Théorème de Cauchy-Lipschitz et applications
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Théorème de Cauchy-Lipschitz et applications
Théorème de Cauchy-Lipschitz et applications Lefeuvre thomas & Ginguené franck 30 mars 2012 1 Table des matières 1 Théorème du point fixe 1.1 Énoncé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Démonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 3 2 Théorème de Cauchy-Lipschitz 2.1 Énoncé . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Démonstration . . . . . . . . . . . 2.3 Corollaire 1 : . . . . . . . . . . . . 2.4 Corollaire 2 (Équation différentielle . . . . 4 4 4 6 6 3 Exemples 3.1 Exemple 1 : équation différentielle autonome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Exemple 2 : équation différentielle non-autonome . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Exemple 3 : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 6 9 11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . autonome) : 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Théorème du point fixe 1.1 Énoncé Théorème 1 (Point fixe (Picard)). Soit (E, d) un espace métrique complet (non vide) et T : E → E une application contractante (i.e. : ∃k < 1 tel que : ∀x, y ∈ R, d(T (x), T (y)) < d(x, y)). Alors il existe un unique point fixe a ∈ E, tel que T (a) = a. De plus, toute suite d’éléments de E définie par. ( xp+1 := T (xp ) (xp )p∈N := (1) x0 ∈ E converge vers a. 1.2 Démonstration On montre d’abord l’unicité du point fixe puis son existence : * unicité : Supposons qu’il existe a, b ∈ R tels que : T (a) = a et T (b) = b alors on a trivialement : d(T (a), T (b)) = d(a, b) ⇔ d(T (a), T (b)) =1>k d(a, b) Ce qui contredit la définition de T . * existence : Soit x0 un point initial quelconque et (xp )p∈N la suite des itérés associée. On a alors : d(xp , xp+1 ) = d(T (xp−1 ), T (xp )) ≤ kd(xp−1 , xp ) On montre par récurrence sur p que : d(xp , xp+1 ) ≤ k p d(x0 , x1 ) – Initialisation : Trivial pour p=0. – Récurrence : On suppose la propriété (2) vérifiée pour un p fixé. Alors d(xp+1 , xp+2 ) = d(T (xp ), T (xp+1 )) ≤ kd(xp , xp+1 ) ≤ k.k p d(x0 , x1 ) ≤ k p+1 d(x0 , x1 ) Ce qui prouve la récurrence. On a alors ∀ q > p : d(xp , xq ) ≤ q−1 X q−1 X d(xl , xl−1 ) ≤ k l d(x0 , x1 ) l=p l=p 3 (2) De plus, pour tout p > q, q−1 X l k ≤ l=p +∞ X kl = l=p D’où : d(xp , xq ) ≤ kp 1−k kp d(x0 , x1 ) 1−k On peut montrer, à partir de cette inégalité que (xp )p∈N est une suite de Cauchy. Comme de plus (E, d) est complet, (xp )p∈N converge vers un point a ∈ E De plus, comme T est continue et T (xp ) = xp+1 : T (a) = lim T (xp ) = lim xp+1 = a. p→+∞ p→+∞ Donc par unicité de la limite, on a T (a) = a. 2 Théorème de Cauchy-Lipschitz 2.1 Énoncé Théorème de Cauchy-Lipschitz. (version globale) : Soit f une fonction de deux variables réelles à valeurs réelles : f: [a, b] × Rn (t, y) → 7 → Rn f (t, y) Considérons le problème de Cauchy suivant : ( y 0 (t) = f (t, y) y(t0 ) = y0 ; t0 ∈ [a, b] (E) Si la fonction f est continue et k–Lipschitzienne en y, i.e. si f vérifie la condition de Lipschitz : ∃k > 0 / ∀ t ∈ Rn , ∀ (x, y) ∈ [a, b]2 , | f (x, t) − f (y, t) | ≤ k |x − y| alors il existe une et une seule solution y(t) de l’équation différentielle définie pour tout t ∈ [a, b] , vérifiant la condition initiale donnée. 2.2 Démonstration Soit f : [a, b]×Rn → Rn une fonction continue, lipschitzienne par rapport a y. Soit le système : ( y 0 (t) = f (t, y) (E) y(t0 ) = y0 ; t0 ∈ [a, b] C’est-à-dire : ∃L > 0 tel que ∀(t, x), (t, y) ∈ [a, b] × Rn , on a : 4 ||f (t, x) − f (t, y)|| ≤ L||x − y|| Le système (E) est équivalent à la forme intégrale (par Taylor) : t0 Z y 0 (s) ds, y(t) = y(t0 ) + ∀t ∈ [a, b] t t0 Z y(t) = y0 + f (s, y(s)) ds t on définit l’opérateur : Z t0 Ty (t) = y0 + f (s, y(s)) ds t y solution de (E) ⇔ y(t) = Ty (t) ∀t ∈ [a, b] Soit X = C([a, b], Rn muni de la norme ||.||∞ telle que : ||f || = supe−α|t−t0 | |f (t)| α>0 x6=0 On a : T :X → X s 7→ f (s, y(s)) est continue, et donc Z t 7→ t0 f (s, y(s)) ds t est C 1 et donc continue. On va montrer qu’avec un choix judicieux de α, T est une contraction. Soient x, y, z ∈ X Z t0 (Ty − Tz )(t) = f (s, y(s)) − f (s, z(s)) ds t Z t0 |Ty (t) − Tz (t)| ≤ L |y(s) − z(s)| ds t Z t0 −α|t−t0 |+α|s−t0 | −α|t−t0 | ≤ L e e |y(s) − z(s)| ds t Z t0 −α|t−s| ≤ L e ds ky − zkα t On peut donc majorer l’intégrale ainsi 5 Z t0 e −α|t−t0 | t ds Z ≤ e−α|t−s| ds R Z ≤ e−α|s| ds ZR∞ ≤ e−αs ds 0 ≤ 2 α Ceci implique que kTy − Tz kα ≤ 2L α kyz kα 2L On choisit α tel que α < 1 ⇒ T : (X, k.kα ) est une contraction ⇒ Ty = y admet une seule solution ! 2.3 Corollaire 1 : Soit I un intervalle bornée ou non. Soit f : I × Rm → Rn une fonction continue et vérifiant la condition de Lipschitz sur tout J × Rm avec J = [a, b] ⊂ I. Alors l’edo : ( y 0 = f (t, y) (3) y(t0 ) = y0 admet une unique solution y : I → Rn . 2.4 Corollaire 2 (Équation différentielle autonome) : Si f : Rm × Rn est lipschitzienne alors l’EDO autonome ( f ne dépend pas de t) : ( y 0 = f (y(t)) y(t0 ) = y0 (4) admet une unique solution globale y : R → Rn de classe C 1 3 Exemples 3.1 Exemple 1 : équation différentielle autonome On considère le problème de Cauchy suivant : ( y 0 (x) = f (y(x)) avec f (y) = sin y y(0) = y0 ∈ R 6 (5) 1. Vérification des hypothèses : La fonction f vérifie la condition de Lipschitz, à savoir que f est lipschitzienne par rapport à y. Pour s’en convaincre, voila une démonstration possible : preuve : Soit la fonction f suivante : f: R t → R 7→ f (t) = sin(t) f est continue et dérivable sur n’importe quel intervalle ]x, y[ , x, y ∈ R. On peut donc appliquer le Théorème des Accroissements Finis sur ce même intervalle. Ce qui nous donne : ∃ c ∈ R tel que : |f (y) − f (x)| ≤ f 0 (c)|y − x| ⇔ |f (y) − f (x)| ≤ cos c|y − x| comme : ∀ c ∈ R, cos c ≤ 1 alors : ⇔ |f (y) − f (x)| ≤ |y − x| On a donc montré que f est 1-lipschitzienne, ce qui conclut la démonstration. Comme f vérifie les conditions de Cauchy-Lipschitz, le théorème du même nom nous dit qu’il existe une unique solution maximale sur l’intervalle [T− , T+ ] avec (T− , T+ ) ∈ R− ×R+ . Voyons si l’on peut trouver cette solution : 2. Résolution théorique : * On remarque que x 7−→ kπ, k ∈ Z sont des solutions stationnaires au problème (En particulier x 7−→ 0; pi sont solution). On montre alors facilement que pour y0 6= kπ, k ∈ Z, on a sin y 6= 0. * On montre maintenant—en se limitant au cas où y0 ∈]0, π[—que l’unique solution y vit dans ]0, π[. En effet, si la solution "déborde" de cet intervalle, par continuité on a qu’il existe c ∈ [T− , T+ ] tel que y(c) = 0 ou y(c) = π or dans ce cas, y vérifie le même problème de Cauchy que les solutions stationnaires. En particulier, y0 = 0 ou y0 = π ce qui est absurde. * On montre que la solution maximale est définie sur R. Supposons, sans perte de généralité, que T+ < +∞ alors, on a lim |y| = +∞. Or on a vu juste avant que y était x→T+ x<T+ borné sur son intervalle de définition. 7 * Résolvons maintenant le problème de Cauchy pour y0 6= kπ, k ∈ Z. On considère l’équation différentielle suivante : y 0 = sin y (6) C’est un équation à variables séparées que l’on peut exprimer : y0 =1 sin y On intègre de chaque coté : Z 1 dy = sin y Z 1 dx Z 1 ⇔ Z 2 sin y2 cos y dy = 1dx 2 Par un jeu d’écriture on obtient : ⇔ 1 2 Z Ou encore : Z ⇔ 1 cos2 sin cos y 2 y 2 y 2 Z dy = tan0 y2 dy = tan y2 1dx Z 1dx D’où finalement : y ⇔ ln (tan ) = x + c, c ∈ R. 2 De plus, on a la condition y(0) = y0 d’où l’on tire : c = ln (tan y20 ). Il nous reste à exprimer y : y(x) = 2 arctan (tan ( y20 )ex ) 3. Représentation des solutions : On a tracé quelques solutions pour y0 ∈ [0, π] : 8 Remarque sur les solutions : On voit nettement que les solutions sont monotones et ’vivent’ entre les solutions stationnaires établies plus haut. 3.2 Exemple 2 : équation différentielle non-autonome On considère cette fois-ci le problème de Cauchy suivant : y 0 (x) = f (t, y(x)) avec f (t, y) = cos t 1 + ey y(0) = y0 ∈ R 1. Vérification des hypothèses : f est Lipschitzienne au sens où elle vérifie la condition suffisante suivante : sup | (t,y)∈R ∂f (t, y)| < +∞ ∂y Voici une proposition de preuve : preuve : On calcule la dérivée partielle de f par rapport à y : ∂f −ey cos t (t, y) = ∂y 1 + ey D’où, comme | cos x| ≤ 1, ∀x ∈ R : | ∂f ey cos t ey (t, y)| = | |≤ y ∂y 1+e 1 + ey 9 (7) Et comme ey 1+ey <1: | ∂f (t, y)| ≤ 1 < +∞ ∂y Ce qui conclut la démonstration. Comme f vérifie les conditions de Cauchy-Lipschitz, le théorème du même nom nous dit qu’il existe une unique solution maximale sur l’intervalle [T− , T+ ] avec (T− , T+ ) ∈ R− ×R+ . On résout maintenant le problème : 2. Résolution théorique : * Mutatis mutandis, on peut utiliser la même méthode que dans l’exemple 1 pour montrer que la solution maximale est définie sur R tout entier. (Utilisation du critère d’explosion) * On peut résoudre maintenant le problème de Cauchy pour y0 ∈ R : On considère l’équation différentielle suivante : cos t (8) y0 = 1 + ey C’est un équation à variables séparées que l’on peut exprimer comme : y 0 (1 + ey ) = cos t On intègre de chaque coté : Z y (1 + e )dy = Z cos tdt D’où : ⇔ y(t) + ey(t) = sin t + c, c ∈ R. De plus, on a la condition y(0) = y0 d’où l’on tire : c = y0 + ey0 . Malheureusement, on ne peut pas—contrairement à l’exemple précédent—trouver une expression explicite de y(t). Cependant, on peut réécrire l’équation de façon plus agréable : On pose la fonction F définie par : F : R t → R 7 → F (t) = t + et Alors on a F 0 (t) = 1 + et ⇒ F 0 (t) ≥ 0 ; ∀t ∈ R ⇒ F croissante sur R 10 ⇒ F est une bijection sur R (puisque F est continue) On peut donc écrire la solution y sous cette forme : y(x) = F −1 (sin x + ey0 + y0 ) 3. Représentation des solutions : On a tracé quelques solutions pour y0 ∈ [0, 3] : 3.3 Exemple 3 : Soit le système : ( y 0 = ecos(t 2 y) y(0) = 0 (9) Montrer que ce système admet une unique solution globale. Soit f : R×R (t, y) → R cos(t2 y) 7 → e Soit a < b, alors f est lipschitzienne par rapport à y sur [a, b] × R 2 ∂f (t, y) = −t2 sin(ty )ecos(t y) ∂t ∂f (t, y)| ≤ t2 e ≤ max(a2 , b2 )e ∂t D’après le corollaire 1 du Théorème de Cauchy-Lipschitz, le système admet une unique solution globale. | 11 Références [1] Hmidi Taoufik, Cours sur les équations différentielles, Rennes1, 2012. [2] S. Lang, Analyse réelle, InterEdition, Paris, 1977. [3] Minazzo Clémence & Rider Kelsey, Théorèmes du Point Fixe et Applications aux Équations Différentielles, Université de Nice-Sophia Antipolis, Mémoire de Master 1 de Mathématiques, 2006-2007 12