Intérêt de la biopsie musculaire dans l`exploration des
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Intérêt de la biopsie musculaire dans l`exploration des
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue du Rhumatisme 75 (2008) 126–129 Intérêt de la biopsie musculaire dans l’exploration des hyperCKémies chroniques isolées The usefulness of muscle biopsy in investigating isolated chronic hyperCKemia Carla Fernandez a,∗ , André Maues De Paula a , Dominique Figarella-Branger a , Brigitte Chabrol b , Jean Pouget c , Jean-François Pellissier a a Laboratoire d’anatomie pathologique et neuropathologie, hôpital de la-Timone-Adultes, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France b Service de neuropédiatrie, hôpital de la-Timone-Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France c Service de neurologie et maladies neuromusculaires, hôpital de la-Timone-Adultes, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France Accepté le 21 novembre 2007 Disponible sur Internet le 26 décembre 2007 Mots clés : HyperCKémie ; Créatine kinases ; Biopsie musculaire ; Myopathie ; Glycogénose ; Dystrophie musculaire ; Dystrophine Keywords: HyperCKemia; Creatine kinases; Muscle biopsy; Myopathy; Glycogen storage disease; Muscular dystrophy; Dystrophin L’élévation isolée des créatines kinases (CK ou CPK) est un motif de consultation de plus en plus fréquent en raison de l’augmentation du nombre de bilans biologiques systématiques ou réalisés dans le cadre de la surveillance de certains traitements, en particulier les hypolipémiants. Le clinicien est alors amené à réaliser un bilan clinique et paraclinique à la recherche d’une affection musculaire nécrosante cliniquement silencieuse. Dans un premier temps, il est nécessaire de confirmer par des dosages répétés, à distance de tout effort, la réalité de l’augmentation des CK. Diverses causes pouvant être à l’origine d’une augmentation des CK doivent être recherchées : l’alcoolisme, certaines pathologies inflammatoires, des désordres endocriniens comme les dysthyroïdies ainsi que la prise de nombreux médicaments parmi lesquels les hypolipémiants et les neuroleptiques [1,2]. Une injection intramusculaire, un électromyogramme ou un exercice physique soutenu comme un marathon peuvent être la cause d’une augmentation transitoire des enzymes musculaires. Si l’hyperCKémie persiste et qu’aucune cause secondaire n’a été retrouvée, les données de la littérature montrent qu’il est nécessaire de poursuivre les investigations avant de conclure à une « hyperCKémie idiopathique », entité rare décrite par Rowland et al. [3]. En effet, une hyper∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Fernandez). 1169-8330/$ – see front matter © 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rhum.2007.11.002 CKémie chronique, même isolée, a de fortes chances de traduire une pathologie musculaire latente et ce d’autant plus que le taux de CK est élevé [1,2,4–7]. Cependant, face à un patient qui présente un examen clinique normal, il peut être délicat de proposer des examens complémentaires douloureux ou invasifs. Aussi, on est en droit de se demander ce que l’on peut réellement attendre dans ce contexte de la biopsie musculaire. 1. La biopsie musculaire dans les hyperCKémies persistantes : un examen complémentaire rentable L’hyperCKémie chronique isolée ou associée à des signes fonctionnels (crampes ou myalgies) sans déficit objectif représente 5,2 à 7 % des indications de biopsie musculaire [2,6]. Cinq séries de patients asymptomatiques ou paucisymptomatiques présentant une hyperCKémie persistante et ayant bénéficié d’une biopsie musculaire ont été rapportées entre 1989 et 2006 [1,2,4–7]. Le point commun entre ces différentes séries est la large prédominance masculine et la moyenne d’âge des patients qui est autour de 40 ans [1,2,4–7]. En revanche, le pourcentage de diagnostic obtenu grâce à la biopsie musculaire est très variable, allant de 16 à 63 % selon les séries [1,2,4–7]. Dans notre série de 104 patients publiée en 2006 [7], le nombre de diagnostics définitifs obtenus grâce à la biopsie musculaire était de 57, soit 55 % de la cohorte, ce qui fait de la biopsie muscu- C. Fernandez et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 126–129 laire un examen très rentable et incontournable dans ce contexte d’hyperCKémie chronique. Néanmoins, ce pourcentage diminue fortement si le taux de CK n’est que faiblement augmenté [1,7]. En effet, les séries englobant les patients ayant un taux de CK peu modifié (1,5 à trois fois la normale) ont les pourcentages de diagnostics les plus faibles, de 16 à 30 % [1,2,5,6], mais par comparaison, le rendement diagnostique de la biopsie musculaire dans un contexte de myalgies isolées sans hyperCKémie est encore plus faible, autour de 2 % [8]. À l’inverse, le nombre de diagnostics est d’autant plus élevé que les patients sont jeunes avec, par exemple, pour notre série un pourcentage de diagnostics de 85 % chez les moins de 15 ans contre 50 % chez les autres patients (p = 0,02) [7]. Les diagnostics retenus dans ces séries sont divers (Tableau 1) mais trois étiologies dominent : les glycogénoses (Fig. 1), les dystrophies musculaires (Fig. 2) et les myopathies inflammatoires (Fig. 3), qui représentent respectivement, 29, 24 et 15 % des diagnostics posés. 2. Immunohistochimie et biochimie : des compléments essentiels à l’analyse morphologique Les techniques histoenzymologiques classiques réalisées en routine sur les biopsies musculaires ont, dans ces séries, permis de suspecter ou d’établir la majorité des diagnostics retenus. Néanmoins, des techniques immunohistochimiques visant à étu- 127 dier le complexe membranaire de la dystrophine ainsi que des analyses biochimiques centrées essentiellement sur le métabolisme du glycogène sont indispensables pour confirmer certains de ces diagnostics. La réalisation systématique de ces analyses complémentaires sur l’ensemble des biopsies des patients inclus dans notre série, nous a permis d’identifier au sein des patients ayant une biopsie normale ou subnormale deux cas de dystrophies musculaires (une dystrophinopathie et un déficit en Fukutin Related Protein ou FKRP) et quatre de glycogénoses dont une maladie de McArdle et deux déficits en maltase acide [7]. Ces résultats doivent inciter le pathologiste, averti du contexte clinique, à poursuivre les investigations même si la biopsie musculaire ne montre a priori que des lésions minimes ou non spécifiques. Il paraît donc raisonnable de réaliser une étude immunohistochimique du complexe membranaire de la dystrophine, complétée en cas de normalité d’une analyse biochimique comprenant au minimum un dosage du glycogène et de l’activité de maltase acide. Un dosage de l’activité de la maltase acide sur leucocytes, qui ne nécessite qu’une simple prise de sang, pourrait éventuellement être proposé avant la biopsie musculaire. Il faut être encore plus persévérant chez l’enfant qui présente une hyperCKémie persistante : dans ce contexte, une dystrophie musculaire encore asymptomatique est découverte dans plus de 60 % des cas. Dans notre série, l’analyse génétique par PCR multiplex du gène de la dystrophine a révélé chez un enfant Tableau 1 Synthèse des cinq principales séries de patients asymptomatiques ou paucisymptomatiques présentant une hyperCKémie chronique [1,2,4–7] Synthèse des principales séries de la littérature [1,2,4–7] Nombre total de patients explorés Nombre de diagnostics obtenus par la biopsie musculaire Détail des diagnostics retenus 30 glycogénoses (29 % des diagnostics) 284 102 (36 %) 17 maladies de McArdle 3 déficits partiels en phosphorylase b kinase 8 déficits totaux ou partiels en maltase acide 2 autres glycogénoses 24 dystrophies musculaires (24 % des diagnostics) 16 dystrophinopathies 2 dysferlinopathie 1 sarcoglycanopathie 2 déficits en FKRP 1 cavéolinopathie 1 déficit en calpaïne 1 dystrophie musculaire avec immunohistochimie normale 15 myopathies inflammatoires (15 % des diagnostics) 11 polymyosites 3 myosites à inclusions 1 myopathie sarcoïdosique 6 myopathies congénitales (6% des diagnostics) 4 myopathies à « cores » 2 myopathies à agrégats tubulaires 6 déficits partiels en CPT (6 % des diagnostics) 21 autres diagnostics (22 % des diagnostics) CPT : carnitine palmityl transférase. 5 mitochondriopathies 5 myofasciites à macrophages 3 myopathies myofibrillaires-desminopathie 3 susceptibilités à l’hyperthermie maligne 2 déficits en AMP déaminase 2 dénervations sévères 1 myotonie 128 C. Fernandez et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 126–129 Fig. 1. Glycogénoses. A–D. Maladie de McArdle. A. Aspect de myopathie vacuolaire avec nombreuses vacuoles sous-sarcolemmiques optiquement vides. B. Surcharge en glycogène diffuse et forte positivité des vacuoles avec la coloration par le PAS. C et D. Absence de myophosphorylase chez le patient, aspect normal chez le sujet témoins. E et F. Déficit total en maltase acide. Aspect caractéristique de maladie de Pompe adulte avec présence de nombreuses vacuoles (E) très fortement marquées par la coloration de la phosphatase acide (F). (A–B–F : × 400 ; C–D : × 100, E: × 200). de neuf ans une délétion isolée de l’exon 48, alors que le marquage immunohistochimique de la dystrophine et le Western Blot étaient normaux chez cet enfant [7]. On peut également se poser la question de l’opportunité de réaliser au moment de la biopsie musculaire des tests de contractures à la recherche d’une susceptibilité à l’hyperthermie maligne, ce diagnostic ayant été retenu par certains auteurs comme une cause d’hyperCKémie asymptomatique [1]. 3. Les dystrophies musculaires asymptomatiques : des pathologies rares qui nécessitent d’être dépistées Les dystrophies musculaires sont un groupe d’affection neuromusculaires d’origine génétique caractérisées par la perte progressive et le remplacement du tissu musculaire par du tissu fibro-adipeux. En général, l’atteinte prédomine au niveau des ceintures pelvienne et scapulaire ; une atteinte cardiaque et/ou respiratoire est possible. De nombreux gènes ont été mis en cause, la majorité d’entre eux codent pour des protéines impliquées dans le maintien de l’intégrité de la membrane plasmique des fibres musculaires. Les plus connues sont les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker, dites dystrophinopathies car liées à un déficit en dystrophine, protéine qui permet la jonction entre le cytosquelette d’actine et la membrane plasmique. Il s’agit généralement d’affections graves mais des formes mineures, voire asymptomatiques ont été rapportées. Bien que les dystrophies musculaires asysmtomatiques représentent le Fig. 2. Exemples de dystrophies musculaires. A–C. Forme typique de dystrophie musculaire de Becker. A. Aspect de dystrophie musculaire en hématoxyline–éosine (HE): inégalité de taille des fibres, fibres nécrotiques, fibrose. B–C. Absence d’expression de la dystrophine avec l’anticorps DYS1 contrastant avec un marquage normal avec l’anticorps DYS-2. D–F. Déficit en cavéoline-3. D. Lésions myogènes (à expliciter). E–F. Déficit majeur en cavéoline-3 chez le patient, expression normale chez un témoin. G–I. Déficit en dysferline. Curieusement, l’histologie standard ne montre que de discrètes lésions de rhabdomyolyse. H–I. Déficit complet en dysferline chez la patiente, expression membranaire normale chez un sujet témoins. (A–D, G–I : × 200 ; E–F : × 100). second diagnostic en terme de fréquence dans les séries citées précédemment, elles ne concernent au total que 8 % des patients présentant une hyperCKémie asymptomatique ou paucisymptomatique [1,2,4–7]. Pourtant, elles sont la première crainte du clinicien, lors de la demande de biopsie musculaire dans un contexte d’hyperCKémie isolée, car leur diagnostic modifie considérablement le pronostic et la surveillance ultérieure du patient. Ces dystrophinopathies asymptomatiques seraient liées des altérations génétiques situées dans la partie centrale du domaine rod de la dystrophine [9,10]. Le déficit en FKRP, qui semble aussi avoir un spectre de gravité très large, allant de la dystrophie musculaire congénitale à l’adulte asymptomatique, pourrait également être une cause assez fréquente d’hyperCKémie apparemment isolée [11,12]. Ces dystrophinopathies, peuvent s’accompagner d’une atteinte cardiaque et/ou Fig. 3. Polymyosite. A. Nombreux infiltrats inflammatoires endomysiaux. B. Expression diffuse de l’antigène HLA de classe 1 à la surface des fibres musculaires (A–B : × 100). C. Fernandez et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 126–129 respiratoire grave non corrélée à l’atteinte musculaire, voire isolée [12,13], d’où l’importance d’un diagnostic précoce. Tous les cas de dysferlinopathies asymptomatiques rapportés [7,14,15] ont eu une évolution identique, marquée par l’apparition à l’âge adulte d’un déficit musculaire évolutif à prédominance distale ; la majorité des dysferlinopathies asymptomatiques semblent donc devenir secondairement déficitaires à plus ou moins long terme. Les autres déficits protéiques apparaissent beaucoup plus rare dans un contexte d’hyperCKémie isolée. Nous n’avons identifié dans notre série qu’un seul cas de cavéolinopathie [7]. Bien que le déficit en cavéoline-3 soit une cause bien connue d’augmentation isolée des créatine kinases, son incidence semble faible, ce qui a été confirmé par une étude de 36 cas d’hyperCKémie idiopathique où aucun déficit en cavéoline-3 n’a été mis en évidence [16]. Nous avons également rapporté un cas de déficit en calpaïne. De nombreuses myopathies peuvent s’accompagner d’un déficit secondaire en calpaïne [17,18] et seule l’analyse moléculaire du gène de la calpaïne pourra confirmer le diagnostic de calpaïnopathie primaire. Enfin, les formes asymptomatiques de sarcoglycanopathies semblent exceptionnelles. 4. Conclusion Il faut retenir que dans un contexte d’hyperCKémie chronique isolée mais avérée, la biopsie musculaire, dont l’analyse morphologique sera dans la majorité des cas complétée d’une étude immunohistochimique et biochimique, permet d’aboutir à un diagnostic étiologique dans plus d’un tiers des cas. Concernant les patients pour lesquels aucun diagnostic de certitude n’a pu être établi, les investigations devront être poursuivies au fur et à mesure des avancées de la recherche et de la découverte de nouvelles pathologies musculaires structurales ou métaboliques. Références [1] Prelle A, Tancredi L, Sciacco M, et al. 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