J`aime l`Éternel, car il entend ma vo

Transcription

J`aime l`Éternel, car il entend ma vo
Eglise protestante unie de l’Annonciation
Denis Heller le 7 juin 2015
Psaume 116
« J’aime l’Éternel, car il entend ma voix, mes supplications ; 2 Car il a tendu son oreille vers moi ;
Et je l’invoquerai toute ma vie. 3 Les liens de la mort m’avaient enserré, Et les angoisses du séjour des morts m’avaient
atteint ; J’avais atteint (le fond de) la détresse et du chagrin. 4 Mais j’invoquai le nom de l’Éternel : Je t’en prie,
Éternel, sauve mon âme ! 5 L’Éternel fait grâce et il est juste, Notre Dieu est compatissant ; 6 L’Éternel garde les
simples ; J’étais affaibli, et il m’a sauvé.7Mon âme, retourne à ton repos, Car l’Éternel t’a fait du bien. 8 Oui, tu as
délivré mon âme de la mort, Mes yeux des larmes, Mes pieds de la chute. 9 Je marcherai devant l’Éternel, Sur la terre
des vivants. 10 J’ai cru quand j’ai parlé : J’étais très malheureux ! 11 Je disais dans ma précipitation : Tout homme est
menteur. 12 Comment rendrai-je à l’Éternel Tous ses bienfaits envers moi ? 13 J’élèverai la coupe des délivrances Et
j’invoquerai le nom de l’Éternel ; 14 J’accomplirai mes vœux envers l’Éternel, En présence de tout son peuple.15 Elle a
du prix aux yeux de l’Éternel, La mort de ses fidèles.16 Je te supplie, Éternel ! car je suis ton serviteur, Ton serviteur,
fils de ta servante. Tu as détaché mes liens. 17 Je t’offrirai un sacrifice de reconnaissance, Et j’invoquerai le nom de
l’Éternel ; 18 J’accomplirai mes vœux envers l’Éternel, En présence de tout son peuple, 19 Dans les parvis de la
maison de l’Éternel, Au milieu de toi, Jérusalem ! Louez l’Éternel ! »
On prête au théologien protestant Dietrich Bonhoeffer, membre engagé de l’Église confessante allemande contre le
nazisme et contre Hitler, la phrase suivante : « Parler à Dieu c’est ma vocation ; parler de Dieu, c’est ma profession. »
En effet, en tant que pasteur théologien luthérien, c’était sa profession, son métier de parler de Dieu, dans des cours de
théologie lorsqu’il était jeune professeur, docteur de théologie, dans des articles de revues universitaires, dans plusieurs
livres qui aujourd’hui, quelque 70 ans après, connaissent encore un plein succès.
Être pasteur théologien, c’est s’engager dans la voie de la théologie, c’est-à-dire littéralement, de la parole sur Dieu et
depuis 20 siècles hommes et femmes d’Église mais aussi penseurs philosophiques de toutes sortes n’ont cessé d’écrire à
son sujet, en le considérant alors comme un objet d’étude, un objet de dissertation et de réflexion ; au risque de le
considérer comme un objet d’étude parmi d’autres, au risque d’appréhender sa réalité, son exploration, comme on peut
le faire dans la dissection d’une souris ou dans la découverte d’une nouvelle planète.
Pire, comme il n’est pas palpable, ni observable, ni visible, il peut se réduire à un simple concept abstrait, à une idée
métaphysique que l’on manipule à plaisir, sous toutes les coutures.
« Parler à Dieu, c’est ma vocation ; parler de Dieu, c’est ma profession », disait Dietrich Bonhoeffer. Certes, faire de la
théologie n’est pas inutile car il est important de pouvoir parler de Dieu, au travers de la réflexion, en dialogue avec la
culture et les courants de pensée de notre société. Il est important de mettre des mots sur la foi, de nous interroger, de
réfléchir à ce que nous disons de Dieu, sur Dieu, dans son rapport aux humains et au monde.
En ce sens, nous sommes tous des théologiens en herbe, mais il y a plus, il y a à aller plus loin. Parler à Dieu, c’est ma
vocation, c’est-à-dire ce à quoi je suis appelé en tant que chrétien, en tant que croyant. Non seulement parler de Dieu,
sur Dieu, mais lui parler, c’est-à-dire en faire l’expérience non plus en tant qu’objet d’étude mais en tant que sujet,
réalité à rencontrer, à vivre et à expérimenter.
En ce sens, une prédication ne peut pas se réduire à une conférence intéressante ou à un exposé savant. Un culte n’est
pas un colloque, ni un rassemblement quelconque pour satisfaire notre seul intellect et notre sentiment d’appartenance
au protestantisme. Une séance de catéchisme n’est pas un cours ordinaire. En séance de catéchisme, toujours avec les
enfants, nous prions et chantons. Au culte, à côté d’une prédication dont le risque n’est d’être qu’un discours
documenté, il y a la liturgie, le temps des chants et des prières, où ensemble nous parlons à Dieu, où ensemble nous
faisons l’expérience de Dieu.
Il y a même encore davantage, le temps de la cène , où nous vivons avec nos corps, physiquement, spirituellement,
concrètement la présence de Dieu ; ensemble nous faisons l’expérience de sa présence.
Passer de la parole sur Dieu à la parole à Dieu est un pas de la foi, une démarche de foi.
Le livre des Psaumes nous aide à le faire, nous invite à le faire. En suivant pas à pas ce livre constitué de 150 psaumes,
de 150 prières, de 150 paroles adressées à Dieu, nous épousons les contours de l’âme humaine. Nous passons par tous
les sentiments qui peuvent l’habiter : peur, joie, révolte, gratitude, vengeance, angoisse, confiance, doute ; nous
empruntons avec les croyants d’autrefois des chemins de la foi. Ils nous disent leur expérience de Dieu.
Le psaume 116, psaume du jour, est à ce titre exemplaire. C’est sur un ton extrêmement intime, personnel, sur le mode
presque de la confidence, que le croyant partage cette expérience d’avec Dieu. Il fait part des épreuves traversées ; il a
frôlé la mort. « Les liens la mort m’avaient enserré et les angoisses du séjour des morts m’avait atteint ; j’avais atteint
le fond de la détresse et du chagrin », dit-il.
Comme souvent dans les Psaumes, le contexte précis nous est inconnu. Quelle épreuve a-t-il vécue ? Est ce une maladie
grave qui l’a conduit aux portes de la mort ? Est-ce un rejet des autres, voire une persécution subie ? Peut-être, puisqu’il
va évoquer, quelques versets plus loin, le fait que les humains sont trompeurs et menteurs. Fait-il référence à la
condition des esclaves, loin de Jérusalem connue par le peuple, en exil à Babylone ? Peut-être ; toujours est-il qu’il
touche le fond de la détresse, connaît l’épreuve de la souffrance et du désarroi. Il est profondément seul, livré à luimême face à la douleur et à son malheur.
La souffrance laisse toujours un sentiment de profonde solitude car elle ne peut pas être partagée, ni comprise
totalement par les autres, d’autant que le psalmiste découvre que, dans ces moments-là, il ne peut faire confiance à
personne. Il évoque les tromperies et les mensonges des humains.
C’est alors qu’il expérimente la présence de Dieu, son soutien, son appui. Dans ces moments de creux, de vide, de
grande fragilisation, à deux pas de la mort, il éprouve la présence de Dieu.
Il crie vers Lui, l’invoque, et Dieu vient le relever, le sauver. « J’étais affaibli et il m’a sauvé ; tu as délivré mon âme de
la mort, mes yeux des larmes, mes pieds de la chute », dit-il.
Dieu alors n’est pas pour lui un concept abstrait, ni un objet d’étude à distance mais il est devenu pour lui le vivant, le
présent, le libérateur de sa vie, un Dieu pour lui, un Dieu de vie. D’où sa reconnaissance, sa louange, d’où le début de sa
prière, de ce psaume, unique en son genre. Il commence comme une grande déclaration d’amour : « j’aime » ; cela sans
indication véritablement d’un complément d’objet. Les traducteurs pallient ce manque en traduisant par : « j’aime
l’Éternel car il entend ma voix, mes supplications » ou encore par : « j’aime que l’Éternel m’entende ».
Cette expérience de délivrance vécue aux limites de la vie, aux limites de la mort, est décisive. Il parle alors à son Dieu,
lui dit son amour, sa reconnaissance. Une expérience radicale, marquante ; une expérience d’avec Dieu qui le
bouleverse et le transporte, loin du discours sur Dieu purement intellectuel.
Faut-il en passer par là, par l’épreuve, aux limites de la vie, pour vivre de telles expériences ? Faut-il traverser ces
moments de grande turbulence, de grande fragilisation, là où la vie ne tient qu’à un fil, pour connaître ce type
d’expérience ? Cette expérience de Dieu se vit-elle seulement aux limites ? Dietrich Bonhoeffer, qui, vous le savez, a
connu une vie comblée d’universitaire brillant, de théologien prometteur, pour finir dans les prisons tenues par les nazis,
pose cette même question. Ne peut-on pas faire l’expérience de la présence de Dieu aussi au centre de la vie et non pas
seulement à ses limites, aux frontières de la mort ? Ne peut-on pas vivre de telles expériences aussi au cœur de la vie, au
cœur de la joie, au cœur de l’amour, non seulement dans les creux, mais aussi dans les pleins.
Toujours est-il que cette expérience de Dieu vécue comme une vraie libération, comme une vraie délivrance va le sortir
de lui-même, de ses peurs, de sa solitude. Si cette expérience profonde est intime, extrêmement personnelle, elle ne le
fait pas rester replié sur lui-même, dans une spiritualité refuge et éthérée. Le voilà relevé, le voilà vivant, le voilà
confiant, sorti de son désarroi.
« Je marcherai devant l’Éternel Sur la terre des vivants », dit-il ; une affirmation joyeuse, confiante, qui se situe tout
juste au cœur, au milieu de sa prière, de ce psaume, comme désormais le pivot central, l’axe central de son existence. Il
faudrait même traduire : « je marcherai devant l’Éternel sur les terres des vivants », comme pour montrer désormais
l’ouverture de son existence. Mort, replié sur lui-même, le voilà vivant, ouvert aux autres vivants, appelé à marcher sous
le regard de l’Éternel et à les rencontrer.
L’expérience de Dieu intime, secrète, personnelle, le conduit à l’expérience des autres et à la rencontre des vivants. Il
vit la présence de Dieu non seulement comme une force qui le relève dans son for intérieur, dans sa spiritualité, mais
aussi comme une force qui le conduit sur la terre des vivants, qui le conduit vers les vivants.
Comment alors ne pas rendre grâces ? Comment alors ne pas témoigner de sa reconnaissance ? « Comment rendrai-je à
l’Éternel tous ses bienfaits envers moi », dit-il. Il ne sait comment le remercier, si ce n’est, poursuit-il, en étant son
serviteur, cela dans le concret de sa vie et en offrant un sacrifice de reconnaissance, dans la communauté des croyants.
Le « j’aime l’Éternel » personnel se conclut par une invitation collective à louer l’éternel « alléluia » au temple.
On peut penser que Jésus, au moment où il partage le pain et le vin et institue la cène, chante avec ses disciples ce
psaume ; psaume de louange et de reconnaissance qui préfigure sa mort et aussi la coupe de bénédiction. Jésus luimême a prié ce psaume.
Parler à Dieu, c’est notre vocation, disait Dietrich Bonhoeffer, et pourtant la prière n’est pas toujours facile, ni naturelle.
Elle peut être balbutiante, hésitante.
L’expérience de Dieu peut se vivre dans la prière, qu’elle soit spontanée, communautaire, liturgique ; prières des autres
lues et relues comme nous le faisons ce matin avec les psaumes et le Notre Père.
Depuis maintenant 5 ans, chaque dimanche, nous vous offrons une prière au dos du feuillet du culte pour que vous la
fassiez vôtre, pour qu’elle vous porte, qu’elle vous parle. C’est environ 250 textes qui vous ont été proposés ; pour tous
les goûts, toutes les situations, tous les styles.
Parler à Dieu pour vivre de la présence de Dieu et pouvoir avec espérance, confiance et joie dire : « je marcherai
devant l’Éternel sur la terre des vivants. » AMEN.

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