Oser l`aventure de l`Amour sous le regard du Père

Transcription

Oser l`aventure de l`Amour sous le regard du Père
Pause-Carême 2013
Marianne von Allmen-Kohler,
Pasteure de l’Église Protestante Unie de France
Livron-sur-Drôme
Samedi 2 Mars (Luc 15, 1-3.11-32)
Oser l'aventure de l'Amour sous le regard du Père
La parabole des deux fils montre une sorte de retournement : le cadet, le fils prodigue a
appris l’humilité parce qu’il s’est retrouvé affamé, dans le manque. Cette faim et cette
humilité lui ont permis de découvrir la miséricorde du père. Le fils aîné, lui, connaît
l’humiliation : l’humiliation devant la surabondance de la bonté paternelle qui blesse son
orgueil spirituel. Cet orgueil spirituel le rend incapable, à cet instant, de vivre la proximité
du père, ainsi que l’accueil et la générosité envers son frère. Pour se réjouir du retour de son
frère et entrer dans la fête offerte par Dieu, il lui faut d’abord surmonter la logique du
devoir et accepter l’extraordinaire accueil et liberté que le Père offre à ses enfants à ses
côtés.
Le père, lui, est miséricordieux pour chacun de ses deux fils. Et c’est bien cet amour
miséricordieux qui est au cœur de cette parabole. Cette puissance miséricordieuse de Dieu,
dont ce père est ici la figure, nous est montrée sous deux regards :
- Celui du Père qui regarde au loin et attend constamment le retour de son enfant. Ce
regard nous apprend que nous sommes toujours attendus par notre Père, même lorsque
nous nous sommes éloignés de son amour.
- Et, d’autre part, le regard du Père qui vient écouter notre incompréhension, notre colère
ou notre révolte, et nous donner une parole de vie : "tu es toujours avec moi ". Une parole
de vie qui nous permet de nous dépouiller de ce que l’on croyait savoir sur notre Père. Son
amour, son accueil et son pardon dépassent nos logiques humaines. Une parole de vie qui
nous permet de vivre dans la communion paternelle, et en communion avec nos frères,
quels que soient leurs parcours ou leurs cheminements.
Autrement dit, à l’image de ce père, l’accueil infini est le moyen dont Dieu use pour offrir à
ses enfants la possibilité de sortir de l’enfermement : enfermement dans l’indépendance ou
enfermement dans le devoir. Il offre ainsi à chacun la possibilité d’un autre chemin, ouvert
sur une vraie liberté et une vraie relation à l’Autre.
Par son attitude, le père de la parabole rappelle ici que seule la puissance de l’amour peut
transformer la réalité, provoquer le changement, et faire advenir la nouveauté dans la vie
quotidienne.
Par ailleurs, au regard de cette puissance de transformation qu’est l’amour, la parabole
nous enseigne ici ce que peut être le péché.
Les deux fils représentent - chacun à sa manière - l’homme qui ne se tient plus « devant
Dieu », mais recroquevillé en lui-même et qui cherche à se construire par ses propres
moyens en ne comptant que sur lui-même.
Le péché du fils cadet, c’est de vouloir se poser seul, face à Dieu, dans une revendication
d’autonomie, vouloir être seul sans Dieu.
Le remède au péché advient ici avec l’humilité, la conversion, la reconnaissance de notre
dépendance, de notre misère et de notre indignité.
Le péché du fils aîné, c’est l’orgueil spirituel de celui qui pense accomplir parfaitement son
devoir. C'est de se croire meilleur que les autres et de juger son prochain dans un esprit
comptable. C’est de ne pas accepter que la bonté et la justice de Dieu dépassent nos petites
logiques humaines.
Le remède au péché advient ici qu’avec l’acceptation de changer notre regard sur Dieu et
notre prochain. Il commence avec l’acceptation de la scandaleuse miséricorde du Père,
l’acceptation de s’en remettre à sa seule grâce, et à répondre à son invitation, pour
partager sa fête avec nos frères.
C’est dans le cheminement de la reconnaissance, d’une part, de notre dépendance et de
notre indignité, et, d’autre part, de la générosité et de la surabondance de l’amour du Père
que nous accédons à la véritable liberté : celle d’être des "enfants de Dieu " et des " sœurs et
des frères ", accueillis et aimés tels que nous sommes, inconditionnellement, par Celui qui, à
lui seul, fait toutes choses nouvelles.
Alors, que nous soyons, tour à tour, cadet ou aîné, l’Evangile nous appelle à entrer dans la
liberté des enfants de Dieu : à nous libérer de notre volonté d’autonomie et de notre
orgueil, pour accueillir la grâce du Père. Ce dernier nous invite à l’accueil et à la
réconciliation, à la générosité et à la communion avec nos sœurs et frères.
Christ nous engage à oser vivre cet amour entre Père et fils et entre sœurs et frères.
Osons l’aventure de l’Amour, sous le regard du Père. Amen !
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