parcourt sans toucher la balle.
Le temps pour effectuer le parcours, les rapports nombre d'appuis sur nombre de
touches, écart à la balle sur distance sans toucher la balle, temps à la balle sur temps
sans toucher la balle, seront des variables complémentaires que nous retrouverons
dans le tableau 1.
(1) Nous remercions M. Patrick Peruch pour l'aide qu'il nous a apportée dans ce travail
statistique.
3. - RESULTATS.
Nous analyserons les résultats en observant les effets produits par la disparition
progressive des indices visuels (VN, FL, C, YF). L'analyse statistique a été élaborée à
partir d'une analyse de variance (VAR 3) (Lépine, Rouanet, Lebeaux, 1976) pour
mesurer le taux de signification des variations des différentes moyennes selon les
modalités ou les groupes ayant obtenu une réussite totale de tous les sujets. Pour les
trois groupes (débutants, moyens, confirmés), le plan est S6<G3>*M2. Les modalités C
et YF sont supprimées. Pour les groupes (moyens, confirmés), le plan est S6<G2>*M3 ,
la modalité YF étant enlevée.
L'analyse a été complétée par des tests non paramétriques: le T de Wilcoxon pour les
groupes appareillés et le U de MannWhitney pour les groupes indépendants.
3.1. Comparaison des résultats pour les trois groupes indépendants.
Le succès ou l'échec pour réaliser le parcours seront analysés en même temps que la
première variable ainsi que le temps pour effectuer la distance.
3.1.1. L 'écart à la balle :
(voir figure 3 et tableau 1)
- En VN : Tous les sujets réussissent le parcours avec un temps équivalent. L'écart
pour les deux groupes (moyens, confirmés) diffère à ,03 avec les débutants, mais pas
entre eux. Les sujets n'ont pas de difficulté particulière. Les débutants envoient la balle
plus loin.
- En FL : Un débutant présente des difficultés, néanmoins la suppression de la vision
de la balle semble ne pas provoquer de problème véritable. Les moyens et les
confirmés ne diffèrent pas significativement entre eux mais diffèrent à ,002 avec les
débutants et ,06 pour les confirmés.
- En C : Quatre débutants échouent dans cette modalité. Le temps est très élevé.
L'écart diffère significativement avec les moyens à ,03 pour les deux débutants ayant
réussi et à ,005 pour les quatre ayant échoué. Les confirmés par contre ne diffèrent pas
avec les moyens, ni avec les débutants ayant réussi ou échoué.
TABLEAU 1 : TABLEAU RECAPITULATIF DES DONNEES (MOYENNE PAR GROUPE) POUR LES 3
GROUPES (DÉBUTANTS, MOYENS, CONFIRMES).
( ):moyenne des sujets ayant réussi (dans un groupe) souligné : moyenne des sujets ayant échoué (dans un groupe) sans signe
particulier : tous les sujets du groupe ont réussi.
FIGURE 3 : ECART A LA BALLE POUR LES 3 GROUPES.
Il est intéressant de noter dès à présent que les sujets débutants, ayant échoué, ont
augmenté leur écart par rapport à VN. ceux qui ont réussi diminuent leur valeur.
- En YF : Trois confirmés, six débutants, échouent. En comparant les valeurs obtenues
pour la distance parcourue avant la perte de la balle, l'écart ne diffère pas entre les
débutants, les moyens et les trois confirmés ayant échoué. Par contre, les trois
confirmés ayant réussi diffèrent avec les moyens à ,02 et avec les débutants à ,01. Il
est à remarquer l'extrême différence entre les trois confirmés ayant réussi et ceux ayant
échoué.
3.1.2. Le temps à la balle : (voir figure 4, et tableau 1)
- En VN : Il est intéressant de noter que les moyennes diffèrent plus que dans les écarts
et notamment la comparaison débutants-confirmés diffère à ,001.
- En FL : Les groupes moyens et confirmés ont des valeurs sensiblement égales et
diffèrent à ,002 avec les débutants. Ces deux groupes utilisent apparemment une
stratégie semblable.
- En C : Les moyens différent à ,04 avec les débutants qui réussissent et à ,005 avec
les débutants qui échouent. Les confirmés différent avec les débutants qui échouent à
.,005 et ne diffèrent pas significativement ni avec ceux qui réussissent, ni avec les
moyens.
- En YF : Les moyens diffèrent des débutants à ,001, avec les confirmés qui réussissent
à .05 et ceux qui échouent à ,01. Ces derniers ne diffèrent pas des débutants. Par
contre, ceux qui réussissent diffèrent à ,01 des débutants. En résumé, les neuf sujets
qui échouent ont des valeurs qui augmentent d'une façon importante.
3.1.3. Le temps sans toucher la balle : (figure 5 et tableau 1)
- En VN : Les débutants et les confirmés ne diffèrent pas; c'est un résultat nouveau. Les
moyens diffèrent des débutants à ,03 et des confirmés à ,01. Les moyens ont besoin de
toucher la balle plus souvent. cette fois, les débutants et les confirmés utilisent
apparemment une stratégie semblable.
FIGURE 4 : TEMPS A LA BALLE POUR LES 3 GROUPES.
- En FL : Les moyens et les confirmés ne diffèrent pas significativement. Les débutants
qui réussissent diffèrent à ,002 avec les moyens et ,04 avec les confirmés.
- En C : Les débutants qui réussissent diffèrent avec les moyens à ,04. Ceux qui
échouent diffèrent à ,005 avec les moyens et ne diffèrent pas avec les confirmés.
- En YF : Les confirmés qui réussissent et les moyens ne diffèrent pas. Ceux qui
échouent diffèrent avec les moyens à ,01 et ne diffèrent pas avec les débutants. Ces
derniers différent à ,001 avec les moyens et à ,01 avec les confirmés qui réussissent.
3.1.4. Distance sans toucher la balle. (figure 6 et tableau 1).
- En VN : Les débutants ne différent pas des moyens et des confirmés. ces derniers
diffèrent des moyens à ,01.
- En FL : Là encore, les débutants et les confirmés ne diffèrent pas entre eux. Les
moyens par contre diffèrent à ,002 avec les confirmés et à ,004 avec les débutants.
- En C : Les débutants qui réussissent diffèrent à ,01 des moyens ; ceux qui échouent
diffèrent à ,03. Pour les autres comparaisons, il n'y a pas de différence significative.
- En YF : Les débutants diffèrent à ,001 avec les moyens et les confirmés qui
réussissent. Les moyens diffèrent des confirmés ayant échoué à ,001 et ne diffèrent
pas avec ceux qui ont réussi. Les débutants diffèrent des confirmés ayant échoué
à ,002.
3.2. Comparaison partielle (groupes appareillés).
3.2.1. Les débutants: (voir figure 7)
- Ecart à la balle : Il n'y a pas de différence significative entre les modalités.
- Temps à la balle : Les débutants qui réussissent ne diffèrent pas dans les
comparaisons YF/C et C/FL. Toutes les autres comparaisons diffèrent par rapport à VN.
Il est à remarquer la différence entre ceux qui échouent et ceux qui réussissent, soit
,05.
FIGURE 5 : TEMPS SANS TOUCHER LA BALLE POUR LES 3 GROUPES
FIGURE 6 : DISTANCE SANS TOUCHER LA BALLE POUR LES 3 GROUPES.
FIGURE 7 : Résultats des débutants dans les 4 modalités.
FIGURE 8 : Résultats des moyens dans les 4 modalités.
- Temps sans toucher la balle : seules les moyennes par rapport à VN diffèrent
significativement.
- Distance sans toucher la balle : Les résultats entre VN/YF et YF/FL diffèrent.
3.2.2. Les moyens : (voir figure 8)
- Ecart à la balle: il n'y a pas de différence dans les comparaisons YF/C et C/FL. Par
contre, toutes les moyennes différent par rapport à VN.
- Temps à la balle : Les modalités C et FL diffèrent de VN.
- Temps sans toucher : La modalité FL diffère de VN.
- Distance sans toucher : Les comparaisons YF/C et C/FL ne diffèrent pas.
3.2.3. Les confirmés : (voir figure 9)
FIGURE 9 : RESULTATS DES CONFIRMES DANS LES 4 MODALITES.
- Ecart à la balle : Les moyennes ne diffèrent pas par rapport à VN. Ceux qui
réussissent dans la modalité YF ne diffèrent pas de ceux qui échouent.
- Temps à la balle, Temps sans toucher, Distance sans toucher : Il n'y a pas de
différence significative pour ces trois variables, par rapport à VN. Par contre, il y a une
différence significative à ,05 entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent, dans la
modalité YF.
EN RESUME :
- La diminution progressive des indices visuels amène plus d'erreurs pour beaucoup de
sujets.
- L'écart à la balle et le temps à la balle montrent une distinction entre les débutants
d'une part, et les moyens et confirmés d 'autre part.
- Le temps sans toucher la balle nous apprend que les moyens ont besoin de la toucher
très souvent et que ce sont les débutants qui la touchent le moins ; les confirmés ayant
une position intermédiaire.
- La distance sans toucher la balle montre une distinction entre d'une part les moyens
et d'autre part les débutants et les confirmés.
4 - INTERPRETATIONS.
Les trois groupes sont différents et utilisent des stratégies différentes pour contrôler
leur action. Les effets visuels dus aux déplacements renseignent le sujet sur sa vitesse
et lui permettent de mieux planifier ses actions. (cf. les résultats en VN et FL).
La vision chez les débutants est utile et indispensable.
La vision chez les moyens est utile.
La vision chez les confirmés est utile; pour certains confirmés, la vision de
l'environnement parait indispensable (3 sujets n'effectuent pas le parcours en vision
nulle).
Les débutants ont besoin de la vision pour contrôler le ballon et leur trajectoire. Ils n'ont
pas, semble-t-il, construit par un codage interne une image fidèle de la réalité
extérieure. Les sujets ne connaissent pas bien les effets produits par leur action sur la
balle. Aussi présentent-ils des difficultés pour planifier et exécuter leurs actions dès que
la vision diminue. Le rôle des processus cognitifs semble en rapport avec le versant
perceptif des processus sensori-moteurs.
Les moyens, par contre, semblent utiliser leur image pour planifier l'exécution de leurs
actions. La diminution des indices visuels se traduit par une diminution de l'écart à la
balle et de la distance sans toucher la balle. Les sujets s'adaptent aux changements de
modalités. Les processus cognitifs semblent en rapport avec le versant moteur des
processus sensori-moteurs.
Les confirmés savent planifier leur action. La distance plus importante de la position de
la balle, témoigne d'une bonne connaissance par les sujets des effets qu'ils produisent
sur la balle. Les indices tactilo-kinesthésiques semblent décisifs dans le contrôle de
leur action. Nous pourrions parler ici d'un haut degré d'automatisation. Toutefois,
certains sujets ont besoin de la vision de l'environnement pour exécuter leur action.
Les résultats exprimés aujourd'hui ne nous permettent pas de distinguer la mise en jeu
préférentielle des processus cognitifs ou des processus d'automatisation pour les
moyens et les confirmés. Néanmoins, ces résultats montrent que la stratégie est
différente selon le niveau d'apprentissage. Il semble difficile toutefois de dire que les
processus cognitifs n'aient pas joué un rôle dans l'acquisition de l'habileté sensorimotrice.
5 - CONCLUSION.
Notre étude a soulevé le problème des canaux sensori-moteurs mis en jeu dans le
contrôle de l'action et de ses relations avec les processus cognitifs. Nous avons vu que
le canal visuel était plus ou moins disponible pour d'autres tâches selon le niveau
d'apprentissage. Le traitement des informations visuelles implique la mise en jeu des
processus cognitifs. Toutefois, la nature et la structure des processus cognitifs mis en
jeu feront l'objet d'une analyse ultérieure. Dans ce travail, nous avons cherché à
comprendre certains phénomènes en modifiant le rôle des indices visuels.
L'ouverture de la boucle cognitive de régulation par des techniques comme celle de la
tache ajoutée (Knowles, 1963; Michon, 1964; Kalsbeek, Ettena, 1965; Fitts et Posner,
1967; Leplat-Sperandio, 1967 ; Keele, 1968; Girouard, 1979) pourrait apporter des
renseignements complémentaires sur le rôle des processus cognitifs. Cette seconde
expérience devrait nous permettre, d'autre part, de discuter les notions de capacité de
traitement à voie unique (Welfor, 1952, 1960, 1977 ; Kahneman, 1973 ; Norman et
Bobrow, 1975, 1976; Navon et Gopher, 1979) ainsi que du problème, encore peu clair
aujourd'hui, des automatismes (Wallon, 1959; Jeannerod, 1978; Leplat, Pailhous, 1978)
et de la demande en attention des habiletés sensori-motrices (Girouard, Vachon,
Dessureault, 1977; Girouard, Perreault, Black et Vachon, 1979; Girouard, 1979; Leavitt,
1979; Richard, 1980)
La connaissance du coût issu du codage et du traitement des informations nécessaires
au contrôle de l'habileté sensori-motrice pour le sujet, nous permettra de mieux
comprendre la disponibilité que les joueurs conservent pour traiter les informations
issues des déplacements des partenaires et des adversaires.
Nous pensons que la compréhension :
- des formes que prennent les actions motrices, donc les structures qui supportent
les conduites motrices,
- des contenus, c'est-à-dire la façon dont les sujets acquièrent au utilisent ces
structures,
nous permettra d'être plus efficace, ultérieurement, au niveau pédagogique. C'est dans
ce souci que nous avons été amené à nous poser le problème des moyens de contrôle
que le sujet peut utiliser dans les habiletés sensori-motrices, afin de se dispenser du
canal visuel indispensable à l'analyse des conduites des autres joueurs.
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