Connaissance, volonté et amour de Dieu créateur et sauveur

Transcription

Connaissance, volonté et amour de Dieu créateur et sauveur
G. Emery / SA 2010 / Cours : Dieu Trinité I
Textes 5
Connaissance, volonté et amour de Dieu créateur et sauveur
(Textes de saint Thomas d’Aquin)
1. Action “immanente” et action “transitive” : « Il y a deux sortes d’opérations, comme l’enseigne
Aristote au IXe livre de sa Métaphysique. 1° La première a lieu dans l’agent qui opère, elle demeure en lui
et elle constitue la perfection de cet agent ; par exemple : sentir, connaître, vouloir. 2° La seconde se porte
vers une réalité extérieure, et elle est la perfection de la chose faite par cette opération ; par exemple :
réchauffer, couper, construire. — L’une et l’autre de ces opérations conviennent à Dieu : la première lui
convient du fait que Dieu connaît, veut, se réjouit et aime ; la seconde lui revient du fait qu’il produit les
choses dans l’être, les conserve et les gouverne. Puisque la première est la perfection du sujet qui opère,
tandis que la seconde est la perfection de la chose qui est faite, et puisque l’agent précède naturellement la
chose qu’il fait et dont il est la cause, il faut que la première de ces opérations soit la raison de la seconde
et qu’elle la précède naturellement, à la manière dont la cause précède son effet. On le voit très bien dans
l’expérience humaine : le plan conçu par l’architecte et sa volonté sont le principe et la raison de la
construction » (Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils II, ch. 1).
2. La science ou connaissance de Dieu : « Il est manifeste que Dieu se connaît parfaitement lui-même,
sans quoi son être ne serait pas parfait, puisque son être est son connaître (suum esse est suum intelligere).
Or, si quelque chose est connu parfaitement, il est nécessaire que son pouvoir soit connu parfaitement.
Mais le pouvoir d’un agent ne peut être connu parfaitement sans que soient connues les choses auxquelles
s’étend ce pouvoir. Comme le pouvoir de Dieu s’étend aux autres, puisqu’il est la cause première et
efficiente de toutes choses, il est donc tout à fait nécessaire que Dieu connaisse les autres choses. [...] Il
faut dire que Dieu se voit lui-même en lui-même, puisqu’il se voit par sa propre essence. Mais quant aux
autres êtres, il ne les voit pas par eux-mêmes : il les voit en lui-même, selon que son essence a en elle la
similitude de tout ce qui est autre que lui » (Thomas d’Aquin, Somme de théologie I, q. 14, a. 5).
« Ainsi donc, comme son essence comprend tout ce qu’il y a de perfection dans l’essence de quelque
autre chose que ce soit, et bien davantage encore, Dieu peut connaître en lui-même toutes choses d’une
connaissance propre. Car la nature propre de chaque être a une consistance dans la mesure où cet être
participe en quelque manière de la perfection divine » (Somme de théologie I, q. 14, a. 6).
3. La volonté de Dieu : « Il faut dire que Dieu se veut non seulement lui-même, mais il veut aussi
d’autres choses. [...] Si les choses naturelles, dans la mesure où elles sont achevées, communiquent leur
bonté à d’autres, bien plus encore appartient-il à la volonté divine de communiquer à d’autres son bien
par manière de ressemblance, autant que c’est possible. Dieu veut donc et que lui-même soit, et que les
autres choses soient, lui-même étant la fin, les autres choses étant ordonnées à la fin, en tant qu’il
convient à la bonté divine d’être participée aussi par d’autres » (Thomas d’Aquin, Somme de théologie I,
q. 19, a. 2).
4. L’amour de Dieu : « Dieu aime tout ce qui existe; car tout ce qui existe, en tant que cela existe, est
bon. En effet, l’être même de chaque chose est un bien, et toute perfection de cette chose est également un
bien. Or on a montré plus haut que la volonté de Dieu est cause de toutes choses; ainsi faut-il que toute
chose n’ait d’être et de perfection que dans la mesure où elle est voulue par Dieu. Donc Dieu veut le bien
pour tout existant. Puisque aimer n’est pas autre chose que vouloir le bien à quelqu’un, il est manifeste
que Dieu aime tout ce qui est. Mais il n’en va pas de cet amour comme du nôtre. En effet, comme notre
volonté n’est pas la cause de la bonté des choses, car elle est mue par la bonté des choses comme par son
objet propre, notre amour, par lequel nous voulons pour quelqu’un ce qui est bon, n’est pas la cause de sa
bonté; c’est au contraire sa bonté, vraie ou supposée, qui provoque l’amour par lequel nous voulons pour
lui que soit conservé le bien qu’il possède, et que s’y ajoute celui qu’il ne possède pas; et c’est pour cela
que nous agissons. Mais l’amour de Dieu, lui, infuse et crée la bonté dans les choses » (Thomas d’Aquin,
Somme de théologie I, q. 20, a. 2).