Transitions de la population mondiale
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Transitions de la population mondiale
Population Mars 2004 BULLETIN Une publication du Population Reference Bureau Vol. 59, nº 1 Transitions de la population mondiale par le personnel du Population Reference Bureau La population mondiale pourrait atteindre les 9 milliards d’ici 2050. Il existe une fracture profonde entre les pays dont les populations augmentent et ceux où elles diminuent. La transition vers une fertilité ralentie ou accrue est liée au changement socioéconomique. C É L É B R AT I O N DU 75e ANNIVERSAIRE DU PRB • 1929-2004 Population Reference Bureau (PRB) Fondé en 1929, le Population Reference Bureau est la source principale d’information objective d’actualité sur les tendances démographiques aux États-Unis et dans le reste du monde, et leurs implications. Le PRB constitue une source d’information pour les décideurs politiques, les éducateurs, les médias et toute personne intéressée travaillant dans divers domaines d’intérêt public dans le monde entier qu’il s’agisse de publications, de services d’information, de séminaires ou de soutien technique. Nos efforts bénéficient du soutien de contrats publics, de dons consentis par des fondations et de contributions de particuliers et d’entreprises, ainsi que de la vente de nos publications. La direction du PRB est assurée par un Conseil d’administration représentant divers intérêts communautaires et professionnels. Membres du Conseil Michael P. Bentzen, président du Conseil, Partner, Hughes et Bentzen, PLLC, Washington, D.C. Patricia Gober, vice-président du Conseil, professeur de géographie, Université de l’État de l’Arizona à Tempe William P. Butz, président-directeur général Population Reference Bureau, Washington, D.C. Jodie T. Allen, secrétaire du Conseil, rédacteur en chef, U.S. News & World Report, Washington, D.C. Richard F. Hokenson, trésorier, membre du Conseil, Hokenson and Company, Lawrenceville, New Jersey Administrateurs Patty Perkins Andringa, conseillère et facilitatrice, Bethesda, Maryland Suzanne M. Bianchi, professeur de sociologie et directrice du Population Research Center, Université du Maryland, College Park Bert T. Edwards, directeur exécutif, Office of Historical Trust Accounting, Office of the Secretary, U.S. Department of the Interior, Washington, D.C. James H. Johnson Jr., William Rand Kenan Jr. professeur distingué et directeur, Urban Investment Strategies Center, Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill Terry D. Peigh, vice-président exécutif et directeur des opérations intégrées, Foote, Cone & Belding, Chicago, Illinois Francis L. Price, président du Conseil et PDG, Q3 Industries and Interact Performance Systems, Columbus, Ohio Douglas Richardson, directeur exécutif, Association of American Geographers, Washington, D.C. Gary B. Schermerhorn, directeur général des services technologiques, Goldman, Sachs & Company, New York Barbara Boyle Torrey, auteur et conseiller indépendant, Washington, D.C. Leela Visaria, professeur, Gujarat Institute of Development Research, Ahmedabad, Inde Montague Yudelman, agrégé supérieur de recherches, World Wildlife Fund, Washington, D.C. Mildred Marcy, présidente émérite du Conseil Rédacteur : Mary Mederios Kent, PRB Production / maquette : Word Design, Inc. Traduction : Pascale Ledeur-Kraus Édition : Eriksen Translations, Inc. 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Pour obtenir la permission de reproduire des extraits du Population Bulletin, écrivez au : PRB, A/S : Permissions. © Population Reference Bureauc 2004 ISSN 0032-468X Édition en français, mars 2005 Imprimé sur papier recyclé Population Mars 2004 BULLETIN Vol. 59, nº 1 Une publication du Population Reference Bureau Transitions de la population mondiale Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Transitions du XXe siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Figure 1 : Croissance démographique dans les pays plus avancés et moins avancés : 1900 à 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Tableau 1 : Changements démographiques dans les principales régions du monde : 1900, 1950 et 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Encadré 1 : Transition démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 2 : Transition démographique en Suède et au Mexique . . . . . . . . . . . . 8 Figure 3 : Espérance de vie à la naissance dans les pays plus avancés et moins avancés : 1950–2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Encadré 2 : La révolution de la reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 4 : Niveaux de fécondité dans les principales régions du monde : 1950 et 2003 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 5 : Schémas de la chute de la fertilité : 1970 à 2001. . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 6 : Afrique de l’Ouest et Europe de l’Ouest, 2000 : profil par âge et par sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Page 3 Elan pour une modification démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Figure 7 : Femmes en âge de procréer en Europe de l’Ouest et en Afrique de l’Ouest, projections de 2000 à 2050 . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Expliquer le changement démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure 8 : Fécondité en fonction du niveau d’éducation de la mère, pays choisis, vers 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Encadré 3 : Éducation et fécondité au Moyen Orient et en Afrique du Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Tableau 2 : Fécondité, éducation et contraception chez les femmes les plus pauvres et les plus riches, pays choisis, vers 2000 . . . . . . . . . . . . . 22 Page 18 Population et développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Faire face à la croissance démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Encadré 4 : Politiques démographiques en évolution en Inde et en Chine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Interventions face à une faible fécondité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Figure 9 : Rapport de dépendance des personnes âgées en Corée, en Allemagne et aux États-Unis : 1970, 2001 et 2050 . . . . . . . . . . . . . . . 32 Page 23 Voir page suivante 1 La voie de l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Tableau 3 : Projections démographiques pour quelques grandes régions (2050), trois scénarios . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Encadré 5 : Le tribut croissant du VIH/sida . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Tableau 4 : Pays, par étape de régression de la fécondité . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Figure 10 : Projections démographiques mondiales : 2000 à 2050 . . . . . . . . . 41 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Ressources recommandées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Les auteurs Ce numéro du Population Bulletin est adapté de « World Population Beyond Six Billion », d’Alene Gelbard, Carl Haub et Mary M. Kent, publié en 1999. Lori S. Ashford, Carl Haub, Mary Kent et Nancy V. Yinger en ont rédigé la version actualisée, avec l’appui d’autres membres du personnel du Population Reference Bureau Lori S. Ashford idirectrice technique de l’information stratégique au PRB ; elle est titulaire d’une maîtrise de la faculté des Affaires étrangères de l’université Georgetown. Elle a rédigé et collaboré à de nombreuses publications sur les questions démographiques internationales. Son axe professionnel porte sur la diffusion de la recherche sur la démographie et la santé aux publics concernés dans les pays moins avancés. Carl Haub démographe principal auprès du PRB, est rédacteur et conférencier spécialisé dans les tendances démographiques, et conseiller auprès de la Banque mondiale et d’autres organisations internationales ; il est l’auteur de la Fiche de données sur la population mondiale et est titulaire d’une maîtrise en démographie de l’université Georgetown. Mary M. Kent est rédactrice de la série du Population Bulletin ; elle a rédigé et collaboré à de nombreux rapports sur des questions démographiques. Elle est titulaire d’une maîtrise en démographie de l’université Georgetown. Nancy V. Yinger directrice des programmes internationaux du PRB, a appuyé des prestations d’assistance technique en communication stratégique en Afrique et en Asie. Elle a rédigé de nombreux rapports sur des questions démographiques et est titulaire d’un doctorat de l’université Johns Hopkins. Le PRB remercie de leur précieuse contribution Stan Bernstein, William Butz, Laurie DeRose, John Haaga et Barbara Boyle Torrey, qui ont révisé les avant- projets de ce Population Bulletin. 2 © 2004 Population Reference Bureau Transitions de la population mondiale Wolfgang Schmidt / Peter Arnold par le personnel du Population Reference Bureau L a population mondiale s’est trouvée transformée au XXe siècle par les changements technologiques et sociaux qui ont entraîné des chutes en flèche des taux de natalité et de mortalité dans le monde entier. Au début du siècle, la planète comptait 1,6 milliard d’habitants et à sa fin, 6,1 milliards, principalement en raison d’une croissance démographique sans précédent après 1960. L’essor généré par cette croissance démographique nous fera dépasser 7 milliards d’habitants d’ici 2015. Au-delà, l’avenir de la population mondiale est incertain. De nos jours, le débat public sur la démographie tend à adopter l’une des deux orientations suivantes : l’une souligne la croissance continue dans les régions moins développées, accompagnée des pressions économiques, sociales, environnementales et politiques qu’entraîne l’ajout de quelques milliards d’habitants au cours des 50 prochaines années. L’autre s’axe autour de la faiblesse sans précédent des taux de fertilité dans de nombreux pays. Près de 40 % de la population mondiale vit dans des pays où les couples ont si peu d’enfants que les populations de ces pays diminueront selon toute vraisemblance à longue échéance. Ces pays, qui comprennent notamment la Chine et la plus grande partie de l’Europe, doivent faire face aux défis sociaux, économiques, environnementaux et politiques qui accompa- Ces jeunes sont susceptibles d’avoir moins d’enfants que leurs parents et ils risquent également de voir la population mondiale atteindre 9 milliards d’habitants. gnent le vieillissement des populations, voire leur diminution. En outre, si les taux de fertilité continuent de chuter dans le monde, de plus en plus de pays seront confrontés aux difficultés posées par ce problème. Sommes-nous confrontés à une explosion démographique ou à des carences en matière de natalité ? La réponse pourrait être « les deux ». Ces deux schémas antagonistes, croissance démographique et diminution démographique, exigent des politiques et des interventions très différentes. Les mesures concernant la croissance démographique sollicitent les mêmes financements, la même attention et la même crédibilité que 3 4 celles visant à pallier la diminution démographique. Mais la réalité démographique est plus complexe et moins manifeste que ne semble l’indiquer cette dichotomie. Les Nations Unies préviennent que la chute de fécondité dans les pays pauvres risque de s’arrêter à moins que les couples n’aient accès, par exemple, à la planification familiale. La chute démographique dans les pays de faible fécondité pourrait être ralentie par une immigration massive ou même une explosion des naissances. Les chercheurs regardent au-delà des statistiques démographiques : l’âge, le niveau d’éducation et autres caractéristiques, pour étudier la relation entre les changements démographiques et les schémas économiques, environnementaux et politiques. Il est presque certain que la quasitotalité de la croissance démographique à l’avenir se produira dans les régions en développement du monde. Les zones urbaines dans ces régions absorberont la majorité des surcroîts démographiques. Dans ces pays, un « excès de jeunes » garantit que le nombre absolu de naissances augmentera alors même que les couples auront moins d’enfants. À l’autre extrême, la plupart des pays d’Europe font aujourd’hui face à une « carence de jeunes », à la suite de décennies de faible fécondité. Une croissance stagnante ou même une chute démographique menacent davantage de pays, puisqu’une population active moins nombreuse étaie des systèmes de retraite et de sécurité sociale en expansion pour une population vieillissante. Les pouvoirs publics ont confectionné une gamme de politiques démographiques visant à prendre en charge ces questions et autres problèmes, ces cinquante dernières années. Dans les pays en développement, ces politiques comprennent un appui aux programmes de planification familiale et de santé reproductive, ainsi que des efforts pour améliorer la condition des femmes, afin de leur permettre d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. Dans les pays développés, notamment au Japon et dans certains pays d’Europe, les pouvoirs publics ont mis en place des politiques pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes au travail et dans l’éducation des enfants, toutes visant à encourager les femmes à avoir davantage d’enfants. Les facteurs pilotes des schémas de procréation, notamment l’économie, l’éducation, les relations entre les sexes et l’accès à la planification familiale, sont nombreux et complexes ; les politiques et les programmes publics visant à influer les tendances démographiques, se doivent d’aborder simultanément ces nombreuses questions. Les modifications démographiques ne se manifestent qu’après de nombreuses années et il est donc difficile de prévoir en quoi les mesures prises aujourd’hui auront une incidence sur la taille des populations et la distribution démographique futures. De petites modifications des schémas de procréation aujourd’hui ont des conséquences profondes pour les effectifs démographiques de demain. Ce numéro du Population Bulletin relate les changements de la population mondiale du siècle dernier, en particulier au cours des dernières cinquante années. Il examine les facteurs sociaux et économiques ayant une incidence sur la mouvance démographique, notamment les grandes disparités dans les revenus, l’éducation et la condition des femmes au sein des différents pays. Il détaille également la préoccupation internationale croissante, depuis les années 50, en ce qui concerne la croissance démographique rapide, la chute généralisée de la fécondité et le nouveau consensus mondial, dégagé dans les années 90, quand à la meilleure manière de faire face aux schémas démographiques. Il passe en revue les facteurs ayant entraîné une faible fécondité en Europe, au Japon et dans d’autres régions, ainsi que la manière dont les gouvernements ont commencé à y faire face. Que leurs interventions aboutissent ou non aux changements démographiques souhaités, leur but est le même : améliorer la qualité de vie de leurs citoyens au XXIe siècle. Figure 1 Croissance démographique dans les pays plus avancés et moins avancés : 1900 à 2000 Transitions du XXe siècle Les différentes situations démographiques auxquelles sont confrontés les pays développés et en développement à l’heure actuelle reflètent les schémas démographiques du XXe siècle, notamment des 50 dernières années.1 Ces tendances ont non seulement façonné le profil démographique actuel de ces pays mais elles affecteront également leur avenir. Le XXe siècle peut être considéré comme un triomphe pour la santé humaine. Les taux de mortalité ont chuté en flèche et l’espérance de vie a pris son élan tout d’abord dans les pays développés, puis dans la plus grande partie du monde moins avancé. Bien que la fécondité a chuté dans de nombreuses régions, la chute soudaine de mortalité a alimenté une croissance démographique sans précédent, où les naissances ont dépassé, et de loin, les décès, chaque année. La population des régions relativement développées a plus que doublé au cours du siècle, pour surpasser un milliard d’habitants dès 2000. Mais la croissance la plus impressionnante s’est produite dans les régions moins développées, où la population a plus que quadruplé, pour atteindre près de cinq milliards dès 2000 (voir figure 1). Cette croissance régionale inégale a diminué la part démographique mondiale des pays développés, passant d’un tiers à un cinquième entre le début et la fin du siècle. La part démographique relative de la population mondiale revenant à l’Europe a enregistré la chute la plus sensible : en 1900, près d’un quart de la population mondiale se trouvait en Europe ; dès 2000 ce chiffre était d’à peine un huitième (voir tableau 1). À l’opposé, les pays en développement Remarque : les pays plus avancés comprennent l’Australie, le Canada, le Japon, la Nouvelle Zélande, les États-Unis et toute l’Europe. Tous les autres pays sont inclus dans les pays moins avancés. Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) ; et estimations du Population Reference Bureau. Tableau 1 Changements démographiques dans les principales régions du monde : 1900, 1950 et 2000 Région Monde 1900 Millions % 1950 Millions % 2000 Millions % 1 650 100 2 519 100 6 071 100 Pays avancés Europe Amérique du Nord Japon, Australie et Nouvelle Zélande 539 408 82 33 25 5 813 547 172 32 22 7 1 194 728 316 20 12 5 49 3 97 4 150 2 Pays moins avancés Afrique Asie et Océanie Amérique latine et Caraïbes 1 111 133 904 67 8 55 1 706 221 1 315 68 9 52 4 877 796 3 561 80 13 59 74 4 167 7 520 9 Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes, représentaient plus d’un cinquième de la population mondiale en 2000, contre un huitième en 1900. L’Asie comptait près des trois cinquièmes de la population mondiale totale à la fin du siècle. 5 Changement démographique dans les pays développés Au début du XXe siècle, les pays relativement développés étaient déjà engagés dans la transition, passant d’une mortalité et d’une fécondité élevées à une mortalité et une fécondité faible, phénomène nommé « transition démographique » (voir encadré 1). En 1900, l’espérance de vie à la naissance était de 47 ans aux ÉtatsUnis et entre 45 et 50 ans en Europe, au Japon et en Australie.2 Elle allait atteindre des chiffres exceptionnellement élevés vers le milieu du siècle : aux États-Unis, l’espérance de vie à la naissance est passée à 68 ans en 1950, pour atteindre 77 ans en 2000. L’espérance de vie moyenne a atteint des niveaux encore plus élevés au Japon et dans bon nombre de pays européens et elle poursuit son ascension. Les enfants en bas âge et les jeunes enfants sont ceux qui ont le plus bénéficié de cette transition sanitaire. Le taux de mortalité infantile (TMI, nombre de décès d’enfants en bas âge de moins d’un an sur 1 000 naissances) est tombé en dessous de 60 dans les pays développés dans les années 50 et à 10 en 2000. Exceptions 6 La Russie et plusieurs autres pays d’Asie Centrale et d’Europe de l’Est constituent les exceptions à cette amélioration générale de la santé et de la mortalité des 50 dernières années. En Russie, l’espérance de vie des hommes a commencé à régresser dans les années 60. Après une amélioration de courte durée au début des années 80, l’espérance de vie a de nouveau chuté à la fin des années 80 et au début des années 90, lorsque l’Union soviétique s’est effritée et que les conditions économiques se sont détériorées. De 1990 à 2000, l’espérance de vie masculine à la naissance est passée de 64 à 59 ans. L’espérance de vie féminine à la naissance a chuté d’environ deux ans, et est en moyenne de 72 ans. Les années 90 ont également été témoin d’une progression sensible du VIH/sida et d’autres maladies infectieuses, qui ont pesé sur la santé de la région.3 Les études des analystes diffèrent sur les motifs de la régression de la situation sanitaire mais nombreux sont ceux qui mentionnent la médiocrité des services de santé, l’absence de médicaments essentiels, des taux élevés de tabagisme, une mauvaise alimentation, une augmentation de l’abus d’alcool et de stupéfiants.4 Fécondité en déclin Vers la fin du XIXe siècle, les taux de natalité ont chuté dans la plupart des pays développés. Au début du XXe siècle, les femmes américaines avaient, en moyenne, quatre enfants, contre sept au début des années 1800.5 La fécondité chute encore davantage après 1900. Bien avant que les contraceptifs modernes ne soient disponibles, l’indice synthétique de fécondité (ISF, ou le nombre moyen d’enfants qu’une femme aurait en fonction des taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge) chute à quelque deux enfants par femme aux États-Unis, et plus bas encore en Europe pendant les crises économiques mondiales des années 30. L’ISF se reprend et atteint 2,8 enfants par femme dans les pays développés après la Deuxième guerre mondiale, période d’explosion démographique dans nombre de pays, mais la régression généralisée reprend dès les années 70.6 La baisse persistante de la fécondité, après les années 70, a coïncidé avec un schéma de mariages différés, une augmentation des divorces ainsi qu’un plus grand pourcentage de femmes à l’université et sur le marché du travail. Les ISF dans de nombreux pays européens ont chuté en dessous de deux enfants par femme dès 1980. Il convient que l’ISF soit légèrement supérieur à 2,0 (environ 2,1 dans les pays à faible mortalité) pour se maintenir au niveau de remplacement, en partie parce que certaines femmes et filles décèdent avant la fin de leurs années de procréation. Lorsque l’ISF Encadré 1 Transition démographique Depuis la nuit des temps, la population humaine a peu augmenté en raison de l’équilibre annuel entre les décès et les naissances. Des taux de natalité élevés ont souvent été freinés par une mortalité effrayante provoquée par les guerres, les famines et les épidémies. Par exemple, au XIVe siècle,1 la peste bubonique a réduit d’un tiers les populations de la Chine et de l’Europe. Les maladies chroniques et la malnutrition ont également maintenu une forte mortalité. Avec l’amélioration des conditions sanitaires et d’existence en Europe au XVIIe et au XVIIIe siècles, le nombre de naissances a surpassé celui des décès et la croissance démographique s’est amorcée. L’amélioration de l’hygiène et des services d’assainissements publics a réduit l’incidence des maladies, tandis que l’expansion du commerce a amélioré la disponibilité alimentaire et nutritionnelle. Les fluctuations brutales des taux de mortalité des siècles précédents ont régressé et l’espérance de vie a entamé sa lente progression. Les taux de natalité ont également chuté en raison du recul de l’âge du mariage, de l’urbanisation, de l’industrialisation, des aspirations accrues et d’autres facteurs encore. Le passage de taux faibles de mortalité et de fertilité à des taux élevés représente la « transition démographique ». Cette transformation est intervenue dans toute l’Europe, en Amérique du Nord et plusieurs autres régions, au XIXe et au début du XXe siècle, et elle a débuté dans nombre de pays en développement vers le milieu du XXe siècle. Bien que le rythme et le cheminement de la régression varient sensiblement d’un pays à l’autre, la transition démographique semble s’imposer comme le modèle prédominant du changement démographique.2 Dans la transition démographique classique, le schéma des taux de natalité et de mortalité élevés (et d’une croissance démographique minime) est perturbé par une chute prolongée de la mortalité. Les taux de mortalité finissent par se stabiliser à un niveau peu élevé (voir la figure). Puis les taux de natalité chutent au même niveau que les taux de mortalité. Les taux de natalité et de mortalité étant à quasi-égalité, l’équilibre d’une croissance démographique lente reprend. Le rythme du changement d’un pays varie selon sa culture, son niveau de développement économique et autres facteurs. Alors que les pays traversent les différentes étapes de cette transition, la croissance démographique découlant d’une augmentation naturelle (taux de natalité moins taux de mortalité) s’accélère ou régresse selon l’écart entre les taux de natalité et de mortalité. Les pays développés, tels que les ÉtatsUnis, ont « achevé » leur transition démographique : la fécondité et la mortalité sont à des niveaux bas et l’accroissement naturel renforce peu, voire pas du tout, la croissance démographique. Nombre de pays en développement se situent à une étape intermédiaire, où la mortalité et la fécondité chutent à un rythme différent, mais restent relativement élevées par Les étapes classiques de la transition démographique Remarque : L’accroissement ou le déclin naturel représente la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès. rapport à l’Europe et à d’autres régions développées. Bon nombre de pays à faible fécondité sont passés dans ce que d’aucuns appellent une « deuxième transition démographique », où la fécondité chute en dessous du niveau de remplacement de deux enfants, alors que l’influence de la vie moderne entrave la procréation. Cette transition a été mise en corrélation avec de meilleures possibilités d’instruction et d’emploi pour les femmes, la disponibilité d’une contraception efficace, un mouvement d’abandon du mariage officiel, l’acception de la procréation en dehors du mariage et la progression de l’individualisme et du matérialisme.3 Les démographes sont en désaccord sur la question suivante : tous les pays vont-ils suivre cette transition subie par l’Europe ou existe-t-il des étapes supplémentaires de la transition qui n’ont pas encore été identifiées, par exemple une chute démographique de longue durée ? Cependant, la théorie de la transition démographique offre un contexte utile pour évaluer les tendances démographiques et dresser des prévisions quant aux statistiques démographiques futurs. Références 1. Colin McEvedy et Richard Jones, Atlas of World Population (New York : Facts on File, 1978) : 65 ; William H. McNeil, Plagues and Peoples (New York : Anchor Books, Doubleday, 1976) : 177-83 ; « The Black Death », consulté en ligne à l’adresse suivante : www.geocities.com/~mohan_iyer/315.htm, le 8 janvier 1999, et Edward A. Wrigley, Population and History (New York : McGraw-Hill Book Co., 1969) : 62ff. 2. Ronald Lee, « The Demographic Transition: Three Centuries of Fundamental Change », Journal of Economic Perspectives 17, nº 4 (2003) : 167-90, et Rodolfo Bulatao, « Introduction », dans Global Fertility Transition. Supplement to Population and Development Review 27, éd. Rodolfo A. Bulatao et John B. Casterline (New York : Population Council, 2001) : 1-16. 3. ONU, Division de la population, Partnership and Reproductive Behaviour in Low-Fertility Countries (New York : Nations Unies, 2002) : 4, et Kirk van de Kaa, « Europe’s Second Demographic Transition », Population Bulletin 42, nº 1 (1987). 7 Figure 2 Transition démographique en Suède et au Mexique Les États-Unis, le pays développé le plus peuplé, conserve depuis 25 ans une fécondité plus élevée que la plupart des autres pays développés. La diversité raciale et ethnique des Américains et le grand nombre d’immigrés venus de pays où les familles nombreuses sont la norme expliquent en partie, mais pas entièrement, le taux de fécondité plus élevé des Etats-Unis.8 Après avoir chuté, brièvement, en dessous de 1,8 vers 1975, l’ISF américain se maintient autour de 2 depuis une décennie. Transitions dans les pays en développement Sources : B.R. Mitchell, European Historical Statistics 1750-1970 (1976) : tableau B6 ; Conseil de l’Europe, Recent Demographic Developments in Europe 2001 (2001) : tableaux T3.1 et T4.1 ; CELADE, Boletín demográfico 69 (2002) : tableaux 4 et 7 ; Francisco Alba-Hernandez, La poblacion de México (1976) : 14 ; et division des Nations Unies pour la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) : 326. reste inférieur à 2,1 pendant une période prolongée, les populations diminuent car le nombre des décès dépasse le nombre des naissances, à moins qu’il n’existe une immigration nette. Dès 2000, l’ISF était inférieur à 2,1 dans la quasi-totalité des pays développés, y compris les États-Unis, et avait chuté à 1,2 ou moins en République tchèque, en Italie, en Espagne et dans plusieurs autres pays. Bien que ces ISF extrêmement bas soient éventuellement un ajustement provisoire à des conditions socioéconomiques en évolution, selon le postulat de l’ONU, les ISF resteront inférieurs à 2,0 dans les pays développés pendant les quelques décennies à venir. La théorie de la transition démographique classique, qui présumait que la fécondité connaîtrait une stabilisation au seuil de renouvellement des générations et que la croissance démographique s’arrêterait à long terme, n’avait pas prévu la pérennité de la faible fécondité en Europe.7 Le faible taux actuel de fécondité produira une régression démographique en Europe, à moins qu’il n’y ait une immigration massive. 8 Au début du XXe siècle, la plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine se trouvaient encore en phase de pré-transition démographique, avec des taux de mortalité et de fécondité élevés. Le cheminement des taux de natalité et de mortalité du Mexique, au fil du siècle, illustre la situation dans nombre de pays en développement, bien que la rapidité et le rythme de la régression aient connu des variations sensibles (voir figure 2). Les taux de mortalité et de fertilité du Mexique dépassaient sensiblement en 1900 ceux de la Suède, à la veille de sa transition démographique vers 1770, et le rythme du changement démographique mexicain était sensiblement plus rapide. En Suède, la fécondité et la mortalité ont chuté progressivement sur une période de 150 ans. À aucun moment, en Suède, le taux naturel d’accroissement n’a dépassé de beaucoup un modeste pour cent par an. Après avoir connu une pointe pendant la période de la guerre civile, au début des années 1900, le taux de mortalité au Mexique a chuté trois fois plus vite que celui de la Suède, sans doute grâce à la propagation rapide des connaissances et des pratiques de santé publiques, largement diffusées à partir du XXe siècle seulement. En présence d’une mortalité en baisse et d’une fécondité en hausse, le taux de croissance démographique au Mexique est passé d’en- viron 1 %, au début des années 1900 à 2,7 % en 1950. La population mexicaine a pratiquement doublé, passant de près de 14 millions à 26 millions d’habitants dans ce même laps de temps.9 Les politiques visant à faire diminuer la fécondité et les progrès des communications et des transports ont également accéléré la diffusion de l’information sur la planification familiale et le taux de natalité a chuté en flèche vers la fin des années 70, bien qu’il reste nettement supérieur à celui de la Suède. L’historique démographique du Mexique trouve écho dans bon nombre de pays en développement, mais avec de nombreuses variations. Certains pays semblent avoir accompli d’un pas pressé les différentes étapes de la transition démographique, alors que d’autres semblent avoir suivi intégralement les nouvelles voies du changement démographique. La mouvance de la fécondité a été accélérée par l’apparition des contraceptifs qui ont révolutionné la capacité des femmes à planifier leurs grossesses, et par les politiques visant à rendre les contraceptifs plus largement accessibles (voir encadré 2, page 10). Selon les estimations de l’ONU, l’espérance de vie moyenne à la naissance, dans les pays en développement, est passée de 41 à 63 ans entre 1950 et 2000 (voir figure 3). Le TMI est passé de 180 décès pour 1 000 naissances à 61 décès pour 1 000 naissances pendant cette même période. Les progrès ont été bien plus lents en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Dans les années 50, au moins 180 enfants en bas âge mourraient pour 1 000 naissances dans ces régions. En 2003, le TMI restait audessus de 90 en Afrique subsaharienne et près de 70 en Asie du Sud et en Asie centrale. La chute de la mortalité dans certaines régions a été ralentie ou inversée par la propagation du VIH/sida. La mortalité du sida a diminué l’espérance de vie dans certains pays d’Afrique subsaharienne et les taux d’infection augmentent rapidement Figure 3 Espérance de vie à la naissance dans les pays plus avancés et moins avancés : 1950–2000 Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) : 40-43. en Asie du Sud et de l’Est. Bien que l’épidémie ait touché toutes les régions au monde, elle a produit les plus grandes pertes en vies humaines dans les pays les plus pauvres : 98 % au moins des quelque trois millions de décès liés au VIH/sida en 2003, se situaient en Afrique subsaharienne et autres régions en développement (voir encadré 5, page 38). Dans certaines régions, la forte prévalence des maladies transmissibles sexuellement accroît la susceptibilité au VIH/sida et contribue à une infécondité généralisée. Bien que les enquêtes indiquent que la plupart des femmes, dans les pays en développement, ont davantage d’enfants qu’elles ne le souhaiteraient, l’infécondité en empêche d’autres d’en avoir autant qu’elles le souhaitent, ce qui entraîne des problèmes économiques et sociaux dans les familles.10 Dans les années 50, l’ISF était d’environ 6,2 dans les pays en développement, contre 2,8 dans les pays développés. L’ISF dans les régions en développement allait de 6,7 en Afrique à 5,9 en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes. Le fort taux de fécondité et le taux de mortalité en régression ont alimenté la croissance démographique exponentielle très étudiée des années 60 et renforcé les efforts internationaux visant à ralentir 9 Encadré 2 La révolution de la reproduction La « révolution de la reproduction » fut l’un des événements les plus remarquables de la seconde moitié du XXe siècle. L’émergence des méthodes contraceptives modernes, par exemple la pilule aux hormones, les stérilets, les techniques plus simples de stérilisation et les contraceptifs injectables ou implantables sous la peau, permettent aux femmes d’éviter, de façon plus sûre et plus facile, les grossesses non désirées. Un accès accru à ces méthodes, conjugué aux changements socioéconomiques qui ont amené les couples à avoir moins d’enfants, est à l’origine de la chute de la fécondité enregistrée au cours des quarante dernières années. L’utilisation de planification familiale dans le monde entier est passée de moins de 10 % chez les femmes mariées dans les années 60, à quelque 60 % en 2003. En raison de la contraception moderne, la chute de fécondité est intervenue plus rapidement dans les pays en développement qu’elle ne l’avait fait dans les pays industrialisés. La réorientation vers des familles de plus petite taille aux États-Unis et en Europe s’est produite sur une période de 100 ans à 150 ans ; toutefois, la taille moyenne des familles a régressé d’environ autant dans les pays en développement en quelques décennies seulement. La taille plus petite des familles reflète également la transformation des attitudes quant à la procréation. Au fur et à mesure de la modernisation et de l’urbanisation des pays, alors que les femmes sont plus instruites et se marient plus tard, les couples souhaitent moins d’enfants. Dans les années 70, au Kenya par exemple, selon les enquêtes, les femmes souhaitaient en moyenne au moins sept enfants. Dans les années 90, les femmes kenyanes déclaraient souhaiter moins de quatre enfants en moyenne. En Colombie et en Indonésie, les femmes veulent de nos jours moins de trois enfants, contre plus de quatre dans les années 70. Les programmes structurés de planification familiale ayant fait connaître et rendu disponibles les ser- 10 Augmentation de l’utilisation des contraceptifs modernes dans des pays choisis : années 1960–2000 Remarque : Les statistiques des États-Unis portent sur les femmes de 15 à 44 ans. Les contraceptifs modernes comprennent la stérilisation, les contraceptifs oraux, les stérilets, les préservatifs, les diaphragmes, Depo-Provera, Norplant et autres méthodes obstructives et chimiques. Sources : ONU, Division de la population, Levels and Trends in Contraceptive Use, 1998 (2000) ; C. Haub et B. Herstad, La planification familiale dans le monde (2002) ; et ORC Macro, Enquêtes démographiques et de santé, disponible en ligne à l’adresse suivante : www.measuredhs.com. vices et les produits contraceptifs, de même que l’organisation de campagnes d’information prônant des familles moins nombreuses et en bonne santé, ont fortement contribué à la transition à des familles avec moins d’enfants. Les études réalisées pendant les années 90 ont révélé que ces programmes étaient responsables de 40 % à 50 % du déclin enregistré par les taux de fécondité des pays en développement depuis les années 60. Même les couples vivant dans les la croissance démographique en bridant la fécondité. La fécondité a chuté dans la plupart des pays en développement mais les moyens menant à l’abaissement de la fécondité varient.11 En 2003, l’ISF en Asie se situait à près de 2,6, en dessous de la moitié de son niveau de 1950. L’ISF pour l’Amérique latine et les Caraïbes a chuté à 2,7 par rapport à 5,9 en 1950 (voir figure 4, page 12). La fécondité a également diminué en Afrique mais elle reste sensiblement au-dessus de la moyenne des autres régions. Ces moyennes régionales de la fécondité occultent des niveaux et des schémas très différents au sein des divers pays. L’ISF en Chine, par exemple, est d’environ 1,7, un chiffre bien inférieur à celui des autres pays d’Asie. Si l’on exclut des statistiques régionales les 1,3 milliards d’habitants de la Chine, l’ISF de l’Asie passe de 2,6 à 3,1. La Chine représente un extrême des schémas de procréation du monde en développement : celui des pays qui ont parachevé la transition et sont passés à un niveau en dessous du taux de communautés locales, à faibles revenus, dans des pays tels que le Bangladesh, le Vietnam et le Zimbabwe, ont maintenant accès à la contraception moderne, par le truchement de programmes de planification familiale nationaux et organisés. Il n’en reste pas moins que l’utilisation de la planification familiale varie sensiblement au sein d’un pays et d’un pays à l’autre. En Éthiopie et au Mali, par exemple, moins de 10 % des femmes y ont recours, alors qu’au Mexique et en Thaïlande, l’utilisation de la planification familiale se rapproche de 70 %, un chiffre que l’on retrouve dans les pays développés. Au sein de ces pays, on trouve des disparités analogues, entre les citoyens les plus pauvres et les plus aisés. Plus de 100 millions de femmes des pays en développement, soit environ 17 % de toutes les femmes mariées, préféreraient éviter une grossesse mais n’ont recours à aucune forme de planification familiale. Selon l’appellation des démographes, ces femmes présentent un « besoin non satisfait » en planification familiale. Au cours des dix dernières années, l’augmentation de l’utilisation des contraceptifs a réduit les besoins non satisfaits dans la plupart des pays. Toutefois, dans certains d’entre eux, notamment en Afrique subsaharienne, le besoin non satisfait persiste et reste élevé (plus d’un cinquième des femmes mariées). Les motifs pour lesquels les femmes n’ont pas recours à la planification familiale, même lorsqu’elles préfèrent éviter une grossesse, sont complexes. Les enquêtes et la recherche approfondie effectuées dans les années 90 révèlent une gamme d’obstacles et de contraintes qui peuvent saper la capacité d’une femme à réaliser ses préférences en matière de procréation. Ces obstacles comprennent la crainte des effets secondaires des méthodes de contraception, la peur de la désapprobation du mari ou de ses représailles, une opposition religieuse à la planification familiale, le risque perçu d’une grossesse et des sentiments incer- fécondité de reproduction. L’ISF est également à 2,1 ou en dessous au Brésil, au Costa Rica, en Corée et en Thaïlande. Si l’on inclut la Chine, un quart de la population du monde en développement vit dans des pays dont les taux de fécondité sont inférieurs au taux de fécondité de reproduction. L’essor d’une structure de jeunes générations garantit une croissance ininterrompue pour ces pays mais celui-ci finira par disparaître et la taille de la population se stabilisera ou chutera, si ces pays conservent leur cap de faible fécondité. tains concernant une éventuelle grossesse. Les entraves politiques et culturelles ont restreint l’accès des jeunes, en particulier, à la planification familiale. Dans certains pays, les adolescents non mariés se voient refuser l’accès aux services de planification familiale, en raison du postulat selon lequel cet accès encouragerait le vagabondage sexuel. En outre, les jeunes femmes mariées seraient encouragées à avoir un enfant rapidement, après leur mariage. Quarante-deux pour cent des femmes dans les pays en développement (à l’exception de la Chine) ont un premier enfant avant l’âge de 20 ans. Le rythme de la régression de la fécondité en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud, au Moyen Orient et en Afrique du Nord sera affectée par la décision des jeunes couples d’avoir ou non leur premier enfant après l’âge de 20 ans. Ce différé allonge l’intervalle entre les générations et abaisse la fécondité moyenne. La grande majorité des pays en développement offrent de nos jours des services de planification familiale, toutefois leur degré de réussite diffèrent. Les femmes n’ont pas toutes aisément accès à la planification familiale mais l’expansion des choix des méthodes et une plus grande disponibilité des services et des produits à travers le monde ont réellement constitué une révolution. Références John Bongaarts, « The Role of Family Planning Programs in Contemporary Fertility Transitions », Working Paper nº 71 (New York : The Population Council, 1995) : 23-24 ; Vera M. Zlidar et al., « New Survey Findings: The Reproductive Revolution Continues », Population Reports Series M, nº 17 (2003), et comptes-rendus nationaux des Enquêtes démographiques et de santé. À l’autre extrémité de cet éventail, se trouvent les pays où la fécondité reste élevée. La plupart de ces pays sont situés au Moyen-Orient (Yémen) ou dans des régions extrêmement pauvres d’Afrique subsaharienne (Congo, Ouganda) et ils constituent moins de cinq pour cent de la population mondiale (voir tableau 4, page 40). La plupart des pays en développement, représentant 53 % de la population mondiale, se trouvent dans un groupe intermédiaire, dont L’ISF a chuté après 1960 de plus de 11 Figure 4 Niveau de fécondité dans les principales régions du monde : 1950 et 2003 *Le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) et C. Haub, Fiche de données sur la population mondiale, 2003. 12 six enfants par femme, mais reste audessus de 2,0. L’Asie comprend nombre des pays les plus peuplés de ce groupe intermédiaire, notamment le Bangladesh, l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan et les Philippines. En Inde, à l’instar de nombreux pays, les périodes de régression de la fécondité ont été entrecoupées de plateaux (voir figure 5). La plus grande partie de l’Amérique latine se situe également dans cette tranche intermédiaire. Par exemple, le Brésil et le Costa Rica, se trouvent à l’extrémité inférieure, avec des ISF proches du niveau du taux de fécondité de reproduction. À l’extrémité supérieure, une poignée de pays d’Amérique latine, notamment la Bolivie, le Guatemala, Haïti et le Paraguay, affichaient en 2003 des ISF moyennement élevés, entre 4,1 et 4,7. L’Afrique subsaharienne est une région de haute fécondité, bien que celle-ci ait diminué et poursuit sa régression dans de nombreux pays de la région. Conséquemment, la croissance future de l’Afrique est sujette à nombre de conjectures. Nombre de démographes détectent une transi- tion vers une fécondité plus basse dans la plus grande partie de la région, mais ils ne peuvent dégager un consensus sur la rapidité ou l’ampleur de cette régression à l’avenir.12 La pauvreté généralisée en Afrique, ses taux élevés d’analphabétisme, le caractère principalement rural de ses populations et des schémas traditionnels de préférences favorisant les familles nombreuses, n’incitent pas à une diminution rapide. En outre, certains professionnels de la santé publique craignent que la pandémie du VIH/sida n’ait absorbé les fonds de santé publique qui auraient pu servir à élargir les services de planification familiale pour les femmes et pourraient retarder la transition de la fécondité. La fécondité reste immuablement élevée par exemple au Mali, au Niger et en Ouganda et a peutêtre augmenté au Kenya, au début du XXIe siècle.13 L’axe de la transition démographique n’est pas non plus manifeste au Moyen-Orient, qui comprend l’Afrique du Nord et une partie de l’Asie de l’Ouest. La fécondité y reste élevée en dépit du déclin important de la mortalité mais la situation varie dans la région. La mortalité a chuté rapidement dans les pays du Golfe, producteurs de pétrole, grâce à une amélioration de la santé publique, l’accès à l’instruction et une augmentation des revenus provenant des recettes pétrolières. Toutefois, la culture traditionnelle de pays tels que le Yémen encourage les familles nombreuses et la fécondité y est restée élevée. En revanche, l’ISF en Iran a chuté en flèche ces dix dernières années, passant de 6,7 en 1986 à 2,5 en 2003. La chute de la fécondité a été plus lente en Égypte, le plus grand pays de la région. L’ISF égyptien était de 3,5 en 2003, en régression par rapport à 7 en 1960.14 Immigration et urbanisation La fécondité et la mortalité entraînent la plupart des changements démographiques, mais la migration sur et entre les territoires nationaux a également une incidence sur la croissance démographique. La migration a une incidence sur la répartition des populations, par âge, sexe, culture, race et autres caractéristiques, dans les communautés qui envoient et qui reçoivent les migrants. Tout au long du XXe siècle, les plus grands flux migratoires ont été ceux de familles et d’individus, allant des zones rurales aux zones urbaines. La grande mouvance démographique, des zones rurales vers les zones urbaines, a commencé vers la fin du XIXe siècle lors de l’industrialisation de l’Europe et de l’Amérique du Nord et lorsque des moyens de communication plus efficaces et plus rapides ont facilité les déplacements. Le développement économique et le commerce étaient concentrés dans les zones urbaines et les villes offraient de meilleurs emplois, prestations et services publics que les villages et les zones rurales.15 Dès 1950, plus de la moitié (55 %) des habitants des pays développés vivaient en zone urbaine, par rapport à un quart seulement en 1900. En 2000, près des trois quarts (75 %) vivaient en zone urbaine. Dans la plus grande partie de l’Afrique et de l’Amérique latine, la vie était axée sur les campagnes pendant presque tout le XXe siècle. En 1950, seuls 18 % des habitants des pays en développement vivaient dans les zones urbaines. Au fur et à mesure de l’industrialisation de ces régions, les habitants ruraux ont entamé leur migration vers les villes. Ils ont encouragé le développement industriel en venant amplifier la main-d’œuvre urbaine, tout comme leurs homologues l’avaient fait en Europe et aux États-Unis des décennies plus tôt. Le flux a commencé lentement, pour s’amplifier en une vague sans précédent, appuyée par les communications et les réseaux de transport améliorés, ainsi qu’une croissance démographique accrue dans les zones rurales. Entre 1950 et 2000, le pourcentage d’habitants des pays en développement vivant en zone urbaine est passé de 18 % à 40 %. Figure 5 Schémas de la chute de fécondité : 1970 à 2001 * L’ISF correspond au nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge. Sources : Registrar General (Inde), Instituto Nacional de Estadistica (Argentine), Conseil de l’Europe et Population Reference Bureau. Le début du XXIe siècle est marquant en raison du fait que pour la première fois, la majorité de la population mondiale vivra en zone urbaine. Cette mouvance démographique, des zones rurales vers les zones urbaines, stimule également les changements socio-économiques. Les habitants urbains ont d’ordinaire un meilleur niveau d’instruction, une fécondité plus basse, des revenus plus élevés, une meilleure santé et une vie plus longue que les habitants ruraux. Ainsi, l’urbanisation semble accélérer la transition démographique vers une mortalité et une fertilité en baisse. Les villes offrent davantage de prestations et d’économies d’échelle qui diminuent les coûts de la prestation des services publics. Cependant, la croissance démographique sans précédent des zones urbaines au cours des 50 dernières années a poussé à leurs limites la capacité de nombreux pays en développement à assurer des services de base pour tous sauf pour les habitants les plus privilégiés, et le fossé se creuse entre les riches et les pauvres dans les zones urbaines de nombreux pays.16 13 Migration internationale La mouvance démographique des zones rurales vers les zones urbaines stimule également les changements sociaux et économiques. 14 Près de 175 millions de personnes, soit 3 % environ de la population mondiale totale, sont des migrants internationaux. Ils vivent dans un pays autre que leur pays d’origine. Ce groupe de migrants internationaux est fluide : nombre de migrants retournent dans leur pays d’origine, alors que de nouveaux migrants s’ajoutent au groupe qui s’agrandit de quelque 5 à 10 millions d’individus tous les ans.17 Une grande majorité de migrants internationaux viennent de pays en développement, fait peu surprenant puisque environ 80 % de la population mondiale vit dans ces pays. La plupart déménagent d’un pays en développement dans un autre, par exemple du Paraguay au Brésil, du Ghana en Côte d’Ivoire et du Myanmar en Thaïlande. Les étrangers constituent la majorité de la maind’œuvre de plusieurs petits pays du Golfe. En Asie du Sud-Est, les migrants venus du Cambodge, de l’Indonésie et du Myanmar viennent chercher du travail à Singapour, en Corée du Sud, en Thaïlande et dans d’autres pays d’Asie nouvellement industrialisés. La plupart viennent pour tirer parti des meilleures possibilités économiques mais quelque 14 millions de migrants internationaux sont des réfugiés ou des demandeurs d’asile qui ont été forcés à quitter leur pays en raison de la violence politique ou de la menace de persécution. Par exemple, à la fin des années 90 et au début du XXIe siècle, des millions de personnes ont quitté l’Afghanistan pour aller en Iran et au Pakistan, bien que bon nombre d’entre elles soient rentrées au pays par la suite. Les réfugiés retournent souvent dans leur pays d’origine une fois que les conditions de vie s’y stabilisent.18 Les flux migratoires des pays en développement vers les pays développés comprennent un mouvement de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale vers l’Amérique du Nord, et de l’Afrique du Nord et du MoyenOrient vers l’Europe. Les flux de l’Asie vers l’Amérique du Nord et l’Australie se sont également accélérés. L’immigration constitue une grande partie de la croissance démographique dans les pays où la fécondité a chuté si bas que le nombre de décès annuel dépasse le nombre de naissances par an. Le flux venant d’un pays industrialisé vers un autre est relativement mince, à quelques exceptions près : les Allemands de souche ont afflué vers l’Allemagne en provenance de l’ex-Union soviétique et, à la suite de la guerre des Balkans, les immigrants et les réfugiés d’Europe de l’Est sont allés vers d’autres pays européens. Les grands flux migratoires soutenus sont susceptibles d’altérer les niveaux de fécondité dans les pays de destination, lorsque les migrants viennent de pays où les normes de fécondité sont plus élevées. Par exemple : plus de la moitié des immigrants aux États-Unis viennent de pays d’Amérique latine, où la fécondité est beaucoup plus élevée que celle des Etats-Unis.19 Bien que les familles migrantes adoptent en général les normes de fécondité plus basses de leur nouveau pays au fil du temps, les immigrants d’Amérique latine tendent à avoir des familles plus nombreuses que les couples nés aux États-Unis. De la même manière, les immigrantes turques en Allemagne se marient plus tôt et ont une fécondité plus élevée que les Allemandes.20 L’immigration peut également générer de nouvelles problématiques de santé, par exemple les maladies infectieuses ou les problèmes sanitaires endémiques des pays d’origine mais moins courants dans les pays d’accueil. La migration, conjuguée à la fécondité et à la mortalité, modifie la taille et les caractéristiques démographiques. Certains pays échappent à la régression démographique uniquement en raison d’un afflux continu de migrants. D’autres pays atténuent la pression d’une croissance démographique rapide par le biais d’une émigration. Figure 6 Afrique de l’Ouest et Europe de l’Ouest, 2000 : profil par âge et par sexe Source : Nations Unies, Perspectives de la population mondial : édition 2002 (2003). Élan pour une modification démographique La fécondité, la mortalité et les schémas de migration se retrouvent dans les profils d’âge et de sexe des pays à travers le monde. C’est la fécondité qui influe le plus sur la structure démographique, et ce dans presque tous les pays. Les décennies de haute fécondité dans les pays en développement ont signifié un nombre toujours croissant de jeunes, comme l’illustre l’assiette large d’âge et de sexe pour l’Afrique de l’Ouest (voir figure 6). En 2000, les enfants de moins de 15 ans constituaient 45 % de la population d’Afrique occidentale et la moitié de la population du Niger. Les personnes âgées de 65 ans et plus ne constituent que 3 % de la population en Afrique de l’Ouest et 5 % de celle de tous les pays en développement. Les améliorations des taux de mortalité infantile et enfantine ont également contribué à l’expansion de la population jeune, car de plus grands pourcentages de chaque génération vivent jusqu’à l’âge adulte. La base large de la structure de population de l’Afrique de l’Ouest est l’un des grands moteurs de la croissance démographique future, avec l’entrée progressive de cohortes sans cesse plus nombreuses dans les groupes en âge de procréer. Le nombre de femmes en âge de procréer, soit approximativement de 15 à 49 ans, passera de 52 millions en 2000 à 151 millions en 2050 (voir figure 7, page 16). Même si ces femmes ont moins d’enfants que leurs mères, l’Afrique de l’Ouest continuera à enregistrer environ 11 millions de naissances chaque année pendant ces cinquante ans. Le nombre annuel de décès devrait, pour sa part, passer de 3,6 à 4,7 millions pendant la même période. La structure d’âge en Europe de l’Ouest, en revanche, révèle les effets d’une mortalité excessive et d’un manque de naissances pendant la Deuxième guerre mondiale, de l’explosion des naissances après la guerre, puis de décennies de basse fécondité. Presque toutes les cohortes nées après 1965 sont plus petites que celles qui les ont précédées. Un flux inopiné d’immigrants, notamment d’Europe de l’Est et du Sud, d’Afrique du Nord et du MoyenOrient, vient étoffer la courbure d’âge moyen, car la plupart des migrants qui arrivent sont des jeunes adultes. Il y a presque autant d’adultes que d’enfants en Europe de l’Est et dans les autres pays avancés. 15 Figure 7 Femmes en âge de procréer en Europe de l’Ouest et en Afrique de l’Ouest, projections de 2000 à 2050 Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003). 16 Le groupe des moins de 15 ans représentait environ 17 % de la population de l’Europe de l’Ouest en l’an 2000, alors que les 65 ans et plus en représentaient environ 16 %. Le rétrécissement de la base de la pyramide démographique est également une force puissante de « l’essor négatif ». Le nombre de mères potentielles recule, passant de 44 millions en 2000 à 36 millions d’ici 2050. Même si les femmes d’Europe de l’Ouest ont légèrement plus d’enfants que leurs mères, selon les prévisions, le nombre annuel de naissances sera à la baisse et restera en dessous de deux millions sur les 50 années à venir. Ces pays ayant également une part plus importante de leurs populations dans une tranche d’âge plus avancé, où la plus grande partie des décès se produisent, le nombre de décès annuels augmentera, passant de 1,8 millions en 2000 à 2,5 millions d’ici 2050. En présence de décès plus nombreux que les naissances, la population régressera à moins qu’il n’y ait une immigration massive. Les changements de la structure d’âge modifient également la charge de la « dépendance », c’est-à-dire la portion de la population qui sera susceptible d’exiger un appui financier de la part de la population d’âge actif. L’âge non actif se mesure par le ratio des moins de 15 ans ou des plus de 64 ans, par rapport à la population âgée entre 15 et 64 ans. Lorsque la fécondité est élevée, la proportion d’enfants dans une population tend également à être élevée, ainsi que les ratios d’âge non actif. En 2000, selon les estimations, ce ratio était de 90 en Afrique subsaharienne, c’est-à-dire qu’on comptait 90 personnes de moins de 15 ans ou de plus de 64 ans pour 100 personnes âgées entre 15 et 64 ans. Toutefois, lorsque la fécondité commence à régresser, le ratio d’âge non actif chute également car la population d’âge actif représente une plus grande proportion du total. Le ratio d’âge actif était de 46 en Asie de l’Est, où la fécondité a chuté rapidement et dramatiquement. Aux étapes ultérieures de la transition, ce ratio remonte à nouveau, alors que la proportion de personnes du troisième âge dans la population augmente. La structure démographique par âge reflète les forces des trois variables démographiques de tout changement démographique, mais dans le monde moderne, la fécondité constitue la principale source de croissance et de changement, et elle justifie une attention particulière. Expliquer le changement démographique La récente croissance démographique a été principalement déterminée par la fécondité qui, à son tour, est influencée par toute une série de facteurs biologiques, culturels et économiques. Les scientifiques ont longtemps étudié le rapport complexe entre la société et la procréation, et se sont efforcés d’identifier les facteurs les plus importants. Puisque les facteurs qui ont une incidence sur la fécondité entraînent le changement démographique, les résultats de ces recherches sont pertinents pour les décideurs qui souhaitent influer sur la croissance démographique. Les femmes peuvent avoir plus de 15 enfants, mais les moyennes nationales n’atteignent jamais ce chiffre en raison de facteurs économiques et sociaux qui limitent, directement ou indirectement, le nombre d’enfants auxquels les femmes donnent naissance. Ces facteurs incluent notamment : déficiences physiques ou biologiques (parfois liées à l’âge), traditions de mariage, coutumes sexuelles, préférences quant à la taille des familles, conditions de logement, possibilités d’emploi, options de garde des enfants et bien d’autres encore. Dans les années 80, le démographe John Bongaarts a identifié quatre variables, nommées déterminants immédiats, qui ont une incidence directe sur la fécondité et expliquent la plupart des différences de niveau de fécondité entre les pays : le pourcentage de femmes en âge de procréer qui sont mariées ou en concubinage, le pourcentage de femmes qui ont recours à la contraception, le pourcentage de femmes en âge de procréer qui ne sont pas en mesure à l’heure actuelle de concevoir un enfant (d’ordinaire en raison de l’infécondité post-partum de l’allaitement), et le taux des interruptions de grossesse.21 L’importance de ces facteurs varie selon les pays et selon la situation économique et culturelle. Par exemple, le pourcentage de femmes en concubinage est déterminé, en partie, par l’âge lors du mariage, le pourcentage de femmes qui ne se marient jamais et le pourcentage de divorces. Les mœurs culturelles concernant l’activité sexuelle et la procréation hors du mariage jouent également un rôle. Dans les sociétés où les femmes se marient à un jeune âge et où toute la procréation se tient dans le contexte du mariage, tout changement de l’âge du mariage peut avoir une profonde incidence sur la fécondité. Dans les sociétés où les femmes allai- tent leurs enfants jusqu’à deux ans, l’infécondité post-partum affecte les niveaux de fécondité en différant la grossesse suivante. Un allaitement prolongé est moins courant, et donc une contrainte de la fécondité moins importante qu’elle ne l’était il y a quelques décennies, mais elle reste importante dans certaines régions du monde, notamment en Afrique subsaharienne. Dans la plupart des pays, l’utilisation des contraceptifs et l’interruption de grossesse constituent les principaux déterminants immédiats de la fécondité et représentent la plus grande partie des différences de fécondité entre les pays. La grande différence d’utilisation des contraceptifs au Mali et au Brésil constitue le principal motif pour lequel l’ISF du Mali était, en 2003, de 6,8 et de 2,5 pour le Brésil. Au Mali, en 2003, moins de 9 % des femmes en âge de procréer utilisaient un moyen de contraception, par rapport à 76 % environ des femmes brésiliennes. Les raisons pour lesquelles les Brésiliennes utilisent davantage de contraceptifs que les Maliennes sont liées à l’instruction, les revenus, la condition féminine et d’autres facteurs, ainsi qu’aux politiques des pouvoirs publics. L’incidence de l’avortement dans un pays est tributaire de la disponibilité de moyens contraceptifs fiables, des attitudes culturelles concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et de l’accès aux IVG. Dans certains pays d’Europe de l’Est, les femmes ont souvent recours à l’avortement car les contraceptifs modernes peuvent être difficiles à obtenir, de mauvaise qualité et ne sont pas promus par les décideurs ou la communauté médicale. En revanche, les IVG sont généralement légales, relativement libres et à disposition, à peu de frais ou gratuites. Selon de récents sondages effectués dans onze républiques de l’ex-Union soviétique, le nombre moyen d’avortements des femmes au cours de leur existence (c’est-à-dire le taux total des avortements) va de 0,6 par L’utilisation des contraceptifs et l’avortement représentent la plus grande partie des différences de fécondité entre les pays. 17 Yavuz Arslan / Peter Arnold Les immigrants turcs se marient souvent à un plus jeune âge et ils ont plus d’enfants que les autres Européens ; dans tous les pays européens, les taux de fécondité sont inférieurs au niveau de remplacement. 18 femme en Ouzbékistan à 3,7 en Georgie, et figure parmi les taux les plus élevés au monde. Dans les années 90 toutefois, les statistiques de l’avortement ont chuté de 38 % dans sept des 11 pays étudiés. La plus grande partie de cette régression s’est située chez les femmes de moins de 30 ans et était associée à une utilisation accrue de contraceptifs modernes, illustrant la permutation entre ces deux déterminants immédiats.22 Dans les sociétés où la fécondité est très basse et où l’accès aux contraceptifs modernes est facile, les facteurs culturels et économiques expliquent la plus grande partie des différences entre les pays. Les femmes dans ces pays ont en général moins d’enfants qu’elles ne déclarent escompter. L’expérience de la vie, l’absence d’un partenaire stable, des aspirations matérielles inexécutables, un emploi incertain ou inflexible et un logement inadéquat, par exemple, peuvent amener les femmes à revoir leurs idées sur le nombre d’enfants à avoir ou à différer leur grossesse jusqu’à ce qu’elles ne soient plus en âge de procréer. Cette dichotomie entre les attentes et le comportement, en raison d’un mode de vie et d’expé- riences, se nomme parfois la « concurrence ».23 Une modification du rythme de la procréation a une incidence « rythmique » indépendante sur l’ISF. Des différés généralisés sur le moment de la naissance du premier enfant et un espacement plus long des enfants ultérieurs ralentit le « rythme » de la fécondité et abaisse l’ISF. En revanche, si les femmes ont des enfants à un plus jeune âge, l’ISF augmente provisoirement, sans que change le nombre d’enfants que les femmes souhaitent. Une évaluation récente de la fécondité en Italie et aux États-Unis met en exergue la façon dont trois facteurs (procréation différée, infécondité et concurrence) expliquent, en grande partie, la raison pour laquelle les femmes italiennes et les femmes américaines ont moins d’enfants qu’elles ne l’escomptaient au départ. Le fossé entre la fécondité escomptée et la fécondité réelle est plus important en Italie, où la deuxième transition démographique a transformé la société après la Deuxième guerre mondiale (voir encadré 1, page 7). Les femmes ont obtenu des possibilités dans l’instruction et l’emploi, et ont différé le mariage et la procréation. Le divorce n’est devenu légal qu’en 1970 et, bien que les lois sur le divorce aient été plus contraignantes en Italie que dans la plupart des pays européens, le divorce est en progression. Dans les années 70 et 80, les jeunes italiennes ont eu un plus grand choix individuel et un meilleur accès à la contraception et à l’interruption de grossesse que les générations précédentes. Toutefois, les Italiens ont conservé de solides traditions familiales et culturelles dissuadant la cohabitation et la procréation hors du mariage, à l’opposé des tendances aux États-Unis et en Europe du Nord. Aux ÉtatsUnis et dans de nombreux pays européens, un tiers ou plus de toutes les naissances se sont situées hors mariage, d’ailleurs dès 1990. En Italie, moins d’un dixième des nais- sances ont été hors mariage, à la fin des années 90. Les jeunes Italiens et Italiennes restent célibataires et vivent chez leurs parents plus longtemps que les jeunes Américains et la plupart des autres jeunes Européens.24 Les Italiennes attendent plus longtemps pour avoir des enfants que les Américaines. La lutte entre les valeurs traditionnelles et la réalité sociale contemporaine en Italie a abaissé la fécondité à un niveau sans précédent ces dernières dix années. Trois facteurs contribuent indirectement aux niveaux de fécondité, par le biais des déterminants immédiats : instruction, revenus et rôles des sexes, c’est-à-dire les rôles et capacités relatifs des femmes et des hommes. Un faible niveau d’instruction et la pauvreté vont de pair, ils sont liés à la santé publique et au niveau de développement économique, à l’urbanisation et aux conditions environnementales. Les questions de parité sexospécifique touchent tous les éléments sociétaux, mais elles ont une incidence particulière sur la capacité et le souhait des femmes à utiliser des contraceptifs. Figure 8 Fécondité en fonction du niveau d’éducation de la mère, pays choisis, vers 2000 * Le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge. Sources : ORC Macro, rapports-pays finaux, Enquêtes démographiques et de santé, disponibles en ligne à l’adresse suivante : www.measuredhs.org. Éducation À travers le monde, davantage de jeunes fréquentent l’école et vont plus loin dans leur éducation.25 Cette transformation positive est susceptible d’avoir une incidence sur la santé et la fécondité dans les pays en développement, car les femmes instruites attendent plus longtemps pour avoir des enfants et ont des familles moins nombreuses et en meilleure santé. Les femmes plus instruites ont d’ordinaire leur première expérience sexuelle plus tard, se marient plus tard, veulent moins d’enfants et sont plus à même d’utiliser des contraceptifs que leurs homologues moins instruites. Chez les Péruviennes de 20 à 29 ans, par exemple, dans les années 90, seules 17 % de celles possédant 7 ans ou plus de scolarisation avaient un enfant avant l’âge de 20 ans, alors que 60 % de celles qui avaient moins de sept ans de scolarité avaient un enfant avant 20 ans. L’écart fécondité-instruction est particulièrement important dans certains pays. En 2001, les femmes maliennes, sans instruction, avaient 7,1 enfants en moyenne alors que celles possédant au moins une instruction secondaire avaient 4,1 enfants. Toutefois, les incidences de l’instruction varient selon les pays. Par exemple, les femmes très instruites au Mali avaient plus d’enfants que leurs homologues en Égypte (voir figure 8). Dans les pays où les conditions d’existence sont mauvaises et l’alphabétisme bas, l’obtention d’un peu d’instruction n’est pas toujours associée à une basse fécondité. Selon une étude de 1995, dans certains pays pauvres, les femmes possédant quelques années de scolarité avaient au moins autant d’enfants que les femmes sans instruction. Dans ces 19 Encadré 3 Éducation et fécondité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’instruction reste le déterminant le plus important de l’âge moyen au mariage et de la première grossesse, car les femmes donnent souvent naissance rapidement après le mariage. Par exemple, parmi les femmes égyptiennes mariées, âgées de 25 à 29 ans, celles qui ne possèdent aucune instruction s’étaient mariées à 18 ans en moyenne et avaient leur premier enfant avant l’âge de 20 ans, alors que celles possédant une instruction secondaire ou plus s’étaient mariées en moyenne à 23 ans et donnaient naissance à leur premier enfant avant l’âge de 25 ans. En 1998, parmi les femmes turques âgées de 15 à 19 ans, 22 % de celles qui n’avaient pas terminé l’école primaire étaient déjà mères ou enceintes, par rapport à 2 % seulement des adolescentes ayant terminé le secondaire ou davantage. Les femmes plus instruites veulent en général moins d’enfants et utilisent plus efficacement les services de santé reproductive que les femmes moins instruites. En 1995, les femmes marocaines possédant ne serait-ce qu’un peu d’éducation secondaire avaient dans l’ensemble moitié moins d’enfants que les femmes sans instruction. Les femmes plus instruites ont souvent des familles en meilleure santé. En Égypte, par exemple, les enfants nés de mères sans instruction étaient deux fois plus susceptibles de décéder que les enfants nés de mère ayant terminé le secondaire. Les femmes égyptiennes, moins instruites, étaient moins susceptibles de recevoir des soins prénataux. En 2000, seuls 34 % des mères égyptiennes sans instruction, avaient bénéficié de soins prénataux, par rapport à 75 % des mères possédant leur baccalauréat ou un diplôme universitaire. Les femmes plus instruites connaissent mieux les options de contrôle des naissances que les femmes moins instruites. En 2000, chez les femmes égyptiennes âgées de 15 à 49 ans, 69 % des femmes ayant terminé leurs études secondaires signalaient avoir lu des messages sur la planification familiale dans les journaux ou les magazines, par rapport à 32 % des femmes ayant parachevé leur scolarité du primaire. Les femmes plus instruites sont également plus susceptibles de discuter avec leurs maris des questions de planification familiale. Adapté de l’ouvrage de Farzaneh Roudi-Fahimi et Valentine M. Moghadam, « Empowering Women, Developing Society: Female Education in the Middle East and North Africa », MENA Policy Briefs (octobre 2003). 20 contextes, l’obtention d’une éducation formelle est associée à des revenus plus élevés et à une meilleure nutrition, ce qui améliore les capacités de procréation des femmes. Mais les femmes qui avaient au moins 7 ans de scolarité avaient bien moins d’enfants que les femmes moins instruites, ce qui semble indiquer que 7 ans d’instruction pourraient constituer le seuil d’une chute de fécondité sensible dans les pays pauvres ayant un faible niveau d’alphabétisation.26 Le contexte dans lequel l’instruction se déroule est essentiel dans la formulation des décisions de procréation (voir encadré 3).27 La fécondité décline plus rapidement lorsque la scolarisation est généralisée ou que la fréquentation scolaire primaire est quasi-universelle. Les écoles et les activités parascolaires aident souvent à propager, dans les communautés, les attitudes concernant les avantages de familles moins nombreuses. Au fur et à mesure de l’amélioration des niveaux d’instruction, les normes sociales concernant la procréation et le rôle de parent changent même pour les femmes qui ont peu d’instruction formelle. Le coût des enfants augmente également lorsque l’instruction primaire devient universelle, car non seulement les parents doivent parfois payer les frais de scolarité de chaque enfant, mais ils perdent également la main-d’œuvre potentielle dont ils auraient pu bénéficier.28 D’autres facteurs, par exemple l’exposition aux médias, l’accès aux services de planification familiale et les possibilités d’emploi pour les femmes, sont également associés à la chute de fécondité, même en l’absence de l’éducation universelle.29 Par exemple, la fécondité a chuté sensiblement en Côte d’Ivoire et au Sénégal, où l’éducation n’était pas universelle. Selon les chercheurs, les films, la télévision et les autres médias dans ces pays diffusent le concept selon lequel les femmes peuvent maîtriser leur fécondité et qu’il existe des avantages à avoir moins d’enfants. L’éducation des femmes est également associée à une meilleure santé infantile. Les femmes instruites ont sans doute un statut valorisé au sein de leurs familles et de leur communauté par rapport aux femmes qui n’ont pas d’instruction et ce statut plus élevé leur permet de négocier de meilleurs soins pour leurs enfants. Dans les pays en développement, les femmes possédant une certaine instruction formelle sont plus susceptibles de se faire soigner pendant la grossesse, de faire vacciner leurs enfants et de prendre les mesures appropriées lorsque leurs enfants sont malades. En outre, dans la plupart des sociétés, les enfants de mères possédant une certaine instruction, courent moins de risques de décès que les enfants dont les mères n’ont pas d’instruction. L’instruction a clairement une incidence sur l’âge de la procréation dans les pays de basse fécondité. L’instruction donne en général aux femmes plus d’options d’emploi. Quelques années d’instruction peuvent aboutir à un moins grand nombre d’enfants lorsque l’instruction donne accès à un emploi qui constitue une option prometteuse au lieu d’un mariage et d’une procréation précoces. L’éducation universelle peut également rendre difficile, pour les femmes, le fait de travailler et de s’occuper de leur famille nombreuse, car les enfants plus âgés sont scolarisés et ne sont pas disponibles pour prendre soin de leurs frères et sœurs plus jeunes.30 De nombreuses femmes diffèrent leurs grossesses jusqu’à ce qu’elles aient terminé l’école ou l’université et qu’elles aient établi leurs carrières. Ce différé dans la procréation est à la racine de l’effet de temporisation qui maintient une basse fécondité dans la plupart des pays développés.31 Dans les pays développés, les niveaux d’instruction des femmes sont élevés, mais les taux de fécondité diffèrent selon les régions. Le niveau plus élevé de services et de prestations publiques pour les familles et des attitudes plus ouvertes concernant le mariage et la procréation en Europe du Nord qu’en Europe du Sud expliquent peut-être la raison pour laquelle la fécondité est plus élevée en Suède et en France, qu’en Italie et en Espagne.32 La fécondité est encore plus élevée aux États-Unis, où les pouvoirs publics n’offrent ni prestations familiales, ni congés parentaux payés, mais où les femmes ont davantage d’options et de souplesse d’emploi que dans de nombreux pays européens, et où la procréation se situe souvent en dehors du mariage. Les explications traditionnelles du rapport entre l’instruction et la fécondité soulignent les compromis entre le fait d’avoir des enfants ou celui de tirer parti des possibilités d’emploi qu’ouvre une bonne instruction. Mais ce rapport n’est pas toujours simple, car de nombreuses autres variables déterminent l’éventualité et la durée de l’emploi rémunéré des femmes, y compris l’économie locale, la disponibilité de services de garde d’enfants et les attitudes sociales concernant les mères et l’emploi. Comme en conclut l’une des enquêtes : « Dans certains pays… les femmes ont trouvé les moyens de conjuguer le travail et les enfants, et dans d’autres, pas ».33 Dans les pays de basse fécondité, en particulier, le rapport entre la fécondité et l’éducation est rationalisé par d’autres facteurs, associés à la deuxième transition démographique, notamment les revenus et les rôles sexospécifiques. Revenus Les revenus sont clairement liés aux niveaux de fécondité entre les pays, et au sein d’un même pays. Les femmes des pays riches ont en général moins d’enfants que les femmes des pays pauvres. L’exception étant les pays riches, producteurs de pétrole, au Moyen-Orient, où les traditions culturelles, qui prônent le maintien d’un statut peu élevé pour les femmes, appuient également une forte fécondité. Les niveaux de revenus et les seuils de pauvreté sont difficiles à comparer d’un pays à l’autre, mais une étude récente du rapport qui existe entre les revenus et la santé dans les pays en développement s’appuie sur les données des biens ménagers du programme des Enquêtes démographiques et de santé (EDS), un projet de recherche sur le recensement, en Afrique, en Asie et en Amérique latine, pour mesurer la richesse. 21 Tableau 2 Fécondité, éducation et contraception chez les femmes les plus pauvres et les plus riches, pays choisis, vers 2000 Pays Bangladesh, 1999–2000 Cambodge, 2000 Colombie, 2000 Égypte, 2000 Éthiopie, 2000 Ouganda, 2000/01 Indice synthétique de fécondité (ISF) Plus pauvre Plus riche 4,6 4,7 4,4 4,0 6,3 8,5 2,2 2,2 1,8 2,9 3,6 4,1 Pourcentage de femmes entre 15 et 49 ans Utilise des Terminé 5e année contraceptifs modernes Plus pauvre Plus riche Plus pauvre Plus riche 10 11 44 22 2 24 76 66 95 91 42 82 37 13 54 43 3 11 50 25 66 61 23 41 Remarque : Les femmes les plus riches et les plus pauvres ont des biens ménagers dans les quintiles le plus bas et le plus élevé de la répartition des richesses, respectivement. L’ISF (indice synthétique de fécondité) est le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge. Source : D.R. Gwatkin et al., Initial Country-Level Information About Socio-Economic Differences in Health, Nutrition, and Population, 2d ed. (2003). 22 L’étude élabore un indice de biens, fondé sur des mesures telles que la possession d’un téléviseur, d’un réfrigérateur, d’un poste de radio, d’une voiture, d’une moto ou d’une bicyclette, les matériaux de construction et la taille du foyer, les sources d’eau potable et le type de latrines. L’indice des biens ménagers qui en résulte reflète une définition nationale ou relative d’un statut économique, au lieu de constituer une mesure absolue. Les chercheurs ont divisé la population de chaque pays en cinq groupes de revenus ou quintiles, selon l’indice des biens ménagers du pays en question. Ainsi, le statut économique du quintile le plus pauvre en Haïti diffère du quintile le plus pauvre au Brésil.34 Dans les pays, les femmes des familles plus aisées ont généralement moins d’enfants, ont davantage recours aux contraceptifs et sont plus instruites que les femmes des familles à faible revenus de la même société (voir tableau 2). Le niveau moyen d’inégalité est particulièrement élevé en ce qui concerne le recours à la contraception. En moyenne, les femmes du quintile le plus riche sont presque cinq fois plus susceptibles que celles du quintile le plus pauvre d’avoir recours à la contraception. Ce qui reflète sans doute les disparités d’accès aux services de planification familiale ainsi que la différence entre les niveaux de demande de services contraceptifs. Les femmes moins instruites par exemple, ont tendance à souhaiter une famille plus nombreuse que les femmes plus aisées et plus instruites. Rôles sexospécifiques Dans les pays de haute et de basse fécondité, la fécondité est modulée par le pouvoir relatif que détiennent les hommes et les femmes et la dynamique de leurs relations. Les normes sexospécifiques affectent la fécondité à de nombreux égards. Dans les sociétés où les femmes sont moins alphabétisées et ont moins accès que les hommes aux médias, les femmes sont peu informées sur la santé reproductive, y compris sur la manière d’éviter les grossesses non désirées. Lorsque les hommes ont davantage de pouvoir que les femmes, il sera plus difficile aux femmes de négocier la contraception.35 Dans les pays de faible fécondité, la fécondité est plus faible lorsque les femmes travaillent à plein temps et qu’elles ont la plupart des responsabilités du ménage et de l’éducation des enfants. La fécondité est la plus élevée lorsque les femmes sont davantage appuyées par leurs époux dans les tâches domestiques et l’éducation des enfants, qu’elles ont davantage accès aux ressources publiques d’aide familiale ou les deux.36 Population et développement Le rapport entre les variables démographiques, les revenus et le sexe est extrêmement complexe et lié à une question plus de plus grande portée : en quoi la taille de la population et le rythme de son accroissement affectent-ils la croissance économique ? Pendant des décennies, les experts ont débattu de l’incidence d’une croissance démographique rapide sur le développement économique. Les pessimistes démographiques insistent : une haute fécondité et une croissance démographique rapide entravent le développement. Cette optique a contribué à la logique d’un financement généralisé des politiques et des programmes de planification familiale dans les années 60. À l’inverse, les optimistes démographiques avancent qu’une croissance démographique rapide et une population de grande taille peuvent encourager la prospérité économique en apportant un capital humain et intellectuel abondant, et accroître la taille du marché.38 Dans les années 80, une troisième optique, le neutralisme démographique, a gagné du terrain, appuyée par un ensemble important Katrina Thomas / Saudi Aramco World/PADIA La préférence filiale est une autre manifestation des normes sexospécifiques qui peut influer sur les niveaux de fécondité. Dans plusieurs pays d’Asie du Sud et du Moyen-Orient, les couples poursuivent la procréation jusqu’à la naissance d’un fils, ce qui produit une hausse de la fécondité générale. Les auteurs d’une étude regroupant six pays où la préférence filiale est marquée (Bangladesh, Égypte, Inde, Népal, Pakistan et Turquie), estiment que le nombre de femmes enceintes au moment de l’étude aurait été de 9 à 21 % inférieur s’il n’y avait pas eu cette préférence filiale37. Dans quelques pays, la préférence filiale a mené à des IVG sexospécifiques et l’abandon des nouveau-nés du sexe féminin. Dans la démarche en en matière de politique démographique résultant de la conférence du Caire, l’amélioration de l’éducation des femmes est jugée essentielle pour la promotion de la santé et des droits des femmes. de recherches économiques montrant peu d’indices selon lesquels la croissance démographique en soi affecte la performance économique.39 Mais la mesure de l’incidence de la population sur l’économie se complique de plusieurs autres facteurs, par exemple les cycles économiques et les crises financières. Les études des années 90 ont relevé que « la preuve la plus manifeste des effets négatifs d’une croissance démographique par forte fécondité se trouve au niveau individuel et des ménages ».40 Une recherche plus récente relève également un effet légèrement négatif de la croissance démographique sur la situation économique et sur le développement.41 L’axe sur la taille de la population et la croissance démographique ignore, pour l’essentiel, une variable démographique critique : la structure d’âge de la population (c’est-à-dire comment la population se distribue selon les différents groupes d’âge). Étant donné que les comportements économiques individuels varient selon les étapes de la vie, les changements de structure d’âge peuvent avoir une incidence profonde sur la performance économique nationale. Les pays comprenant une forte proportion de jeunes ou de personnes âgées dépendants consacrent un pourcentage relativement élevé de ressources 23 La chute des taux de fécondité peut produire les conditions d’une croissance économique. 24 à ces groupes, limitant souvent la croissance économique. En revanche, les pays englobant un grand pourcentage d’une population en âge de travailler et d’épargner, pourront jouir d’une poussée de croissance des revenus, provenant d’un plus grand pourcentage de la population en activité, de l’accumulation accélérée de capital et de la réduction des dépenses consacrées aux personnes à charge. Ce phénomène, baptisé le dividende démographique, peut se produire dans les pays qui subissent une chute nette de la fécondité. L’effet conjugué de ce dividende et de politiques efficaces dans d’autres domaines peut stimuler la croissance économique.42 La transition économique et son incidence sur le développement économique se déroulent différemment selon les régions du monde. Les pays d’Asie de l’Est, par exemple la Corée et la Thaïlande, ont davantage réussi à glaner le dividende démographique résultant d’une fécondité en régression. Cette réussite a été moins marquée dans d’autres régions. De nombreux pays d’Amérique latine ont également subi une transition démographique relativement marquée, toutefois leurs politiques économiques ne tirent pas intégralement parti de la main-d’œuvre croissante. Les transitions démographiques en Asie du Sud, Centrale et du Sud-Est ont démarré plus tard et ont été moins prononcées qu’en Asie de l’Est. Ces régions commencent à peine à jouir des avantages économiques du changement démographique. Le MoyenOrient et l’Afrique du Nord sont encore aux phases précoces de la transition démographique et, de fait, nombre de régions d’Afrique subsaharienne sont témoin d’une régression minime de leurs taux de fécondité traditionnellement élevés. La chute de la mortalité, suivie par une chute de la fécondité, entre 1965 et 1990, a entraîné une transition démographique rapide en Asie de l’Est. Conséquemment, la population active s’est développée quatre fois plus vite que la population non active (jeunes et personnes âgées). Des sys- tèmes éducatifs solides et des échanges commerciaux internationaux en hausse ont permis aux économies nationales d’absorber cette génération du « boom » dans la population active. Le dividende démographique a alimenté l’explosion économique étonnante de la région. La croissance du revenu réel par habitant a été, en moyenne, de 6 % par an, entre 1965 et 1990. Le dividende démographique a représenté entre un quart et deux cinquièmes, environ, de cette croissance.43 Comme le cas de l’Asie de l’Est le prouve, une chute des taux de fécondité peut produire les conditions d’une croissance économique. Une planification familiale efficace peut accélérer la transition démographique et valoriser potentiellement les avantages économiques, et sortir les nations de leur cycle de pauvreté. Toutefois, une fécondité en régression ne garantit pas en soi la prospérité. Pour tirer parti du dividende démographique, les pays doivent se doter de politiques efficaces dans d’autres domaines importants : ■ Santé : un assainissement amélioré, des programmes de vaccination et les antibiotiques entraînent une diminution de la mortalité, qui à son tour produit une diminution de la fécondité. En outre, selon les recherches, une population en bonne santé peut aiguillonner la croissance économique et atténuer la pauvreté.44 ■ Éducation : transformer une population jeune en une population active et productive exige un investissement dans l’éducation à tous les niveaux. ■ Politique économique : une maind’œuvre plus importante et mieux instruite produit des avantages uniquement si les travailleurs supplémentaires peuvent trouver des emplois. Les politiques des pouvoirs publics qui mènent à une économie stable, une souplesse du marché du travail et le libreéchange sont associés à la croissance du nombre d’emplois productifs et rémunérateurs. Bonne gouvernance : dans de nombreux pays, pour glaner les avantages du dividende démographique, il convient de renforcer la primauté du droit, améliorer l’efficacité des opérations des pouvoirs publics, juguler la corruption et garantir l’application des obligations contractuelles. ■ Parité : la fécondité diminue plus rapidement et l’état de santé s’améliore plus vite lorsque les politiques corrigent l’inégalité entre les sexes en matière d’accès aux services de santé et de planification familiale, d’éducation et d’emploi. Les femmes peuvent contribuer davantage à l’économie lorsque leurs rôles ne sont pas limités. Plus récemment, dans les pays de faible fécondité, les chercheurs se sont inquiétés de l’effet d’une croissance démographique faible ou négative sur la prospérité économique. Selon une étude récente, nombre de jeunes sont confrontés à des difficultés dans l’établissement de leur carrière au sein d’une population active, plus âgée et stable, et différent ainsi leur transition vers une existence indépendante45. Ceci, à son tour, peut les amener à différer la procréation, ce qui fait chuter les taux de fécondité. ■ Faire face à la croissance démographique Les inquiétudes concernant la croissance démographique rapide et la surpopulation ne datent pas d’hier. L’économiste anglais, Thomas Malthus, a rédigé un célèbre traité sur ce sujet, en 1798, postulant que la croissance démographique dépasserait les réserves alimentaires et entraînerait la pauvreté, la famine et la mort. Près de 200 ans plus tard, aux États-Unis, la publication de Paul Ehrlich, « The Population Bomb » (en 1968) entraîne une couverture médiatique et un débat public généralisés sur les consé- quences nuisibles d’une croissance démographique rapide. Les sombres prévisions de ces auteurs, et de bien d’autres encore, ont été appuyées et critiquées au fil des ans et ont produit des questions persistantes sur les conséquences d’une croissance future. Attention croissante vers le milieu du 20e siècle Dans les années 30 et 40, les scientifiques et les intellectuels de certains pays en développement, par exemple l’Égypte, l’Inde et le Mexique, ont commencé à exprimer une inquiétude selon laquelle une croissance démographique rapide entraverait le développement de leurs pays.46 L’ONU a tenu ses premières conférences sur la population mondiale en 1954 et 1965, en collaboration avec l’Union internationale pour l’étude scientifique des populations. Les scientifiques ont signalé, lors de ces conférences, qu’une croissance démographique rapide pourrait aggraver la pauvreté et entraver le développement dans les pays aux ressources restreintes. Les premières politiques et les premiers programmes démographiques, mis au point dans les années 50, se sont efforcés de ralentir la croissance démographique en encourageant les couples à avoir moins d’enfants et en leur donnant accès aux services de planification familiale. L’Inde a lancé cette politique en 1952 et renforcé ses efforts de promotion de la planification familiale à la suite d’une famine dans plusieurs régions du pays, vers la moitié des années 60. L’International Planned Parenthood Federation (IPPF), la plus grande organisation privée consacrée à la planification familiale, a également été créée en 1952. Vers le milieu des années 60, les États-Unis, la Suède et plusieurs autres pays industrialisés ont lancé des programmes d’aide à grande échelle pour appuyer les efforts de planification familiale nationaux dans les pays en développement. Les États- 25 Unis sont devenus le plus grand bailleur d’assistance en matière démographique. En 1969, l’ONU a créé le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). La mission du UNFPA consistait notamment à aider les pays à faire face aux questions démographiques et à appuyer les programmes de planification familiale. Depuis cette époque, les gouvernements considèrent que la planification familiale est essentielle pour la stabilisation de la croissance démographique. Toutefois, l’idée même de la limitation de la taille de la famille a entraîné un débat dès le départ. Fluctuations des degrés de soutien En 1974, lorsque l’ONU a parrainé une conférence intergouvernementale sur la population, à Bucarest, les ÉtatsUnis, parmi d’autres, ont avancé que les investissements en matière de contrôle de la population seraient porteurs d’importants avantages pour les économies en développement. Aux premières années des programmes démographiques, de nombreux gouvernements de pays en développement ont toutefois compris que la planification familiale n’était pas bien accueillie et ont donc préféré adopter l’idée selon laquelle la fécondité chuterait et la croissance démographique ralentirait à mesure que s’amélioreraient les conditions d’existence au fil du développement économique. Selon cette optique, la prospérité encouragerait une baisse de fécondité, plutôt qu’une fécondité en baisse encouragerait le développement. Lors de la Conférence mondiale sur la population de 1974, un délégué indien a exprimé les points de vue de nombreux dirigeants des pays en développement, en déclarant : « Le développement est le meilleur contraceptif ». Vers la fin des années 70 et au cours des années 80, les attitudes ont commencé à changer dans de nombreux pays en développement, alors qu’un ensemble croissant d’études relevait des taux élevés de croissance démographique, des taux élevés de 26 mortalité infantile et maternelle et le souhait généralisé des femmes de limiter la procréation. Les dirigeants gouvernementaux se sont progressivement inquiétés de ce qu’une croissance démographique rapide entraverait le développement économique. La preuve d’un besoin important insatisfait indiquait que les programmes de planification familiale représentaient un investissement digne d’intérêt et susceptible de faire baisser la fécondité. Les programmes sont devenus plus courants. Lors de la Conférence mondiale sur la population organisée en 1984 à Mexico, les gouvernements sont arrivés à un quasi-consensus en déclarant qu’il conviendrait de rendre les services de planification familiale disponibles, « de toute urgence ». À cette occasion, le gouvernement américain, qui n’était pas compris dans ce consensus, a annoncé qu’il retirerait son financement à toute organisation offrant des services d’avortement ou prônerait les interruptions de grossesse, même grâce à des financements provenant de sources non américaines. Cette restriction, surnommée la politique de Mexico, a eu une incidence sur de nombreuses ONG bénéficiant de l’assistance américaine. Dans le droit fil du principal axe de la déclaration de Mexico, dans les années 80, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont souscrit à des déclarations régionales sur la population et le développement et adopté des politiques démographiques nationales, au début des années 90.47 Lors de la Conférence internationale de 1994 sur la population et le développement, plus de la moitié des pays en développement avaient des politiques démographiques nationales visant à ralentir la croissance et l’autre moitié signalait avoir prévu de mettre au point ces mêmes politiques, dans un proche avenir.48 À cette époque, la plupart des politiques démographiques nationales englobaient un appui à la planification familiale ainsi qu’à la santé maternelle et infantile pour atteindre une conjugaison d’objectifs : ralentir la croissance démographique et améliorer la santé, de même qu’appuyer les objectifs de développement d’ensemble.49 Influence croissante des groupements féminins À la fin des années 80 et au début des années 90, les défenseurs des droits des femmes se sont inquiétés de plus en plus de l’intérêt apparent, et parfois de l’obsession des pouvoirs publics envers la promotion de la planification familiale pour stabiliser la croissance démographique. Les programmes financés par l’État, affirmaient-ils, distribuaient des contraceptifs sans se préoccuper de la santé des femmes qui s’en serviraient. Ainsi en Asie, où les gouvernements ont été les plus grands prestataires de services, les programmes de planification familiale étaient administrés et évalués sur la base de cibles et de quotas concernant les « utilisatrices de moyens anticonceptionnels ». Les défenseurs des droits des femmes se sont opposés à des démarches verticales, axées sur des cibles, pour ralentir la croissance démographique. Selon eux, ces démarches encouragent la coercition et violent les droits de femmes en matière de liberté reproductive. Les programmes fondés sur des quotas et des cibles, ont-ils déclaré, soulignent les objectifs numériques aux dépens de la qualité de service et des droits reproductifs des femmes. Selon les défenseurs des droits des femmes, l’axe des programmes de planification familiale, la prestation de contraceptifs et de renseignements connexes étaient trop limités. Selon eux, les programmes de planification familiale seraient plus efficaces s’ils tenaient compte du contexte socioculturel des rapports sexuels, de la procréation et de la contraception. En d’autres termes, si les femmes avaient davantage de pouvoir décisionnel quant à leur sexualité et à la procréation, elles seraient en mesure d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. Selon certains démographes par- tisans de cette optique, répondre aux besoins des femmes permettrait d’abaisser la fécondité car les femmes, dans la plupart des pays en développement, avaient plus d’enfants qu’elles ne le souhaitaient.50 La Conférence du Caire, 1994 Les débats sur les droits des femmes ont constitué la toile de fond de cette conférence sur la démographie, la plus importante au monde, la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s’est tenue au Caire en 1994. Onze mille représentants des gouvernements, d’ONG et d’agences internationales y ont pris part. La conférence du Caire a attiré davantage l’attention de la part des décideurs de haut niveau, des groupes de défense des droits, des chefs religieux et des média que toute conférence précédente sur la population. De profondes différences idéologiques ont divisé les participants sur certaines questions. Les partisans de la santé des femmes ont vivement prôné l’incorporation des concepts de santé et de droits reproductifs dans le document de la conférence. Ces termes n’avaient jamais été définis dans un contexte international et la négociation d’une définition acceptable pour toutes les parties concernées s’est révélée difficile. Le Vatican, certains pays catholiques et musulmans, ainsi qu’un petit nombre d’ONG se sont élevés contre la définition des droits et de la santé de la reproduction. Le point d’achoppement portait sur l’interruption de grossesse : cette procédure peut-elle être interprétée comme une composante ou non de la santé reproductive et comme un droit universel ou non ? Le débat sur l’avortement lors de la conférence a déclenché une énorme couverture médiatique, alors que la conférence portait sur bien d’autres questions dépassant la santé reproductive des femmes. Le programme d’action sur 20 ans adopté lors de la conférence ne mentionnait à dessein aucune cible démo- La conférence du Caire a permis de resituer les débats sur la population. 27 28 graphique ou de croissance, mais demandait aux gouvernements de promouvoir le développement humain et de stabiliser la croissance démographique. Il demandait des investissements dans la santé des citoyens, leur éducation et leurs droits, notamment pour les femmes. C’est cette conférence d’importance magistrale qui a resitué le débat sur les questions de population. Au cœur du nouveau programme : la conviction qu’une réponse aux besoins individuels constitue une façon plus humaine et efficace de ralentir la croissance démographique que l’ancien modèle axé sur l’utilisation de la planification familiale. En situant les causes et les effets de la croissance démographique dans le contexte du développement humain et du progrès social, les gouvernements et les particuliers aux divers antécédents politiques et culturels étaient en mesure d’appuyer les recommandations. Le programme d’action du Caire est ambitieux : il comprend plus de 200 recommandations dans le domaine de la santé, du développement et du bien-être social.51 L’une de ces caractéristiques centrales reste la recommandation visant à fournir des soins reproductifs exhaustifs, comprenant la planification familiale, les grossesses sans risques et les services d’accouchement, l’interruption de grossesse lorsque celle-ci est légale, la prévention et le traitement des infections transmises sexuellement (y compris le VIH/sida), l’information et les services conseil sur la sexualité et l’élimination des pratiques nuisibles à l’encontre des femmes, par exemple l’excision féminine et le mariage forcé. La démarche de santé reproductive découlant du consensus du Caire place les besoins et les possibilités pour les femmes (grossesses sans risques, davantage de pouvoir décisionnel sur la sexualité et la procréation et davantage de choix vitaux) au centre des politiques démographiques des pays en développement. Cette démarche exige également des inves- tissements financiers et politiques dans une plus grande gamme de services de santé et autres, au-delà de ceux qu’exigeraient les simples programmes de planification familiale. Progrès et défis depuis le Caire En 1999, cinq ans après la conférence du Caire, l’ONU a rassemblé de nouveau les gouvernements mondiaux pour débattre des politiques démographiques et de développement. Cet examen, surnommé CIPD + 5 ou Le Caire + 5, s’est composé d’une série de réunions qui ont débouché sur une session de l’Assemblée générale de l’ONU, axée sur les actions nécessaires pour atteindre les buts fixés en 1994. Cet examen quinquennal a révélé une gamme d’exemples, en provenance du monde entier, sur la manière dont les nouvelles démarches politiques et de programme étaient élaborées, ainsi que les obstacles rencontrés dans la mise en œuvre du programme. Dans de nombreux pays, on signalait des domaines prometteurs de changement, notamment de nouvelles lois et politiques, la réforme de la santé et une participation accrue des populations aux programmes de démographie (voir encadré 4, page 30).52 Les principales difficultés dans la mise en œuvre du programme du Caire se résumaient aux ressources, aux capacités et aux engagements. Dans les pays moins avancés, où les ressources humaines et financières sont limitées et les difficultés de développement importantes, les services de santé reproductive ne reçoivent pas une attention prioritaire, ni dans les budgets nationaux ni dans les tâches quotidiennes des agents de santé. Selon les documents de l’ONU qui suivent l’assistance, les gouvernements bailleurs de fonds ne se sont pas acquittés des niveaux d’assistance auxquels ils s’étaient engagés. Alors qu’approche le 10e anniversaire de la conférence du Caire, à la mi-parcours de son programme de 20 ans, les gouvernements sont censés Interventions face à une faible fécondité Dès les années 30, les scientifiques aux États-Unis et en Europe ont pris note de la diminution de la taille des familles moyennes des pays industrialisés et sonné l’alarme des perspectives à long terme d’un nombre moins élevé de travailleurs, d’une régression démographique et d’une stagnation économique.53 La plupart de ces pays avaient déjà subi une chute importante de leur fécondité. Les premières craintes concernant la régression de la fécondité ont disparu avec l’explosion des naissances après la Deuxième guerre mondiale, pour toutefois resurgir en Europe dans les années 80 et 90. Dès 1999, la quasitotalité des pays d’Europe de l’Ouest et de l’Est (ainsi qu’un certain nombre de pays d’autres régions) possédaient des taux de fécondité inférieurs au niveau de remplacement, sans montrer aucun signe de reprise. Ces dernières années, les chercheurs et les gouvernements ont étudié les interventions politiques éventuelles pour répondre à la baisse de fécondité, notamment en Europe, où les conséquences économiques et sociales se font déjà sentir. L’ONU a convoqué plusieurs réunions techniques sur la faiblesse des niveaux de fécondité, en 2000, mais il lui reste Andreas Buck / Peter Arnold passer en revue les progrès et les difficultés de la réalisation des buts du programme. Au lieu de convoquer une autre conférence internationale, le UNFPA commémorera le 10e anniversaire de cette conférence qui fit date avec une analyse des réussites et des contraintes des pays, qui sera présentée aux comités de l’ONU chargés d’étudier les questions démographiques. Les réunions nationales et régionales des gouvernements ainsi que des réunions indépendantes des ONG se tiendront pour évaluer les progrès accomplis. Des décennies de faible fécondité en Europe ont accentué les préoccupations relatives au vieillissement des populations et ont renouvelé l’intérêt porté au rôle de l’immigration dans la croissance et le changement démographiques. encore à réunir une importante conférence intergouvernementale sur le sujet. Préoccupations croissantes concernant la faible fécondité Si elle perdure au fil du temps, la faible fécondité (inférieure au niveau de remplacement) mène au vieillissement des populations et à la régression démographique. Ces deux phénomènes ont des conséquences économiques, sociales et politiques profondes.54 ■ Un vieillissement de la pyramide des âges exerce une pression sur le système des prestations et retraite d’un pays, car moins de personnes actives doivent soutenir davantage de personnes en âge de prendre leur retraite. Les personnes âgées génèrent des frais de santé plus élevés, ce qui ajoute une pression sur les budgets nationaux de l’assurance-santé et de la santé. ■ Une population active en régression pourrait mener à de moindres gains de productivité suite à la page 32 29 Encadré 4 Politiques démographiques en évolution en Inde et en Chine Les deux pays démographiquement milliardaires, l’Inde et la Chine, ont établi des politiques nationales pour faire face à leur croissance démographique, mais ces politiques diffèrent sensiblement dans leurs détails et dans leur mise en œuvre. Bien que ces deux pays présentent des variations régionales importantes, la politique chinoise a été appliquée strictement dans tout le pays et de façon plus efficace que celle de l’Inde et a réduit sensiblement la fécondité ainsi que la croissance démographique. Toutefois, la « réussite » chinoise a soulevé la critique internationale en raison des restrictions qu’elle impose à la liberté des femmes en matière de procréation. L’expérience de ces grands pays a une incidence sur les débats mondiaux, tout en y répondant, sur la population et les droits individuels. Inde Dans les années 50, l’Inde a lancé le premier programme de planification familiale parrainé par l’État afin de ralentir la croissance démographique. Du début des années 60 jusqu’à la moitié des années 90, les cibles décidées par l’État en matière d’utilisation des contraceptifs ont dominé la gestion du programme. Entre 1975 et 1977, le gouvernement du Premier ministre Indira Gandhi a encouragé les campagnes de stérilisation des hommes, menant parfois à la coercition. Le public s’est soulevé contre ces abus, ce qui a contribué à la chute du gouvernement Gandhi et produit un revirement en défaveur des programmes de planification familiale, qui ne sera surmonté que bien des années plus tard.1 Dans les années 80 et 90, le gouvernement a continué à appuyer le programme national de planification familiale par des cibles décidées à l’échelon central en ce qui concerne l’utilisation de la contraception. Bien que l’acceptation de la planification familiale était volontaire, l’accomplissement zélé de ces cibles a soulevé de plus en plus de critiques. En effet, l’accent excessif mis sur l’accomplissement des cibles annuelles aurait parfois mené les agents de santé à s’inquiéter davantage de leurs objectifs numériques que des besoins des femmes servies. Deux ans après la conférence du Caire en 1996, le gouvernement indien changeait profondément sa politique en annonçant sa « démarche sans objectifs » en matière de planification familiale, éliminant toutes les cibles décidées au niveau central quant à l’acceptation de la contraception. Des cibles ont été fixées aux fins de planification, au niveau local et des États, mais les agents de santé et les administrateurs n’étaient plus réprimandés pour ne pas les avoir atteintes.2 30 Selon des études effectuées vers la fin des années 90, cette nouvelle démarche, nommée la démarche de santé reproductive et infantile, a été mise en œuvre de façon disparate dans le grand pays très peuplé qu’est l’Inde.3 Cela ne surprend guère étant donné la décentralisation des pouvoirs publics et la diversité économique et sociale profonde du pays. La politique démographique nationale 2000 préconise une réduction de la taille de la famille moyenne, de 3,2 en 1999 à 2,1 enfants par femme en 2010, ce qui exigerait une chute rapide des taux de natalité.4 Pour atteindre ce but, cette politique prévoit de répondre aux besoins en matière de planification familiale, et de fournir des soins de santé de même que des soins de santé reproductive et infantile intégrés. Dans les plus grands et plus pauvres États indiens, l’expansion et l’amélioration de ces services exigeront des ressources et des capacités humaines beaucoup plus importantes. Chine La politique de l’enfant unique, adoptée par la Chine en 1979, est sans précédent dans sa portée et son application. Cette politique aurait permis de ralentir la croissance démographique du pays le plus peuplé (aujourd’hui près de 1,3 milliards). Elle est également connue pour avoir limité les droits individuels et pour son application de main forte. Les comptes-rendus d’avortement forcés et autres pratiques coercitives ont terni l’image du programme et entraîné sa condamnation par les États-Unis et autres gouvernements nationaux. La politique chinoise restreint, dans l’ensemble, les couples urbains à n’avoir qu’un seul enfant et permet aux habitants ruraux d’avoir deux enfants si le premier enfant est une fille. D’autres couples ont la permission d’avoir un deuxième enfant si certaines conditions sont remplies. Ces règlements ont été mis en œuvre de façon inégale en Chine et leur application est devenue une question politique essentielle. En 1995, le gouvernement chinois a demandé la réorientation du programme de planification familiale afin qu’il soit « axé sur les intérêts des citoyens » et qu’il souligne des services plus exhaustifs, une préoccupation née en partie de la conférence du Caire. La Commission nationale de planification familiale a introduit les réformes progressivement, en sélectionnant des régions pilote où les services de planification familiale offriraient une gamme de choix de méthodes contraceptives, de santé reproductive et de services conseil. Bien que les responsables locaux fixent encore les cibles de planification familiale, le concept d’un choix « informé » a gagné du terrain, et environ 25 % de toutes les régions chinoises ont opéré, dans une certaine mesure, une modification de leurs services de planification familiale.5 Bien que cette politique ait, semble-t-il, réduit le taux de fécondité total de 5,8 en 1970 à moins de 2 en 2000, et évité environ 300 millions de naissances, les pouvoirs publics sont de plus en plus confrontés aux éléments négatifs du changement produit.6 Il y a moins d’enfants et de petits-enfants pour soigner un nombre croissant d’adultes du troisième âge, et les limites imposées à la procréation ont exacerbé la préférence traditionnelle filiale des couples, menant à des avortements sexosélectifs, à l’infanticide féminin et au déficit de filles dans le pays. La progression des libertés individuelles, les réformes économiques axées sur le marché et l’ouverture sur la communauté internationale tendent toutes vers une démarche plus souple en matière de planification familiale. Mais la position publique de l’État indique un intérêt constant pour le contrôle de la croissance démographique. L’État a codifié sa politique de planification familiale en loi, en septembre 2002, réaffirmant sa politique de l’enfant unique (avec une liste d’exceptions) tout en donnant un caractère pénal aux mesures d’application de nature coercitive.7 Difficultés communes En Chine et en Inde, la préférence filiale quasi-universelle est une entrave importante bloquant la réduction de la taille des familles. Dans les cultures où les femmes sont subordonnées aux hommes et où les fils contribuent davantage aux familles et à l’assistance aux parents âgés, les couples ont davantage d’enfants qu’ils ne le souhaiteraient pour s’assurer d’avoir un fils. Certains couples, dans ces deux pays, ont eu recours aux avortements sexosélectifs pour restreindre le nombre d’enfants et avoir un fils, comme ils le souhaitent. Alors que la Chine met en œuvre ses politiques officielles de façon plus efficace que l’Inde, des pratiques culturelles retranchées et les préférences individuelles entravent les buts déclarés des deux pays. Chute de la fécondité en Inde et en Chine, 1965–2002 * ISF, ou le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité prévalents pour son groupe d’âge. Sources : Registrar General of India et China Population Information and Research Center. Planning in India: An Analysis of Policy Change, Consequences, and Alternative Choices (New Delhi : The Futures Group International, 1998). 4. Inde, National Population Policy 2000 (New Delhi : Ministère de la santé et du bien-être familial, 2000) : 2. 5. Joan Kaufman, « China’s Population Policy: Recent Developments and Prospects for Change », exposé auprès du National Committee on U.S.-China Relations/Center for Strategic and International Studies le 25 sept. 2002, consulté en ligne à l’adresse suivante : www.csis.org/ china/020925kaufman.pdf, le 29 déc. 2003. 6. Kaufman, « China’s Population Policy ». 7. Kaufman, « China’s Population Policy et Xinhua News Service », « China Neither Relaxes Nor Tightens Population Policy », 31 déc. 2001, consulté en ligne à l’adresse suivante : www.hitec.net.cn/html/english/main.htm, le 2 février 2004. Références 1. Leela Visaria et Pravin Visaria, « India’s Population in Transition », Population Bulletin 50, nº 3 (1995) : 39. 2. Leela Visaria et Pravin Visaria, Reproductive Health in Policy and Practice: India (Washington, DC : Population Reference Bureau, 1999). 3. Leela Visaria et Pravin Visaria, Reproductive Health in Policy and Practice: India et POLICY Project, Targets for Family 31 Figure 9 Rapport de dépendance des personnes âgées en Corée, en Allemagne et aux États-Unis : 1970, 2001 et 2050 Remarque : Le rapport de dépendance des personnes âgées correspond au nombre de personnes à l’âge de la retraite (65 ans et plus) sur 100 personnes actives (de 20 à 64 ans) Sources : Bureau des statistiques fédérales allemand, In the Spotlight: Population of Germany Today and Tomorrow ; ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003) et F. Hobbs et N. Stoops, Demographic Trends in the 20th Century (2002). 32 et à un ralentissement de la croissance économique. ■ La cohésion sociale pourrait être menacée si une demande croissante de main-d’œuvre aboutit à des flux importants d’immigrants venus d’autres cultures. ■ La régression démographique pourrait affaiblir l’identité nationale et détériorer la position politique et économique internationale. La modification du rapport de dépendance des personnes du troisième âge et la diminution du nombre de travailleurs pour soutenir le nombre croissant de retraités constituent des préoccupations plus pressantes de la plupart des gouvernements, car il s’agit d’un schéma qui a de graves incidences budgétaires (et donc politiques) pour les édiles. La régression rapide de la fécondité en Corée du Sud, ces 25 dernières années, fera passer le rapport de dépendance des personnes âgées à 60 d’ici 2050, selon les prévisions (voir figure 9). Au XXIe siècle, les ÉtatsUnis et l’Allemagne verront également une augmentation sensible de leur rapport de dépendance. La préoccupation concernant le vieillissement de la population et la régression démographique a entraîné un vif débat sur la façon la plus efficace de renverser ces tendances ou d’en atténuer les conséquences. Les gouvernements peuvent adopter trois grandes démarches : ■ adopter des politiques ayant une influence directe ou indirecte sur la procréation en encourageant, par exemple, les couples à se marier et à avoir davantage d’enfants, plus tôt, ou les deux ; ■ augmenter l’immigration d’adultes actifs ; ■ réformer les politiques pour aborder les effets du vieillissement démographique en relevant par exemple l’âge de la retraite et en réduisant la charge financière de la retraite, de la sécurité sociale, des systèmes de santé et fiscaux. Les deux premières démarches abordent deux déterminants importants du changement démographique : la fécondité et la migration. Politiques visant à influer sur la fécondité Dans la plus grande partie de l’Europe, où la fécondité est très basse, il convient de noter la réticence du public aux politiques publiques pro natalistes, aussi bien en raison des programmes de promotion des naissances proposés de main-forte et appuyés par des gouvernements non démocratiques dans le passé (par exemple en Allemagne, en Roumanie et en Espagne) qu’en raison du fait que les naissances sont peut-être considérées comme une entrave aux progrès des femmes dans le milieu du travail.55 La plupart des politiques de la famille en Europe de nos jours s’efforcent d’assurer l’égalité des chances au travail et d’aider les femmes à conjuguer éducation des enfants et emploi. La gamme d’interventions possibles à l’appui des familles est exhaustive et il n’existe pas, semble-til, de panacée qui pourrait inverser la régression de la fécondité.56 En revanche, les gouvernements peuvent allier un certain nombre de politiques et d’interventions de soutien. Les politiques publiques semblent peser dans la balance. L’Espagne a aujourd’hui l’un des taux de fécondité les plus bas, comparé à celui d’une génération antérieure, lorsque son taux de fécondité était l’un des plus élevés. La régression sensible de la fécondité depuis lors est associée à un abandon de la politique du gouvernement franquiste, qui interdisait la contraception et favorisait les familles nombreuses, en faveur d’un gouvernement démocratique qui est dénué de politique démographique explicite.57 À l’inverse, la France possède le deuxième taux de fécondité le plus élevé d’Europe (1,9 en 2003) et l’une des politiques les plus solides de promotion des naissances. La régression de la fécondité en France au siècle dernier a produit de grandes préoccupations quant à la chute démographique et les politiques de promotion de la famille ont reçu la priorité dans son ordre du jour politique.58 Les types de politiques mises en œuvre par la France et d’autres pays européens sont décrits ci-dessous. Politiques de promotion de la famille Les allocations familiales sont des paiements en espèces versés par l’État aux familles au moment de la naissance d’un enfant, afin de pallier les pertes de revenus ou les augmentations de dépenses. Ces allocations font partie des politiques de la famille depuis plus d’un siècle et existent dans 88 pays à travers le monde. De la même manière, de nombreux pays, y compris les États-Unis, offrent des dégrèvements ou des avantages fiscaux pour défrayer les coûts associés aux enfants. Mais les allocations familiales n’ont pas eu d’incidence importante sur la fécondité et elles sont sans doute moins importantes de nos jours que d’autres dispositions, telles que les congés maternité et les crèches pour les enfants.59 Les gouvernements peuvent également appuyer les familles en offrant des prêts immobiliers à faible taux d’intérêt. Selon certaines recherches, en abaissant le coût des logements, on encouragerait les couples à avoir des enfants plus tôt qu’ils ne le feraient autrement. D’autres politiques familiales, par exemple la promotion du mariage et la désincitation au divorce, influent peut-être également sur la constitution des familles et par-là même sur le calendrier de la procréation. En influant sur ce dernier, on influe également sur la fécondité d’ensemble. Si les couples ont des enfants plus tôt dans la vie, le vieillissement de la population pourrait être ralenti car un intervalle plus court entre les générations contribue à une pyramide des âges plus jeune. Politiques d’emploi propices aux familles Plusieurs mesures politiques visent à alléger la charge des responsabilités familiales et professionnelles conjuguées. Ces mesures comprennent une aide à la garde des enfants, les congés parentaux et des dispositions de travail souples. Les principes de ce soutien dépassent toutefois la promotion de la fécondité. Le fait d’encourager les mères à entrer sur le marché du travail et à y rester est essentiel pour renforcer et entretenir leurs compétences, accroître la taille et la qualité de la main-d’œuvre et encourager l’égalité entre les sexes.60 La prestation de gardes et de crèches gratuites ou subventionnées pour les enfants est un moyen important de permettre aux mères de travailler. L’appui va des dégrèvements fiscaux pour la garde des enfants à un système exhaustif de crèches et garderies, parrainé par l’État, comme en Suède. Les congés et les avantages maternité datent de longtemps mais le congé « parental » (comprenant les pères) est plus récent. La durée de ce congé varie sensiblement, et les ÉtatsUnis offrent moins de congé que les autres pays industrialisés. Les politiques de la Norvège sont particulièrement généreuses. Toutes les mères ont le droit de retourner au travail à mitemps après la naissance tandis que les Les garderies d’enfants, gratuites ou subventionnées, sont un moyen important de permettre aux mères de travailler. 33 pères doivent prendre une partie du congé parental et ce, pour encourager le partage des responsabilités dans l’éducation des enfants. Les politiques suédoise et néerlandaise encouragent également la participation des hommes à l’éducation des enfants.61 Les réglementations concernant les heures de travail, notamment les horaires souples, le travail à mi-temps et les congés familiaux peuvent également aider les employés à conjuguer les responsabilités professionnelles et familiales.62 Politiques de santé reproductive 34 Les politiques de santé reproductive visent à aider les femmes et les couples à avoir le nombre d’enfants qu’ils souhaitent, d’ordinaire en donnant accès aux services de planification familiale et services connexes. Plusieurs pays d’Europe, toutefois, ont eu recours à ces politiques pour la promotion des naissances, ce qui s’est accompagné d’un certain nombre de conséquences inattendues. Le plus célèbre de ces cas reste la Roumanie. En 1966, le gouvernement totalitaire roumain s’est efforcé d’inverser la régression de la fécondité en Roumanie, par ces mesures draconiennes : interdiction de l’interruption de grossesse, restriction de tous les moyens de contraception, lancement d’une campagne de propagande contre la contraception hormonale et introduction d’incitations pour encourager les femmes à avoir davantage d’enfants. La fécondité est remontée en flèche après le décret de 1966 mais cette augmentation n’a pas perduré. Pour éviter les naissances imprévues, de nombreuses femmes ont eu recours aux interruptions de grossesse illégales, souvent dangereuses, qui ont contribué au taux de mortalité maternelle relativement élevé en Roumanie. De nombreuses familles ont eu des enfants qu’elles ne souhaitaient pas et dont elles n’avaient pas les moyens, et ces enfants sont devenus très souvent pupilles de l’État. Après la chute du gouvernement totalitaire en Roumanie, en 1989, les décideurs de la santé ont rapidement éliminé les restrictions imposées à la contraception et à l’interruption de grossesse et mis au point un programme national de planification familiale. Ce nouveau programme fournissait davantage d’options contraceptives et il est progressivement devenu un programme de santé reproductive exhaustif. Les données des sondages confirment que la santé maternelle et infantile s’est améliorée à la suite de l’introduction de ces mesures.63 La fécondité a poursuivi sa régression pour atteindre 1,2 enfant par femme, bien en dessous de la famille idéale roumaine qui est de deux enfants.64 Ailleurs en Europe, la disponibilité généralisée de la contraception et de l’interruption de grossesse a également contribué à la régression de la fécondité. Cependant, l’expérience roumaine a prouvé que la restriction de l’accès à la planification familiale ne constitue pas une stratégie efficace pour accroître à long terme les taux de fécondité. Politiques d’immigration Une grande partie de la population mondiale est jeune et poursuit sa croissance et selon certains analystes, les immigrants d’âge actif des pays en développement pourraient combler les lacunes de main-d’œuvre des pays dont les populations sont âgées. Au cours des cinquante dernières années, les pays européens et autres pays industrialisés se sont appuyés sur les immigrants pour assurer la maind’œuvre des économies en croissance. Cependant, les forces politiques et sociales des pays d’accueil influent sur les politiques de l’immigration et la plupart des pays restreignent cette dernière.65 Les immigrants provoquent souvent un sentiment public très marqué dans les pays d’accueil, parce qu’ils ont d’ordinaire des antécédents raciaux ou ethniques différents, ils parlent une autre langue et ont une culture et une religion différentes. Les populations autochtones considèrent que les grandes communautés d’immigrants sont une menace pour leurs emplois et leur prédominance ethnique. Bien que de nombreuses entreprises emploient des travailleurs immigrés, les responsables officiels soucieux d’être réélus sont très conscients de ce que de nouvelles vagues importantes d’immigrants sont politiquement impopulaires. En 2000, l’ONU a publié un compte-rendu sur la migration de remplacement, faisant l’estimation du nombre de migrants internationaux nécessaires aux pays pour prévenir une régression et un vieillissement démographiques résultant d’une faible fécondité et d’une longévité accrue. Selon ce rapport, pour prévenir la régression de toute la population européenne, l’immigration devrait se situer au double des niveaux de 1990.66 En outre, les niveaux d’immigration nécessaires pour prévenir le vieillissement, c’est-àdire le maintien de rapports constants entre les populations actives et retraitées, sont bien plus importants car la population active régresse plus rapidement que la population générale. En outre, les immigrants eux-mêmes vieillissent et prennent leur retraite. Ainsi, pour maintenir des rapports constants entre les groupes actifs et retraités, il faudra des niveaux d’immigration hors de proportion par rapport à l’expérience passée et aux attentes rationnelles.67 Le modèle de l’ONU sur la migration de remplacement indique que pour l’Allemagne, 3,4 millions d’immigrants par an seraient nécessaires pour maintenir un rapport constant d’actifs (de 15 à 64 ans) et de retraités (plus de 64 ans). De 2003 à 2050, le nombre total d’immigrants serait de près de 175 millions, soit deux fois la population allemande actuelle. Ainsi, le gouvernement allemand ne peut considérer ce scénario comme étant réaliste.68 L’immigration n’est toutefois pas un sujet totalement clos. Les flux relativement importants d’immigrants vers les États-Unis ont appuyé l’économie et empêché une régression d’ensemble de la fécondité, car les populations immigrantes ont d’ordinaire une fécondité plus élevée que les Américains de naissance. Du point de vue social et politique, l’immigration restera une question délicate, notamment dans les régions où se trouvent des groupes importants de minorités ethniques, produits de l’immigration. Néanmoins, l’immigration est susceptible de continuer dans tous les pays développés et restera une option politique pour réguler la taille des populations. Dans la plupart des pays, Promotion de la fécondité la fécondité ou de l’immigration déterminera la Selon une étude de l’ONU réalisée taille future des en 2000, la plupart des gouvernements confrontés à une basse féconpopulations. dité préfèrent relever la fécondité plutôt que d’accroître sensiblement les flux d’immigrants.69 Toutefois, les tentatives antérieures visant à influer directement sur la fécondité semblent n’avoir eu que des effets provisoires. Les gouvernements se tournent donc vers une démarche plus exhaustive, conjuguant les politiques fiscales (allocations, impôts et primes) aux politiques permettant aux parents d’allier vie professionnelle et vie familiale. En outre, selon l’ONU, davantage de gouvernements considèrent qu’il est nécessaire de changer l’attitude de la société envers les enfants, de valoriser les enfants et d’aider les familles à les élever et à les éduquer. Les gouvernements voient également qu’il est important de changer plus avant les relations entre les sexes, au sein de la famille et au travail et, en particulier, d’encourager les deux parents à élever leurs enfants. « Les gouvernements, et c’est la tendance, s’inquiètent davantage non pas des chiffres démographiques, mais du bien-être des familles, en habilitant les parents à avoir autant d’enfants qu’ils le souhaitent ».70 35 La voie de l’avenir Au siècle dernier, la population mondiale a subi un changement d’ampleur, tant au point de vue des statistiques totales que de sa répartition selon les régions. Le siècle actuel sera sans doute témoin de la phase suivante de cette transition : une fécondité en baisse, une croissance ininterrompue suivie d’une stabilisation ou d’une régression et une redistribution plus profonde des populations, entre les pays développés et en développement d’aujourd’hui. Au cours de la première moitié du XXIe siècle, la croissance de la population mondiale augmentera en flèche dans les régions du monde en développement, c’est-à-dire dans les pays où les populations sont relativement jeunes et dans lesquels les familles ont encore plus de deux enfants. Dans certains pays d’Europe et de l’ex-Union soviétique, les populations vont régresser en raison de leur fécondité inférieure au niveau de remplacement et du vieillissement des populations. La population américaine augmentera sans doute en raison de l’immigration et de sa fécondité de quasi-remplacement. Les prévisions sont-elles certaines ? 36 Bien qu’il soit impossible de déterminer exactement la taille démographique future de l’Algérie, de l’Allemagne ou de l’Inde, nous pouvons toutefois soupeser les possibilités par une série de scénarios probables. Toutes les grandes agences internationales chargées des prévisions démographiques se servent de modèles qui partent des estimations démographiques actuelles et reposent sur des postulats concernant la mouvance au fil du temps de la fécondité, de la mortalité et de la migration. Ces postulats concernant les taux futurs sont peut-être erronés et les conditions qui affectent ces taux peuvent changer inopinément. En raison de ces incertitudes, les démographes créent souvent une série de prévisions fondées sur une gamme de scénarios éventuels de fécondité, de mortalité et de migration. Dans la plupart des pays, la fécondité changera plus rapidement que la mortalité et c’est la fécondité qui déterminera la taille des populations futures, d’où l’axe constant des démographes sur la fécondité. La migration internationale future est plus difficile à prédire que la fécondité et la mortalité car les flux de migration proviennent souvent de changements à court terme des facteurs économiques, sociaux ou politiques, difficiles à prévoir ou à quantifier. En revanche, la fécondité et la mortalité futures sont très tributaires de la pyramide future des âges, qui est principalement déterminée par la taille relative des générations actuelles. Le VIH/sida représente une crise démographique imprévue. Bien qu’il n’affecte pas la taille totale de la population mondiale, il aura une incidence dévastatrice sur la population de certains pays (voir encadré 5, page 38). En effectuant les prévisions démographiques, il convient que les démographes définissent, en qualité de postulat, jusqu’où et avec quelle rapidité la fécondité chutera. Une question centrale est donc de savoir quand, ou si un pays atteindra le niveau « magique » de remplacement de 2,1 enfants par femme. Si la fécondité reste au niveau de remplacement, une population cessera de progresser et se stabilisera à une certaine taille. Dans la pratique, les taux nationaux suivent rarement ce schéma organisé. Certains ISF chutent bien en dessous de 2,1 (l’Italie à 1,2) et d’autres restent au-dessus (l’Argentine à 2,5).71 La théorie de la transition démographique (voir encadré 1, page 7) suggère que la fécondité d’un pays chutera progressivement à environ deux enfants par femme et se stabilisera à ce niveau. Puisque la plupart des pays engagés dans la transition ont chuté en dessous de ce niveau ou ne l’ont pas encore atteint, aucune théorie actuelle ne peut prévoir les niveaux ni les schémas de fécondité. Ces questions sont largement débattues et discutées entre les démographes du monde. Prévisions de l’ONU jusqu’en 2050 Les prévisions les plus employées sont préparées tous les deux ans par la Division de la population de l’ONU ; elles comprennent des prévisions démographiques pour tous les pays du monde, jusqu’en 2050. Elles sont irremplaçables pour évaluer les tendances actuelles et les perspectives. Les trois principaux scénarios de la croissance démographique de la dernière série de l’ONU sont présentés à la figure 10, page 41. D’ici 2050, selon l’ONU, la population mondiale totale progressera entre 7,4 et 10,6 milliards, avec une prévision « intermédiaire » de 8,9 milliards. Dans les prévisions à la hausse, la population mondiale continuera à se développer en 2050, dans les prévisions à la baisse, elle aura entamé une régression progressive (voir tableau 3). Ces dernières années, les prévisions de l’ONU pour 2050 ont été retouchées à la baisse en raison de la mouvance de postulats sur la fécondité. Les démographes de l’ONU prévoient aujourd’hui que la fécondité dans tous les pays chutera finalement pour atteindre une moyenne de 1,85, inférieure à la moyenne des deux enfants, avant de se stabiliser. Quelle que soit la prévision utilisée, l’ONU prévoit qu’au minimum un milliard d’habitants viendra s’ajouter à la population mondiale d’ici 2025. Ces prévisions tiennent compte de l’épidémie du sida qui a eu une incidence dévastatrice sur la population dans certains pays (voir encadré 5, page 38). La croissance démographique mondiale est inévitable dans les 50 ans à venir et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, le taux de fécondité moyen des pays en développement (à l’exclusion de la Chine) est deux fois plus élevé que la moyenne des pays développés. Ensuite, la pyramide des jeunes âges des pays en Tableau 3 Projections démographiques pour quelques grandes régions (2050), trois scénarios 2004 Région/pays Monde Développé En développement 6 378 1 206 5 172 Afrique Afrique subsaharienne Asie Chine Japon Amérique latine/Caraïbes Amérique du Nord Europe Océanie 869 716 3 871 1 313 128 551 329 725 33 2050 Élevée Moyenne Basse Population en millions 10 633 1 370 9 263 2 1 6 1 122 825 318 710 120 924 512 705 52 8 919 1 219 7 699 7 409 1 084 6 325 1 1 5 1 1 1 4 1 803 557 222 395 110 768 448 632 46 516 315 274 129 100 623 390 565 40 Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondial : édition 2002 (2003). développement donne un élan de croissance démographique sur plusieurs décennies, quels que soient les schémas futurs de fécondité. Troisièmement, les améliorations ininterrompues en matière de mortalité infantile et enfantine viendront étoffer la croissance, notamment dans les pays de haute mortalité dont les causes sont facilement évitables. Tendances futures Quelles sont les tendances futures à escompter ? Il est vraisemblable, très probable même, que la fécondité continuera à régresser dans les pays en développement où elle chute déjà et qu’elle commencera à chuter dans les pays où les taux de fécondité sont restés constamment élevés. Toutefois, la taille future des populations sera tributaire non seulement de la chute putative de la fécondité mais encore de la rapidité de cette chute et de son importance. Les niveaux de fécondité actuels sont présentés au tableau 4, page 40, mais les schémas futurs de régression varieront selon les pays et suivront ou non les hypothèses actuelles de l’ONU. 37 Encadré 5 Le tribut croissant du VIH/sida Trente ans après l’explosion du VIH/sida, ce dernier est en passe de devenir l’une des épidémies les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité. Selon les estimations des experts, 20 millions de personnes, au minimum, sont déjà mortes du sida et la plus grande partie des 40 millions de personnes vivant aujourd’hui avec le VIH sont susceptibles de connaître une mort prématurée de dix ans ou plus. En 2003, selon les estimations, cinq millions de personnes venaient de contracter le VIH, dont 95 % environ vivaient dans les pays en développement.1 Selon les prévisions de l’ONU, 45 millions de nouveaux cas de VIH se produiront d’ici 2010, à moins que la communauté internationale ne lance des mesures massives, coordonnées, pour lutter contre l’épidémie.2 Dans les pays en développement, le sida réduit à néant les améliorations sanitaires, gagnées à la force du poignet au course des 50 dernières années, alors que cette maladie fauche les vies de millions de jeunes adultes dans leurs années les plus productives. Les indicateurs du développement humain, tels que la mortalité infantile, l’alphabétisme et la production alimentaire régressent. La maladie ravage les familles, les communautés et les systèmes de santé. De plus, dans les pays gravement touchés, l’économie et la stabilité politique sont également menacées. Régions les plus touchées L’Afrique subsaharienne est la région la plus durement touchée au monde, puisqu’elle contient près des deux tiers de tous les individus touchés par le VIH. Dans cette région où la transmission de la maladie est principalement hétérosexuelle, plus de personnes meurent de maladies liées au sida que de toute autre cause. L’Afrique du Sud englobe le nombre absolu le plus élevé d’infections au monde : 5 millions. Le Botswana possède le taux de séroprévalence adulte le plus élevé : selon les estimations, 39 % des adultes botswanais sont porteurs du VIH. D’autres régions sont également confrontées à de graves épidémies du VIH/sida, bien que le principal mode de contamination varie d’une région à l’autre (voir tableau). La prévalence du VIH est déjà élevée aux Caraïbes et progresse rapidement en Europe de l’Est, dans les républiques de l’ex-Union soviétique et dans de nombreuses régions de l’Asie de l’Est et du Sud. Les milliardaires démographiques, la Chine et l’Inde, ont des taux de prévalence relativement bas mais le nombre de personnes contaminées est inouï : selon les estimations, un million de personnes en Chine et 4,5 millions en Inde vivent avec cette maladie.3 Ces deux pays verront des millions de cas supplémentaires, à moins qu’ils ne lancent des programmes de prévention efficaces et à grande échelle. Santé et espérance de vie En Afrique subsaharienne et ailleurs, le VIH a déclenché une remontée de plusieurs autres maladies infectieuses et contribue à une explosion d’épidémie de tuberculose. Dans les pays lourdement touchés, le VIH a débordé les systèmes publics de santé, surpassé les capacités des L’épidémie du VIH/sida par région du monde : 2003 Région Monde Afrique subsaharienne Asie du Sud et du Sud-Est Amérique latine Europe de l’Est et Asie centrale Asie de l’Est et Pacifique Amérique du Nord Europe de l’Ouest Afrique du Nord et Moyen-Orient Caraïbes Personnes vivant avec le VIH/sida (en millions) 40,0 26,6 6,5 1,6 1,5 1,0 1,0 0,6 0,6 0,5 % de séroséropositifs âgé de 15 à 49 ans 1,1 % 8,0 0,6 0,6 0,7 0,1 0,1 0,6 0,3 2,5 % de femmes séropositives 50 % 58 37 31 26 24 20 26 54 53 Principaux modes de transmission Hétérosexuel Hétérosexuel Hétérosexuel, UDI HSH, UDI, Hétérosexuel UDI UDI, HSH, Hétérosexuel HSH, UDI, Hétérosexuel HSH, UDI Hétérosexuel, UDI Hétérosexuel, HSH Remarque : Les données des deux premières colonnes représentent des valeurs médianes de capacité estimative fournie par l’ONUSIDA. Les principaux modes de transmission sont indiqués par ordre d’importance dans la région. HSH : hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes ; UDI : utilisation de drogues injectables Sources : ONUSIDA, AIDS Epidemic Update: December 2003 et Report on the Global HIV/AIDS Epidemic—Juillet 2002. 38 prestataires de soins, de l’infrastructure et des budgets. Le VIH/sida est aujourd’hui la quatrième cause principale de mort dans le monde entier. En 2003, quelque 3 millions d’adultes et d’enfants sont morts du SIDA, dont 2,3 millions se trouvaient en Afrique subsaharienne.4 Dans quelques pays, tels que le Brésil, où les médicaments sont disponibles pour traiter le VIH/sida, le nombre de morts du sida a chuté mais dans la plupart des pays, les médicaments ne sont ni largement disponibles, ni abordables et le nombre de décès continuera d’augmenter. Le surcroît de morts contribue à la chute rapide de l’espérance de vie. Dans les 38 pays d’Afrique les plus touchés, l’espérance de vie chutera de près de 10 ans entre 2020 et 2025.5 L’espérance de vie moyenne a chuté à 40 ans ou moins au Botswana, au Mozambique et dans six autres pays. Croissance et structure démographiques En dépit du grand nombre de morts dues au sida, la population poursuit sa croissance dans de nombreux pays gravement touchés, bien que cette dernière soit inférieure à ce qu’elle aurait été en l’absence du sida. La population africaine atteindra un milliard d’ici 2050, en raison de la haute fécondité ininterrompue dans la région, mais ce chiffre représente 350 000 personnes de moins qu’en l’absence du sida. En Afrique du Sud, l’un des pays les plus durement touchés, la population actuelle (44 millions) sera, selon les prévisions, de 33 millions en 2050, près de la moitié de ce qu’elle aurait été sans le virus.6 Ce dernier produira une régression démographique dans quelques pays africains, en dehors de l’Afrique du Sud, notamment au Botswana, Lesotho, Mozambique et Swaziland. Selon les prévisions, la croissance démographique s’arrêtera au Malawi, en Namibie et au Zimbabwe. Le VIH/sida frappe en général les populations jeunes, sexuellement actives ; les décès du sida ont donc déformé les profils d’âge et de sexe de la population dans les communautés et les pays les plus touchés. Les personnes sont souvent contaminées à l’âge jeune, adulte et peuvent survivre en moyenne 10 ans à dater de la contamination. Ainsi, les décès du sida sont élevés chez les femmes dans la trentaine et les hommes, âgés d’une quarantaine ou d’une cinquantaine d’années. Les ratios déséquilibrés ont une incidence sur la croissance démographique et sur le bien-être social et économique des régions les plus gravement contaminées. Fléau pour les sociétés La charge de la maladie incombe principalement aux ménages, car les familles doivent soigner les malades ou s’occuper des orphelins dont les parents sont morts du sida, et faire face à une perte de revenus lorsque le soutien de famille décède. En outre, le VIH/sida exerce une pression particulière sur le secteur de la santé, le système éducatif et autres services publics, ainsi que sur l’industrie et l’agriculture. La pandémie mondiale du VIH/sida ne montre aucun signe de ralentissement en dépit des efforts déployés pour la juguler. Le parcours futur de l’épidémie est difficile à prévoir et sera tributaire de plusieurs facteurs : l’efficacité des programmes de prévention pour informer les citoyens sur le VIH/sida et les amener à changer de comportement, la disponibilité des traitements pour ceux qui sont porteurs de la maladie, la disponibilité future d’un vaccin efficace (encore distant), et les ressources financières et humaines consacrées à ces efforts dans le monde entier. Références 1. Programme d’action commun sur le sida (ONUSIDA), AIDS Epidemic Update: December 2003 (Genève : ONUSIDA, 2003), consulté en ligne à l’adresse suivante : www.ONUSIDA.org, le 1er déc. 2003. 2. ONUSIDA, Report on the Global AIDS Epidemic—July 2002, consulté en ligne à l’adresse suivante : www.ONUSIDA.org, le 1er déc. 2003. 3. ONU, Division de la population, The Impact of AIDS (New York : ONU, 2003), consulté en ligne à l’adresse suivante : www.unpopulation.org, le 1er déc. 2003. 4. ONUSIDA, AIDS Epidemic Update: December 2003. 5. ONU, Division de la population, The Impact of AIDS. 6. U.S. Census Bureau, International Data Base, estimations et prévisions démographiques (2002) 39 Table 4 Pays, par étape de régression de la fécondité Fécondité au niveau de remplacement ou inférieure 2,0 ou moins Étape de la régression de la fécondité ISF* en 2003 Peu ou pas de régression 6,0+ Régression modérée 4,0 à 5,9 Régression importante 2,1 à 3,9 Nombre de pays * 21 49 56 71 197 Pourcentage de la population mondiale 2003 4 12 41 43 100 Bangladesh Brésil Indonésie Inde Iran Chine Allemagne Japon Russie États-Unis Pays choisis Afghanistan Bolivie Burkina Faso Irak Congo (Rép. dém.) Kenya Ouganda Nigeria Yémen Pakistan Total * L’ISF correspond au nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge. *Dont la population dépasse 100 000 habitants ou plus. Source : C. Haub, Fiche de données sur la population mondiale 2003, d’après un tableau de Demography de P. Morgan, 40, nº 4 (2003) : 589-603. 40 Les données des sondages au Bangladesh et en Égypte indiquent que la taille moyenne des familles a très peu régressé, voire pas du tout, dans ces deux pays, du milieu des années 90 à l’an 2000. Ces résultats sont surprenants étant donné la chute rapide du nombre d’enfants, de 5 ou 6 enfants à 3,5 en moyenne entre les années 70 et 90. Ces pays ont vraisemblablement calé dans leurs transitions de fécondité, alors que les prévisions de l’ONU présument qu’ils poursuivent leur lancée vers une moyenne de deux enfants. De fait, il est possible que la moyenne des deux enfants soit encore loin ou qu’elle ne sera jamais atteinte dans certaines sociétés. Si la moyenne des deux enfants n’est pas atteinte, la croissance alors se poursuivra. Il nous faut souvent nous pencher sur les schémas au sein des pays pour produire des postulats rationnels sur les tendances de la fécondité. En Inde, par exemple, la fécondité a chuté dans les États plus instruits et plus avancés tels que le Tamil Nadu, où l’ISF estimatif en 2002 était de 1,9. Cependant, le déroulement réel de la croissance démographique future de l’Inde se révélera dans les grands États pauvres du nord de l’Inde tels que l’Uttar Pradesh, avec 170 millions d’habitants en 2002 et un ISF de 4,5.72 Au Bangladesh, selon les données des sondages, le quintile le plus pauvre de la population avait un taux de fécondité de 4,6 alors que le quintile le plus riche était à un niveau de remplacement de 2,2 enfants par femme.73 La question clé pour ceux qui sont chargés des prévisions reste de savoir si les groupes démographiques les plus pauvres et les moins instruits (et également largement ruraux) des pays en développement « rattraperont » les groupes urbains, plus instruits et plus aisés qui, à l’instar des Occidentaux, préfèrent des familles moins nombreuses. Alors que l’urbanisation et la modernisation semblent constituer des forces inexorables, un nombre croissant de citoyens reste désavantagé et mal desservi par les services de santé modernes. Dans les prévisions démographiques d’avenir, ces populations croissantes constitueront un plus grand pourcentage du total et pèseront davantage dans les moyennes nationales que les populations plus aisées, de basse fécondité. De petites différences de fécondité ont des incidences profondes sur la population mondiale. Selon les prévisions, une petite différence dans la taille des familles, 2,5 enfants contre 2,0, se traduit par une différence de 1, 7 milliards d’habitants sur le total de la population mondiale en 2050 (voir figure 10). Figure 10 Projections démographiques mondiales : 2000 à 2050 De quelle manière les gouvernements pourraient-ils intervenir ? Avec 2 à 3 milliards d’habitants supplémentaires au cours des décennies à venir, la population mondiale vient à peine de passer le cap de la moitié de la poussée de croissance qui a commencé vers le milieu du siècle dernier. Toutefois, puisque la régression de la fécondité semble quasi certaine presque partout, de nombreux gouvernements ont détourné leur attention de la croissance démographique pour la porter sur d’autres questions pressantes. Il existe plusieurs motifs à ce changement d’axe :74 ■ Les gouvernements des pays développés, notamment en Europe et au Japon, sont préoccupés par la basse fécondité et l’éventuelle régression démographique dans leurs pays. ■ De nombreux analystes et gouvernements seraient persuadés que la tendance actuelle, dans le sens d’une fécondité en baisse dans les pays développés, serait universelle et impossible à stopper. ■ Les agences et les gouvernements bailleurs de fonds ont réorienté leurs ressources pour lutter contre l’épidémie du VIH/sida, qui prend figure de crise en Afrique australe et menace de le devenir en Asie. Ces prévisions présument des augmentations ininterrompues de l’utilisation des contraceptifs dans les pays en développement. L’ONU note dans ses prévisions publiées que la régression escomptée à de faibles niveaux de fécondité est « tributaire de l’accès assuré aux couples à la planification familiale ».75 Ce développement est loin d’être certain. En l’absence d’une aide étrangère importante pour étayer ces programmes, on ignore si les gouvernements nationaux continueront à les appuyer au niveau nécessaire pour les popula- * L’ISF correspond au nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme aux taux de natalité qui prévalent pour son groupe d’âge. Sources : ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondiale : édition 2002 (2003). tions en croissance. Il sera particulièrement difficile de maintenir un approvisionnement continu de contraceptifs modernes. Sans subvention de l’État, les produits tels que les préservatifs, les pilules anticonceptionnelles et les stérilets sont trop onéreux pour la plupart des citoyens des pays à faibles revenus. La réalisation des autres buts de l’ONU, notamment l’amélioration de l’éducation des filles et la valorisation du statut des femmes, renforcera les objectifs des programmes de planification familiale, bien qu’ils ne fassent pas disparaître le besoin d’une contraception moderne. La promotion de la santé des femmes et de leurs droits contribuera sans doute à la transition en faveur de familles moins nombreuses mais ces progrès exigeront également des efforts de longue haleine dans les sociétés les plus pauvres en raison de la résistance culturelle au changement. Au XXIe siècle, la croissance démographique ininterrompue présente bon nombre des mêmes défis pour le développement que la croissance rapide au siècle dernier. Cependant, les interventions des gouvernements 41 face à la croissance sont profondément différentes de celles d’il y a encore dix ans. Les politiques visant à juguler la démographie ne sont plus appréciées dans la plupart des pays, en raison des inquiétudes quant à la protection des droits de la personne. En outre, selon nombre de gouvernements, ces politiques ne sont plus nécessaires. Les politiques visant à augmenter les choix et les possibilités des femmes sont beaucoup plus acceptables aujourd’hui et peuvent améliorer le bien-être de la société, tout en aidant les couples à atteindre leurs buts de procréation. Questions pour l’avenir Les prévisions démographiques mondiales sont précieuses et informatives mais elles se fondent sur des postulats actuels concernant des événements lointains. Au fur et à mesure des événements, les démographes ajusteront progressivement leurs prévisions. Citons quelques questions auxquelles les démographes devront faire face : ■ Les habitants d’Afrique, d’Asie et d’Amérique viendront-ils à préférer les familles beaucoup moins nombreuses, à l’instar des couples en Europe ? ■ Les pays en développement serontils en mesure de fournir des services de planification familiale à leurs populations diversifiées, pauvres, comme le présument les 42 prévisions ? L’épidémie du VIH/sida en Asie et dans d’autres régions en développement atteindra-t-elle les proportions de catastrophe que l’on voit aujourd’hui en Afrique australe ? ■ La mortalité accrue du VIH/sida poussera-t-elle les couples à avoir des familles plus nombreuses, inversant ainsi la régression de longue durée de la fécondité dans les pays en développement ? ■ Les changements climatiques et la détérioration environnementale menaceront-elles la santé humaine ? ■ Les couples en Europe et dans d’autres sociétés à basse fécondité auront-ils davantage d’enfants, menant à une augmentation de la fécondité ? Il sera intéressant et vital, de suivre les réponses à ces questions dans les années à venir. D’un point de vue mondial, les changements intervenant dans les plus grands pays auront la plus grande incidence sur la population mondiale. Mais dans tout pays individuel, les changements démographiques auraient de graves incidences sur l’économie, l’environnement, la santé et la qualité de vie. Alors que la croissance démographique suit ou diverge de sa voie prévisionnelle, les gouvernements devront faire face à ses répercussions, qu’ils se soient dotés ou pas d’une politique démographique explicite. ■ Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. Les termes « plus avancé », « développé » ou « industrialisé » concernent l’Australie, le Canada, le Japon, la Nouvelle Zélande, les États-Unis et toute l’Europe. Les termes « moins avancé » ou « en développement » concernent tous les autres pays. Ces appellations se fondent sur des définitions des Nations Unies remontant aux années 50, choisies pour distinguer les pays dotés d’économies plus riches et plus modernes des autres pays. Ces termes constituent encore un moyen commode pour détailler les schémas du passé, toutefois ils sont moins pertinents pour les schémas et les prévisions actuels en raison de la mondialisation et du fait que de nombreux pays anciennement en développement possèdent aujourd’hui des économies industrialisées. Division de la population des Nations Unies (ONU), Determinants and Consequences of Population Trends, vol. I (New York : ONU, 1973) : 110-25. Peter Lamptey et al., « Facing the HIV/AIDS Pandemic », Population Bulletin 57, nº 3 (2002). Jose Louis Bobadilla et Christine A. Costello, « Overview », dans Premature Death in the New Independent States, éd. Jose Louis Bobadilla, Christine A. Costello, et Faith Mitchell (Washington, DC : National Academy of Sciences, 1997) : 1-31. ONU, Division de la population, Determinants and Consequences : 64-72. ONU, Division de la population, Perspectives de la population mondial : édition 2002 (New York : ONU, 2003). 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Pour un milliard de personnes ou davantage vivant avec moins d’un dollar (américain) par jour, les services de santé et les médicaments modernes restent hors de portée. De nombreuses initiatives visant à améliorer la santé de ceux qui vivent dans la pauvreté extrême ont échoué. Cette publication du PRB étudie en profondeur le schisme de la santé entre les riches et les pauvres et ce que l’on peut faire pour le combler. Le marketing social : au service de la transformation du comportement des jeunes par Josselyn Neukom et Lori Ashford, 2003 Des programmes visant les jeunes au Cameroun, à Madagascar et au Rwanda utilisent les dernières innovations en matière de marketing social pour la prévention des grossesses non planifiées et des infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH/sida. En collaboration avec le secteur privé, les programmes ont renforcé la disponibilité et la « convivialité » des préservatifs et autres produits et services de santé de la reproduction autrement inaccessibles pour les jeunes célibataires. Rapports de politique générale du PRB (titres choisis, disponibles sur www.prb.org/francais) • « Souffrances caches : handicaps provoqués par la grossesse et l’accouchement dans les pays moins avancés », par Lori Ashford, 2002 • « Des forêts en bonne santé pour des personnes en bonne santé—population et déforestation », par Jonathan Nash, 2002 Fiches de données du PRB Publiées en anglais, en français et en espagnol • Les femmes de notre monde 2005, par Lori Ashford, 2005 • Fiche de données sur la population mondiale, par Carl Haub. La Fiche de données annuelle sur la population mondiale du PRB contient les estimations, prévisions et autres indicateurs clé d’actualité concernant 200 pays. • La planification familiale dans le monde, par Carl Haub, 2002 Pour commander les publications du PRB, veuillez nous contacter à l’adresse suivante : Population Reference Bureau 1875 Connecticut Ave., NW, Suite 520 Washington, DC 20009-5728, États-Unis Téléphone : 202 483-1100 Télécopieur : 202 328-3937 Courriel : [email protected] Site Web : www.prb.org/francais Pour lire les publications du PRB, consultez notre site à l’adresse suivante : www.prb.org/francais 46 Population Reference Bureau 1875 Connecticut Avenue, NW, Suite 520 Washington, DC 20009-5728 États-Unis 202-483-1100 www.prb.org 7 5 e A N N I V E R S A I R E • 1 9 2 9 - 2 0 0 4