2015_01_08_09_commentaire vf - Orchestre Philharmonique de
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Jeudi 8 et vendredi 9 janvier 2015 – 20h Palais de la musique et des congrès – Salle Érasme Orchestre philharmonique de Strasbourg Pedro Halffter direction Kolja Blacher violon Richard Wagner (1813-1883) Prélude du troisième acte de Lohengrin Johannes Brahms (1833-1897) Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77 Allegro non troppo Adagio Allegro giocoso, ma non troppo vivace 3’ 38’ ► Richard Strauss (1864-1949) Don Juan, poème symphonique op. 20 18’ Richard Wagner Ouverture et bacchanale de Tannhäuser 21’ 1 Richard Wagner Prélude du troisième acte de Lohengrin À peine achevée une première ébauche détaillée du livret des Maîtres chanteurs, Wagner commence la rédaction de celui de Lohengrin. Nous sommes à l’été 1845 et depuis trois ans, le compositeur étudie la poésie médiévale germanique. Dans le Parzival de Wolfram von Eschenbach, il découvre l'épopée de Lohengrin, preux chevalier qui apparaît sur les flots, dans sa nacelle tirée par un cygne, et s'évanouit dès qu'on le reconnaît. Au mois de décembre suivant, le poème est lu devant un parterre d'amis sceptiques. Schumann écrira à Mendelssohn que le livret est digne d'éloges, mais qu'il voit mal comment on pourrait le découper musicalement pour en tirer un opéra. Wagner lui-même était conscient de cette difficulté et la composition commencée au printemps 1846 ne sera achevée que fin avril 1848. Dès lors, le compositeur cherche à faire représenter son ouvrage. Plus ou moins impliqué dans les tentatives révolutionnaires de 1848 à Dresde, il est contraint de fuir et il trouve refuge en Suisse grâce à Liszt, qu’il prie d'assurer la création de son opéra. L'occasion sera donnée en août 1850 lors des fêtes grandioses organisées à Weimar en l'honneur de Herder et de Goethe. Le 28 août, Franz Liszt dirige la première de Lohengrin. Dans le public, plusieurs personnalités dont Gérard de Nerval, Meyerbeer, Hans von Bülow saisiront immédiatement l'importance que revêt l'ouvrage. La couleur particulière de Lohengrin naît d'une utilisation nouvelle de l'orchestre. Liszt écrit : « Wagner a fondu dans son orchestre des instruments qui en général avaient été employés individuellement, et a lié presque indivisiblement quelques autres. En un mot, au lieu de s'emparer de l'orchestre comme d'une masse à peu près homogène, il le sépare en rivières ou ruisselets différents, et parfois, si nous osions dire, en fuseaux de couleurs variées, aussi nombreux que ceux des ouvrières de dentelle, les mêlant, les enroulant comme celles-ci, et comme elles, produisant par leur étonnant enchevêtrement une étoffe, une broderie merveilleuse et d’inestimable prix, où le mat d’un solide tissu vient se plaquer sur les plus diaphanes transparences. » En trois minutes, Wagner crée l’atmosphère du début du troisième acte de Lohengrin. Triomphal voire pompeux, le prélude annonce la marche des fiançailles de Lohengrin et d’Elsa von Brabant. Après l’éclat des premiers accords, une fanfare insuffle une irrésistible énergie avant qu’un trio plus calme préfigure la procession de Lohengrin et d’Elsa vers la chambre nuptiale. Johannes Brahms Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77 À l’été 1878, Brahms se remet à composer pour le piano, ce qu’il n’avait pas fait depuis les Variations sur un thème d’Haendel, vingt ans plus tôt. Il écrit au critique viennois Edouard Hanslick : « Il y a ici tant de mélodies qui flottent çà et là qu’il faut faire attention de ne pas marcher dessus. » De ce jaillissement mélodique naîtront les Klavierstücke op. 76 et le Concerto pour violon en ré majeur op. 77. À l’âge de quarante-cinq ans, Brahms a acquis une solide expérience dans le maniement des vastes effectifs orchestraux et il a développé une sonorité orchestrale où la chaleur et la richesse l’emportent sur l’éclat. Par ailleurs, il pouvait s'enorgueillir d'un nombre important de pièces pour piano, de musique de chambre, de musique vocale et du Requiem allemand. Le bon accueil réservé à ses deux symphonies (1877 et 1878) le rassura et il commença la composition de sa nouvelle œuvre au cours de l’été 1878. Le séjour qu'il effectua en Italie lui avait donné un nouvel élan. « Non qu'il ait trouvé 2 en Italie une nouvelle source d'inspiration. Au contraire, son humeur nordique est plus forte que jamais, et, à l'exception du finale du concerto, on retrouve ce mélange si caractéristique de rudesse et de tendresse qui fait le fond de son génie. » À l’origine, l’opus 77 devait être en quatre mouvements ; il comportait probablement un scherzo dont on retrouve la trace dans celui du Second concerto pour piano. À cette époque, Brahms ne soumettait plus ses œuvres au jugement de Joseph Joachim dont il était proche depuis vingt-cinq ans. Il en alla différemment pour ce concerto, car il était conçu pour le grand violoniste. Sur un plan technique, Brahms a voulu écrire un concerto difficile « où se trouvent accumulées les prouesses de virtuosité traditionnelles ». Début septembre, Joachim rejoignit Brahms et déclara la partition inexécutable. Les deux artistes eurent des discussions enflammées et finalement, l’un et l’autre finirent par lâcher du lest. « Sans accepter de changer quoi que ce soit à ses idées, Brahms admit cependant quelques formulations de rédaction violonistique dont Joachim sut lui faire valoir des avantages pratiques. » Quoi qu’il en soit, l’opus 77 demeure l’un des concertos les plus difficiles du répertoire. Sa beauté réside essentiellement dans l’équilibre d’un dialogue sans concession entre une partie soliste de haute volée et une trame symphonique rigoureusement insérée dans l’aventure. Le Concerto pour violon s’ouvre sur un Allegro non troppo d’une richesse orchestrale peu commune. Le premier thème est émaillé d’idées secondaires (hautbois, puis cordes et bois) et un second thème, le plus caractéristique par son allure tzigane, apparaît. Le soliste fait enfin son entrée, impose d’emblée une leçon de virtuosité et déploie une énergie qui n’est pas sans évoquer le Concerto pour violon de Beethoven. Au cours du développement et de la réexposition, les deux protagonistes ne cessent de dialoguer. Brahms a prévu une cadence et a laissé le soin au soliste de l’écrire. La plus célèbre est celle de Joachim mais depuis, d’autres violonistes ont tenu à apporter leur pierre à cet édifice (Kreisler, Heifetz, Auer, Milstein, Vengerov…). L’Adagio est un Lied ohne Worte porté par le hautbois avant que le soliste n’en reprenne la mélodie en l’amplifiant. La partie centrale, plus ombrée et tendue, « montre de fréquents changements de valeurs rythmiques dans la partie soliste ». Le mouvement se conclut dans une paix diaphane et cède la place à un brillant Allegro giocoso, ma non troppo vivace fondé sur une mélodie tzigane qui va progressivement enflammer soliste et orchestre. La création eut lieu le 1er janvier 1879 au Gewandhaus de Leipzig. Brahms était au pupitre et l’ami Joachim était le soliste. La ville, qui fut parfois implacable avec le compositeur, fut cette fois-ci particulièrement enthousiaste. La presse rendit compte de cette création en des termes élogieux : « En faisant hommage à son ami d'une œuvre qui est parfaitement digne du grand talent de Joachim, Brahms s'est mesuré à une tâche qui égale les deux chefs-d'œuvre du genre, Beethoven et Mendelssohn. Nous avouerons que nous avons attendu l'épreuve avec quelques battements de cœur, tout en conservant notre confiance. Mais quelle joie nous éprouvâmes ! Brahms a ainsi ajouté une troisième œuvre au couple formé par les deux autres. L'originalité de l'esprit qui inspire l'ensemble, sa solide structure organique, la chaleur qui en jaillit, donnent à l'ouvrage joie et lumière, montrent que ce concerto est, à ce que nous croyons, le fruit des plus récentes et des plus heureuses expériences du compositeur. » Il y aura bien sûr quelques voix discordantes dont celle du compositeur Pablo de Sarasate qui écrivit : « Me croyez-vous assez dépourvu de goût pour me tenir sur l'estrade en auditeur, le violon à la main, pendant que le hautbois joue la seule mélodie de toute l'œuvre (début de l’adagio) ! » 3 Richard Strauss Don Juan, poème symphonique op. 20 À n’en point douter, les auditeurs qui assistèrent à la création de Don Juan, le 11 novembre 1889, eurent l’impression d’entrer dans une nouvelle ère musicale. Comment pouvaient-ils imaginer une musique à laquelle s’attachent l’impétuosité, l’ivresse incontrôlée et l’imprévisible dans toute leur ampleur ? Un homme y était parvenu et ses deux saisons passées (1885-1886) à la tête de l’orchestre de Meiningen – l’un des meilleurs ensembles allemands de cette époque, dompté par Hans von Bülow – lui permirent d’approfondir sa connaissance de l’orchestre symphonique. Richard Strauss allait devenir l’un des maîtres de l’orchestration en composant pas moins de dix poèmes symphoniques entre 1886 et 1915, de Don Juan à Une Vie de héros. Don Juan puise aux sources du poème éponyme (1844) de l’écrivain autrichien Nikolaus Lenau (1802-1850) ainsi que dans un drame de Paul Heyse, intitulé La Fin de Don Juan. Voici, en musique, l’histoire d’un héros insatisfait et révolté, l’une des plus pages les plus virtuoses de toute la littérature orchestrale. À la poursuite sans fin du plaisir, le personnage de Don Juan, érotomane dénué de scrupules, court vers son destin, sa destruction. En effet, l’idéal féminin lui fait commettre les crimes qu’il ne pourra expier qu’en disparaissant. C’est dans une écriture concentrée, d’une vivacité extrême dans les contrastes, que Richard Strauss réussit le pari d’orchestrer les thèmes qui lui vinrent à l’esprit lors d’un périple en Italie en 1888 ; la partition fut achevée le 30 septembre de la même année. Trois motifs enchaînés indissociables (fougueux, héroïque, triomphant) constituent le thème du héros : défi hautain, quête orgueilleuse, marquée pourtant de quelques brèves mesures prémonitoires du désenchantement. Le mythe de Don Juan poursuivit encore quelques années le compositeur, au point qu’il envisagea jusqu’en 1892 la possibilité d’en faire un opéra. Selon une formule de Dominique Jameux, Don Juan « est la démonstration de ce qu'on peut faire avec un orchestre symphonique à la fin du XIXe siècle ». Richard Wagner Ouverture et bacchanale de Tannhäuser En 1883, année de la mort de Wagner, Édouard Lalo, qui admirait en l'auteur de Parsifal le symphoniste plus que le dramaturge, écrivait à son fils, Pierre : « Wagner est le maître le plus puissant de l'orchestre moderne. » Wagner termina le poème de Tannhäuser au cours du mois d'avril 1843. Deux ans plus tard, il mettait un terme à la partition. L'opéra fut créé à Dresde, le 19 octobre 1845, avec un succès très mitigé. Pour les représentations prévues à l'opéra de Paris en mars 1861, le compositeur apporta quelques modifications. Cependant après trois représentations, l'œuvre fut retirée, mais elle marqua profondément les inconditionnels, comme Théophile Gautier et Charles Baudelaire. Ce dernier écrivit : « Aucun musicien n’excelle comme Wagner à peindre l'espace et la profondeur. Il possède l’art de traduire par des gradations subtiles tout ce qu'il y a d’excessif, d'immense, d'ambitieux. » L'ouverture est assez simple sur le plan de la construction. Elle résume toute l'action dramatique, la destinée d'un chevalier déchiré entre sa nature spirituelle et sa nature sensuelle. Contraint de satisfaire les exigences du public parisien féru de ballet, Wagner ajouta la Bacchanale. Souvent décrite comme une vertigineuse course à l'abîme, « cette page déborde de motifs et traits tournoyants 4 qui évoquent les éblouissantes orgies de tout un monde de faunes et de satyres en effervescence. » Orientations bibliographiques Le lecteur pourra satisfaire sa curiosité en consultant les ouvrages suivants : Wagner, Martin Greggor-Dellin, [Fayard] Brahms, Claude Rostand, [Fayard] Strauss, Michael Kennedy, [Fayard] Strauss, Dominique Jameux, [Pluriel] Orientations discographiques WAGNER (1813-1883) Prélude du troisième acte de Lohengrin Orchestre philharmonique de Berlin, Lorin MAAZEL direction [RCA] • Philharmonia Orchestra, Otto KLEMPERER direction [EMI] • Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert VON KARAJAN [EMI] • Orchestre philharmonique de Vienne, Karl BÖHM direction [DG] BRAHMS Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77 • • • Orchestre philharmonique de New York, Anne-Sophie MUTTER violon, Kurt MASUR direction [DG] Gewandhaus de Leipzig, Vadim REPIN violon, Riccardo CHAILLY direction [DG] Mahler Chamber Orchestra, Isabelle FAUST violon, Daniel HARDING direction [Harmonia Mundi] STRAUSS Don Juan, poème symphonique op. 20 • • • • Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert VON KARAJAN direction [DG] Staatskapelle Dresden, Rudolf KEMPE direction [EMI] Orchestre symphonique de Chicago, Fritz REINER direction [RCA] Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marc ALBRECHT [Pentatone] WAGNER Ouverture et bacchanale de Tannhäuser • • • Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert VON KARAJAN [EMI] Orchestre philharmonique de Berlin, Lorin MAAZEL direction [RCA] Orchestre symphonique de Boston, Charles MUNCH direction [RCA] 5