L`absence de la contraception d`urgence, "pilule du lendemain
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L`absence de la contraception d`urgence, "pilule du lendemain
DOSSIER Pr Mourad Derguini*, à Santé Mag, L’absence de la contraception d’urgence, "pilule du lendemain", dans les centres de santé est une anomalie, à mon sens Le professeur Mourad Derguini, chef du service de gynécologie, au CHU de Kouba ( Alger), nous parle des moyens contraceptifs. Ecoutons ses précieux conseils qu’autorise sa compétence, reconnue même hors de nos frontières et qui n’a d’égale que son franc-parler et son humilité; car, son métier est, pour lui, un véritable sacerdoce. Après une présentation de tous les modes contraception, son souhait, justifié de tous points de vue, va vers le stérilet et l’implant. Par ailleurs, il déplore, profondément, l’absence de la pilule «du lendemain» dans les centres de santé, dont l’utilité n’est plus à démontrer et dont il rappelle, néanmoins, l’importance, car la détresse de certaines femmes pose un problème existentiel. C’est d’autant plus vrai qu’il ne faut pas ajouter de la misère à la misère. Au demeurant, quand le professeur parle, il importe d’y prêter la plus grande attention. Propos recueillis par Tanina Ait Santé Mag: Quels sont les moyens contraceptifs disponibles, en Algérie ? Pr Mourad Derguini: EEn Algérie, nous avons à disposition tous les moyens contraceptifs. On peut citer les méthodes barrières qui sont les préservatifs, chez l’homme et les préservatifs féminins, capes et diaphragmes. Il, existe, également, des méthodes chimiques, applications locales de produits spermicides (ovules, crèmes, éponges…). Des méthodes naturelles sont utilisées, aussi, telles que la méthode Ogino, qui consiste à déterminer la période fertile dans le cycle et à s’abstenir d’avoir des rapports pendant cette durée; mais, il reste que cette méthode est approximative. On peut citer, en outre, parmi ces méthodes, le coït interrompu et la MAMA, qui est la méthode de l’allaitement ma46 Santé-MAG N°32 - Septembre 2014 ternel et de l’aménorrhée, procédé efficace, si on respecte certaines conditions très importantes; c'est-à-dire: aménorrhée complète, allaitement maternel exclusif, pendant 6 mois, avec 6 tétées par jour. Mais, après ces délais, les ovulations reviennent et même si la femme est en aménorrhée, une grossesse peut survenir. En plus de ces méthodes naturelles, il ya les méthodes hormonales, appelées pilules contraceptives, les dispositifs intra-utérins, ou le stérilet, l’anneau vaginal (NUVARING), l’implant contraceptif (IMPLANON NXT), qui se présente sous forme d’un petit bâtonnet très discret, de la taille d’une allumette, qu’un médecin averti insère, à l’aide d’un applicateur, au niveau du bras, après une petite anesthésie locale et dont la durée de validité est de 3 ans. On peut procéder, également, à la liga- ture des trompes, recours à la stérilisation définitive, qui se fait chez nous; mais, uniquement dans le cas où la grossesse est contre indiquée, dans certaines pathologies lourdes. Nous évitons de faire des stérilisations définitives, sur demande de la patiente, même qui a plusieurs enfants, cette ligature étant considérée comme une mutilation. Enfin, le seul moyen dont on ne dispose pas, c’est ce qu’on appelle le procédé Essure, qui est une technique de pointe. Pouvez-vous nous en dire plus sur la technique «Essure» ? C’est une technique de stérilisation hystéroscopique. Il faut, donc, peser les indications auparavant, car cette chirurgie est irréversible et ne s’adresse qu’à des femmes dont toute grossesse est à proscrire. Néanmoins, en cas de grossesse, DOSSIER nous sommes obligés de faire une interruption thérapeutique. On est limités, pour procéder à la ligature des trompes, chez des femmes qui souffrent d’une pathologie lourde, cardiopathie complexe par exemple, qui fait qu’on ne peut pas pratiquer de cœlioscopie, ni de chirurgie abdominale. Il existe, alors, cette méthode de pointe et nous sommes, ici, à l’hôpital de Kouba et moi, personnellement, par le biais d’un projet de recherche, en train d’essayer de tout faire; aussi bien auprès des instances dirigeantes du ministère de la Santé qu’avec le laboratoire concerné, pour l’introduction de ce procédé, en Algérie, la méthode Essure. Elle consiste à introduire par les voies naturelles; c’està-dire, par le vagin, un endoscope jusqu’à l’utérus et à l’aide d’un système, il sera placé des petits cônes métalliques au niveau des orifices tubaires. Autrement dit, on place un cône sur l’orifice droit et un autre sur le gauche et ainsi, ce système va boucher les trompes. Par la suite, ces cônes vont créer une réaction locale inflammatoire et au bout de deux ou trois mois, la stérilisation est définitive. Cette méthode se pratique sans anesthésie locale, sans même une analgésie. Quelle est la méthode contraceptive la plus utilisée, chez la femme algérienne ? C’est, de loin, la contraception par voie orale. Environ, 60 à 65% des femmes sont sous contraception par la pilule œstroprogestative. Malheureusement et personnellement, je considère comme un drame la désaffection pour le stérilet. En effet, le stérilet est une excellente méthode, particulièrement adaptée à notre pays. Le stérilet hormonal coûte un peu cher, mais il a une double action: il met sous contraception et traite, également, des pathologies gynécologiques, comme les hémorragies fonctionnelles. Par ailleurs, II permet d’éviter, chez certaines femmes, l’hystérectomie, qui est une chirurgie lourde. Or, le stérilet en cuivre ne coûte que 300 dinars et sa durée est de 5 ans de contraception et un stérilet, lorsqu’il est bien posé, avec un minimum de surveillance, cela se passe, toujours, très bien et il est très fiable. Malheureusement, encore une fois, en Algérie, il a une très mauvaise réputation, puisque il est utilisé à moins de 3%, selon les derniers chiffres que nous détenons. A titre comparatif, au Maroc, le stérilet est utilisé à, environ, 15%; en Tunisie, à près de 35%. Ces pays sont plus directifs. Ainsi, lorsqu’une patiente se présente dans un centre de santé, pour demander une contraception, qui est, d’ailleurs, assurée gratuitement, comme chez nous, on lui indique et on lui pose un stérilet. Il est à rappeler, également, que ce mode de contraception est le plus répandu dans le monde. Si on prend les méthodes naturelles, la MAMA qui est utilisée à 4%, la méthode du coït interrompu à 4 ou 5%, avec la méthode des calculs qui est de 5%, le tout on est à 15%, alors que la pilule œstro-progestative est à 65% et le stérilet à moins de 3%. On a, souvent, entendu parler d’une survenue de grossesse, chez une femme à qui on a posé un stérilet et même, parfois, une cause d’infection. Qu’en ditesvous, professeur ? Il y a eu, souvent, malheureusement des accidents; c'est-à-dire, des grossesses sur stérilet. Ceci peut arriver, effectivement, mais c’est, toujours, de la faute du praticien et pratiquement, jamais de la faute du stérilet. C'est-à-dire qu’un stérilet mal posé ne va pas remplir sa fonction. Il va, donc, y avoir une grossesse sur stérilet et ceci, au bout de quelques mois. On ne dira jamais que c’est de la faute de celui qui l’a posé, mais que c’est de la faute du stérilet; ce qui est loin d’être la réalité. Pour les infections, si le stérilet est placé sur un col propre, en respectant les indications, il ne sera jamais source d’infection. Ces raisons, entre-autres, font que le stérilet à une mauvaise réputation. Comment choisir sa pilule ? On ne choisit pas sa pilule et c’est là le problème. La pilule est un médicament. Ce sont des hormones: soit des œstrogènes et de la progestérone dans la pilule, soit de la progestérone pure. Ce sont, donc, des médicaments à délivrer sous prescription médicale, avec un suivi régulier. C’est pourquoi il y a lieu de consulter, impérativement, le gynécologue avant toute contraception orale. Aussi, il faut, tout d’abord, soumettre la personne à des examens, lesquels ne sont pas, souvent, effectués, malheureusement. Il importe de surveiller la tension artérielle et s’enquérir de l’état pathologique de la femme concernée, pour voir si elle ne souffre pas de diabète, de cardiopathie, ou autres maladies. Si ces précautions ne sont pas observées avant toute prise de la pilule, c’est la porte ouverte à des accidents thromboemboliques. Toujours est-il que la nature de la pilule et le dosage y afférant, relèvent des compétences du gynécologue et à la lumière des résultats des examens médicaux. Quelles sont les pilules à proscrire, chez la femme ayant des antécédents thromboemboliques ? Le gros risque de la contraception œstro-progestative chez la femme est, justement, le risque thromboembolique; c'est-à-dire, faire des caillots au niveau des veines, qui peuvent fuser au niveau des poumons et provoquer une embolie pulmonaire, ou vers le cerveau et donner un accident vasculaire cérébral, etc... Ce risque thrombotique est augmenté dans certaines circonstances pathologiques. Par ailleurs, il y a des femmes qui ont des anomalies de la coagulation et qui ne le savent pas. Je citerai un exemple: le scandale qui s’est produit en Europe, où une femme a fait un accident vasculaire avec d’importantes séquelles et ce, après avoir pris la pilule, car elle ignorait son anomalie congénitale de la coagulation. De ce fait pouvez-vous, justement, nous dire un mot sur Diane 35 ? Diane 35 n’est pas une pilule contraceptive, mais un médicament anti-acnéique et elle n’a l’autorisation de mise sur le marché que pour le traitement de ce problème cutané; mais la Diane 35 possède également un effet contraceptif. Cependant, prescrire cette hormone, à titre contraceptif, pendant une longue période, ne doit pas se faire et de toute N°32 - Septembre 2014 Santé-MAG 47 DOSSIER façon, elle n’a pas l’autorisation de mise sur le marché, pour cet usage. En revanche, lorsqu’on veut un effet contraceptif et qu’on doit traiter une hyperandrogénie, de l’acné, la Diane 35 est le produit idéal. Au demeurant, il existe certaines circonstances, comme les thrombophilies congénitales, ou acquises, qui sont des anomalies de la coagulation, qui rendent très sensibles à la formation des caillots, avec des accidents possibles. Ceci dit, j’insiste sur ce point important: des examens sont à faire avant de prescrire une contraception, car il y a des femmes à risque à qui on ne prescrit pas d’œstrogène, mais une pilule progestative pure, Cerazette par exemple, qui est prescrite dans la période la plus risquée des thromboses, qui est le postpartum, où le danger est multiplié par 60. Des femmes prennent la Cerazette pendant une longue durée. Pourquoi ? Parce qu’elles ont une contre-indication aux œstrogènes. Elles sont diabétiques, hypertendues….Ces femmes, donc, peuvent bénéficier d’une pilule progestative pure. Nous avons à disposition, sur le marché, le Microval, lequel, il faut reconnaître, n’est pas très efficace; contrairement à la Cerazette, qui est aussi efficace qu’une pilule œstro-progestative. Vous avez, toujours, déploré le retrait du marché de la pilule «du lendemain» et ce, face à la presse, lors de séminaires. Pouvez-vous nous en dire plus, sur cette contraception ? Cela est, encore, l’énorme problème de la contraception d’urgence. La contraception d’urgence, par définition, s’adresse à une urgence. L’urgence c’est quoi ? Eh bien c’est qu’il y a eu un rapport douteux, pouvant entraîner une grossesse non désirée, que la femme soit mariée, ou pas. Quel que soit le contexte, ce rapport risque de conduire à une grossesse non désirée, quel qu’en soit le motif. Il peut s’agir d’une jeune fille ou d’une femme qui vient d’accoucher, après à peine deux à trois mois et ne désirant pas enfanter, dans l’immédiat. Il existe, donc, dans ces situations, une pilule - dite du lendemain - que l’on avait disponible, il y a quelques années, dans tous les centres de santé. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et je le déplore, personnellement. C’est une anomalie, à mon sens et l’absence de cette pilule va conduire à une grossesse non désirée car nous sommes dans un pays où religieusement, culturellement, légalement, les interruptions volontaires de grossesses sont interdites. L’inexistence de ce moyen 48 Santé-MAG N°32 - Septembre 2014 contraceptif conduit à des circuits tortueux, justement, où vont s’insinuer des personnes sans scrupules, dont l’appât du gain est leur seul credo et qui vont proposer des services douteux, pour faire avorter les femmes fragilisées et en détresse. Ce type de pratiques, illégales et dangereuses, se terminent, souvent, dramatiquement, par des pelvipéritonites, perforation utérine, septicémie, stérilité définitive, séquelles dramatiques et pire encore, j’ai vu des jeunes femmes mourir, suite à ces accidents. De telles situations dramatiques, j’en ai eu à en constater, malheureusement, beaucoup, durant mes 40 ans de carrière, dans le domaine. Il importe, en conséquence que la pilule «du lendemain» soit disponible, à nouveau, dans les centres de santé, pour éviter des drames de ce genre. Il y a quelques années, ce produit était présenté sous forme de deux pilules par boite, que l’on prenait, pour la première prise, le plus tôt possible, après le rapport et la deuxième, 12 heures après et l’efficacité était, au maximum, de 36 heures. Actuellement et c’est une avancée, il existe une deuxième forme de cette pilule appelée «l’ELLAONE», qui se présente sous forme d’une seule pilule et qu’on peut prendre 5 jours après le rapport. Cette pilule permet d’éviter, à peu près, 80 à 90% des grossesses non désirées. C’est énorme; mais, malheureusement, chez nous, cette pilule n’existe pas, ou rarement dans, uniquement, certaines pharmacies. En outre, il est difficile à une personne de demander cette pilule, parce qu’il y a cette connotation particulière, qui rejaillit sur la femme qui rentre dans une pharmacie, pour demander la pilule du lendemain et c’est malheureux. Un mot pour conclure…. En tout état de cause, je continue à être un fervent partisan du stérilet. Cependant et cela me met mal à l’aise, du fait de constater que, dans notre pays, l’utilisation de ce dispositif est au-dessous de 3%, bien qu’il soit un excellent mode de contraception, à condition qu’il soit bien indiqué et bien posé, par les praticiens. Dans le cas contraire, cela peut, effectivement, entraîner des accidents. Ce qui continuera, alors, à lui donner mauvaise presse, malheureusement. Un autre mot, pour finir, en tant que professeur en gynécologie et chef de service, il faut louer les efforts de l’Etat en matière de contraception; celle-ci étant disponible, gratuitement, dans les centres de santé; surtout que les indicateurs nationaux montrent une reprise de la natalité dans notre pays, dont l’indice a dépassé 3, cette année. Je souhaiterai avoir la pilule «du lendemain», afin d’éviter, à la femme, les drames cités précédemment. On ne peut pas changer certes, de but en blanc la société et à partir de là, il faut, par conséquent, tirer des conclusions et adopter les meilleurs solutions. Concernant l’implanon NXT, contraceptif qui est une nette avancée, dans ce sens, une fois placé sous le bras par un gynécologue averti, la femme n’aura plus à consulter et on lui donnera rendez-vous dans trois ans, au plus tard, pour le retirer, si elle désire une grossesse, ou pour lui en poser un autre. Son efficacité est maximale et Il est discret. C’est le mode de contraception le plus efficace qu’on a à notre disposition. Toutefois, cet implant à trois ans de validité et un peu moins chez la femme obèse, qui rencontre un grand problème de contraception, car elle court un grand risque thromboembolique. Enfin, il est souhaitable que cet implanon NXT soit remboursé par la Sécurité sociale. Son prix est d’environ 9.000 dinars, pour une validité de 3 ans et cela correspond au coût d’une année de contraception par voie orale et c’est beaucoup plus fiable, parce que la pilule on peut l’oublier, la vomir… * Professeur Mourad Derguini, chef du service de gynécologie, au CHU de Kouba, Alger. - Président de la Société algérienne d'étude et de recherche sur la ménopause, SAERM. - Président du Comité médical national de gynécologie.