Denis Muzerelle D. (dir.), Geneviève Grand, Guy

Transcription

Denis Muzerelle D. (dir.), Geneviève Grand, Guy
Francia­Recensio 2015/4
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Denis Muzerelle (dir.), Geneviève Grand, Guy Lanoë, Olivier Legendre, Monique Peyrafort, Dominique Stutzmann (collab.), Manuscrits datés des bibliothèques de France. Vol. 2: Laon, Saint­Quentin, Soissons, Paris (CNRS Éditions) 2013, 160 p., 160 ill., ISBN 978­2­271­07762­2, EUR 80,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Charlotte Denoël, Paris
Treize ans se sont écoulés depuis la parution du catalogue des manuscrits datés consacré à Cambrai, qui inaugurait la série des manuscrits datés des bibliothèques publiques de France (CMD­F2). Cette nouvelle série, publiée sous le patronage du Comité international de paléographie latine, faisait alors suite à la série du catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu où de copiste (CMD­F) dont les sept volumes avaient été publiés de 1959 à 1984 sous la direction de Charles Samaran et Robert Marichal. Ceux­ci couvraient déjà une large portion de la France: les bibliothèques parisiennes et une partie des fonds de la Bibliothèque nationale de France, l’Est, la Bourgogne, le Centre, le Sud­Est, le Sud­Ouest, l’Ouest et les pays de Loire. Seul le Nord restait à traiter, mais la richesse de ses fonds requérait pour cette région une publication en plusieurs volumes. Le présent volume consacré aux fonds de Laon, Saint­Quentin et Soissons fait ainsi suite à celui de Cambrai. Dans ce dernier, paru en 2000, les rédacteurs avaient procédé à une refonte de la précédente maquette, jugée obsolète, en accordant plus d’importance à la rédaction des notices et à l’histoire des fonds et, surtout, en introduisant la notion de »manuscrit datable« à l’aide de critères internes et externes, ce qui permettait d’élargir considérablement le corpus des manuscrits habituellement retenus dans le CMD­F. Le nouveau volume s’inscrit dans cette démarche1. Avec quelques 420 notices de manuscrits conservés dans les bibliothèques municipales de Laon, Saint­Quentin et Soissons, dont 142 concernent des manuscrits datés, les rédacteurs de ce catalogue livrent ici une moisson particulièrement abondante, fruit de nombreuses années de travail et d’expertise paléographique. L’homogénéité des fonds étudiés ici rendait possible cette inspection systématique des manuscrits et l’élargissement du travail de datation initié dans le volume précédent. Dans le présent volume, ce sont les fonds de la bibliothèque Suzanne­Martinet à Laon qui occupent la place d’honneur, avec un ensemble carolingien d’une remarquable richesse issu de la cathédrale (près de 80 manuscrits) et un autre groupe de manuscrits provenant de l’abbaye cistercienne de Vauclair, dont une grande partie a conservé ses reliures d’origine, sans compter les manuscrits d’autres établissements religieux affiliés aux ordres cisterciens, prémontrés (Cuissy notamment) et chartreux. Numériquement plus faibles, du fait de graves mutilations, les manuscrits datés de Saint­
Voir sur ce volume la recension qu’en a donnée Dominique Stutzmann dans: Bibliothèque de l’École des chartes 160/2 (2002), p. 711–714.
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Quentin et de Soissons, respectivement issus de la collégiale et de l’abbaye de Prémontré, viennent utilement compléter cet abondant matériau et enrichir nos connaissances sur les fonds médiévaux conservés dans le Nord de la France.
La copieuse introduction qui précède les notices des manuscrits fournit de précieux repères sur l’histoire des fonds et leurs anciens possesseurs. Elle est l’occasion de faire le point sur les fameux ex­dono de Didon, Bernard et Adelelme et de rouvrir l’épineux dossier de l’école dite de Laon à laquelle les savants John J. Contreni, Bernard Merlette et Édouard Jeauneau ont consacré d’abondants travaux dans les années 1970. Soumettant les ex­dono à une critique paléographique et historique serrée, Denis Muzerelle propose d’identifier Bernard et Adelelme avec deux écolâtres de la fin du IXe siècle, qui ont succédé à Martin d’Irlande à la tête de l’école de Laon, et de dater les deux séries d’ex­dono de la même époque, autour des années 892. Au vu des décalages qui existent entre la copie de certains manuscrits et l’apposition des ex­dono, Muzerelle émet l’hypothèse que cette campagne d’ex­dono corresponde à une volonté de rassembler dans un même lieu sûr les livres de l’école et du chapitre de la cathédrale à une époque de troubles politiques. Ces conclusions, que Denis Muzerelle avait déjà exposées dans une communication en 20052, renouvellent l’historiographie sur le sujet, en même temps qu’elles mettent en lumière un épisode méconnu de l’histoire de la bibliothèque de la cathédrale de Laon, laquelle, à défaut d’inventaire médiéval, est documentée principalement par les travaux de deux érudits laonnois de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle, Claude L’Eleu et Dom Bugniatre3. Ce faisant, dans le sillage de ces réflexions, Muzerelle rouvre le débat sur l’école de Laon dont il suggère, prudemment, mais judicieusement, de réévaluer à la baisse l’importance du rayonnement intellectuel, compte­tenu de l’absence de livres copiés sur place et des lacunes des sources historiques. Plutôt qu’une école épiscopale, il conviendrait d’y voir plus modestement une école dévolue à l’éducation des jeunes princes carolingiens, fils de Charles le Chauve. L’un des fleurons de cette école est le glossaire grec de Martin d’Irlande (ms. 444), pour la partie principale duquel la notice du catalogue propose pour la première fois une fourchette de datation resserrée, entre 858 et 871. Cet aperçu sur les grandes heures de Laon à l’époque carolingienne est complété par un très utile panorama de l’histoire de la bibliothèque canoniale aux siècles suivants; y sont évoqués tous les donateurs, pour la plupart de grandes figures de l’histoire locale, comme Michel Casse, juriste de profession, dans la première moitié du XIVe siècle, ou des intellectuels comme Adam de Courlandon, auquel les manuscrits de ses propres œuvres ont appartenu et, surtout, présentent des mentions de correction qui indiquent qu’ils ont été revus par leur Denis Muzerelle, Ex­libris carolingiens et cisterciens de la bibliothèque municipale de Laon. Problèmes de er
datation et d’attribution, dans: Actes, 12: le manuscrit dans tous ses états, (Communication du 1 décembre 2005).
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Le catalogue de Dom Bugniatre, conservé dans le ms. Paris, BnF, Picardie, ms. 265, est inédit. Dans le cadre d’une communication au séminaire sur l’histoire des bibliothèques anciennes en 2013 et de la préparation de l’édition électronique de ce catalogue, je suis redevable à Dominique Stutzmann de m’avoir très généreusement communiqué l’introduction du catalogue des manuscrits datés de Laon alors que celui­ci était encore sous presse.
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auteur lui­même ou bien par son maître Michel de Corbeil.
Par rapport aux précédents volumes du CMD­F, on notera l’attention particulière qui est accordée ici aux manuscrits liturgiques, dont les usages fournissent de précieux indices pour la datation et la localisation des manuscrits, ainsi qu’aux reliures médiévales, dont le fonds de l’abbaye de Vauclair offre un échantillon à la fois représentatif et homogène. Comme les ex­libris de l’abbaye étudiés par Denis Muzerelle, ces reliures font l’objet d’une analyse en profondeur par Guy Lanoë dans un chapitre spécifique placé à la suite à l’introduction. Cette première approche d’un fonds cistercien de taille moyenne, jusqu’ici peu exploré en dépit de son intérêt paléographique, codicologique et artistique, ouvre ainsi la voie à des recherches approfondies, une tâche à laquelle s’est récemment attelée Hélène Jacquemard dans le cadre de sa thèse d’archiviste paléographe soutenue en 20154.
Outre des statistiques sur la composition des fonds, cet ensemble d’une grande richesse s’accompagne de copieuses tables et d’index chronologiques, topographiques et prosopographiques. Les 160 planches en noir et blanc fournissent, quant à elles, un appréciable matériau iconographique pour le paléographe, et l’on ne pourra qu’apprécier la présence, à la fin, de planches consacrées aux ex­dono de Didon, Bernard et Adelelme et aux détails des reliures de Vauclair. Si, à l’ère de la paléographie digitale, ces planches ne sauraient suffire à justifier toutes les attributions et identités de main ni ne peuvent être exploitées par les logiciels d’analyse graphique actuellement développés aujourd’hui, il n’en demeure pas moins qu’une base de données ne saurait se substituer à l’entreprise de catalogage des manuscrits datés, ainsi que le souligne très justement Dominique Stutzmann dans l’avant­propos. L’exploitation d’outils numériques dans le cadre des publications à venir (le prochain volume sera consacré aux fonds de Saint­Omer) permettra, en revanche, de prolonger et systématiser les analyses graphiques et morphologiques à partir de répertoires de formes propres à une date, une région ou un scribe donné, tout en offrant un abondant réservoir d’archives visuelles et une grande souplesse d’utilisation.
Hélène Jacquemard, L’abbaye cistercienne de Vauclair et sa bibliothèque. Lire et écrire dans une abbaye cistercienne du Moyen Âge au XVIIIᵉ siècle, thèse de l’École des chartes. Cf. Positions de thèse 2015. 4
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