La question a été posée à de nombreux acteurs sociaux le 2 - e-RH

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La question a été posée à de nombreux acteurs sociaux le 2 - e-RH
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E
S
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La question a été posée à de nombreux acteurs sociaux le 2 février 2006, lors
d'une conférence débat à l'Université de Toulouse 1.
Le master Management des Ressources Humaines de l'IAE de l’Université de
Toulouse 1 a organisé le 2 février, en partenariat avec le cabinet Right Garon Bonvalot, une
conférence débat portant sur l'évolution de la négociation collective qui a réuni divers acteurs
des relations sociales en Midi-Pyrénées.
INTRODUCTION A LA CONFERENCE DEBAT
Selon maître Paul-Henri BERNARD du Cabinet Barthélémy, pour répondre à la
problématique « les relations sociales en entreprise : peut-on tout négocier ? », nous devons
prendre en considération l’évolution du droit du travail et la loi sur le dialogue social. En
effet, ces deux éléments ont des conséquences sur le dynamisme de la négociation en
entreprise.
Le thème de la conférence pose en réalité plusieurs questions :
Peut-on tout négocier ? Pour maitre Paul-Henri BERNARD la réponse est
globalement positive puisque le champ de la négociation en entreprise s’est considérablement
élargi.
Doit-on tout négocier ? En dehors de l’obligation annuelle de négocier, il y a-t-il une
opportunité à négocier ? Pour certains, tout ne doit pas être négocié. Pour d’autres, négocier
représente l’opportunité de trouver un équilibre économique et social dans l’entreprise par
l’intermédiaire d’un accord donnant-donnant.
Veut-on tout négocier ? Dans ce cas, la question de la volonté et des moyens se pose.
Aujourd’hui des obstacles juridiques et socio-économiques existent face à cette volonté de
négocier.
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De l’avis de maître Paul-Henri BERNARD, nous pouvons aujourd’hui tout négocier
en entreprise puisque le champ de négociation n’a jamais été aussi large.
Ainsi depuis 1981, nous assistons à :
•
une multiplication des thèmes de négociation,
•
une évolution de la nature de la négociation en entreprise,
•
une ouverture de la négociation au niveau de l’entreprise : l’accord d’entreprise
étant placé au même niveau que l’accord de branche et pouvant lui déroger.
Des thèmes jusqu’alors réservés à la branche sont désormais ouverts à
l’entreprise.
Une analyse de l’évolution du droit du travail permet de comprendre le dynamisme de
la négociation en entreprise.
1981-1982 : Début de l’ouverture des champs de négociation
Au cours de cette période, de nombreux accords sont conclus notamment sur les 39 h,
sur la 5éme semaine de congés payés et sur la retraite à 60 ans. Nous assistons également à la
première ouverture aux accords dérogatoires pour les entreprises. Ainsi, l’idée naît que
l’accord d’entreprise ne sert plus à ajouter des dispositions à la norme d’ordre public mais à y
déroger.
1995-1998 : Période d’accélération de l’ouverture des champs de négociation
Les lois Aubry I et II sur les 35h00 représentent l’apogée du phénomène. Lors de la
négociation sur la durée du travail, les partenaires sociaux ont dû anticiper la négociation pour
essayer de limiter les contraintes de la diminution du temps de travail. Des accords ont été
signés et les organisations syndicales et des employeurs ont rempli leur rôle. L’objectif était
alors de trouver des équilibres entre le temps de travail et les autres aspects de la relation
d’emploi. Or, une négociation sur ce thème doit prendre en considération l’aspect de la vie
privée des salariés. Les partenaires sociaux avaient l’habitude de négocier sur des aspects
collectifs et non individuels. Ainsi, la loi sur les 35h00 a-t-elle eu des répercussions sur la
sphère psychosociologique.
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De ce fait, une des conséquences des négociations sur la diminution du temps de
travail, est l’accumulation d’insatisfactions individuelles dans l’entreprise. Les organisations
syndicales ont vu alors leur crédibilité diminuer.
2003-2004 : De nouvelles lois élargissant la négociation en entreprise
La loi Fillon I instituant les accords de méthode et la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue
social reposent sur les thèmes et les acteurs de la négociation. Nous assistons, à nouveau, à un
élargissement des thèmes ouverts à la négociation en entreprise, traitant par exemple des taux
d’indemnité des heures supplémentaires, du contingent des heures supplémentaires ou de
l’indemnité de précarité des CDD.
2005 : La loi de cohésion sociale
La loi Borloo inscrit définitivement les accords de méthode dans le code du travail.
Une obligation triennale de négocier sur la GPEC est faite aux entreprises. Ainsi, la mobilité
professionnelle et géographique des salariés est négociée au sein de l’entreprise.
2006 - …. : Le travail de demain
Les entreprises vont devoir négocier sur l’emploi et lors d’un Plan de Sauvegarde de
l’Emploi. De plus, elles devront réfléchir à des négociations d’anticipation avec des accords
sur la formation, sur la mobilité interne et externe en prenant en compte le contexte et les
difficultés économiques propre à leur secteur d’activité.
En conclusion, selon maître Paul-Henri BERNARD, le champ de négociation est
considérable et le lieu de négociation est désormais l’entreprise.
Cependant, la négociation en entreprise est aujourd’hui dans le « creux de la vague »
pour deux raisons :
- les négociations sur les 35h ont été dures en raison d’un malentendu économique et
social. De ce fait, il est aujourd’hui difficile de revenir à la table des négociations pour les
partenaires sociaux.
- La loi du 4 mai 2004 instaure la majorité positive ou d’opposition lors de la signature
d’un accord. Les partenaires sociaux doivent s’approprier cette loi, les organisations
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syndicales reconquérir leur place dans les Institutions Représentatives du Personnel, les
organisations patronales revenir à la table des négociations.
Michel Sabatté, avocat spécialiste en droit social, est d’un avis plus partagé que
Maître Bernard, à qui il reproche de dresser un tableau trop idyllique.
Sa profession lui permettant d’effectuer de nombreuses médiations, il a pu constater
une tendance naturelle dans notre société à rechercher des solutions négociées, tant dans la
sphère privée que professionnelle. Or dans le monde du travail tout est vécu sur un mode de
conflit, ce qui entraîne des règles très spécifiques dans les relations de travail.
Pour comprendre la situation actuelle, il faut revenir au commencement : le premier
statut de convention collective a été négocié en 1919, bien plus tard que dans les pays voisins.
Il a permis de mettre fin à un conflit en cours à cette époque, mais il a eu des conséquences
catastrophiques pour la négociation collective, car la négociation fut considérée comme un
outil à disposition de l’employeur.
Aujourd’hui tout est devenu négociable et Michel Sabatté reproche au pouvoir
politique de se défausser en laissant aux parties le soin de négocier des choses impossibles.
Un exemple : la loi Borloo permet de ne plus considérer comme temps de travail effectif, le
temps de trajet qui serait supérieur au temps de trajet moyen, à condition que ce temps soit
négocié avec les partenaires sociaux. Or étant donné la diversité des moyens de locomotion
actuels, cette négociation devient presque impossible et entraîne des comportements contreproductifs.
Pour expliquer ce dysfonctionnement, Michel Sabatté avance trois raisons :
1) Tout d’abord, l’évolution de la législation n’est pas neutre : en ouvrant la possibilité
de négocier, elle a modifié la culture de négociation française. Auparavant, la législation
définissait les cadres se rapportant au contenu de la négociation. Depuis 1982, elle s’est
rapprochée du modèle britannique et fixe désormais les modes de négociation. Ainsi, tout peut
être négocié si les procédures sont respectées, ce qui peut conduire à des dérives.
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2) D’autre part, les lois Aubry ont également eu un effet catastrophique en modifiant
elles aussi la culture de négociation collective. En effet, les négociations visaient
traditionnellement à obtenir des avantages tandis que les lois Aubry se greffent sur un
avantage non réclamé (la diminution du temps de travail). Elles portent sur les modes
d’organisation de l’entreprise et non plus sur la conquête de nouveaux avantages.
3) Enfin, la législation française a fait évoluer notre réglementation en privilégiant la
négociation au niveau de l’entreprise, rompant ainsi avec la tradition qui favorisait la
négociation au niveau de la branche. La négociation d’entreprise est jugée plus réaliste car
elle est en rapport direct avec le concret mais elle ne permet pas d’appréhender la situation
générale de l’emploi.
Dans cette optique, d’autres pouvoirs de négociation ont été négligés, tel que celui du
comité d’entreprise. Pourquoi ne pas rendre obligatoire la prise de décision conjointe, et non
plus la simple consultation du CE, afin d’avoir un support de négociation plus efficace ?
En conclusion, Michel Sabatté soutient que le conflit est inévitable en droit du travail.
Les négociations à froid pour éviter l’éclatement du conflit sont inefficaces. Pour être utile, la
négociation collective doit s’appuyer sur un conflit, car les conflits sont porteurs de
revendications et sont sources de progrès. En effet, à l’époque des premières revendications
pour la journée de travail de 8 heures, personne ne pensait que cela pourrait être possible.
C’est aujourd’hui devenu réalité, mais ce résultat n’aurait jamais pu être obtenu sans conflit.
INTERVENTIONS - AIRBUS
M. Daniel Salvador, DRH d’Airbus France, a souligné qu’Airbus privilégiait une
politique contractuelle et une politique de dialogue social. Il a tenu à rappeler certains
éléments de contexte, à savoir qu’Airbus est une société intégrée depuis 2000, avec 5 entités
différentes dans 4 pays, qui constituent le groupe EADS.
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Au sein de ce groupe, les structures de négociation sont différentes, et chaque entité a
ses propres représentants, ses institutions de dialogue social, ainsi qu’un cadre juridique
propre.
M. Maurice FRERE : Directeur des relations sociales du groupe Airbus
Le groupe Airbus possède un comité européen, organe consultatif, par conséquent
toutes les décisions sont prises de façon transnationale. Les cadres ainsi définis sont ensuite
renégociés dans chaque pays.
Le groupe est confronté à une contradiction : alors que la constitution d’un comité
européen s’impose, il n’existe actuellement aucune harmonisation en droit social européen.
Deux exemples illustrent parfaitement les difficultés auxquelles se trouve confronté le
groupe : la situation allemande et celle de la France. Tout d’abord, les champs de la
négociation sont différents, alors qu’en Allemagne la négociation porte sur le devenir
économique des entreprises, en France, le cadre juridique est axé sur le volet social. De plus,
le principe de codétermination allemand est beaucoup plus favorable à la négociation que le
système actuel français. Ainsi, le conseil d’entreprise (à l’allemande) est-il l’organe
comparable au CE français sans l’attribution des œuvres sociales et culturelles ; mais surtout,
les différences majeures sont une responsabilité accrue envers les salariés et un pouvoir de codécision. Pour illustrer ce propos, la responsabilité peut être d’informer les salariés lors de
licenciement collectif, et la co-décision s’exerce sur les domaines aussi variés et stratégiques
que l’organisation du travail, de l’entreprise, des droits salariaux… Le CE français du groupe
souhaiterait avoir ce même pouvoir de co-décision afin de pouvoir négocier autant que les
Allemands.
Selon M. Daniel Salvador, Airbus a une tradition de dialogue social très développée et
privilégie une politique contractuelle depuis les années 90 sur des thèmes très larges. Il a
d’ailleurs tenu à préciser que 44 accords avaient été signés depuis 5 ans.
Cependant, la politique contractuelle chez Airbus ne repose pas simplement sur les
accords signés, mais également sur la manière de concevoir le dialogue social au sein de
l’entreprise.
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M. Salvador a rappelé que 90 % des salariés participent aux élections professionnelles,
et que l’entreprise mettait à la disposition des salariés des bus pour aller voter aux élections
des prud’hommes. Il y a donc une volonté de dialogue social qui est également favorisée par
des relations au quotidien avec le CCE.
Pourtant, il s’est inquiété du morcellement et de la faiblesse syndicale, des idéologies
et des représentations différentes de l’entreprise que chaque syndicat porte, qui peuvent
conduire à des difficultés de négociation avec le CE.
INTERVENTION DE M FRANCIS LATARCHE :
DIRECTEUR REGIONAL DU TRAVAIL
On peut négocier sans conflit. Depuis quelques années, les partenaires sociaux se
positionnent dans une approche constructive des choses, pas uniquement sur les licenciements
à venir. Il faut assurer le recrutement de main-d'œuvre, le déroulement de carrière des
salariés… Un dialogue constructif existe dans le BTP, l'hôtellerie, la métallurgie, … Il y a un
vrai travail sur les problèmes d'emploi (surtout en termes de difficultés de recrutement), sur la
façon d'insérer un public en difficulté, sur les conditions de travail…
Dans certains départements, l'inspection du travail a remis des constats de situations
rencontrées, à une assemblée de partenaires sociaux pour définir une politique de respect de la
réglementation. Dans le BTP, une association a été créée par les partenaires sociaux, au sein
de laquelle toutes les organisations syndicales (patronales et salariales) sont présentes.
Un protocole d'accord départemental pré-électoral a été créé pour préparer les
élections professionnelles et inviter les entreprises et les salariés à organiser ou se présenter
aux élections des délégués du personnel. Tous y ont leur intérêt : les salariés se sont rendus
compte que les syndicats effectuent un travail concret. Les entreprises reconnaissent que les
syndicats apportent un plus.
Quand il y a un conflit dans une entreprise, les organisations syndicales intervenaient
directement dans les entreprises pour essayer de régler le conflit en interne. Aujourd'hui, le
partenariat continue.
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En Haute-Garonne, ce processus commence à s'engager.
C'est la responsabilité de l'Etat de délimiter le champ des négociations : tout ne se
négocie pas. Or, aujourd'hui, la contractualisation et la déréglementation se généralisent. On
négocie sur les plans sociaux mais pas sur les besoins de main-d'œuvre, ni sur la consolidation
de la main d'œuvre existante (en terme de pyramide des âges, de mobilité interne…).
Tout le monde n'a pas la capacité de négocier : aujourd'hui, les négociations
collectives sont menées par les partenaires sociaux des grandes entreprises. Au niveau des
entreprises, il n'y a pas le même niveau de négociation : dans les PME, il y en a beaucoup
moins.
Aujourd'hui, le Code du Travail est largement bafoué ainsi que les conventions
collectives : si la déréglementation devenait totale, il n'y aurait plus de contrôle possible sur ce
qui se négocie. Aujourd'hui, il est impossible pour l'inspection du travail de contrôler les
accords sur les 35h, la RTT…
L'excès de déréglementation et l'ouverture du champ des négociations se fait au
détriment des salariés et à terme des entreprises.
Question de Jacques IGALENS, professeur à l’IAE de Toulouse, adressée aux
membres du Groupe Airbus : Vous nous avez dit qu’il y a un élargissement du champ de la
négociation. Vous vous êtes tous placés, à la fois les avocats qui vous ont précédé et bien sûr,
vous les DRH, toujours dans le cadre de négociations sociales, avec d’un côté les employeurs
et de l’autre, les représentants des employés. Elargir la négociation c’est peut être aussi,
élargir les partenaires, le cadre même de la négociation. Dans le contexte mondial, avec la
RSE, qu’advient-il des sous-traitants ? Pensez-vous que les salariés doivent se retourner vers
les donneurs d’ordre de leurs employeurs pour des revendications salariales par exemple ?
Monsieur FRERE, et dans le cadre de la négociation sociale, doit-on, en tant que groupe
européen se préoccuper des salariés étrangers (de la sous traitance) ?
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A la question de Jacques Igalens, Daniel Salvador a répondu que la protestation auprès
du donneur d’ordre pour des problèmes de salaire et d’emploi n’était pas un phénomène
nouveau et que des faits similaires s’étaient déjà produits en 1994. Il a développé l’idée selon
laquelle Airbus était conscient de ses obligations et responsabilités vis-à-vis de ses partenaires
et sous traitants, mais qu’il existait un conflit et une confusion entre négociation commerciale
et négociation sociale. Selon lui, la négociation doit se faire au niveau de l’entreprise, et non
pas selon une logique de site.
Il a donné l’exemple de la sous-traitance du nettoyage et de la sécurité, puisque Airbus
gère les questions de formation et de sécurité mais il n’existe pas de statut commun pour les
salariés, de convention collective commune. Leur statut est géré par les entreprises soustraitantes.
Réaction aux propos sur la sous-traitance dans les pays étrangers.
M. Daniel Salvador a déclaré que cette question était révélatrice des problématiques
que EADS rencontre, dans le sens où, à propos de l’implantation d’Airbus en Chine, les
syndicats avaient posé la question de la négociation de conditions de travail identiques. Il a
souligné qu’il lui paraissait impossible d’imposer des salaires, des conditions de travail aux
Chinois.
Réponse de Monsieur FRERE
Il y a actuellement une déconnexion entre le cadre juridique et l’économie.
L’entreprise se mondialise, se recentre sur son cœur de métier et sous traite en masse. Il ne
fait aucun doute que l’économie va plus vite et le cadre juridique ne suit pas la cadence.
Ainsi, le groupe Airbus essaie de faire son possible en mettant en place, au niveau
mondial, un code éthique. Mais il reste des contradictions fortes avec les pratiques de certains
pays et ce code est inapplicable, par exemple en Chine où les représentants du personnel sont
confrontés à un syndicalisme d’Etat.
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Autre exemple, lorsque le groupe fait une joint venture avec les Chinois, il est
impossible de leur imposer les conditions de travail du groupe en Europe.
Intervention de la Déléguée générale d’UIMM Midi-Pyrénées représentante de la
branche professionnelle métallurgie.
On souhaite que la négociation soit davantage exercée au niveau de l’entreprise, et
avoir des syndicats forts et engagés dans un vrai travail constructif. Même si l’on souhaite que
la négociation se fasse au niveau de l’entreprise, il existe beaucoup de petites entreprises,
notamment en Midi-Pyrénées : 80% d’entre elles sont de moins de 50 salariés voire de moins
de 20. C’est pour cela qu’il faut conserver l’accord de branche. Citons en exemple, le cas du
contingent d’heures supplémentaires, tout le conseil d’administration de l’UIMM MidiPyrénées a dit qu’il souhaitait négocier cet accord au niveau de la branche car trop de petites
entreprises ne peuvent pas négocier au niveau de l’entreprise.
Réaction aux propos sur la négociation annuelle obligatoire
M. Daniel Salvador a demandé si le fait d’obliger les gens à négocier est pertinent, car
selon lui la volonté de négocier n’est pas forcément là.
INTERVENTION DE MONSIEUR TERRIDE
Monsieur Philippe Terride, Directeur Général de FILAV, holding de
l’industrie textile située dans l’Ariège, tient à souligner qu’il ne faut pas perdre de vue que
toutes les entreprises ne sont pas de même envergure qu’Airbus ou Matra. Il existe des
entreprises, et notamment dans le domaine du textile, qui sont de beaucoup plus petite taille,
et qui évoluent dans un secteur fortement concurrentiel.
De nombreux déterminants influant sur les négociations, sont fixés soit par le
pouvoir législatif soit par l’exécutif ; quelle liberté a-t-on à négocier réellement ?
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Monsieur Terride appuie ses propos par divers exemples, notamment quand il cite la
négociation sur le salaire minimum. Il considère que lorsque les PME voient les salaires
augmenter de 45% en dix ans et que leur activité n’est pas préparée pour cela, tandis que la
masse salariale représente 50% de leurs coûts, la négociation est difficile. Par ailleurs, la
fixation de règles et de normes par le législateur ou encore l’exécutif, vient perturber la
dynamique au niveau des branches.
Aujourd’hui, 80% des conventions collectives ont des salaires minima inférieurs au
SMIC car on ne négocie plus dans les branches et cela, estime M. Terride, pose un véritable
problème.
Il existe dans la métallurgie, des sous-traitants qui n’ont pas les mêmes conditions de
travail qu’Airbus et lorsque l’on n’est pas maître de la politique de réduction des charges, on
n’est pas non plus en mesure de négocier. C’est pareil pour la fiscalité des salaires. Les
charges prélevées sur les salaires sont également un frein important à la négociation car même
s’il existe une forte pression de la part des partenaires sociaux sur les augmentations de
salaires, on ne peut pas toujours négocier sur tout !
Il y a des éléments accessoires que l’on pourrait aussi développer, pour lesquels la
réglementation change tous les jours. Il cite notamment l’idée de stock options pour tous qui a
émergé lorsqu’il était encore membre du groupe Chargeurs, groupe mondial dirigé comme un
fonds d’investissement et qui exerce son activité dans les domaines du textile et de la
protection de surface. L’idée chez Chargeur était de donner des stock options à tout le monde
dans 40 pays, sauf qu’il y a des pays où cette pratique est interdite et compte tenu des écarts
salariaux, « un français qui se voit donner trois actions chargeurs, vous rit au visage, les trois
actions représentant le salaire d’une année dans d’autres pays ! » souligne Philippe Terride.
On peut également citer les lois Aubry, avec le passage aux trente-cinq heures. M.
Terride les identifie à l’époque du Fordisme, et considère que cela ne représente pas de la
négociation. C’est finalement la limitation des dégâts consécutifs à la réduction du temps de
travail qui a été le fruit de la négociation.
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Le PDG de FILAV a été l’un des pionniers en France à vouloir faire diminuer le temps
de travail, il s’était d’ailleurs inscrit dans le cadre de la loi quinquennale de 1993 qui
permettait à l’époque de réduire le temps de travail sous réserve que les entreprises puissent
embaucher. Les partenaires sociaux s’installaient autour de la table des négociations et
échangeaient de l’argent contre du temps.
Dans le cas de M. Terride, et dans l’entreprise dans laquelle il travaillait à l’époque,
les négociations ont abouti à la suppression de l’intéressement collectif en échange de trentetrois heures quinze de temps de travail.
Aujourd’hui, moins de 10% des salariés sont syndiqués. D’où la question de M.
Terride : « N’est-ce pas un obstacle à la négociation ? » ; « Quelle est la représentativité réelle
des personnes qui se trouvent en face de nous pour négocier ? ».
Remarque sur la capacité à négocier des branches, tel que le textile, soumises à une
pression concurrentielle de plus en plus accrue émanant des pays émergents. Il arrive un
moment où l’on est dans l’obligation de faire des comparaisons. Prenons l’exemple de
Shanghai où le salaire mensuel perçu est de 90 euros, avec 20% de charges. Ces éléments
viennent perturber le cours de la négociation.
Autre remarque que fait M. Terride : Les négociations sont de plus en plus diversifiées
car les entreprises sont elles-mêmes différentes, de tailles différentes, issues de divers
secteurs. Les négociations s’avèrent de plus en plus complexes. L’introduction de
rémunérations connexe (stock options, avantages en nature, primes, etc.) a pour conséquence
de rendre les négociations difficiles. Aujourd’hui, il n’existe plus dans le textile notamment,
de sentiment d’appartenance à une branche car les structures sont différentes.
L’inconvénient issu des négociations de branche est qu’il n’y a plus ce socle qui était
la base commune à toutes les entreprises de même secteur. Enfin, les négociations sont
difficiles car elles sont de plus en plus individuelles. En effet, la part de la rémunération
individuelle s’accroît au détriment des augmentations générales.
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M. Terride tient à interpeller les juristes, Maître Bernard et Maître Sabatté, sur un
point. Il existe un champ qui est ouvert grâce à l’obligation de négocier, la NAO. La
Négociation Annuelle Obligatoire constitue, au sens de M. Terride, un formidable champ
d’expérimentation. Il n’y a aucun risque pour les salariés de considérer cela comme un
laboratoire expérimental. On met en place un accord qui l’année d’après pourra être revu,
« une sorte de CDD ». Du coté des partenaires sociaux, on considère que la négociation est
faite pour toujours et pour ajouter un plus. Cette idée peut être un élément très positif, à
condition que les partenaires sociaux le veuillent bien.
« Qu’en pensez-vous sur le plan juridique ? »
INTERVENTION DE Mme Nicole CASTEX :
SECRETAIRE DU CE DU CREDIT AGRICOLE DE TOULOUSE MIDI PYRENEES
(« Il est difficile de négocier avec un « rouleau compresseur », en s’adressant au
dirigeant de l’entreprise textile).
Il est important de faire la distinction entre les négociations annuelles obligatoires
(NAO) et les négociations ponctuelles. Pour ces dernières, les représentants du CE sont
désavantagés dès le départ car ils ne possèdent qu’un dossier morcelé, peu précis, sans toutes
les informations nécessaires pour négocier à armes égales avec le DRH. Donc dès le départ, il
n’y pas de rapport « gagnant gagnant ».
Face aux problèmes de la représentativité syndicale, la meilleure représentativité est
celle du CE.
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INTERVENTION DE M. ROBERT MOURLANE :
Responsable secteur Juridique Union Départementale CGT/Ariège et Président Section
Encadrement du Conseil des Prud’hommes de l’Ariège.
« Le syndicalisme est largement insuffisant même chez les employeurs. Le rôle de
l’accord de branche est important, c’est un socle minimum. Beaucoup d’accords sont signés,
mais le socle minimum est la loi. On ne peut pas faire reposer l’ensemble de la négociation
sur les accords d’entreprise ou d’établissement et le dialogue au niveau local. La partie Etat
(avec la loi) est essentielle, puis vient la branche.
Le rapport de force, actuellement en défaveur du salarié, est nécessaire à la
négociation. Les entreprises vont aller en dégradant ce rapport de force et ce ne sera pas bon
pour elles. La négociation nécessite un constat ce qui est déjà bien. Elle n’aboutit pas tout le
temps à un accord, mais au moins cela permet de faire le point ».
A cette dernière remarque, Monsieur Terride précise que le fait de ne pas avoir
d’accord en aboutissement d’une négociation, a un impact psychologique important sur les
salariés. Il est certainement plus rassurant d’en venir à un accord !
Rédacteurs (Master MRH IAE Université Toulouse 1) :
Aurélie BOUCHAUD
Aurélie MASSY
Sofia LACHKAR
Julie CARRICONDO
Elisabeth BOYER
Clarisse FRANCHETEAU
Audrey LAMBERT
Contacts :
Master MRH IAE Toulouse, Pr. Patrice Roussel : [email protected]
Right Garon Bonvalot, Dominique Morlet-Pujol : [email protected]
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