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Les Soirées-Débats du GREP Midi-Pyrénées
Quelles réponses à
la criminalité?
Tribune libre à
Alain BAUER
Professeur titulaire de la Chaire de Criminologie
du Conservatoire National des Arts et Métiers,
New York et Beijing
conférence-débat tenue à Toulouse
le 18 avril 2015
GREP Midi-Pyrénées
5 rue des Gestes, BP119, 31013 Toulouse cedex 6
Tél : 05 61 13 60 61
Site : www.grep-mp.fr
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Quelles réponses
à la criminalité?
Tribune libre à
Alain BAUER
Professeur titulaire de la Chaire de Criminologie
du Conservatoire National des Arts et Métiers,
New York et Beijing
Je suis professeur de criminologie : je ne sais pas si je suis une espèce en voie
d’apparition ou de disparition, car je suis l’unique représentant « officiel » de cette
discipline en France. C’est une curiosité qui n’est pas seulement liée à la nature
même du sujet (la criminologie, qui serait uniquement une discipline pour fasciste
retardé, qui essayerait de contourner la légitime aspiration de la classe ouvrière à la
révolte) : c'est un sujet scientifique reconnu à peu près partout dans le monde, qui
permet d’étudier la relation entre un ou des auteurs, une ou des victimes et des
circonstances. Le débat criminologique en France fait rire le reste du monde. Quand
j'explique le débat criminologiste français à mes collègues étrangers, ils rient
longuement avant de constater que je ne suis pas en train de raconter une blague,
mais une histoire vraie : c’est le moment où ils passent du mouchoir à rire au
mouchoir à pleurer. Cela fait cependant partie des enjeux du débat et si vous le
souhaitez, on y reviendra.
Le criminologue a une mission relativement simple : il n’est pas là pour arrêter les
criminels, ni pour les juger ; sa relation avec les criminels, c’est de les comprendre.
C’est un peu particulier, car c’est un débat clinique. Nous sommes là pour
comprendre ce que les criminels font, pourquoi ils le font, comment ils le font, ce qui
change, ce qui évolue et ce qui est en rupture. Ceci nécessite un immense travail, qui
est peu fait, puisque la criminologie est interdite de cité dans notre système
universitaire, grâce à un dispositif assez rare puisque la France est quasiment (je
crois) le dernier État où une autorité centrale étatique décide de ce qui est autorise à
être enseigné et de ce qui est interdit. La France est un des derniers pays à avoir un
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dispositif centralisé qui décide de ce qui est une science et de ce qui ne peut pas
l’être. Je dois vous dire très honnêtement que la question criminologique est le
dernier avatar d’une longue série, dont je vais vous faire rapidement une petite
histoire.
La Sorbonne (à laquelle j’ai appartenu en tant que juriste et dont j’ai été le Viceprésident) a décidé au XIIIe siècle, puis au fil des siècles, que seuls pouvaient
s’enseigner dans ses murs le droit canon, le droit administratif, la théologie et la
médecine non intrusive (on pouvait regarder mais ne pas ouvrir). François 1 er, un
beau matin, se dit que les langues étrangères pourraient être une discipline
intéressante. La Sorbonne dit « non, jamais ! », voila pourquoi François 1er a créé
l’Institut nationale des langues orientales. Un peu plus tard, au moment de la
Révolution, l’Abbé Grégoire se dit : « Il me semble que la chimie, la physique, la
machine à vapeur, … cela pourrait être intéressant ! ». La Sorbonne dit « non,
jamais ! »… et on a créé le Conservatoire Nationale des Arts et Métiers. JeanBaptiste Say, un matin dit : « quand même l’économie et la gestion, voila des choses
que l’on pourrait enseigner ». La Sorbonne dit « jamais »… et Jean-Baptiste Say,
commis aux écritures et spécialisé dans le commerce de grains, devient le premier
professeur de gestion du pays… et pendant très longtemps le seul. Emile Boutmy eut
la même idée avec les sciences politiques, connut le même Niet Sorbonnard, et, bien
que spécialiste des colonnes des temples grecs, créa Sciences Po….
La criminologie n’est donc que le dernier d’une très longue série d’enseignements
de sciences et de techniques refusé par le système universitaire parce que cela le
perturbait. Il y a également eu le journalisme, les sciences de l’environnement et
même le droit pénal, qui n’était qu’un avatar du droit civil et dont on se demandait
pourquoi on devrait l’enseigner alors qu’au moins les contrats, les obligations, la
succession et la filiation étaient des vrais sujets. Nous sommes donc dans une
situation que je qualifierai de ni pire, ni meilleure que les autres, mais qui n’a pas
beaucoup évolué dans le temps.
La criminologie a donc été scientifiquement définie par Emile Durkheim : « Nous
constatons l'existence d'un certain nombre d'actes qui présentent tous ce caractère
extérieur que, une fois accomplis, ils déterminent de la part de la société cette
réaction particulière appelée peine. Nous faisons de ces actes un groupe sui generis.
Nous appelons crime tout acte puni et nous faisons du crime l'objet d'une science
spéciale: la criminologie ».
En terme de sciences sociales, la question a bien été posée il y a 150 ans, mais elle
est toujours en débat. Pas un débat idéologique majeur sur la bonne ou la mauvaise
criminologie, mais un débat d’incultes majeurs : est-ce que l’on peut parler de ce
sujet ? Parler du crime, cela reviendrait à traiter de la question criminelle comme si
elle existait de manière autonome, alors qu’en fait pas du tout, c’est criminaliser les
mouvements sociaux pour dire que tout agitateur social est donc un délinquant. Au
nom de cette défense du révolutionnaire supposé, on ne peut pas parler de la
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criminalité puisque tout criminel est d’abord un révolutionnaire. Je schématise un
peu bien sûr, car le débat est un peu plus compliqué, et c’est donc sur ce chemin que
je voudrais que vous m’accompagniez.
Il faut savoir qu’en matière criminelle, en général, moins on en sait, plus on en
parle fort. Moins on est capable d’expliquer quelque chose, plus on vous dit que
c’est une vérité révélée, une théorie officielle, une obligation morale. En vérité, les
outils dont nous disposons (et pas seulement en France) sont relativement nouveaux,
ténus et ouvrent beaucoup d’espaces à la vision personnelle des choses plus qu’à la
démonstration scientifique du sujet. Je vais commencer par vous dire ce que l’on sait
(cela va être rapide), ensuite ce que l’on croit, et peut-être enfin traiter de ce que l’on
cherche. Nous allons nous attarder sur quelques sujets que j’ai prédéfinis, non pas à
partir de réponses à la criminalité, mais plutôt à partir des dernière nouvelles du
crime et du terrorisme.
Etat de la criminalité
En fait, on ne sait pas grand-chose de l’état de la criminalité puisque, jusque dans
les années 50, on n’avait pas d’outils de décompte de la criminalité. Il existait un
seul recensement : le décompte des condamnations. C’était un peu réduit. A partir
des années 50, on va créer un outil qui permet de savoir ce que la police fait, ce
qu’elle enregistre et prend en compte. Cet outil existe vraiment depuis les années 70
mais il a trois « légers » défauts :
-Il est partiel : il ne prend en compte que les crimes et les délits, soit entre 3 et 4
millions par an. Les contraventions (dont c’est le premier des éléments de
l’infraction pénale) ne sont pas prises en compte. Elles sont de l’ordre de 25
millions. Nous ne parlons donc que de la plus petite partie de ce que l’on fait, 3 ou 4
millions sur 28 ou 29 millions. On me dit que c’est du stationnement et de la
circulation, c’est vrai, mais pas seulement. Depuis 1972, nous avons un processus
voté par le parlement et appliqué par le gouvernement de droite (à l’époque) qui est
la dépénalisation, parce que l’on avait trop de crimes et de délits. Il se trouve donc
dans les contraventions d’anciens crimes et d’anciens délits, dont les violences
conduisant à moins de 7 jours d’interruption de travail. Ce ne sont donc pas que des
contraventions et que des feux rouges. Dans un nombre important de cas (non
totalement estimé mais d’environ 1 million), les contraventions concernent donc
aujourd'hui d’anciens crimes et délits avec une partie de violence. Ce n’est pas rien,
cela représente entre 1/4 et 1/3 de ce que l’on enregistre.
-Il est parcellaire : on ne prend en compte que les crimes et les délits constatés et
déclarés. Vous me direz que c’est normal, car si les gens viennent porter plainte c'est
alors qu'on enregistre les faits. Cependant, quand on décide de ne pas enregistrer les
faits, cela crée un souci. De plus, quand les victimes ont trop peur pour porter pleine,
c'est un autre souci.
-Il est partial : quand on est responsable local dans la police ou dans la
gendarmerie, on y est en général pour 3 ans. En étant nouvellement nommé en
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milieu d’année (en police ou en gendarmerie), je remplace mon prédécesseur qui
vient enfin d’être muté dans un endroit plus proche de sa famille et plus ensoleillé
que Bobigny. Mon prédécesseur a donc obtenu des résultats remarquables qui
expliquent cette promotion, et il m’a laissé un petit tas de sable, c’est-à-dire un
nombre relativement important de faits qu’il a pu oublier de passer de l’entrée en
machine à l’enregistrement en machine. Il faut savoir que rien ne se perd, mais tout
se stocke. Je viens d’arriver et je vais donc commencer par prendre ce stock, les
enregistrer et avoir une très mauvaise première année. Ce n’est pas grave, c’est la
faute de mon prédécesseur. La 2ème année, je n’ai plus de stock et normalement mes
résultats vont être bons, sauf catastrophe, cela ne peut que s’améliorer. Année 3 : j’ai
quand même envie d’être muté dans un endroit plus sympathique et plus ensoleillé et
je vais donc créer un tas de sable. Cela signifie que l’ensemble de l’outil statistique
policier n’est pas fait pour dire la vérité, ce n’est pas un outil scientifique, c’est un
outil politique. Tout le monde a un seul intérêt : que cet outil montre un mouvement
à la baisse. Il y a la baisse grâce à la non prise en compte et aux non enregistrements,
mais grosso-modo rien ne disparaît vraiment mais tout s’étale. Je sais que de trois
ans en trois ans, j’ai des distorsions techniques et des variables qui ne sont pas
totalement climatologiques, pas liées à la température, mais plutôt à ma promotion
personnelle et mon suivi de carrière. Evidemment, tout le monde fait et sait cela, au
niveau local, départemental, régional, au niveau du ministre, etc. Ce processus-là
rend l’outil statistique sans intérêt. Cependant, comme rien ne se perd et qu’au bout
de trois ans, j’arrive à tout digérer, ce qui n’a aucune utilité d’un point de vue
ponctuel commence à réapparaître malgré tout sur le long terme. Lorsque je regarde
la courbe de la criminalité sur 10, 15 ou 20 ans, ce qu’elle me cache de près, elle me
le montre de loin. C’est le moment où, au lieu d’utiliser un microscope, je prend un
télescope, ou l’inverse parce que, chaque fois, ce qui m’était caché, réapparaît.
Cet outil statistique a un autre souci. Au-delà des entrées (au nombre de 107 pour
la police et 16 000 pour la gendarmerie), on est obligé de faire un outil compliqué
pour agréger les données et avoir un outil national fiable. On prend 1/3 de « faits
gendarmerie » et 2/3 de « faits police », puis 95% du territoire couvert par les
gendarmes et 55% de la population pour la police et on mixe le tout en essayant de
dire ce qu’il se passe en France métropolitaine. Les politiques ont décidé d’avoir un
outil plus simple qui est ce que j’appelle « le chiffre unique magique ». il s’agit d’un
seul chiffre dans lequel on noie les vols d’élastiques et les homicides. Comme il y a
beaucoup plus de vols d’élastiques que d’homicides, le fait que les homicides
augmentent ne se voit plus si le nombre de vols d’élastiques baisse. On additionne à
la fois des atteintes aux biens et des atteintes aux personnes, plus des escroqueries
économiques et financières (notamment sur internet). Si on retient un seul chiffre,
avec un nombre d’homicide faible (d’ailleurs, la France est un pays où l’on meurt de
moins en moins par homicide : environ 700 par an), comme par contre les vols et
escroqueries s'élèvent à plusieurs centaines de milliers, il suffit que les escroqueries
augmentent ou baissent de 10% pour qu'une augmentation de 50% des homicides
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soit invisible. On crée aussi des agrégats : atteinte aux biens, atteinte aux personnes,
escroqueries économiques et financières
Dès que l’on regarde dans les agrégats, on découvre des choses très intéressantes.
Par exemple, l’atteinte aux biens s’appelait avant délinquance sur voie publique. Or
l’élément majeur de la délinquance sur voie publique était constitué par les
cambriolages. Je ne sais pas si vous voyez souvent des cambriolages de voie
publique, mais pour moi, en général, c’est plutôt dedans ! On les mettait là parce
qu’on ne savait pas où les mettre ailleurs. De plus, cela montrait, en les mettant là,
les efforts des assureurs et des citoyens eux-mêmes pour réduire la fréquence des
cambriolages par mise en place de serrure, d’alarmes, etc. Du coup, c’était un bon
agrégat, alors même qu’il agrégeait des choses n’ayant aucun sens.
Autre exemple, dans l’agrégat d’atteinte aux personnes, il y avait le non-paiement
de pension alimentaire. Je veux bien que cela soit une violence sociale, mais c’est
rarement une violence physique. Ces outils n’ont pas été faits pour calculer, mais ils
ont été faits pour communiquer. La communication est un art difficile surtout quand
elle est là pour ne pas dire voire mentir.
Nous avons donc peu d’outils qui nous permettent de savoir. Ceci a été vrai
jusqu’à 2007, où il a été décidé par Nicolas Sarkozy, sur la base d’un rapport mixte
PS-UMP, de créer une enquête nationale de victimisation. L’enquête de
victimisation sert a demander aux gens ce qu’ils ont subi, et non pas aux policiers ce
qu’ils ont enregistrés. C’est une enquête aussi vaste que le recensement aujourd'hui,
et elle a permis de découvrir l’écart entre le réel connu par les services et le réel vécu
par les victimes, très important : pas tellement du fait de la police, mais du fait
qu’une importante partie des victimes ne viennent pas déposer plainte.
Il y a un acteur essentiel dans cette affaire, mais dont on ne parle pas souvent :
l’assureur, qui n’est pas un bienfaiteur naturel de l’humanité, ce n’est pas son métier.
Il fait une relation simple entre la prime et le dommage et il est là comme un
capitaliste, pour gagner de l’argent, ou conne mutualiste, pour contrôler que cela ne
coûte pas trop cher à ses adhérents. Pour ce faire, il a inventé une variable
d’ajustement : la franchise. Il vous oblige à porter plainte pour être pris en charge par
l’assurance, mais en même temps, il vous dit qu’en-deçà d’un certain montant, vous
ne serez pas remboursé. Du coup, si la franchise est à 10€, jusqu’à 9,99, il est assez
rare que les personnes aillent passer des heures dans un commissariat pour témoigner
en sachant qu'elles ne seront pas remboursées. On a donc une faible visibilité sur les
atteintes aux biens. On pensait, en revanche, que l’on avait une plus forte visibilité
sur les atteintes aux personnes : les violences physiques. Mais, grâce à l’enquête de
victimisation, on a découvert que l’on a beaucoup plus de gens qui déclarent les
violences faites à leur voiture qu’à leur conjoint. Entre 70 et 90% pour les véhicules,
alors que l’on est à 9% pour les violences intrafamiliales. La peur, la honte, la
crainte, l’accueil au commissariat (notamment en cas de violences sexuelles)
n’incitent pas à la déclaration.
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Nous découvrons donc l’ampleur de ce que nous ne savons pas, grâce à l’enquête
de victimisation. Les gens nous disent qu’ils n’ont pas déclaré, mais qu’ils ont été
victimes. Nous voyons donc les écarts considérables, non pas sur les atteintes aux
biens (dont nous pensions que c’était le sujet essentiel), mais sur les violences aux
personnes avec des gens qui vivent et subissent ces violences au quotidien ; et pour
l’essentiel, des femmes, des enfants et des populations étrangères. Nous avons là un
souci net, mais l’intérêt général, ce n’est pas que le chiffre baisse, c’est qu’il
augmente, parce que, s’il y a plus de plaintes, la puissance publique est amenée à
traiter ce problème. Cela a été le cas de l’inceste, il y a 20 ans, quand la question
s’est posée avec la mise en place de la déclaration obligatoire des agents sociaux et
des agents éducatifs. Pour savoir ce qu’il se passe en matière criminologique, il ne
faut pas attendre que les victimes agissent ou que les policiers constatent, il faut
aussi inciter à la déclaration lorsqu’il s’agit de violences physiques et sexuelles.
Nous avons donc une faible visibilité et faible connaissance des faits.
Nous nous sommes rendus compte d’un deuxième phénomène : si nous savions
peu de chose de la victimisation, c’est que nous ne voulions pas le savoir. J'ai
cherché à voir à partir de quel moment s’était produit le choc criminologique. Sur la
courbe de la criminalité, en faisant la distinction entre l'atteinte aux biens, l'atteinte
aux personnes et les escroqueries (que je mets de côté), entre 1950 et 1972,
l’encéphalogramme de la criminalité française est plat, avec 500 000 criminels par
an. A partir de 1972 jusqu’à 1994, il y a une poussée majeure qui nous amène à plus
de 3 millions de faits. Puis, entre 1994 et 2001, la courbe fait le yoyo, et remonte
jusqu’à 4 millions de faits en 2001, au moment où la crise économique s’interrompt
et où le chômage baisse. Ce chiffre maximum apparaît au moment de la fin du
gouvernement Jospin, juste avant les présidentielles. Un autre chiffre : entre 1950 et
1994, c’est-à-dire pendant 40 ans, les violences physiques connaissent un tracé
quasiment plat : moins de 100 000 agressions par an. Depuis 1994 jusqu’à nos jours,
le chiffre a quintuplé, avec plus de 500 000 victimes par an. Pour la première fois
dans l’histoire du pays, la victimisation physique collective des personnes devient un
sujet plus important que la criminalité générale, en termes de mouvement (pas en
termes de quantité : il y a fort heureusement moins d’atteintes aux personnes que
d’atteintes aux biens). Pourquoi ?
Ce que l'on croit savoir
Je viens d’atteindre le niveau maximum de ce que l'on sait, donc, à partir de
maintenant, je ne vais vous parler que de ce que je crois ou ce que je cherche. Nous
avons trouvé une très curieuse et très intéressante coïncidence : l’année 1994 est
l’année où mon acteur secret (l’assureur) a décidé d’agir. Il en a assez des vols de
voitures et des cambriolages, cela coûte cher, malgré les franchises. Il va donc
imposer la prévention passive : des antivols Neiman dans les voitures, des autoradios
non extractibles, des coupe-circuits, des serrures NFA2P dans les appartements, des
sas aux entrées des banques, de la télésurveillance, des alarmes, etc. Il le fait avec
l’efficacité habituelle : « Si vous ne faites pas cela, l'assurance coutera 20% de plus !
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Voire même : je ne vous assure pas». C’est donc très incitatif, et à partir de 1994, le
nombre de cambriolages et le nombre de vols de véhicules s’effondrent
littéralement… et le nombre d’agressions physiques explose. Pourquoi ? Nous avons
une hypothèse qui serait que, peut-être, le petit délinquant, perturbé dans son activité
quotidienne classique et cherchant désespérément une activité lucrative quand le tour
de vis fut venu, s’est réorienté sur autre chose. Certains sont probablement devenus
honnêtes ; c’est rare mais cela arrive. D’autres, par contre, se sont dit : « il y a deux
sanctuaires, maison et voiture, où pourrais-je m’ébattre en liberté ? ». Il y a un
endroit formidable qui est la voie publique : entre la maison et la voiture. Parce que
nous sommes « humanistement » très en avance, sur la voie publique nous avons
inventé la carte de crédit avec distributeur automatique de billets, et le téléphone
portable. Il y a aujourd’hui 45 millions de cartes de crédit et presque 50 millions de
téléphones portables en circulation en France. « Si je ne peux plus attaquer la
voiture, ni entrer dans le logement, par contre le téléphone et le distributeur de
billets, c’est à ma portée ». Pour cambrioler et pour voler, on faisait surtout attention
à ce que les propriétaires ne soient pas là, car les propriétaires crient, se débattent et
peuvent vous identifier. Là, on n’a pas le choix, car pour voler «utilement» la carte
de crédit ou le téléphone, il faut que le propriétaire soit présent. Il venait de se créer,
par transfert d’une activité qui est toujours le vol, un processus qui inclut désormais
la victime, non pas comme spectatrice mais comme actrice de sa propre
victimisation. Cela va bouleverser totalement les relations entre les victimes et la
sécurité. Avant, on disait aux victimes de changer la serrure, de mettre une alarme,
d’acheter une nouvelle voiture, qu'il fallait renforcer la sécurité. Et les victimes le
faisaient parce que l’autorité leur disait de le faire, et parce qu’ils se sentaient euxmêmes coupables d’avoir mal fermé une porte, d’avoir laissé un sac, etc. Ils
acceptaient donc le dispositif lorsque l’assureur imposait des choses.
Soudain, l’explosion de la victimisation physique provoque un phénomène du
même type que l’explosion du chômage dans les années 70. Le chômage, après la
crise de 1974, est considéré au début comme un concept lointain, puis cela devient le
chômage, puis le chômage devient les chômeurs, qui ont une identité et un visage.
Les chômeurs se rapprochent de votre sphère amicale et familiale, et vous-même
vous êtes concerné. Cela devient la première préoccupation des citoyens, non
seulement en France, mais aussi dans l’Europe des quinze. En matière de criminalité,
c’est la même chose. L’insécurité devient la violence, la violence devient des
victimes, les victimes sont dans votre sphère amicale, familiale et tout le monde
connaît quelqu’un qui s’est fait plus ou moins brutaliser pour se faire prendre son sac
à main. C’est devenu la première préoccupation, d’abord à égalité avec le chômage,
puis au-dessus de lui, dans toute l’Union Européenne. Le transfert a eu lien entre
1994 et 1998. En quelques années l’insécurité, qui était un sujet parfaitement
secondaire, est devenue la première préoccupation des citoyens. C’est cette
victimisation collective qui change tout. Avant, la victimisation était un phénomène
très local. Pour que je sois « victimisé », il fallait que le m’identifie personnellement
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à la victime. Un violeur, tueur fou, assassinait des jeunes filles brunes d’environ 30
ans à Perpignan, cela n’empêchait pas des jeunes femmes blondes d’aller faire leurs
courses à Toulouse. Il y avait un petit sentiment de solidarité lointain, mais pas plus.
Là, si tout les porteurs de téléphones et porteurs de cartes de crédit en allant dans la
rue peuvent être victimes, parce qu’ils savent que quelqu’un de leur entourage l’a
déjà vécu, il se crée, non pas une psychose collective, mais un climat collectif de
victimisation ; alors peut s'exprimer une demande de sécurité inédite. Je ne l’exprime
pas aux assureurs, ni aux vendeurs de voiture, ni aux syndics, mais en direction de
l’État, parce que je suis sur la voie publique. Mais l’État ne le voit pas, Quand
l’assureur, qui ne lui avait rien demandé, avait exigé que l’on renforce la protection
passive, l’Etat trouvait même cela très bien puisque c’était toujours ça de moins de
cambriolages et de vols de voiture à traiter. D’ailleurs, il ne les traitait pas, car cela
aurait demandé des moyens considérables, qu'on ne trouvait presque jamais rien, et
que, finalement, cela n'était si important, car enfin il n’y avait pas mort d’homme !
Tout d’un coup, le processus change brutalement et l’État, qui ne peut plus rester
dans le silence, fait ce qu’il sait faire dans ces cas-là : il procède par le dispositif qui
s’appelle négation–ignorance–éjection, autrement dit : « ce n’est pas vrai, ce n’est
pas grave et surtout ce n’est pas de ma faute ».
-Ce n’est pas vrai : vous exagérez, c’est une psychose, vous regarder trop la
télévision : TF1 et M6, ce n’est pas bon pour vous.
-Ce n’est grave, du moins pas autant que vous le pensez : vous exagérez beaucoup.
-Je n’y peux rien.
A ce moment-là, il y a un opérateur sur le marché politique qui dit : « C’est très
grave, c'est très vrai et moi, je sais qui c’est : il est basané avec les cheveux crépus ».
Aux élections, en 1984, 1989, 1994, 2002, il répète : « j’ai la réponse à votre
question, pas parce que c’est une meilleure réponse, pas parce que c’est la bonne
réponse, mais parce que c’est la seule ». Tout les autres nient et il y en a un qui dit :
« c’est vrai et c’est grave, donc écoutez-moi ! ». Ainsi, la criminalité, en termes de
mouvement collectif social, va basculer vers un espace purement politique : la
sécurité et l’immigration. C’est devenu le sujet de préoccupation essentiel sur lequel
va se construire une réponse xénophobe et raciste, mais surtout une réponse par
rapport au vide. Au bout d’un moment, les plus sensibles à cela disent qu’il est en
train de se passer quelque chose, donc on ne va pas réfléchir, mais plutôt copier.
Mais entre l’original et la copie, les électeurs choisissent toujours l’original. Même si
ce qui se dit est inexact.
Il faut un temps d’adaptation pour que le système politique localement,
nationalement et au niveau européen se préoccupe de l’insécurité. Comment traite-ton de l’insécurité quand on ne l’a pas étudiée ? Dans notre métier, nous considérons
que la vie criminelle est assez simple ; elle fonctionne comme un espace clinique. Il
faut un diagnostic, un pronostic et enfin un débat thérapeutique. La France est le
pays où nous avons les meilleurs thérapeutes du monde, mais il y a zéro diagnostic.
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Le fait d’arriver à soigner le malade relève uniquement de la prière, de la
bénédiction ou du miracle, parce que nous ne savons pas de quoi nous parlons. Il
faudrait quand même regarder la réalité du sujet criminologique.
Les homicides
Y-a-t-il une hyper-criminalité en France ? Nous n’avons qu’un seul indicateur
fiable depuis 500 ans : ce sont les homicides. En matière d’homicides, la France est à
son plus bas niveau historique. Jamais, quasiment, nous n’avons eu aussi peu
d’homicides, que ce soit en nombre absolu ou par rapport à la population réelle.
Nous avons réduit massivement notre niveau « d’homicidité », ce qui est une bonne
nouvelle. Nous sommes l’un des pays les plus sûrs au monde, du point de vue de
l’homicide. Cependant, si les homicides baissent, les tentatives d’homicides
augmentent. J’ai deux réponses possibles : soit notre niveau médical s’est tellement
élevé que l’on arrive à sauver plus de gens, soit les criminels tirent de plus en plus
mal. Ce sont des options, mais elles n’ont pas été vérifiées par la science.
Les agressions
Après avoir augmenté et beaucoup baissé, elles augmentent à nouveau, depuis les
années 90. Je ne sais pas si elles augmentent uniquement parce que c’est surtout des
vols avec violence, ou à cause de la relation sociale qui s’est tellement dégradée que
l’on frappe d’abord et que l’on discute ensuite. Elles augmentent, certes, pas au
niveau où elles étaient dans les années 20, 30 ou 40, mais à un niveau qui est
supérieur à celui des années 60 ou 70.
Les agressions sexuelles et les viols
Je ne sais pas dire s'ils augmentent ou pas en réalité, parce que je ne sais pas si
c’est la conséquence de la révélation aujourd'hui de tout ce qui était caché avant
quand les femmes, hommes et enfants avaient trop honte pour venir le déclarer, ou
s’il y a une vraie augmentation.. Même dans des pays comme les États-Unis, qui ont
les mêmes problèmes que nous avec l'enregistrement des plaintes, en particulier des
femmes victimes, la réalité est que nous avons une immense difficulté à savoir si on
est encore dans le phénomène de libération de la parole ou s’il y en réalité une forte
augmentation. Nous ne savons pas. On sait qu’il y a plus d'agressions sexuelles que
ce que l'on connait : 9 plaintes pour 100 agressions, d'après les enquêtes de
victimisation. On sait aussi que la moitié de la victimisation est à la maison, que
l’ennemi est dedans et pas dehors. En revanche, on ne sait pas s’il y en a plus
qu’avant, moins ou autant qu’avant. Il va nous falloir encore quelques années pour
stabiliser l’outil et en tirer des conclusions.
Les infractions économiques et financières
Alors là, c’est simple, avec l’arrivée d’internet, il y a eu une augmentation massive
des escroqueries économiques et financières, sans vol de la carte de crédit, mais par
intrusion sur internet.
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L'application du code pénal
Ceci est notre paysage et comme vous le voyez, il est hétéroclite, complexe,
différent, et il ne peut donc pas se traiter par : « Tout répression, tout prévention ou
tout dissuasif ». Or notre problème est que nous faisons typiquement dans le prêt-àporter et que nous avons du mal avec le sur-mesure. Comme on ne veut pas savoir,
(puisque savoir, cela oblige à changer l’outil), c’est évidemment encore plus
perturbant : on fait donc n’importe quoi. Pour prendre un exemple, notre code pénal
français, qui est un ouvrage formidable, né de générations successives entre le code
criminel, le code napoléon… est en fait assez simple : c'est « prison pour tous et pour
tout ». Quoi que vous fassiez, dans le code pénal, la prison est là ; elle est la réponse
à tout. Pas un magistrat ne pourrait donner des peines de prisons fermes à toutes les
activités pour lesquelles la prison ferme est prévue par le code. Ce n’est pas un code
pénal, visant à réinsérer ou dissuader, c’est un code moral, un code de punition
morale, il veut donner des leçons. Il est donc inapplicable, et les juges ne
l’appliquent pas. La quasi-totalité des peines de prison ferme en France sont
délivrées avec sursis. Tu risque dix ans, on te condamne à cinq, que tu ne feras pas.
Cela manque de clarté, et c'est valable pour tout : atteinte aux biens, atteinte aux
personnes, etc. Le pire, c’est qu’en 1970, après avoir longtemps ignoré les appels de
nos amis américains sur le trafic de stupéfiants, nous avons adopté la loi de 1970, qui
dit qu’il n’y a pas de distinction entre des victimes malades ou consommateurs, et
des dealers ou des trafiquants, elle les considère tous comme des trafiquants. Tu
fumes un joint ou tu exportes 12 tonnes de cocaïne : même punition. Nous arrêtons
donc des dizaines de milliers de fumeurs de joints… qu’on ne met pas en prison.
Nous les arrêtons, car cela à une influence sur un outil statistique dont je ne vous aie
pas encore parlé : le taux d’élucidation. Le fumeur-consommateur permet un 100%
parfait. Je te prends en train de fumer, je sais qui tu es et je te poursuis, donc 100%.
Nous faisons ce que l’on appelle des crânes. Il y a deux catégories de populations
suffisamment nombreuses pour faires des crânes : les immigrés clandestins et les
fumeurs-consommateurs. Les gendarmes sont encore beaucoup plus forts, ils ont
inventé une technique exceptionnellement efficace concernant le vol de chéquier.
Quand un chéquier est volé mais qu'on le retrouve, il contient 50 formules de
chèques donc on a réussi 50 élucidations. Voyez où va se nicher le souci du détail et
l’inventivité statistique. Comme disaient les frères Goncourt : « la statistique est la
première des sciences inexactes ». Et dans le domaine de la drogue, on a donc intérêt
à poursuivre les personnes. Evidemment, on ne va pas les mettre en prison pour
avoir fumé un joint, mais on a toujours la procédure. Elle permet de dire que l’on a
arrêté beaucoup de monde, avec un taux d’élucidation élevé… et un taux de
condamnation faible. Encore que cela dépend : ce que je vous dit est vrai à Bobigny
(où on s’excusera peut être même de vous avoir interpellé) mais peut-être différent à
la Roche-sur-Yon, où vous pouvez prendre six mois. Peu à peu, vous avez des
circulaires pénales des procureurs qui disent : « jusqu’à dix grammes, on ne poursuit
plus, etc. ». Nous faisons tous semblant de croire que la loi de 1970 sert à quelque
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chose : pourtant c’est la loi la plus répressive d’Europe, et nous sommes le pays où il
y a le plus de consommation et d’augmentation de la consommation en Europe.
Sachez pourtant que j’appartiens à la catégorie qui pense qu’il faut punir et
réprimer les consommateurs de stupéfiants, mais devons-nous punir comme ce que
nous faisons pour l’alcool ou sous la forme de la loi de 1970 ? Quand la loi a changé
en 1920, elle n’a pas changé pour des motifs répressifs, mais pour des motifs
médicaux. A l’époque, le plus grand dealer français était l’État, avec la Régie
française de l’opium, une sorte de Seita du cannabis, qui allait de champ de pavot en
champ de pavot en Indochine. L’invasion de la Chine contre l’impératrice Tseu-Hi
ne se fait pas pour libérer de pauvres missionnaires catholiques, mais simplement
parce que l’impératrice vient de décréter la prohibition de la consommation et de la
vente d’opium en Chine, alors que les principaux bénéficiaires en étaient les
puissances occidentales. Le ministre du budget dit, devant le Sénat, où il se fait
retoquer par une assemblée composée de sénateurs républicains, médecins et francmaçon (coalition inédite pour l’époque) : c’est 25% des recettes extrabudgétaire de
l’Etat que vous allez nous faire perdre. Ce n’est pas la prohibition qui a gagné,
c’était la médecine, la prévention et le fait de traiter des sujets. Pourquoi y-avait-il
autant de consommateurs ? Parce que tous les gazés de 14-18 étaient traités avec des
produits opiacés. Le Coca-Cola que vous aimez tant n’est que la copie conforme
d’un vin qui s’appelait le vin Graziani, un vin pétillant avec de la coke. Le CocaCola est le seul produit de grande consommation autorisé dans le monde occidental
fabriqué avec de vraies feuilles de coca. Nous nous adaptons donc très bien aux
dures réalités de la vie quand le commerce prend le dessus sur l’humanitaire, mais
c’est un vrai sujet.
Nous avons donc un processus qui vise seulement à faire du chiffre et pas à
résoudre le problème. Nous avons un code pénal qui vise à punir et emprisonner, et
non à résoudre le problème criminel. Tout notre outil est donc créé pour ne pas
répondre aux questions et il y réussit très bien. La question du diagnostic devient
centrale, mais vous n’avez personne pour le faire. Qui ausculte la criminalité ?
Personne ; nous ne savons pas de quoi nous parlons, ou bien peu de choses. Nous
arrivons donc à dire beaucoup de bêtises sur ces questions.
La montée de la violence
Notre problème aujourd’hui, c’est la violence et en particulier les violences
intrafamiliales, sur lesquelles l’analyse est facile, puisque l’auteur et la victime sont
connus et vivent ensemble, mais que nous ne savons pas traiter. Le jour où on les
traitera, il y aura 500 000 cas supplémentaires. L’intérêt public est justement que le
chiffre augmente, et que l’on traite non pas le quantitatif, mais le qualitatif. Les
Anglo-saxons le font. Ils ne parlent pas de taux d’élucidation, mais de taux de
succès. Je suis partisan d’une contrainte pénale, car je préfère qu’il y ait une
contrainte pénale qui existe plutôt qu’une condamnation avec sursis qui ne sert à
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rien. Personne ne veut vraiment traiter de la chaîne pénale, que l’on devrait appeler
processus pénal, parce que les magistrats ne devraient pas être enchaînés; mais en
contrepartie, ils ne doivent pas se croire libres de ne jamais poursuivre au nom d’une
idée farfelue, selon laquelle ils ont devant eux, non pas des auteurs, mais des
victimes.
La question du passage à l’acte
Partout ailleurs, on admet bien qu’un criminel est un criminel et que la question du
passage à l’acte est essentielle pour comprendre sa motivation (c’est notre métier).
Est-ce que c’est le besoin ? L’envie ? Le plaisir ?
- Le besoin : je vole du pain pour vivre, mais je ne suis pas un criminel, je suis un
révolutionnaire, j’exerce une violence contre une violence plus grande encore qui est
une société qui m’empêche de manger. C’est ce qui nous permet de passer du statut
de sujet à celui de citoyen c’est une violence utile, nécessaire et positive : Jean
Valjean, Les misérables.
- L’envie : je n’ai qu’un vélo, je veux voler une voiture. Nous ne sommes plus
dans la mort d’homme, nous ne sommes plus dans le sujet de la survie. Nous
sommes dans le sujet de la « conformisation » à la société de consommation. Il peut
y avoir des circonstances atténuantes et des circonstances aggravantes. Il faut
cependant traiter le vol, il ne faut pas le considérer comme une soudaine
compensation à l’idée de notre responsabilité en tant qu’ancienne puissance
coloniale. C’est ce que l’on peut écouter dans des congrès de syndicats de
magistrats.
- Le plaisir : je tue et je viole parce que la pulsion est irrésistible. Je suis un
ennemi de la société et cette dernière doit se défendre et donc m’isoler, pas
m’éliminer.
Nous ne savons pas faire ce métier, parce que soit nous sommes dans une logique
extrême qui est l’excuse absolutoire : personne n’est jamais responsable car la
société est méchante, soit une théorie aussi stupide et extrémiste : tout le monde est
coupable ; qui vole un œuf, vole un bœuf. Entre ces deux extrêmes, la France avant
les années 1970 n’a aucun mode d’expression.
Il faut attendre Sébastien Roche qui pense que le principe de complexité mériterait
d’être pris en compte. Hugues Lagrange pose la question : qui sont les criminels ? Le
sujet est compliqué, car il y a deux églises ultra orthodoxes qui disent que si tu n’es
pas d’accord avec nous, tu es éliminé, tu es exclu, tu ne pourra spas enseigner, ta
science ne pourra pas exister, etc. Ce problème est au cœur du débat sur la réalité des
problématiques criminelles et la capacité à répondre à la question : quelle est la
manière de faire face à une criminalité qui change et qui évolue ?
Crimes organisés, mafias organisées et finance criminelle
Pendant longtemps, nous avons cru que le criminel était un individu isolé, il y a
même parfois une certaine fascination pour certains criminels, des policiers qui
écrivent des livres sur eux, etc. Peu à peu l’individu est devenu bande, la bande est
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devenue gang. Nous avons la chance que les Français et les Américains aient inventé
la criminalité moderne, à peu près en même temps. En 1900-1920, vous voyez
l’apparition à Chicago d’un côté et à Marseille de l’autre, de la première
industrialisation criminelle, en même temps que la première mondialisation. La
première mondialisation, ce sont des bateaux à vapeur, donc plus de transport, plus
de relations, plus de connexions et donc plus de trafic de stupéfiants, d’opium, de
fausses monnaies, et de proxénétisme. A Chicago, l’homme qui invente cela est
Alphonse Capone et il décide que le temps est venu que le crime fonctionne comme
une entreprise : intégration verticale et horizontale, incentive pour le petit personnel,
développement des zone de chalandise, investissement dans la recherche et le
développement, etc. Il s’agit de toutes les règles de l’économie de marché, sauf pour
la concurrence qui est réglée de manière un peu plus définitive. A Marseille,
Carbone et Spirito, deux jeunes qui se sont rencontrés à Beyrouth et en Egypte,
décident de faire de même. Pour la première fois, parce qu’ils contrôlent le port, ils
décident de faire du trafic d’opium, des fausses piastres, du proxénétisme et ils
prennent le contrôle de la ville. Cicero, banlieue de Chicago, et Marseille deviennent
les deux pôles de création de la première mondialisation criminelle industrielle.
Capone tombera grâce au fisc, Carbone et Spirito tomberont grâce à la Résistance
(qui va les bombarder) et aux Allemands (qui vont perdre la guerre). Revoyez
Borsalino & Co. Ce n’est pas un film, presqu’un documentaire.
Sont donc nés les premiers conglomérats industriels, qui fonctionnent selon les
mêmes règles qu’une entreprise, et qui commencent à embaucher des chimistes pour
la coke et des gestionnaires pour les finances, car ils ont beaucoup d’argent. Par
ailleurs, avec la prohibition, Capone fait le trafic de l’alcool, et en plus il prend le
contrôle des casinos et des blanchisseries automatiques à Chicago. Leur chiffre
d’affaires était relativement exceptionnel pour du lavage de vêtements, parce que
cela permet d’écouler (de blanchir) tout l’argent des bars clandestins. Capone va
comprendre que, la prohibition allant se terminer, il lui fallait se recentrer, et il va
devenir le principal distributeur de lait à Chicago, qui rapporte plus en marge,
puisque cela coûte moins cher en corruption, en attaques de centres de distribution et
en pertes en ligne. C’est le premier à blanchir vraiment, par la blanchisserie et par le
lait, son activité criminelle ; avant de tomber pour fraude fiscale. Ce sujet reste
encore d’actualité, puisque c’est encore ce que l’on a trouvé de mieux pour faire
tomber les criminels.
Cette industrialisation criminelle va amener un changement majeur de processus et
qui va nous amener à un sujet essentiel : que fait-on de l’argent ? C’est le moment où
l’on va voir apparaître, pour la première fois, un concept que nous avons inventé
nous-mêmes : les off-shore. Il va, en effet, falloir envoyer l’argent quelque part.
Avant, on l’envoyait à Cuba, ce n’était pas trop loin des États-Unis et on pouvait y
aller avec une mallette. A partir de 1994, dans le monde entier, la dérégulation va
commencer. Ce matin, entre 70 00 et 80 000 milliards de dollars se sont réveillés et
se sont demandés ce qu’ils allaient faire dans tous les off-shore de la planète. Cet
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argent est essentiellement composé d’argent sale et comme dirait Coluche : « plus ou
moins sale ». C’est moins blanc que blanc, mais ce n’est pas toujours totalement
noir. Pour l’essentiel, c’est de la fraude fiscale. Comme ce tuyau énorme existe, tout
le monde a décidé de se connecter dessus. En France, cela s’appelle de
l’optimisation fiscale, car cela fait plus joli ! Cependant, ce n’est que de la fraude,
l’optimisation n’existe pas.
Dans ce tuyau, on a d’abord connecté la corruption puisque nous (et d’autres)
devons vendre nos armes. Il a les commissions et rétro-commissions. Et les criminels
se sont dit : pourquoi pas nous ? Des criminels s'y sont donc branchés aussi, et un
tout petit peu les terroristes. On pense souvent que l'off-shore, ce sont les Bahamas,
les Caïmans et quelques autres endroits exotiques, mais il se trouve que dans l'offshore, il y a aussi le in-shore, comme la City de Londres, par exemple, ou
l’Autriche, ou le Delaware (État américain dont le sénateur est devenu le Viceprésident des États-Unis). Tous les off-shore n’ont aucune armée, à part la Suisse,
qui n’est plus ce qu’elle était… Le jour où les grandes puissances diraient :
« maintenant c’est fini », cela s'arrêterait dans la minute, mais les in-shore, c’est plus
compliqué, car c’est là où il y a l’argent qu'il ne faut pas voir. Dans la réalité, tout
ceci existe parce que nous le tolérons, que nous estimons que nous en avons besoin
et parce que sur le même tuyau, il y a plusieurs branchements. Tant que nous ne
traitons pas de ces branchements, nous ne traitons pas du problème réel. Cet argent,
que fait-il ? Rien, parce qu’il ne peut pas réapparaître, on ne peut pas le blanchir,
c’est compliqué ou cela coûte cher, donc il spécule. Tous les gouvernements du
monde sont à la tête d’une espèce d’immense paquebot qui reçoit des vagues
terribles avec des tonneaux mal accrochés à l’intérieur.
Qui a pris le contrôle des banques off-shore ? Vous pensez que les criminels
mettent leur argent dans des banques avec des vrais banquiers et qu'ils leur font
confiance ? Non, le criminel contrôle parfois aussi le banquier ou le trader, parce que
ce dernier sniffe, qu’il a peur, ou que le criminel a des moyens que le banquier n’a
pas. Il se trouve que, dans les années 90, il s’est passé aux États-Unis et au Japon
(deux pays sans aucune structure étatique) l’opération suivante. Des hommes sont
arrivés et sont allés voir le directeur des caisses d’épargne américaines (il y en avait
des milliers, à l’époque) pour obtenir de lui, sous pression, 90 milliards de dollars.
Le plus grand hold-up de l’histoire. La même année, les Yakuzas font la même chose
et vont voir des petites banques hypothécaires et récupèrent 120 milliards. En 1990,
210 milliards de dollars ont été siphonné de l’économie mondiale ; le Japon ne s’en
est jamais remis, alors que les États-Unis ont fait marcher la planche à billets pour
compenser. Pour la première fois, les bandits ont été face à un magot qu'ils
n’auraient jamais pu imaginer. Ils ont décidé d’embaucher les meilleurs
gestionnaires, financiers et traders. Nos amis Colombiens se sont mis à faire pareil
(Pablo Escobar pesait entre 1 à 2 milliards de chiffre d’affaires annuel au sommet de
sa gloire) et ils sont passés à l’industrie. Le petit commerçant est devenu Carrefour,
plus Auchan et plus Leclerc. Aujourd’hui, il est en situation d’être l’égal d’un État.
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Au Mexique, les États du nord sont sous le contrôle des narcotrafiquants et pas de la
police. La réalité est la prise de contrôle et l’arrivé de la criminalité organisée
financière, comme un acteur majeur de l’espace criminel. Du coup la banque, qui
était initialement une victime, s’est dit, devant tant d’argent, qu’elle pourrait peutêtre participer à l’investissement, et est devenue complice. On découvre
régulièrement que des banques américaines ont blanchi des centaines de milliards de
dollars des narco mexicains ou colombiens, et je n'arrive plus à tenir le compte des
grandes banques condamnées sévèrement pour des activités illicites liées à la grande
criminalité.
Cybercriminalité, cyberterrorisme….
D'abord, au départ, «cyber» n'a jamais voulu dire informatique, mais complexe.
C'est un terme inventé par un auteur de science-fiction pour décrire une société
complexe. Un cybermonde est un monde complexe, pas forcément informatisé. Mais
aujourd'hui, c'est bien l'informatique qui est le support de cette complexité.
Il y a ici une grande confusion car on mélange le cybercrime, dont le but est de
voler, le cyberespionnage dont le but est d'espionner sans se faire prendre, la
cyberguerre dont le but est de détruire, et le cyber terrorisme dot le but est de se faire
voir. Quatre domaines très différents donc, ce qui crée de la confusion.
En ce qui concerne le cybercrime, cela a commencé dans une prison américaine en
1974 où un détenu chargé de la comptabilité d'une banque avait détourné tous les
centimes de chaque opération. Et un journaliste a alors écrit un article célèbre sur
l'avenir du cybercrime : et je vous assure que cet avenir c'est vous ! Dans 99,99% des
cas c'est vous qui aidez les criminels à vous voler. Quand vous répondez à une petite
annonce pour vous aider à faire repousser vos cheveux, ou augmenter votre organe
reproducteur masculin ou vos organes mammaires féminins, quand vous répondez à
la pauvre veuve nigériane qui vous écrit personnellement bien que ne vous
connaissant pas, au nom de Dieu pour vous demander quelques milliers de dollars…
on ne sait pas comment gérer la bêtise, car nous sommes victimes mais très bêtes. Et
ce sont plusieurs milliards de spams quotidiens de ce genre qui circulent. Et si
0,00001% seulement répondent, cela fait beaucoup de victimes… de leur bêtise, qui
seront peut-être indemnisés un jour, mais qui ont bien mérité ce qui leur arrive, en
définitive ! Mais il y a quand même des arnaques sophistiquées auxquelles certains
succombent de bonne foi, mais c'est très rare
Le vrai sujet aujourd'hui, c'est le cyberterrorisme et le cyber espionnage. On a
aujourd'hui des outils très perfectionnés qui permettent d'écouter d'entendre, de voir
des choses censées rester cachées. Et la protection ici c'est le développement des
antivirus, et c'est la prise de conscience que le téléphone ou l'ordinateur ne sont pas
des outils de communication fiables!
Ce qu'il y a de commun entre ces 4 formes de cybernuisances, c'est le hacker, qui
présente souvent une façade de respectabilité (et n'a pas toujours conscience de la
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nature criminelle de ses activités hi-tech). Mais on traite ici de sujets complètement
différents, et qu'il faut traiter de façon très différente.
Concernant le terrorisme, nul n'est capable de le définir : pendant la deuxième
guerre mondiale, les Résistants étaient appelés terroristes par les Allemands (et
réciproquement), c'est un terme galvaudé. Ce qui est important ici, c'est de définir
l'objectif des terroristes. Quand l'ETA politico-militaire fait sauter l'Amiral Carrero
Blanco premier ministre du Général Franco, dictateur de son état, c'est un acte de
résistance : c'est répréhensible de tuer des gens, mais personne ne va pleurer sur
Carrero Blanco. Quand la même ETA fait sauter une caserne de la garde civile en
1978, après la démocratisation de l'Espagne, ce n'est pas bien, mais l'objectif est
acceptable car il vise les gens chargés de la répression. Mais quand l'ETA fait sauter
u supermarché à Barcelone, elle devient une organisation terroriste, car aucun des
clients du supermarché n'est en mesure de répondre aux revendications de l'ETA.
Quand on raconte cela aux victimes on se fâche avec tout le monde.
Mais criminologiquement c'est satisfaisant : c'est l'objectif qui fait la différence, ce
n'est pas la bombe ni l'étiquette. Le problème, c'est que l'on continue de regarder le
terrorisme aujourd'hui comme s'il n'avait pas changé. Jusque dans les années 80, le
terrorisme était essentiellement un terrorisme d'État : à Washington ou à Moscou, il
y avait quelqu'un qui appuyait sur les boutons, envoyait des papiers ou de l'argent,
créait des camps d'entrainement, gérait des moyens de transport, décidait des
actions… Sans l'accord d'une des superpuissances il ne se passait pas grand-chose.
Après89 et la chute de l'une des superpuissances, on a vu disparaître le terrorisme
d'état et apparaître le terrorisme actuel, que l'on appelle Al-Qaida (et s'appelle en fait
Front International islamique de lutte contre les juifs et les croisés : c'est moins
vendeur mais plus précis). C'est nous qui avons créé Al-Qaida, pour lutter contre les
Russes en Afghanistan! C'est un Golem qui nous a échappé, et dont on n'aurait
jamais pensé qu'il pourrait devenir aussi monstrueux! Et on a oublié un moment
particulier qui s'est passé en 1995 en France (où on a inventé le nom et le concept de
terrorisme, et aussi les opérateurs). En 1995, Khaled Kelkal est le premier hybride :
petit délinquant connu des services de police, il est recruté par le GIA islamique pour
commettre des attentats en France. Et tout le monde est pris par surprise, personne ne
l'a vu venir, on n'imaginait pas ce cas de figure. C'est le début d'une série (un épisode
semblable se passe à Roubaix), mais comme dans un premier temps il ne se passe
plus rien, on n'en prend pas conscience et on le considère comme un épiphénomène
dont on ne s'occupe pas.
Et cela dure jusqu'à 2012 avec les attentats de Toulouse de Mohamed Merah, qui
est la copie conforme de Kelkal. Merah était bien repéré, mais on n'avait pas compris
de qui il s'agissait.
C'est que nos services de surveillance ont su se greffer de grandes oreilles, mais on
ne leur a pas ajouté de cerveau. Et on ne sait pas traiter les informations que nous
produisons et qui nous submergent. Et 2015, Kouachi et Kalibali, c'est encore la
même chose : des gens repérés et suivis depuis plusieurs années, et qui enfument la
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police. Et c'est encore pire dans le cas de Kouachi, qui est plus que connu, il est
célèbre : il est le patron de La Grande Borne, c'est lui le caïd à la prison de Fresnes,
il est l'artificier du groupe terroriste Belkacem (c'est donc un des leaders du
groupe)… et quand il sort de prison, personne ne le suit ni ne s'intéresse à ce qu'il
fait! Il n'aurait même pas besoin de cacher. Notre problème, c'est de comprendre
qu'on est passé d'un terrorisme singulier à un terrorisme pluriel. Que les terroristes
ne sont pas comme on aimerait qu'ils soient, mais comme ils sont. Or nous sommes
obsédés en Occident (pas seulement en France) par les espions rouges : c'était stable,
compréhensible, fiable. Ils devaient être remplacés par les espions jaunes. En fait on
est face à une pluralité d'opérateurs, complétés par le dernier arrivé, incontrôlable, le
«lumpen-terroriste», qu'on ne sait pas bien voir et repérer, car il est totalement
spontané, en général connu pour des problèmes psycho-pathologiques, et qu'il agit
spontanément et impulsivement : à moins de l'enfermer préventivement, ce qui est
impensable, on ne peut pas le neutraliser.
C'est donc cette pluralité que nous essayons de comprendre, mais cela suppose de
changer la culture monomaniaque de l'espion traditionnel, vers plus d'analyse : la
collecte d'informations est bien faite, les réactions sont exceptionnelles, mais
l'analyse est insuffisante et très faible. Si la loi «renseignement« dont on discute
actuellement répond à une partie des problèmes qui se sont révélés depuis quelques
années, elle ne répond pas à l'essentiel : comment faire quelque chose de toute cette
information. Car, après chaque catastrophe terroriste, depuis un demi-siècle, on crée
une commission d'enquête (officielle ou secrète, publique ou restreinte) qui se
termine toujours par les mêmes conclusions. D'abord, on savait tout ou presque tout.
Ensuite, on n'a pas compris ce que l'on avait découvert (les Américains disent : we
did not connect the dots, on n'a pas relié les points). Et enfin on affirme que ça ne se
reproduira plus! (jusqu'à la fois prochaine bien sûr…).
En fait, dans 99% des cas, les opérations de terrorismes pourraient déjà être
empêchées, non pas par de nouvelles mesures d'intrusion dans les libertés, mais par
une meilleure capacité d'analyse des informations que l'on a collectées. Et c'est pour
moi le sujet essentiel à traiter, ce que la loi en cours ne fait pas vraiment.
En matière de conclusion
En criminologie, nous avons un grand maître, Sherlock Holmes, qui disait (sous la
plume de Conan Doyle) : une fois l'impossible supprimé, ce qui reste, même
invraisemblable, doit être la vérité. A l'époque, souvent, ce qui restait si mystérieux
et invraisemblable se résumait par «Cherchez la femme!» Mais bizarrement,
aujourd'hui, en matière de terrorisme, on a décidé que ce qui est invraisemblable est
impossible. Et nous nous sommes victimisés tous seuls! C'est qu'en fait, dans la
réalité du quotidien, en ce qui concerne l'essentiel de la criminalité ou le terrorisme,
nous pourrions être parfaitement informés si nous faisions les mêmes efforts en
matière de criminologie qu'en matière de cardiologie. Et l'optique clinique est le seul
moyen de résoudre le problème posé.
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Vous avez évoqué tout à l'heure mes fonctions de conseiller des hommes
politiques. Le premier homme politique dont j'ai été le conseiller était Michel
Rocard, et j'ai été consulté depuis de tous les Ministres de l'intérieur de tous bords
politiques (car ce n'est pas moi qui les choisis, mais le peuple, en principe). Vous
avez aussi parlé de mon côté gastronome, et il y a une relation entre criminologie et
gastronomie : l'élément qui fait le lien, c'est le choix du mode de cuisson.
le 18 avril 2015
(A la demande d'Alain Bauer, nous ne présentons pas ici le débat passionnant et d'une grande
liberté qui a suivi cette conférence)
Alain BAUER est Professeur titulaire de la Chaire de Criminologie du
Conservatoire National des Arts et Métiers (depuis 2009).
Il a notamment été le conseiller de Michel Rocard en 1988, il a été
consulté par les divers ministres de l’intérieur et le président de la
République française Nicolas Sarkozy sur les questions de sécurité et de
terrorisme.
Alain Bauer a également été grand maître du Grand Orient de France de
2000 à 2003, et a fait partie des fondateurs de SOS-Racisme en 1985.
Alain Bauer est l'auteur de nombreux ouvrages sur la franc-maçonnerie
et sur la criminalité. Il est depuis 2013 membre du comité scientifique de
la Revue française de criminologie et de droit pénal. Il est également
éditeur de l'International Journal of Criminology depuis 2014.
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