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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France Numéro 27 - hiver 2015 27 A la une Le phare de Goury au coucher du Soleil GROUPEMENT D’ASTRONOMES AMATEURS COURRIEROIS Adresse postale GAAC - Simon Lericque 12 lotissement des Flandres 62128 WANCOURT Internet Site : http://www.astrogaac.fr E-mail : [email protected] Les auteurs de ce numéro Michel Pruvost - Membre du GAAC E-mail : [email protected] Site : http://cielaucrayon.pagesperso-orange.fr Jérôme Clauss - Membre du GAAC E-mail : [email protected] Site : http://www.astrosurf.com/shootingstar Simon Lericque - Membre du GAAC E-mail : [email protected] Site : http://lericque.simon.free.fr L’équipe de conception Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique Arnaud Agache : relecture et diffusion Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées Olivier Moreau : conseiller scientifique Auteur : Simon Lericque Date : 27/10/2014 Lieu : Goury (50) Matériel : APN Canon EOS7D et téléobjectif Canon 70-300 Edito Pour ce premier numéro de l’année 2015, le patrimoine astronomique est mis à l’honneur. L’observatoire de Gand et sa splendide lunette, Rome et la belle méridienne de la basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martiri, ou encore l’horloge astronomique de Fécamp : plusieurs sites, plusieurs lieux que nous avons visité ces derniers temps et que nous avons voulu vous faire découvrir. Les articles ‘‘de fond’’ n’ont pas non plus été négligés avec la poursuite de la série consacrée aux satellites planétaires du Système solaire et la découverte approfondie d’une nouvelle étoile : Sirius. Pas de trimestre sans compte rendu de voyage : c’est dans le Cotentin que nous avons posé nos valises cet automne. Un sommaire éclectique une fois de plus qui, nous l’espérons, saura trouver grâce à vos yeux. Bonne lecture ! Sommaire 4������������������������������������������������Les lointaines lunes d’Uranus par Simon Lericque 15......................................................Histoires d’étoile : Sirius par Michel Pruvost 20...L’observatoire de Gand et la lunette de Van Monckhoven Simon Lericque 26�������������������������������������������������������La méridienne de Rome par Jérôme Clauss Edition numérique sous Licence Creative Commons 31������������������������������������������ Quelques jours dans le Cotentin par Simon Lericque 41����������������������������������������������������������������������������� La galerie • • • • ACTU DU GAAC C’était en automne Fête de la Science 2014 Rencontres du Ciel et de l’Espace 2014 Visite du planétarium de Ludiver 18ème Nuit Noire du Pas-de-Calais Conférence de Marc Lachièze-Rey à Lille Assemblée Générale d’Astroqueyras Escapade en Cotentin Conférence de Carine Souplet à Saint-Quentin 19ème Nuit Noire du Pas-de-Calais Horloge astronomique de Fécamp Salon de l’astrophoto à Mont Bernenchon Ce sera cet hiver Les 24 BA Les RAC 2014 20ème Nuit Noire Le GAAC participera à la nouvelle édition des 24 heures basiliennes d’astronomie organisées par l’association Plaine aux Etoiles. Ce sera les 24 et 25 janvier prochains. La troisième édition des Rencontres Astronomiques de Courrières se déroulera du 3 au 5 avril 2015 au Centre Culturel de Courrières. Le programme sera riche, venez nombreux ! Le 14 février prochain, la Nuit Noire du Pas-de-Calais fêtera sa vingtième édition dans la noirceur de Radinghem. Espérons un ciel dégagé et de nombreux participants. Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html • • • • SCIENCES Les lointaines lunes d’Uranus Par Simon Lericque Après les satellites de Saturne (la Porte des Étoiles numéro 13), ceux de Jupiter (la Porte des Étoiles numéro 17) et ceux de Mars (la Porte des Étoiles numéro 24), continuons notre découverte des satellites planétaires du Système solaire et mettons désormais le cap vers la lointaine géante glacée Uranus pour y découvrir son environnement méconnu et jusqu’à lors, hélas, peu exploré par les sondes spatiales. La Porte des Etoiles n°27 • • • • SCIENCES Histoire des découvertes Planète théoriquement visible à l’œil nu, avec une magnitude oscillant entre 5.6 et 5.9, Uranus est malgré tout la première planète à avoir été découverte et validée par l’observation télescopique. Bien qu’elle ait probablement été observée de manière fortuite par l’astronome français Pierre Charles Le Monnier ou par l’illustre Galilée, c’est bien William Herschel qui est crédité de la découverte de la septième planète du Système solaire. C’est en effet le célèbre astronome britannique qui se rendra compte de la nature exotique de cet astre, bien qu’il ait longtemps soutenu qu’il s’agissait d’une comète. Il l’observera pour la première fois le 31 mars 1781 avec un télescope de 150 William Herschel (1738-1822) Le télescope d’Herschel millimètres de diamètre depuis le jardin de sa maison de Bath à l’Ouest de l’Angleterre. Après plusieurs échanges avec la Royal Astronomical Society et l’astronome royal Nevil Maskelyne de l’observatoire de Greenwich, la publication de la découverte sera finalement faite le 23 avril 1781. Il faudra ensuite de longs mois pour que cet objet déniché par Herschel soit unanimement reconnu comme une planète à part entière par la communauté scientifique internationale. Six ans après la découverte de la planète, le 11 janvier 1787, c’est ce même William Herschel qui observe pour la première fois deux satellites autour d’Uranus. Ils seront baptisés par la suite Titania et Obéron. Bien des décennies plus tard, en 1851, William Lassel, un autre astronome britannique ayant fait fortune dans la brasserie de bière - découvrira les deux lunes suivantes, Ariel et Umbriel. Gerard Kuiper (1905-1973) W. Lassell (1799-1880) La cinquième et dernière lune majeure d’Uranus fut observée pour la première fois le 16 février 1948 par l’astronome néerlandais Gerard Kuiper depuis l’Observatoire Mac Donald au Texas. Ce sera le dernier satellite déniché avant l’avènement de l’ère spatiale. Les découvertes suivantes seront à mettre au crédit de Voyager 2, la seule et unique sonde spatiale à avoir survolé le système d’Uranus. En décembre 1985, Puck, sera photographié pour la première fois. Neuf autres lunes très proches de la surface de la planète seront immortalisées par la sonde interplanétaire courant janvier 1986 : Juliette, Portia, Cressida, Desdémone, Rosalinde, Belinda, Cordélia, Ophélie et Bianca. Une dernière, Perdita, fut retrouvée en 1999 sur de vieux clichés du survol de Voyager 2. Le 6 septembre 1997, les dix-septième et dixhuitième lunes, baptisées Caliban et Sycorax, seront révélées par l’équipe de Brett James Gladman. Pour cela, ils auront utilisé le télescope Hale de 5 mètres de diamètre de l’Observatoire du Mont Palomar. Trois nouveaux satellites viendront s’ajouter à la liste La Porte des Etoiles n°27 Voyager 2, seule sonde spatiale à avoir survoler Uranus et son système, c’était en 1986. • • • • SCIENCES au cours de l’année 1999 : Setebos, Stephano et Prospero, révélés le 18 juillet avec le Canada-France-Hawaï Telescope de 3.6 mètres de diamètre par l’équipe de John J. Kavelaars, Matthiew J. Holman et le même Brett J. Gladman. La même équipe (ou quasiment) trouvera de nouveau trois satellites au cours de la nuit du 13 août 2001 : Trinculo, Ferdinand et Francesco. Enfin, les trois derniers satellites d’Uranus furent révélés en 2003. Sur des images acquises le 25 août par le télescope spatial Hubble, Mark R. Showalter et Jack J. Lissauer découvrirent Cupidon et Mab. Le vingt-septième et ultime satellite (à ce jour) découvert le fut à peine quatre jours plus tard, le 29 août. Ce sont Scott S. Sheppard et David Jewitt qui, en utilisant le télescope Subaru de 8.3 mètres de diamètre à Hawaï, retrouvèrent Margaret. Le HST scrute aussi les planètes glacées L’origine des noms Longtemps, les premiers satellites d’Uranus n’auront comporté que des matricules. Dans ce sens, William Lassel classera les quatre premières lunes uraniennes de la plus proche I, à la plus éloignée IV. Par la suite, les matricules seront donnés par ordre chronologique. D’ailleurs, il faut savoir que parallèlement aux noms propres, l’Union Astronomique Internationale continue d’appliquer cette dénomination sous forme de matricule. C’est en fait John Herschel, fils de William qui, en 1852, sera le premier à proposer de nommer les satellites. Il abandonnera la mythologie grecque comme cela se faisait traditionnellement à l’époque, pour se tourner vers la littérature britannique. C’est dans les œuvres de William Shakespeare et d’Alexander Pope qu’il va trouver l’inspiration : en effet, Obéron et Titania sont des fées dans Le songe d’une nuit d’été et Ariel et Umbriel sont des sylphes dans La boucle de cheveux enlevée. Les dénominations des lunes modestes ne dérogent pas à la règle et sont elles aussi issues de pièces de Shakespeare. Ainsi Puck vient du Songe d’une nuit d’été, Cordélia du Roi Lear, Ophélie d’Halmet, Bianca de La mégère apprivoisée, Cressida de Troïlus et Cressida, Désdemone d’Othello, Juliette et Mab de Roméo et Juliette, Portia du Marchand de Venise, Rosalinde de Comme il vous plaira, Margaret de Beaucoup de bruit pour rien, Perdita du Conte d’hiver et Cupidon du Timon d’Athènes. Enfin, c’est dans La Tempête du même William Shakespeare qu’on l’on trouve le plus de satellites : Ariel, Miranda, Caliban, Sychorax, Prospero, Setebos, Stefano, Trinculo, Franciso et Ferdinand. Portrait de Shakespeare exposé à Londres Les satellites bergers À l’instar des autres planètes géantes gazeuses, il existe un système d’anneaux autour d’Uranus. Celui-ci s’avère aussi complexe (si ce n’est plus) que celui de Saturne. Bien que l’on n’ait pas encore fait toute la lumière sur les mécanismes et la dynamique de ces anneaux uraniens, on y a d’ores et déjà déniché à coup sûr deux lunes bergères : Cordélia et Ophélie. Leur présence à cet endroit permet de maintenir en équilibre l’anneau ε, le quinzième (sur dix-sept) par ordre d’éloignement. Cordélia et Ophélie sont, à l’heure actuelle, les lunes les plus proches de la planète, orbitant à seulement 49751 et 53764 kilomètres d’altitude en quelques heures à peine. Ces La Porte des Etoiles n°27 Cordélia et Ophélie cernent un anneau d’Uranus • • • • SCIENCES modestes cailloux de 40 et 43 kilomètres tendent à se rapprocher de leur planète. Ils gravitent endeçà de l’orbite synchrone et sont donc amenés à s’écraser dans l’atmosphère bleutée d’Uranus, entraînant probablement dans leur chute la disparition de l’anneau qu’elles maintiennent actuellement. Un autre cas de satellites bergers se trouve un peu plus loin de la surface de la planète, à 66000 kilomètres. Il concerne les petits corps nommés Portia et Rosalinde. Ces deux cailloux, respectivement de 135 et 72 kilomètres cernent les fines poussières de l’anneau (on devrait plutôt parler de tore) ν, large de 3800 kilomètres. D’autres anneaux d’Uranus sont probablement maintenus eux-aussi par des lunes bergères, mais celles-ci n’ont pas encore été découvertes. Les autres satellites intérieurs Les autres satellites intérieurs se distinguent en deux groupes, définis essentiellement par leur localisation. Le premier groupe comprend les Schéma présentant les satellites intérieurs d’Uranus lunes Bianca, Cressida, Desdémone et Juliette, qui gravitent autour d’Uranus entre les anneaux ε et ν. Tous affichent des dimensions modestes : 51 kilomètres pour Bianca, 79 pour Cressida, 64 pour Desdémone et 94 pour Juliette. Le second groupe est composé de Cupidon, Perdita, Belinda et Puck. Mis à part Puck (voir plus loin), ils sont tous également de tailles modestes : 18 kilomètres pour Cupidon, 30 kilomètres pour Perdita et 90 kilomètres pour Belinda. Belinda à haute résolution Ces satellites sont extrêmement sombres. On suppose que ce sont des corps glacés recouverts avec le temps par de la poussière issue des anneaux planétaires proches mais le noircissement peut aussi résulter d’un bombardement intensif de noyaux d’hydrogène accélérés par le champ magnétique d’Uranus. Le mouvement de ces petites lunes est jugé chaotique. En effet, les déplacements de ces petites lunes sont loin d’être stables, elles se perturbent constamment les unes les autres et, de fait, leurs trajectoires sont vouer à se croiser ; si bien que certains modèles prédisent des collisions à ‘‘brève’’ échéance. On parle là de plusieurs dizaines de millions d’années tout de même. La Porte des Etoiles n°27 Photographie de quelques satellites intérieurs et des anneaux d’Uranus • • • • SCIENCES Puck Puck également à haute résolution Puck est une lune dont la taille atteint 162 kilomètres dans sa plus grande dimension. Ce satellite effectue une révolution autour d’Uranus en un peu plus de 18 heures. Il s’agit d’un corps là aussi plutôt sombre (albedo de 0.07) mais probablement composé de glace. On n’en sait finalement pas beaucoup plus à son sujet, Puck n’ayant été survolé et photographié qu’une seule fois, c’était par Voyager 2 en janvier 1986. Même si les images réalisées à cette occasion ne sont pas très détaillés, trois cratères d’impact ont pu être nommés par l’Union Astronomique Internationale : Bogle, un esprit écossais plutôt malicieux ; Butz, un esprit méchant sorti de la culture populaire germanique et Lob, un autre esprit de la culture britannique. Mab Les images de la découverte de Mab Miranda Mab est un petit satellite d’un peu moins de 25 kilomètres de diamètre. Bien isolé, il est en effet coincé entre Puck, le satellite précédent, et Miranda, la première des lunes majeures du système d’Uranus. Du fait du grand nombre de satellites présents dans les parages, l’orbite de Mab est probablement instable et donc temporaire. Cela étant, il est fort probable que Mab soit à l’origine de l’anneau µ, le plus externe jusqu’ici découvert autour d’Uranus. Mab et ce même anneau gravitent tous les deux à 97736 kilomètres de la haute atmosphère d’Uranus ; des échanges de matière entre l’anneau et la petite lune pourraient donc être constants. Mab est depuis 2003, date de sa découverte, considéré comme le dernier des satellites internes. Miranda est la plus petite des lunes majeures d’Uranus : 480 kilomètres dans sa plus grande dimension. Elle est aussi la plus interne en gravitant à seulement 129900 kilomètres de sa planète. Il s’agit du corps le plus perturbé et complexe du système uranien. Sa surface est en effet riche de nombreuses et étonnantes formations géologiques : comme un curieux mélange de zones fortement cratérisées et d’autres plus lisses… Miranda, tout comme les autres satellites majeurs de la planète, suit le plan des anneaux d’Uranus et son axe de rotation si particulier par rapport au plan du Système solaire. De fait, Miranda subit comme sa planète des variations saisonnières extrêmes. Le satellite effectue une révolution en 1.4 jour environ et présente une inclinaison de 4.34° par rapport à l’équateur d’Uranus, mais également une excentricité notable, la plus importante des lunes Vue globale de Miranda par Voyager 2 majeures. Ces deux particularités combinées sont probablement en partie à l’origine de l’aspect si tourmenté de la modeste lune. La géographie de Miranda est donc étonnamment complexe pour une lune de cette taille. Avant le passage de la sonde Voyager 2, on pensait survolait une simple ‘‘boule de glaces’’. Or, on y trouve certes de nombreux cratères d’impact, chose normale sur un corps de ce type, mais également d’autres formations géologiques La Porte des Etoiles n°27 • • • • SCIENCES laissant présager d’une activité passée,, notamment des escarpements et des failles spectaculaires. On trouve d’ailleurs ici les falaises les plus abruptes du Système solaire. Comme souvent, l’Union Astronomique Internationale a nommé ces formations de surface et comme souvent pour Uranus et son système, les dénominations font référence à l’œuvre de Shakespeare. On trouve d’abord les regiones, d’immenses zones où se succèdent plaines et vallons. Quatre sont référencées à la surface de Miranda : - Mantua Regio, 400 kilomètres dans sa plus grande largeur, qui est une région italienne où se déroule l’intrigue des Deux Gentilshommes de Vérone, - Ephesus Regio, 225 kilomètres, du nom de la maison des jumeaux de La comédie des erreurs, - Sicilia Regio, 174 kilomètres, du nom de l’île où se déroule le Conte d’Hiver, - Et Dusinane Regio, 245 kilomètres, du nom de la région du château où Mac Beth est vaincu ! Ensuite, on a des coronae, de grandes structures formées suite à de probables remontées volcaniques : - Arden Corona, large de 318 kilomètres, rend hommage à la forêt britannique où se déroule Comme il vous plaira, - Elsinore Corona, large de 323 kilomètres, du nom de la région danoise où se situe le château d’Hamlet, - Inverness Corona, plus modeste avec 234 kilomètres de diamètre, et dont le nom provient d’une région écossaise d’Hamlet. Deux Rupes sont nommées à la surface de Miranda et correspondent à des immenses falaises : - Argier Rupes, longue de 140 kilomètres, dont le nom fait référence à une région où se déroule le début de La Tempête, - Et Verona Rupes, longue de 116 kilomètres, du nom de la région de Vérone où se déroule l’intrigue de Roméo et Juliette… Evidemment ! On trouve également deux sillons, baptisés Naples Sulcus, long de 260 kilomètres et Syracusa Sulcus, plus modeste, qui atteint 40 kilomètres. Ce sont des lieux où se déroulent des scènes de La Tempête et de La Comédie des Erreurs de Shakespeare. Enfin, sept cratères d’impact sont nommés Alonso (25 kilomètres), Ferdinand (17 kilomètres), Francisco (14 kilomètres), Gonzalo (11 kilomètres), Prospero (21 kilomètres), Stephano (16 kilomètres) et Trinculo (11 kilomètres). A noter que tous sont des personnages de La Tempête et que quatre d’entre eux, ont aussi donnés leur nom à des petites lunes uraniennes, voir plus loin. La Porte des Etoiles n°27 Vue rapprochée de Miranda réalisée par la sonde Voyager 2 • • • • SCIENCES L’origine de cet aspect si particulier fait l’objet de plusieurs théories. Certains vont dans le sens d’une collision suivie d’une “ré-acrétion”. Un corps d’une taille significative aurait impacté la petite lune après sa formation, propageant beaucoup de matériau dans son environnement. Ce matériau aurait ensuite fini par s’agglomérer à nouveau à Miranda, donnant cet aspect si particulier. D’autres pensent plutôt que ce sont d’anciens phénomènes de résonances orbitales avec les autres satellites majeurs, notamment Ariel et Umbriel, qui, par le passé auraient engendré de puissants effets de marées, à l’instar de ce qui se passe pour Io, le satellite de Jupiter. Au paroxysme de cette résonance, Miranda aurait été expulsée de son ancienne orbite pour en trouver une plus stable, celle qu’elle suit encore actuellement. Ariel Vue globale d’Ariel par la sonde Voyager 2 Avec 1150 kilomètres de diamètre, Ariel est la quatrième plus grande lune d’Uranus. Elle gravite à 190900 kilomètres de sa planète et effectue une révolution en 2.5 jours. Avec un albédo de 0.39, Ariel est aussi le satellite de plus brillant du système. Sa structure interne est différenciée, preuve donc qu’une activité géologique et certaines formes de volcanisme ont existé par le passé. La surface est d’ailleurs très perturbée, alternant entre cratères d’impact et immenses réseaux de failles et de canyons. Tout comme Miranda, la lune précédente, il y a fort à parier que ces différents signes d’activités et cette géologie ‘‘récente’’ trouvent leur origine dans les intenses effets de marées créés notamment par l’excentricité de son orbite, mais surtout par les phénomènes de résonances avec les autres satellites majeurs qui ont probablement existé par le passé. Trois types de formations géologiques ont été référencés par l’Union Astronomique Internationale à la surface d’Ariel : les chasmata, les valles et les cratères d’impact. Plusieurs canyons, des chasmata, sont ainsi nommés, ils rendent hommage à des divinités du vent dans différentes mythologies – Ariel étant un esprit de l’air dans les œuvres de Pope et de Shakespeare : - Kachina Chasma, est une fracture longue de 620 kilomètres et large de 50 kilomètres. Kachina est un esprit dans la mythologie des indiens Hopis, - Kewpie Chasma, est une autre faille longue de 467 kilomètres, - Les autres formations de ce type nommées par l’Union Astronomique Internationale sont Brownie Chasma (343 kilomètres), Korrigan Chasma (365 kilomètres), Kra Chasma (142 kilomètres), Pixie Chasma (278 kilomètres) et Sylph Chasma (349 kilomètres). La surface tourmentée d’Ariel La Porte des Etoiles n°27 On trouve ensuite deux valles, Leprechaun Vallis, longue de 328 kilomètres et Sprite Vallis, qui s’étend sur 305 kilomètres. Enfin, l’U.A.I. a nommé en 1988 dix-sept cratères d’impact en hommage aux esprits, là encore, de différentes mythologies : irlandaise, esquimau, tchèque ou encore inca. Le cratère le plus 10 • • • • SCIENCES large se nomme Yangoor et affiche un diamètre de 78 kilomètres. Les autres portent des noms aussi exotiques les uns que les autres. Il convient donc de ne pas en oublier : Abans, Agape, Ataksak, Befana, Berylune, Deive, Djadek, Domovoy, Finvara, Gwyn, Huon, Laica, Mab (qui est aussi le nom d’un satellite interne), Melusine, Oonagh et Rima. Les grands cratères de la surface d’Ariel sont dignes d’intérêt. En effet, peu nombreux, ceuxci semblent s’être formés sur des terrains déjà accidentés. Cela suggérerait que la surface de la lune telle qu’elle est perçue à l’heure actuelle soit bien postérieure à la formation même du corps et au bombardement intense qui a régné au moment de la formation du Système solaire. Ariel aurait donc une surface plutôt jeune. Umbriel Umbriel est le troisième satellite naturel d’Uranus par la taille, 1169 kilomètres de diamètre, et le seizième par ordre d’éloignement. Il gravite à 266000 kilomètres de sa planète et effectue une révolution en un peu plus de quatre jours. Sa rotation est certainement synchrone, comme les autres satellites majeurs d’Uranus et du Système solaire. On pense qu’Umbriel serait en grande partie constitué de glaces d’eau au niveau des couches superficielles, et d’un autre matériau carboné composant globalement le noyau. Sa surface est malgré tout monotone et ne montre pas de signes d’activité aussi marqués que pour les autres lunes majeures d’Uranus. La surface d’Umbriel est particulièrement sombre. Elle est d’ailleurs la surface la plus sombre Vue globale d’Umbriel réalisée par la sonde Voyager 2 du Système solaire, concernant les satellites planétaires majeurs. La surface est couverte de cratères d’impacts. Elle est aussi la lune uranienne la plus cratérisée. Comme pour Miranda et Ariel, on trouve également quelques canyons, traces d’une activité interne passée, mais en beaucoup plus faible proportion. On note pour Umbriel deux hémisphères aux teintes différentes : l’hémisphère arrière, à l’opposé du sens de la marche, serait plus ‘‘bleu’’ que l’hémisphère avant qui, lui, serait recouvert de poussières rougeâtres. Ces particules pourraient provenir du système externe d’Uranus et notamment de petites lunes, probablement d’anciens astéroïdes carbonés capturés. Ces infimes éléments auraient été ‘‘ramassés’’ par Umbriel et se seraient accumulés sur le sol durant des millions d’années. À la surface d’Umbriel, seuls des cratères d’impact sont référencés. Il n’y en a d’ailleurs que treize et tous portent des noms de trolls, de nains, de gnomes ou bien d’esprits, issus de différents coins du monde : Perse, Australie, Nouvelle-Zélande, Polynésie, Afrique de l’Ouest… Le plus large de ces cratères est Wokolo (208 kilomètres). Viennent ensuite Malingee (164 kilomètres), Wunda (131 kilomètres), Vuver (98 kilomètres), Gob (88 kilomètres), Kanaloa (86 kilomètres), Skynd (72 kilomètres), Peri (61 kilomètres), Minepa (58 kilomètres), Alberich (52 kilomètres), Setibos (50 kilomètres), Zlyden (44 kilomètres) et Fin (43 kilomètres). La principale étrangeté d’Umbriel vient du cratère Wunda (du nom d’un esprit sombre de mythes aborigènes). Ce cratère de 131 kilomètres de diamètre situé près de l’équateur de la lune présente une structure annulaire large de plus de 10 kilomètres, très claire, et qui contraste fortement avec le reste de la surface extrêmement sombre d’Umbriel. Cela dit, aucune hypothèse n’a encore été avancée pour expliquer la présence de cet anneau clair : peut-être de la glace fraîche issue du sous-sol, peut-être pas… Un mystère de plus à élucider pour les générations futures. La Porte des Etoiles n°27 11 • • • • SCIENCES Titania Titania est le plus grand des satellites naturels d’Uranus et accessoirement le huitième de l’ensemble du Système solaire. Il gravite à 435900 kilomètres de la surface de la planète et effectue une révolution complète en 8.7 jours. Seuls 40% de la surface de Titania sont connus à l’heure actuelle. En effet, la sonde Voyager 2 n’a pu réaliser que quelques clichés pendant son seul survol en janvier 1986. Malgré cela, de nombreuses formations géologiques ont été référencées par l’Union Astronomique Internationale. Ainsi, on trouve deux canyons, Belmont Chasma et Messina Chama, longs respectivement de 238 et 1492 kilomètres ! On a également un escarpement de 400 kilomètres baptisé Rousillon Rupes, comme la région française du même nom. Enfin, l’U.A.I. a nommé un certain nombre de cratères d’impact : Adriana (50 kilomètres de large), Bona (51 Vue globale de Titania par la sondeVoyager 2 kilomètres), Calphurnia (100 kilomètres), Elinor (74 kilomètres), Gertrude, le plus large (326 kilomètres), Imogen (28 kilomètres), Iras (33 kilomètres), Jessica (64 kilomètres), Katherine (75 kilomètres), Lucetta (58 kilomètres), Marina (40 kilomètres), Mopsa (101 kilomètres), Phrynia (35 kilomètres), Ursula (135 kilomètres) et Valeria (59 kilomètres). Là encore, tous ces noms sont issus des comédies de William Shakespeare. Titania, à l’instar des autres lunes uraniennes majeures, est probablement différenciée. Elle posséderait un gros noyau rocheux, de plus de 500 kilomètres de large, qui supporterait des couches superficielles composées essentiellement d’un manteau glacé. Entre les deux pourrait subsister une fine épaisseur d’eau liquide d’une cinquantaine de kilomètres. Comme pour Umbriel, le précédent satellite, la surface de Titania présente une asymétrie de teinte entre l’hémisphère dans le sens de la marche et l’hémisphère arrière. Les spécialistes supposent qu’il s’agit du même phénomène, à savoir des échanges de matériaux avec le système uranien externe et notamment les petits satellites irréguliers. La surface de Titania est bien moins cratérisée qu’Obéron et Umbriel, laissant présager d’une formation plus récente. Une géologie interne et plus spécialement une tectonique plus récente que les bombardements météoritiques des jeunes années du Système solaire en seraient la cause. Pour appuyer cette hypothèse, on peut effectivement noter qu’à la surface de Titania, il y a de nombreuses craquelures et beaucoup de canyons qui n’ont pas été impactés, signes de mouvements importants de la croûte glacée. Obéron En orbitant à une distance de 584000 kilomètres en 13.5 jours, Obéron est le satellite majeur le plus éloigné d’Uranus. Obéron est un satellite relativement dense, probablement composé d’un noyau rocheux et d’un manteau plutôt glacé. Comme pour Titania, et avec l’augmentation de la densité en profondeur, il pourrait exister un océan d’eau liquide de quelques dizaines de kilomètres d’épaisseur à la limite de ces deux zones. La Porte des Etoiles n°27 Vue globale d’Obéron par la sondeVoyager 2 12 • • • • SCIENCES Il est à peine plus petit que Titania (1522 kilomètres, contre 1577 pour Obéron) et le ressemble en de nombreux points. La surface est d’ailleurs assez similaire et deux types de terrains ont été relevés par les astronomes professionnels : un rift nommé Mommur Chasma, long de 537 kilomètres et 9 cratères d’impact. Le plus grand s’appelle Hamlet et affiche 206 kilomètres de diamètre. Viennent ensuite MacBeth (203 kilomètres), Roméo (159 kilomètres), Lear (126 kilomètres), Falstaff (124 kilomètres), Coriolan (120 kilomètres), Othello (114 kilomètres), César (76 kilomètres) et Antoine (47 kilomètres). Contrairement aux autres lunes majeures, la grande majorité de l’orbite d’Obéron se trouve à l’extérieur de la magnétosphère d’Uranus. Obéron n’est donc pas protégé des affres du vent solaire, mais cela n’influe que modérément sur son aspect. Les satellites irréguliers Au-delà d’Obéron, on a découvert un certain nombre de satellites irréguliers. Ils ont des tailles et des orbites très diverses mais ont tout de même été classés en deux groupes distincts par les scientifiques. Le groupe le plus interne compte quatre lunes : Francisco, Caliban, Stephano et Trinculo. Le plus “gros” de ce groupe est Caliban avec 72 kilomètres estimés. Les autres sont bien plus modestes avec 32 kilomètres pour Stephano, 22 kilomètres pour Francisco et 18 kilomètres pour Trinculo. Contrairement aux satellites externes du système de Jupiter ou de Saturne, il ne semble pas que ceux d’Uranus aient une origine commune. Leurs tailles et leurs paramètres orbitaux sont en effet trop disparates Image de la découverte de Caliban par le télescope Hale pour l’envisager : le plus proche satellite du groupe orbite à environ 4.2 millions de kilomètres d’Uranus, tandis que le plus éloigné le fait à plus de 8.5 millions. Les inclinaisons et les excentricités sont aussi très variables. Il pourrait donc s’agir d’astéroïdes capturés peu après la formation d’Uranus. Malgré tout, ce premier groupe peut être différencié d’un autre, composé de satellites rétrogrades plus éloignés et dont l’orbite est plus excentrique. Il est composé de quatre lunes : Sycorax, Prospero, Setebos et Ferdinand. Affichant environ 150 kilomètres, Sycorax est la plus large. Les autres, Prospero, Setebos et Ferdinand, sont plus petites avec respectivement 50, 48 et 20 kilomètres. Le 27ème et pour l’instant plus éloigné satellite d’Uranus est Ferdinand. Celui-ci orbite à 20 901 000 kilomètres de la surface d’Uranus et effectue une révolution en 7 ans et 250 jours environ. Là encore, on pense que ces corps modestes ont une origine externe au système. Il est également fort à parier que d’autres “cailloux” de ce type soient encore à découvrir dans les parages… Répartition et caractéristiques des satellites irréguliers La Porte des Etoiles n°27 13 • • • • SCIENCES Margaret Parmi les satellites irréguliers d’Uranus, Margaret reste un cas particulier. En effet, la petite lune de 11 kilomètres de diamètre est la seule lune irrégulière prograde du système externe d’Uranus, elle se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre. De plus, en orbitant en 4 ans et 227 jours autour d’Uranus avec une excentricité moyenne de 0.7 – la faisant ainsi la plus excentrique du Système solaire avec Néréide, satellite de Neptune – elle montre son “exotisme” par rapport aux autres cailloux circulant dans cette zone. Sans doute s’agit-il d’un astéroïde capturé par Uranus dont le statut de satellite n’est que temporaire… Tableau récapitulatif Dans le tableau ci-après figurent les données de tous les satellites naturels officiellement reconnus par l’Union Astronomique Internationale. Le matricule correspond à leur dénomination selon la nomenclature de l’U.A.I. Les distances séparant le satellite de la planète et la taille sont exprimées en kilomètres. La révolution, en jours, est le temps mis par le satellite pour effectuer un tour complet d’Uranus et l’année correspond à la date de sa découverte. Matricule VI VII VIII IX X XI XII XIII XVII XIV XXV XV XXVI V I II III IV XXII XVI XX XXI XVII XXIII XVIII XIX XXIV Nom Cordélia Ophélie Bianca Cressida Desdémone Juliette Portia Rosalinde Cupidon Belinda Perdita Puck Mab Miranda Ariel Umbriel Titania Obéron Francisco Caliban Stephano Trinculo Sycorax Margaret Prospero Setebos Ferdinand La Porte des Etoiles n°27 Diamètre 40 43 51 80 64 94 135 72 18 90 30 162 25 472 1158 1169 1578 1522 22 72 32 18 150 20 50 48 20 Distance 49751 53764 59165 61766 62658 64360 66097 69927 74800 75225 76420 86004 97734 129390 191020 266300 435910 583520 4276000 7231000 8004000 8504000 12179000 14345000 16256000 17418000 20901000 Période 0.33 0.37 0.43 0.46 0.47 0.49 0.51 0.55 0.62 0.62 0.64 0.76 0.92 1.41 2.52 4.14 8.70 13.46 266.5 579.7 677.4 749.2 1288.2 1687 1978.3 2225.2 2805.5 Inclinaison 0.08 0.10 0.19 0.01 0.11 0.06 0.06 0.28 0.10 0.03 0 0.32 0.13 4.23 0.26 0.21 0.34 0.06 147.46 139.88 141.88 166.25 152.46 51.46 146.02 145.88 167.35 Découverte 1986 1986 1986 1986 1986 1986 1986 1986 2003 1986 1986 1985 2003 1948 1851 1851 1787 1787 2001 1997 1999 2001 1997 2003 1999 1999 2001 14 • • • • SCIENCES Histoires d’étoile : Sirius Par Michel Pruvost Carte d’indentité Sirius a Canis Majoris Constellation : Grand Chien Ascension droite : 06h 45m 08.9 Déclinaison : -16° 42’ 58’’ Distance : 8.60 ± 0.04 a.l. Magnitude apparente : -1.44 Magnitude absolue : 1.42 Luminosité : 26.1 Type spectral : A1V T° de surface : 24800 °K Diamètre : 3.5 soleils Voici l’étoile la plus brillante du ciel. Sous nos latitudes nordiques, elle apparaît dans la direction du Sud, le soir en hiver. Elle se remarque immédiatement grâce à son éclat et à son scintillement. Seules les planètes Vénus et Jupiter rivalisent avec elle, mais celles-ci ne scintillent jamais, aussi la confusion est-elle impossible. Sirius commence à être visible le soir en janvier, mais on peut déjà l’apercevoir dès la fin de l’été le matin. C’est une étoile du ciel austral, aussi, sous nos latitudes, elle ne s’élèvera jamais bien haut au-dessus de l’horizon Sud. Quand elle passe au méridien, sa hauteur est de 20° environ. Sirius est l’étoile principale de la constellation du Grand Chien (Canis Major), une constellation assez facilement identifiable à gauche et au sud de la grande constellation d’Orion. Dans les catalogues d’étoiles, elle est identifiée comme Alpha du Grand Chien dans celui de Bayer ou 9 du Grand Chien dans celui de Flamsteed. La Porte des Etoiles n°27 15 • • • • SCIENCES Sirius à travers l’histoire Sirius est bien sûr connue depuis que l’Homme observe le ciel. Son éclat n’a pu qu’attirer l’attention. Elle est mentionnée dans des tablettes cunéiformes babyloniennes d’il y a trois mille ans. Elle s’appelait Kasidi et était décrite comme une étoile d’un éclat cuivré. Son scintillement, du à sa position basse sur l’horizon, peut la faire paraître multicolore. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle était nommée par les populations d’Arabie : “de mille couleurs”. Les Chinois avaient aussi noté ces variations et en avaient tiré quelques présages. Si la couleur virait au rouge, les conflits armés n’étaient pas loin, si l’étoile était blanche, les présages étaient positifs. Dans l’Égypte des pharaons, Sirius s’appelait Sopdet. Il y a 5000 ans, les prêtres égyptiens surveillaient l’arrivée de Sirius dans les lueurs de l’aube, ce qu’on appelle le lever héliaque, juste avant celui du Soleil. Cette date avait une grande importance car elle annonçait le retour de la crue du Nil autour du 18 juillet de notre calendrier. Sirius était demeurée invisible pendant 70 jours et sa réapparition débutait le calendrier égyptien. Dans la pyramide de Kheops, le couloir baptisé chambre de la Reine est orienté dans sa direction. Sirius était associée à l’image d’une petite chienne et l’astronomie est restée fidèle à cette image puisque Sirius est encore l’étoile principale de la constellation du Grand Chien. De cette association, nous avons aussi gardé le mot canicule (Canis, le chien) associé aux chaleurs de l’été. Schéma présentant l’orientation de la pyramide de Kheops Les anciens Grecs observaient attentivement l’apparence de Sirius au début de l’été afin d’en Exemple de calendrier égyptien tirer des enseignements sur le temps, si l’été serait sec et chaud, si les récoltes seraient abondantes. Sirius était sensée avoir une influence sur les conditions climatiques. Peut-être que le scintillement prononcé de l’étoile annonçait de fortes chaleurs ? En tout cas, si l’étoile apparaissait claire, tout s’annonçait bien. Sirius servait aussi de repère pour les navigateurs grecs et Hipparque s’en servit pour découvrir et mesurer la précession des équinoxes. Histoire de noms Sirius était aussi une étoile très importante pour les Polynésiens. Elle passe au zénith des îles Fidji et sert ainsi aux navigateurs à se repérer en latitude. Les Maoris l’appellent Takurua, les Hawaïens Ka’ulua’et d’autres noms lui ont encore été donné comme Tau-ua aux îles Marquises ou Rehua en Nouvelle-Zélande. On compte d’ailleurs une cinquantaine de noms différents pour cette étoile. Sirius est le plus commun. Ce nom provient du grec ancien Σείριος Seirios (la torride) et date du 7eme siècle avant JC. Les Arabes l’ont nommée ىرعشلا Ash-shira (le leader). En Sanskrit, Sirius est connue sous le nom Mrgavyadha le chasseur de cerf, les Vikings l’ont appelée Lokabrenna, tandis qu’au Japon, on l’appelle 青星 Aoboshi, l’étoile bleue. Les Chinois l’ont appelée 天狼 Tianlang, le loup céleste. Il est assez remarquable que de nombreuses civilisations à priori isolées les unes des autres aient donné à Sirius cette relation avec le chien. Ainsi, les Tohono O’odham d’Amérique du Nord, les Cherokee, les Pawnees ont associé Sirius à un chien suivant un mouton, un coyote ou un loup. Enfin, il faut noter ce nom étonnant que lui avaient donné les bergers de Provence au 17ème siècle : Jean de Milan. La Porte des Etoiles n°27 16 • • • • SCIENCES Le système de Sirius Dogon Dessin dogon du présumé système de Sirius tracé sur le sable par l’ancien chasseur Dogon Ogotommêli et interprété par les éthnologues français Marcel Griaule (1898-1956) et Germaine Dieterlen (1903-1999). A - Sirius B - pô tolo (Sirius B) présenté dans deux positions C - emma ya (le Soleil féminin ou Sirius C) D - le Nommo E - le Yourougou, persoonga mythologique mâle destiné à poursuivre son jumeau féminin F - l’étoile des femmes, un satellite de emma ya G - le signe des femmes H - le sexe des femmes représenté par une forme d’utérus Le système complet est placé dans un ovale représentant Amma, l’oeuf primordial du monde. Les controverses Sirius est aussi l’objet de plusieurs débats et controverses. Ainsi, le peuple Dogon au Mali possède des connaissances astronomiques étonnantes sur cette étoile comme la période de révolution de Sirius B qui est de cinquante ans alors qu’aucun Dogon n’a eu accès au moindre télescope. Certains ont pu échafauder quelques théories fumeuses mais le plus probable est que ces connaissances ont été diffusées par des scientifiques français en 1893 lors d’une éclipse. Autre controverse, Sirius aurait été rouge comme Aldébaran dans l’Antiquité. Celui qui l’a noté n’est autre que Ptolémée dans son livre l’Almageste. Il décrit Sirius comme une des six étoiles rouges du ciel avec notamment Arcturus et Betelgeuse. Il n’est pas le seul à le dire. Sénèque, Horace et Cicéron également décrivent Sirius comme une étoile rouge. Mais d’autres, comme Marcus Manilius, la décrivent bleutée ou carrément blanche. Au XVIIIème siècle de notre ère, Grégoire de Tours décrit Sirius comme une étoile rouge dans son livre De cursu stellarum ratio. Mais Grégoire de Tours n’est pas astronome et il y a peut-être eu confusion avec Arcturus. Certains scientifiques dans les années 1980 ont soutenu l’hypothèse que Sirius B, le compagnon de Sirius ait pu être à cette époque une géante rouge, mais cette hypothèse a été rejetée car il faut beaucoup plus que quelques milliers d’années pour transformer une géante rouge en naine blanche et il n’y a aucune trace de nébuleuse autour de Sirius. Une interaction avec une troisième étoile a aussi été proposée, mais l’explication la plus probable reste la scintillation de l’étoile et sa proximité avec l’horizon. Les conditions atmosphériques qui rougissent le Soleil quand il est proche de l’horizon produisent le même effet sur les étoiles. L’étoile la plus brillante du ciel L’éclat de Sirius dans notre ciel a deux origines. La première est sa relativement faible distance de notre Système solaire (à l’échelle astronomique). Celle-ci a été mesurée à 2.6 parsecs (8.6 années-lumière). Elle est donc la cinquième étoile la plus proche de nous. De cette distance, on déduit l’éclat réel de l’étoile qui se trouve être 25 fois celui de notre Soleil. Sa magnitude absolue est de 1.42. La Porte des Etoiles n°27 Sirius, la plus étincelante étoile de ce champ stellaire 17 • • • • SCIENCES En 1718, Edmund Halley découvrit que Sirius se déplaçait sur le fond du ciel. Il compara la position qu’il avait mesurée avec celle notée par Ptolémée dans l’Almageste et découvrit un écart de 30 minutes d’arc. Les mesures de Ptolémée étant suffisamment précises pour réfuter une erreur, la seule solution à envisager était que Sirius s’était déplacée d’un diamètre lunaire en 1800 ans. En 1868, Sir William Huggins mesura sa vitesse radiale en découvrant un décalage vers le rouge de ses raies spectrales et conclut qu’elle s’éloignait du Soleil à la vitesse de 40 km/s. Depuis, les mesures ont été affinées et le mouvement radial de Sirius est désormais de 7.6 km/s vers le Soleil. D’infimes changements dans le mouvement propre de Sirius incitèrent l’astronome allemand Friedrich Bessel, en 1844, à penser que l’étoile n’était pas seule mais possédait un compagnon invisible. Celui-ci fut observé 18 ans plus tard par Alvan G. Clark qui le nomma Sirius B, le “chiot”. Au début du XXème siècle, la présence d’un troisième compagnon a été soupçonnée mais cela n’a jamais été confirmé. Vue rapprochée de Sirius A et de son compagnon Sirius B Sirius est donc une étoile double. La distance séparant les deux composantes varie de 8.1 à 31.5 unités astronomiques, soit une distance moyenne correspondant à l’orbite d’Uranus. Les deux étoiles orbitent l’une autour de l’autre en 49.9 années. L’étoile principale, Sirius A, celle qu’on voit à l’œil nu, est une étoile blanche de la séquence principale et de type A1V. Sa température de surface est estimée à 9940 K. Sa masse est environ 2.1 fois celle du Soleil. Avec celle-ci, l’espérance de vie de Sirius A est d’un petit milliard d’années et son âge est estimé à 230 millions d’années. Sa vitesse de rotation est de 16 km/s, ce qui en fait une belle sphère très peu aplatie. Le spectre de Sirius A montre des raies d’éléments lourds, beaucoup plus que dans l’atmosphère du Soleil. On pense que cet enrichissement s’est fait à partir de la matière éjectée de son compagnon quand celui-ci était au stade de géante rouge. Le diamètre angulaire de Sirius A est de 5.936 milliarcs seconde soit un diamètre de l’étoile de 2 500 000 kilomètres. En 1909, Ejnar Hertzsprung a suggéré que Sirius appartenait au courant d’étoiles de la Grande Ourse. Ce courant est un groupe de 220 étoiles qui fut un amas ouvert et qui contient plusieurs étoiles de la Grande Ourse. Des analyses récentes effectuées en 2003 et 2005 ont remis en question cette appartenance, l’âge du groupe de la Grande Ourse étant de 500 millions d’années alors que celui de Sirius n’est que de 230 millions d’années. Sirius pourrait faire partie d’un autre groupe d’étoiles avec Beta Cocher, Alpha Couronne Boréale, Beta Eridan et d’autres. L’observation de Sirius n’apporte pas grand-chose à part le plaisir de voir une belle étoile brillante. La séparation des deux composantes oscille entre 3 et 11 secondes d’arc et la forte luminosité empêche de distinguer Sirius B facilement. Il faut au minimum un instrument de 300 millimètres de diamètre et des conditions parfaites de turbulence pour espérer dédoubler Sirius. 2025 sera une bonne période d’observation. Les diamètres de l’étoile Sirius B et de la planète Terre sont quasiment identiques La Porte des Etoiles n°27 18 • • • • SCIENCES Quelques mots sur Sirius B Son compagnon, Sirius B, est une naine blanche de type DA2, 10 000 fois moins brillante que l’étoile principale, cadavre d’une étoile plus massive que Sirius A et qui a évolué en géante rouge puis en naine blanche il y a 120 millions d’années. Elle fut identifiée comme telle en 1915. C’était la deuxième naine blanche découverte. Son diamètre a été mesuré précisément en 2005 avec le télescope Hubble ; il vaut 12 000 kilomètres soit celui de la Terre, mais pour une masse de 98% de celle du Soleil. C’est une des plus massives naines blanches. Sa température de surface est de 25 200 K. Cette étoile n’a plus maintenant de source d’énergie interne et se refroidit lentement mais son rayonnement devrait Orbite de Sirius B autour de Sirius A pour les prochaines années encore durer plus de deux milliards d’années. On pense que l’étoile initiale était une étoile de type B, bleue, et de masse égale à 5 fois celle du Soleil. Le spectre de Sirius B ne montre que des raies d’Hydrogène, cet élément léger flottant au-dessus du cœur de l’étoile. Dans la littérature Sirius est fréquemment présente dans les récits de science fiction : Micromegas par exemple, qui est un conte de Voltaire paru en 1752 où il est décrit la visite de la Terre par un habitant de Sirius. Larry Niven, dans la série d’histoires Known Space imagine la planète Jinx, satellite d’une géante gazeuse en orbite autour de Sirius A. Jinx est 6 fois plus massive que la Terre et les forces de gravitation lui ont donné la forme d’un ballon de rugby mais des colonies humaines y survivent. Dans le roman Wasp, Eric F. Russel décrit une guerre entre les Siriens et les Terriens. Un homme seul va dans le système de Sirius pour semer la discorde dans le camp ennemi. On peut citer aussi le film Planète hurlante. Sur la planète Sirius 6b, des scientifiques luttent contre une multinationale au milieu des hurleurs, des machines programmées pour tuer toute vie. La Porte des Etoiles n°27 19 • • • • PATRIMOINE L’observatoire de Gand et la lunette de Désiré Van Monckhoven Par Simon Lericque Situation Gand (Gent en flamand), cité de l’ouest de la Belgique, est la capitale de la province de Flandre-Orientale. L’agglomération gantoise, logée à la confluence de la Lys et de l’Escaut compte près de 250 000 habitants. Elle est surtout réputée pour être la première ville étudiante de Belgique abritant notamment plusieurs grandes écoles mais aussi l’Université de Gand, UGent. C’est au sein de cette structure, à l’Institut des Sciences, que l’on va trouver l’Observatoire astronomique. Ce dernier se cache des regards indiscrets, entre la rue Joseph Plateau et le Rozier, à deux pas de la vieille ville. En fait, l’un des rares moyens d’apercevoir la coupole verdâtre de l’extérieur, est de grimper au sommet de la Boekentoren (la Tour des livres en français), une tour de 64 mètres abritant aujourd’hui la plus importante bibliothèque universitaire de la ville. La plupart des observatoires astronomiques anciens se trouvent généralement en périphérie des grandes villes et en cela réside la première particularité de celui de Gand, bâti sur le toit d’un bâtiment datant de la fin du XIXème siècle. L’histoire de l’observatoire est, comme souvent, liée à quelques personnages prépondérants. Commençons avec Désiré Von Monckhoven, l’instigateur du réfracteur historique. La Porte des Etoiles n°27 20 • • • • PATRIMOINE Von Monckhoven et la photographie Désiré Von Monckhoven voit le jour quelques années avant l’apparition de la photographie ‘‘moderne’’ en 1839. En effet, il nait à Gand le 25 septembre 1834, dans un quartier pauvre de la ville. Très jeune, il s’intéresse aux sciences d’une manière générale et n’a que 16 ans lorsqu’il publie son premier ouvrage, un manuel de chimie. Deux ans plus tard, il récidive avec, cette fois, un livre sur la physique. Pendant leur écriture, son intérêt pour la photographie grandit et, une fois ses études secondaires achevées, il fait de sa passion son métier en devenant l’apprenti de Charles d’Hoy (1823-1895), un photographe réputé de la région de Gand. En 1855, du haut de ses 21 ans, Désiré Von Monckhoven publie en France son Traité de photographie sur Collodion et un an plus tard le Traité général de photographie, qui deviendra une référence mondiale à l’époque. À partir de 1857, Désiré Von Monckhoven s’inscrit à la Faculté des Sciences de Gand, d’où il sortira Docteur en Sciences cinq ans plus tard. Mais malgré ce Désiré Van Monckhoven diplôme en poche, sa situation n’en reste pas moins précaire et il sera contraint de prendre un poste d’employé de banque, d’autant qu’il rencontre sa future femme, Hortense, qui lui donnera rapidement des jumeaux, Jean et Georges. Cet emploi “stable’’ lui permettra aussi de poursuivre ses expériences photographiques qui déboucheront sur le dépôt d’un brevet sur un système d’agrandisseur dialytique. En 1866, Von Monckhoven part pour Vienne, la capitale autrichienne, où il installe son premier studio photo. Celui-ci prospère plusieurs années mais en 1872, Désiré décide de rentrer à Gand pour y épouser Hortense. De sa période viennoise, Désiré Von Monckhoven revient surtout avec une réputation grandissante dans le monde germanophone et francophone. Il se lance dans la commercialisation et le développement technique de matériel photographique et installe même une usine de papier photo à l’arrière de son domicile. Grâce à cela, l’argent n’est rapidement plus un problème pour lui et sa famille. En 1879, il invente même un nouveau procédé de sensibilisation de plaques photographiques à base de bromure d’argent. Cette petite révolution, qui rend accessible à tous la photographie, lui permet encore et toujours de développer ses activités et il fonde une nouvelle unité de production. Mais alors qu’il connaît le succès dans tous les domaines de sa vie, Van Monckhoven décède brutalement d’une crise cardiaque à Gand le 25 septembre 1882, jour de son anniversaire... Même s’il n’avait que 48 ans, il aura marqué l’histoire de la photographie et surtout la démocratisation de cette discipline longtemps réservée aux plus aisés. C’est sa veuve, Hortense, qui prendra alors les rennes de l’entreprise, succédée quelques années plus tard par ses fils Jean et Georges. La société connaîtra son apogée vers 1900 mais la concurrence se faisant sans cesse plus intense, celle-ci fermera définitivement ses portes en 1908. Van Monckhoven et la 228 La lunette au début du XXème siècle La Porte des Etoiles n°27 Désiré Van Monckhoven était aussi un astronome amateur puisqu’il avait au fond de son jardin un observatoire sous lequel on pouvait trouver une lunette de 150 millimètres de diamètre, une taille déjà conséquente pour l’époque. L’astronomie de position étant très en vogue au XIXème siècle, le photographe a longtemps songé 21 • • • • PATRIMOINE à se lancer dans la réalisation d’un atlas stellaire. Mais si le nom Von Monckhoven fait écho dans le monde de l’astronomie, c’est surtout grâce à la seconde lunette qu’il a fait construire et qui est désormais installée au sein de l’observatoire de l’Université de Gand. Commandée en 1879, la lunette ne sera livrée qu’en 1882, à peine quelques semaines avant le décès de Van Monckhoven. On ignore d’ailleurs les intentions du propriétaire concernant le bâtiment qui avait vocation à accueillir l’instrument, puisqu’aucun document n’a été retrouvé à ce jour. La lunette, toute en laiton, est équipée d’un objectif de 228 millimètres de diamètre et affiche une focale de 2.5 mètres. Le rapport F/D de On se voit bien aux commandes de l’engin... 10.9 en fait une lunette plus ouverte que la plupart de celles construites à cette époque. Elle est idéale pour l’observation des étoiles et surtout l’astrophotographie qui nécessite plus de lumière, sujets que Von Monckhoven envisageait de traiter avec son réfracteur. L’optique, qui porte le numéro 9779, provient de la société CA Steinheil & Söhne de Munich. Celle-ci, très réputée dans la deuxième moitié du XIXème siècle dans la production d’optique de réfracteurs et d’astrographes, a d’ailleurs équipé plusieurs observatoires professionnels comme ceux de Berlin, Munich ou Potsdam. Le reste de l’instrument, notamment la monture équatoriale, est l’œuvre de la société anglaise T. Cooke & Sons. Il est d’ailleurs fait mention de la société d’York sur le pilier de la monture. À la mort de Désiré, sa veuve Hortense vend à l’Université de Gand la lunette de 228 et la monture équatoriale de son époux. Pour 27000 francs-or de l’époque, elle cède aussi une petite lunette méridienne, diverses oculaires, un micromètre, un spectroscope, deux horloges astronomiques ainsi que du matériel photographique. Hortense Von Monckhoven accepte que le ministère de l’Education du pays s’acquitte de la somme, très importante pour l’époque, sur une durée de six ans. Vue rapprochée sur l’objectif Steinheil & Söhne La Porte des Etoiles n°27 Vue sur le pilier et le mécanisme d’entrainement 22 • • • • PATRIMOINE L’histoire de l’observatoire L’histoire de l’observatoire de Gand débute bien avant celle de Van Monckhoven puisque les premiers écrits faisant mention de l’astronomie dans la cité flamande datent de 1817. On y parle notamment d’un télescope de type Newton financé par le roi Guillaume Ier et qui se trouve aujourd’hui au musée des sciences de l’Université de Gand. Mais l’astronomie à Gand restera très théorique car durant une bonne partie du XIXème siècle, on y enseignera uniquement l’astronomie mathématique. L’Université restera d’ailleurs dépourvue de véritable site d’observation. L’indépendance de la Belgique et le développement du rail vont accélérer les choses pour l’Université. La maîtrise de l’heure va devenir une préoccupation nationale car déjà à cette époque, on se plaignait du retard des trains. Il fallait rapidement homogénéiser les heures des plus grandes villes L’Institut des Sciences et sa coupole au début du de Belgique qui pouvaient varier de plusieurs dizaines de XXème siècle minutes d’un lieu à l’autre et c’est sous l’égide d’Adolphe Quetelet (voir l’article ‘‘Sous le ciel de l’Observatoire Royal de Belgique’’, la Porte des Étoiles numéro 16), directeur de l’Observatoire Royal de Belgique, que cela va être entrepris. Gand fera partie des villes ‘‘référence’’ pour l’établissement de l’heure et pour cela, l’observatoire va notamment être équipé d’un cercle méridien et de divers outils de mesures du temps solaire. Hélas, l’avènement du télégraphe rendra rapidement cet observatoire obsolète et le temps établi depuis la capitale Bruxelles deviendra la référence pour toute la Belgique. Le site tombe alors en désuétude et, en 1874, le Conseil Municipal décide de le démolir, celui-ci risquant de s’effondrer sur les passants. C’est la fin du premier observatoire astronomique de Gand. Deux décennies plus tard, on en renvient à l’histoire la lunette de Désiré Von Monckhoven. Après la démolition de son premier observatoire, l’Université de Gand ne possède plus de lieu digne d’accueillir le matériel du photographe. Ce dernier sera alors stocké dans caves et greniers à partir de 1882. Sont alors émises plusieurs solutions pour exploiter l’instrumentation de Van Monckhoven. Un temps, il est envisagé d’installer le nouvel observatoire sur un monticule dans le parc de la Citadelle de Gand, ou alors à proximité de l’Ecole Normale de la ville, mais ces possibilités sont vite abandonnées car les chaussées proches et les vibrations engendrées par la circulation sont telles que la stabilité laisse à désirer. Et puis surtout, les cheminées fumantes des industries sont légions dans ces quartiers. Ce n’est que bien des années plus tard, en 1907, qu’un nouvel observatoire astronomique voit finalement le jour au sommet des locaux de l’Institut des Sciences, déjà érigé plusieurs années auparavant. C’est là qu’on le trouve encore aujourd’hui. Les premières années de l’observatoire sont étroitement liées à son directeur, Louis-Nicolas Vandevyver (1860-1918). Bénéficiant de ressources financières limitées, il s’emploie à offrir un rendement optimal à ses instruments. Bien qu’installé sur les hauteurs de la ville de Gand, le site n’offre pas les conditions météorologiques et atmosphériques suffisantes pour un travail scientifique professionnel de pointe. De ce fait, l’instrument avait surtout vocation à former les étudiants à la manipulation, à la préparation, aux réglages d’un équipement d’observation astronomique. Évidemment intéressé par l’astronomie, la passion de Vandevyver reste Portrait de Louis Vandevyver néanmoins la météorologie. C’est ainsi que les premiers relevés débutent à l’observatoire en 1907 et qu’un annuaire météorologique est publié l’année suivante. L’observatoire est très actif jusqu’à ce que débute le premier conflit mondial en 1914. Vandevyver décède à la fin de la guerre et sans force vive pour porter les projets scientifiques, l’observatoire de Gand devient moins productif. La Porte des Etoiles n°27 23 • • • • PATRIMOINE Une (petite) partie du baromètre géant Un instrument ingénieux : l’héliographe Un pluviomètre (car il pleut en Belgique) Après la Première Guerre Mondiale, l’astronomie théorique prend de nouveau le pas sur la pratique au sein des enseignements de l’observatoire. Sous l’impulsion du professeur Merlin, la météorologie surpasse elle aussi l’astronomie avec la création d’une plate-forme météo en 1926. La coupole abritant la lunette de 228 millimètres sera délaissée durant une bonne partie du XXème siècle. À la fin des années soixante-dix, les locaux des astronomes professionnels migrent vers un nouveau campus et la coupole de l’ancien observatoire reste abandonnée vingt années durant. Il faudra alors la passion et l’engagement de nombreux bénévoles pour rénover la coupole et les instruments scientifiques qu’elle accueille. L’association des Amis de l’Observatoire de l’Université de Gand voit le jour en 1989 et aura vocation à remettre en état les bâtiments et le matériel. La lunette de 228 sera d’abord démontée en 1993 pour être nettoyée. La même année les travaux de rénovation sont entamés. Ceux-ci dureront plusieurs années. Quelques mots sur Armand Pien Parmi les membres fondateurs de cette association, on trouve Armand Pien. Né en 1920 et décédé en 2003, il fut l’un des plus célèbres météorologues de la télévision belge, où il officia durant près de 40 ans. Il était généralement connu sous le sobriquet ‘‘Weatherman’’. Dans les années soixante et soixante-dix, en plus de ces activités professionnelles, il s’investira longuement dans la vulgarisation de l’astronomie auprès du public néophyte des régions flamandes. Dans ses jeunes années, il avait été étudiant à l’Institut des Sciences de Gand et s’est logiquement investit dans la sauvegarde du patrimoine scientifique des lieux dans les années quatrevingt-dix. En hommage à ce personnage haut en couleurs, l’ancien observatoire de l’Université de Gand porte désormais son nom. Armand Pien ‘‘Weatherman’’ sur le plateau de tournage de la météo belge La Porte des Etoiles n°27 24 • • • • PATRIMOINE L’association L’association des amis de l’Observatoire Armand Pien a évidemment pour but de rassembler des astronomes amateurs de la région afin qu’ils puissent pratiquer leur sport favori. Il y a, depuis quelques temps déjà, une deuxième coupole abritant un télescope moderne à deux pas de la 228 millimètres permettant aussi l’observation et l’initiation à l’astrophotographie. L’association dispose également d’une remarquable bibliothèque d’ouvrages scientifiques et d’un incontournable ‘‘astrobar’’. Mais le club a surtout la volonté de vulgariser l’astronomie et la météorologie auprès du grand public et des scolaires. C’est dans ce cadre que l’association propose aux enseignants et à leurs élèves de tous niveaux des visites de l’observatoire et des ateliers thématiques en lien avec l’astronomie, la météorologie ou l’écologie. L’observatoire est ouvert gratuitement au public chaque mercredi soir. Si la météo est correcte, des observations aux instruments sont proposées depuis la plateforme météo avec une vue spectaculaire, surplombant la plaine de Gand. La visite de la coupole historique est également possible et les curieux assistent également à des représentations en trois dimensions d’une remarquable qualité dans la salle de conférence. La coupole de la 228 aujourd’hui La visite des groupes est traditionnellement organisée le vendredi soir. Elle comprend une présentation de l’histoire et du fonctionnement de l’observatoire, une démonstration en trois dimensions et une visite des installations astronomiques, dont la lunette historique de Désiré Van Monckhoven. Durant les périodes estivales, il est aussi possible de solliciter l’association pour une visite à la carte, mais il est préférable de prévenir à l’avance afin que les bénévoles de l’association Armand Pien puissent s’organiser pour vous recevoir. Sources et remerciements Merci à Patrick Lonneville, Président de l’association des Amis de l’Observatoire Armand Pien, pour son accueil et sa disponibilité. Merci à André Amossé, Président de l’Association Jonckheere, les amis de l’Observatoire de Lille, pour sa relecture attentive. Le site de l’association Armand Pien (en flamand) : http://www.rug-a-pien.be Le site de l’Université de Gand (en flamand et en anglais) : http://www.ugent.be La Porte des Etoiles n°27 25 • • • • PATRIMOINE La méridienne de Rome Par Jérôme Clauss Historique C’est vers 1702 que le pape Clément XI demanda au philosophe, historien et astronome italien, Francesco Bianchini (1662-1729) de construire une méridienne à Rome. L’objectif d’une telle réalisation était de vérifier l’exactitude du calendrier grégorien récemment mis en place et de définir une méthode de calcul fiable de la date de Pâques. Il y avait là aussi une volonté de doter Rome d’une méridienne qui surclasserait celle qu’avait construite Jean-Dominique Cassini (1625-1712) dans la basilique San Petronio de Bologne. C’est en hommage au Pape Clément XI que l’on nomme souvent la méridienne de Rome la ‘‘ligne Clémentine’’. Bianchini et son instrument d’optique La Porte des Etoiles n°27 26 • • • • PATRIMOINE Pour comprendre pourquoi c’est la basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martiri (Sainte-Marie-des-Angeset-des-Martyrs en français) qui a été choisie, il faut revenir aux origines de celle-ci. En effet, avant d’être une église, cet endroit était une partie des thermes de Dioclétien (244-311), un empereur romain qui régna entre 284 et 305. Ces thermes furent abandonnés suite à la destruction par les Goths de l’aqueduc qui les alimentait en eau. C’est 1000 ans plus tard, dans les années 1500, que le pape Pie IV souhaita transformer le lieu en édifice religieux. Les travaux furent confiés à Michel-Ange. Ainsi, la basilique occupe aujourd’hui les anciennes salles du caldarium (salle froide des thermes), du tepidarium (salle tiède) et surtout l’immense salle centrale des thermes. Parmi tous les édifices religieux de Rome (il y en a environ 900), cette église fut choisie pour accueillir la méridienne pour plusieurs raisons : comme tous les thermes romains, ils étaient orientés au Sud ; la hauteur et la grandeur de la salle permettaient le tracé d’une méridienne très longue et donc plus précise et les anciens murs ayant étaient conservés, Plan de la basilique avec le tracé de la méridienne les fondations étaient bien ancrées dans le sol. Cette ‘‘solidité’’ offrait l’assurance que les instruments d’observation, soigneusement calibrés et calés ne se déplaceraient pas. Preuve en est, le site ne subit aucun dommage lors du violent tremblement de terre de 1703 alors que plusieurs édifices romains furent fissurés. Bianchini était admiratif de l’héliomètre de San Pétronio réalisé par Cassini. Il estimait que c’était ’’le plus grand et le plus exact instrument en astronomie à voir en Europe’’. Pour la réalisation de la méridienne de Rome, Bianchini demanda donc de l’aide à Cassini, notamment pour appliquer les méthodes de nivellement utilisées à Bologne. Il se fit également aider du mathématicien Gabriele Manfredi (1681-1761). Il faudra six mois de travail, jour et nuit, pour que Bianchini achève son œuvre. À partir de là, la méridienne sera utilisée pour un tas de mesures astronomiques, notamment la précision de la valeur du méridien romain. De plus, toutes les horloges de Rome seront réglées à midi en se basant sur les informations données par la méridienne. Cela perdurera jusqu’en 1846 où le coup de canon du Janicule (colline de Rome située au Sud du Vatican) prit la relève. Gravure montrant les axes de visées du Soleil sur la méridienne et de l’étoile polaire sur les ellipses La Porte des Etoiles n°27 27 • • • • PATRIMOINE La méridienne Dans la basilique, Bianchini opta pour un aménagement qui donnerait la méridienne la plus longue : 43,255 mètres au total. Il n’apporta aucune nouveauté quant à la construction de la ligne et reprit les techniques utilisées par Cassini pour celle de San Petronio. La méridienne est matérialisée par une lame de bronze incrustée dans un marbre blanc et jaune. Elle est construite le long du méridien qui traverse Rome à la longitude 12°50’. Au midi solaire, lorsque le Soleil passe au méridien vers 12h15 (13h15 à l’heure d’été), les rayons du Soleil traversent un petit orifice percé dans le mur pour La méridienne traverse le sol de la basilique atteindre la ligne. Il apparaît donc au sol un disque de lumière. Au solstice d’été, le Soleil apparaît plus haut, et la tache de lumière frappe la ligne méridienne au point le plus proche du mur. Au solstice d’hiver, c’est l’inverse, le rayon croise la ligne au point le plus éloigné du mur. Aux deux équinoxes, le disque lumineux touche la ligne exactement à mi-chemin entre les deux extrémités. L’oeilleton austral caché par les armoiries de Clément XI Par contre, c’est dans les ornements et les équipements de la ligne que Bianchini montra tout son génie. Le long de la lame de laiton sont représentés les signes du zodiaque dans du marbre polychrome. Ceux-ci ont été réalisés par les peintres Carlo Marata et Francesco Tedeschi. Le long de la méridienne sont aussi incrustées des étoiles en laiton indiquant la position des étoiles les plus brillantes du ciel. Bianchini fera aussi décorer le trou méridional et installer la croix boréale dont nous reparlerons aux chapitres suivants. La tache de lumière s’approche de la ligne de bronze : il est presque midi ! La Porte des Etoiles n°27 28 • • • • PATRIMOINE L’œilleton austral Contrairement à San Petronio, où l’orifice par lequel les rayons du Soleil entrent est juste une ouverture entourée d’une peinture représentant le Soleil, à Santa Maria degli Angeli, ces rayons lumineux passent à travers un œilleton, en fait, un trou aménagé dans les armoiries de Clément. Celles-ci sont représentées en relief sur un panneau qui peut pivoter, de manière à, lorsqu’on l’ouvrait, pouvoir observer le Soleil et la Lune de part et d’autre du méridien, ainsi que d’effectuer des mesures sur les étoiles. Le raffinement a été poussé jusqu’à peindre les armoiries de Clément à l’arrière du panneau de façon qu’aucun utilisateur n’ignore qui l’a fait construire. Principe de fonctionnement de l’oeilleton austral La croix boréale Bianchini a été le premier (et le seul) à penser ‘‘regarder’’ vers le Nord. Grâce à la croix boréale, Bianchini pouvait observer les positions de l’étoile Polaire et d’autres étoiles circumpolaires. Une fois la Polaire visée, Bianchini regardait par l’objectif et indiquait à son assistant l’endroit où repérer la projection de l’étoile. Il justifia ce travail supplémentaire par le fait de pouvoir connaître avec exactitude minuit en observant la position de la Polaire et donc le début du jour ecclésiastique. De cette manière les fidèles ne jeûneraient pas une minute de plus que nécessaire. L’étoile polaire ne se trouvant pas exactement au pôle Nord céleste, elle décrit un cercle autour de lui. Ce cercle, une fois projeté sur le sol de la basilique, donne une ellipse. Si l’axe de la Terre était fixe dans le temps, Bianchini n’aurait dû dessiner qu’une ellipse sur le sol. Cependant cet axe de rotation suit un cycle qui dure environ 25800 ans : c’est la précession des équinoxes. Ce parcours croise d’ailleurs plusieurs étoiles brillantes (Thuban, Alderamin, Vega…) et actuellement le pôle Nord céleste est proche d’une étoile que nous avons baptisé Polaris. Bianchini a donc du dessiner plusieurs ellipses. Le tracé le plus externe correspond à la projection de la trajectoire de l’étoile polaire en 1700, à l’époque où a été construite la méridienne. Les intervalles entre les ellipses représentent 25 ans. On constate d’ailleurs que c’est vers 2100 que notre étoile Polaire sera la plus proche du pôle Nord, elle décrira alors l’ellipse la plus intérieure. Les 17 La Porte des Etoiles n°27 La croix boréale Projection sur le sol de l’orbite de l’étoile polaire Vue détaillée sur les inscriptions aux abords des ellipses polaires 29 • • • • PATRIMOINE ellipses de Bianchini donnent ainsi une image vivante de la précession des équinoxes sur une période de 800 ans, entre 1700 et 2500. On voit d’ailleurs les années marquées sur chaque ellipse, si on prend la plus extérieure on lit MDCC soit 1700 et MMD soit 2500. On peut lire cela sur le sol de la basilique, entre les ellipses 5 et 6 (en comptant à partir de l’ellipse la plus externe) : ‘‘STELLAE POLARIS ORBITAE AD ANNOS OCTINGENTOS’’, soit : ’’orbites de l’étoile polaire pour les huit cents ans à venir’’. Bianchini s’est particulièrement appliqué à réussir le tracé des 17 ellipses, qui représentait une difficulté importante Le zodiaque est indiqué à côté de la méridienne : ici le Taureau avec les seules armes de la géométrie. Hélas, aujourd’hui, on ne peut plus observer l’étoile Polaire à travers la croix boréale puisqu’elle a été bouchée en 1749 par l’architecte Vanvitelli, sans que l’on en connaisse encore la raison. Pour son tricentenaire en 2002, la méridienne a bénéficié d’une rénovation et a ainsi retrouvé son lustre d’antan. Elle est, pour les guides de voyage, le plus bel objet à voir dans la basilique. Cette méridienne n’est pas la seule que l’on peut voir en Italie mais c’est celle qui laisse souvent le plus fort souvenir. On ne peut que conseiller à tous ceux qui passent par Rome de faire un détour pour aller l’admirer. Vue générale des ellipses de Bianchini La Porte des Etoiles n°27 30 • • • • VOYAGE Quelques jours en Cotentin Par Simon Lericque Après le séjour en Tchéquie, on prend les mêmes (ou presque) et on recommence. Pour ce nouveau séjour hors du Nord-Pas-de-Calais, cap sur la Normandie et la pointe du Cotentin. Pendant quelques jours, nous poserons nos valises et nos télescopes à Siouville-Hague à une vingtaine de kilomètres de Cherbourg. La Normandie à la fin du mois d’octobre, le pari était osé... mais il sera globalement réussi. Récit de cette nouvelle aventure du GAAC. La Porte des Etoiles n°27 31 • • • • VOYAGE Vendredi 24 octobre Il est 8h30, l’heure du rendez-vous fixé à Michel et Huguette pour le départ. Nous décollerons finalement de Wancourt à 9h15. On ne perd pas les bonnes habitudes. Philippe partira de Dunkerque un peu plus tard, Andrea, François et les filles décolleront de leur côté en début d’après-midi. La route se fera sans encombres majeures si ce n’est une pluie incessante : un avant goût de la Normandie d’automne en somme. Amiens, Rouen, le pont de Normandie, les kilomètres défilent et Caen est en approche. C’est à la sortie de la capitale normande que nous ferons une pause déjeuner dans une petite brasserie... Ça sent bon les vacances. Le ciel même semble vouloir s’améliorer. Nous reprenons la route pour finalement gagner notre gîte sur la côte Ouest du Cotentin dans la petite commune de SiouvilleHague. Nous prenons nos quartiers dans un vieux manoir de pierres avec une belle vue sur la mer. En attendant le reste de la troupe, nous partons prendre l’air (et l’eau) sur la plage toute proche. C’est au moment où nous rejoignons le gîte que nos camarades terminent leur voyage : pile pour le premier apéro. Le pont de Normandie... Sous la pluie ! À croire que la chose était voulue ! Le ciel est complètement plombé et les prévisions météo ne laissent aucun espoir d’observations pour la nuit à venir. L’apéritif traîne... Le repas – pâtes au gorgonzola – est pris. Chacun vaque ensuite à ses occupations : ordi, lecture, parties de cartes endiablées. Puis vient l’heure d’aller au lit. Premier apéro... ...et premier dîner Samedi 25 octobre Réveil et petit déjeuner en ordre dispersé. Le ciel n’est toujours pas bleu mais au moins il ne pleut plus. Philippe et moi, nous en profitons pour aller faire une première virée photo au port de Diélette, tout à côté de Siouville. Le paysage est beau, les vagues se fatiguent sur les rochers qui jouxtent le port de pêche, au loin le long de la côte on voit la pointe de la Hague et, en face, l’île anglaise d’Aurigny distante de 30 kilomètres. Après ce bon bol d’air, nous regagnons le gîte pour le déjeuner à l’accent italien toujours : pizzas. Le repas est pris rapidement car nous avons rendez-vous à 14 heures pour la visite de Ludiver à quelques encablures de La Porte des Etoiles n°27 La côte Ouest du Cotentin vue de Diélette 32 • • • • VOYAGE Photo de groupe devant Ludiver Cherbourg. Ludiver est un centre de culture scientifique réputé qui abrite notamment un observatoire et un planétarium. Huguette, Andrea et les filles préféreront se promener à Cherbourg et sur la côte Nord du Cotentin près d’Urville. Quant à nous, les hommes, nous avons prévu de passer ici à Ludiver, l’après-midi, la soirée et une bonne partie de la nuit. La visite des lieux commence par l’espace muséographique. On retrouve de belles expositions et maquettes sur l’Univers lointain, les nébuleuses, les planètes du Système solaire, le Soleil... Il y a aussi une belle fresque consacrée à la Lune qui rappelle l’univers de Jules Verne. Une autre salle est consacrée à notre planète, aux mécanismes des saisons ainsi qu’à la météorologie. Le centre est aussi doté d’une belle salle de projection dans laquelle nous pourrons assister à une démonstration du logiciel Stellarium, pour le plus grand plaisir de François. Le prochain homme sur la Lune, ce sera François Philippe, la tête dans la Lune La Porte des Etoiles n°27 Mais le centre Ludiver est surtout connu pour son planétarium. Le dôme de 10 mètres de diamètre abrite une salle circulaire permettant d’accueillir 96 personnes. Le système de projection est un Zeiss ZKP-3. Nous aurons d’ailleurs le plaisir de retrouver le ‘‘ciel Zeiss’’ croisé à Reims et en Tchéquie quelques mois plus tôt. De jolies boules... Michel a de quoi être jaloux ! 33 • • • • VOYAGE En plus du projecteur d’étoiles, le planétarium est équipé de deux fenêtres vidéos permettant d’adapter les séances à un public varié. C’est d’ailleurs l’un des points forts de la séance que nous avons suivi. La connexion Internet directement dans la salle permet au médiateur de présenter des images en lien avec l’actualité astronomique et astronautique du moment. Débats techniques autour du Zeiss ZKP3 Le bâtiment de Ludiver est entouré d’un joli parc de cadrans solaires imaginés et conçus par Jean-Michel Ansel. Certains cadrans, classiques, sont simples à comprendre. Mais le mode de fonctionnement d’autres, bien plus complexe, aurait demandé que l’on s’y attarde. Dans le parc se dressent aussi deux coupoles d’observation. La première abrite un télescope de 300 millimètres, la seconde un Cassegrain de 600 millimètres. Ce T600, nous l’avons réservé pour la nuit mais... Hélas, le ciel est toujours couvert et cela n’augure rien de bon pour la nuit qui vient. Un petit coup d’œil sur les cartes satellites et le couperet tombe : nous n’observerons pas cette nuit ! Contrairement à ce qu’avaient annoncé plusieurs modèles météo, le ciel ne se dégagera pas en fin d’après-midi, il ne se dégagera d’ailleurs pas de la nuit. Nous quittons Ludiver un peu déçus de ne pouvoir mettre l’œil à l’oculaire du T600 mais tout de même heureux de notre passage ici. Nous retrouvons Andrea et Huguette au gîte. Les habitudes sont vite (re)prises. Apéro et repas frugal fait de soupe aux potirons et de salade d’endives... Un dernier coup d’œil au ciel mais rien à faire, ce ne sera pas encore ce soir que nous ferons connaissance du ciel de Siouville-Hague. Comme le réveil, le coucher se fera en ordre dispersé. La coupole du T600 restera close au milieu du parc des cadrans solaires Dimanche 26 octobre En fin de matinée, nous partons tous pour Cherbourg. Aujourd’hui, nous avons prévu de visiter la Cité de la Mer située dans l’ancienne gare transatlantique de la ville. Plusieurs espaces sont à découvrir : une exposition consacrée au Titanic et à son naufrage (Cherbourg est le dernier port continental où le Titanic fera escale en avril 1912) et un espace consacré aux fonds marins. Les nombreux aquariums feront le bonheur des petites... mais aussi des grands. Enfin – sans doute la partie la plus intéressante de la visite – nous explorerons les entrailles du Redoutable, le premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins mis à l’eau en 1971. Réhabilité en l’an 2000, il permet aujourd’hui aux visiteurs de se rendre compte de ce que vivaient les sous-mariniers durant leurs missions de plusieurs semaines sous les eaux. La Porte des Etoiles n°27 34 • • • • VOYAGE La pose devant le Redoutable Aux commandes du sous-marin Jolie méduse Après la Cité de la Mer, nous avons rendez-vous sur les hauteurs de Cherbourg pour visiter la batterie du Roule. Ces blockhaus, installés là pendant la Seconde Guerre Mondiale par l’armée allemande, avaient pour vocation d’accueillir de puissants canons. Il ne reste aujourd’hui que les façades en béton ainsi que les souterrains que nous visiterons, casque sur la tête et lampe frontale allumée. Le lieu s’avérera très étonnant et la vue sur Cherbourg spectaculaire malgré les capacités relationnelles (plus que) limitées de notre guide. Durant cette journée, le Soleil a fait de longues percées. L’espoir d’une observation sera permis jusqu’à l’arrivée de la nuit. Sur la route du retour, nous devinons à l’Ouest, au large, une bande de nuages épaisse. Nous aurons à peine le temps d’apercevoir le fin croissant de Lune et sa lumière cendrée que, déjà, se ciel se couvre à nouveau. Encore raté ! Nous nous rabattrons sur le traditionnel apéro et sur une orgie de ‘‘trucs panés’’ à la mode tchèque. Avant d’aller dormir, François propose un blind test musical brillamment remporté par Philippe, qui se montrera intraitable sur les classiques de la chanson française des années 1970 et 1980. Personne ne pouvait lutter ! Au fond du trou ! Les nerfs lâchent ! Lundi 27 octobre Ce matin a quelque chose de particulier : pas un nuage dans un ciel d’un bleu profond. Après quelques courses au supermarché local, nous décidons d’installer la lunette Perl datant des années 70 de Michel pour scruter notre étoile, flanquée pour l’occasion d’un énorme groupe de taches solaires. Il faudra se mettre à trois pour réaliser une image du ‘‘monstre’’ : François sous la bâche et devant l’écran de l’ordinateur, Philippe au mouvement de hauteur et moi-même au pilotage de l’azimut. Malgré l’absence de suivi automatique, les qualités optiques de la vénérable lunette donneront une image finale très détaillée. Michel et moi profiterons des bonnes conditions atmosphériques pour réaliser un dessin chacun. La Porte des Etoiles n°27 Trois belles taches... solaires ! 35 • • • • VOYAGE Après le repas – un parmentier de canard amoureusement préparé par Huguette – la fine équipe prend le chemin du cap de la Hague et s’arrête dans un premier temps au Nez de Jobourg. Depuis cet endroit, et malgré les rafales de vent, la vue est spectaculaire et on a un peu l’impression d’être perdu sur une île. Pendant que le reste de la troupe entreprend une randonnée sur le chemin qui serpente dans les landes au bord des falaises, Philippe et moi tournons autour de la pointe pour prendre quelques clichés. Nous nous rendons ensuite à Goury pour tenter de dénicher un endroit propice à la photographie du coucher du Soleil. Nous nous installerons sur le blockhaus à deux pas du sémaphore. Depuis cet endroit, nous aurons tout loisir de réaliser de belles images du Soleil et du phare de Goury installé à un kilomètre au large sur un îlot rocheux. Huguette, Michel, Andrea, François, Sophie et Julie nous rejoignent quelques minutes avant que le Soleil ne disparaisse derrière l’horizon. Dans les derniers instants, alors que la luminosité du Soleil a bien baissé, nous apercevons à l’œil nu et sans difficulté le fameux groupe de taches. La fine équipe est au complet et nous en profitons pour faire une photo de groupe au bout du monde. La Porte des Etoiles n°27 Séance photo au Nez de Jobourg Une dernière photo de groupe au bout du monde 36 • • • • VOYAGE Nous rentrons au gîte et cette fois, nous savons que le ciel sera propice pour la nuit à venir. Malheureusement, Philippe est contraint de nous quitter dès ce soir car le lendemain, il passe sur le billard. Après le repas, François, Michel et moi installons le matériel d’observation sur la pelouse juste devant le manoir. Les premiers temps, le seul et unique lampadaire de la rue nous gênera beaucoup mais à 23 heures tapantes, lorsque celui-ci s’éteindra en même temps que toutes les lumières de Siouville, nous nous apercevrons que ce ciel normand est vraiment de bonne qualité. La Voie lactée est quasiment visible d’un horizon Ambiance nocturne : les télescopes sont de sortie pour la dernière nuit. à l’autre. Seuls quelques halos lumineux au Nord et au Sud sont perceptibles. Le reste du ciel nous permettra déjà de nous amuser avec le Dobson 400 et le Cassegrain 200. François ne viendra pas à bout de ses problèmes d’alimentation et sera contraint de replier le Maksutov 150. Pas de chance ! Après de belles observations et quelques dessins, nous regagnons nos lits vers minuit et demi. Tout à l’heure, déjà, nous reprenons la route... Mardi 28 octobre C’est ma fête ! Réveil matinal... Tout le monde range sa chambre, passe le balai, vide les poubelles... À chaque fois, c’est pareil : le moral n’est pas très bon le dernier jour des vacances. Nous quittons le gîte vers 10 heures sous le Soleil. Le chemin du retour, de toute évidence, sera plus agréable que le voyage aller. Nous faisons une halte en banlieue de Caen pour le déjeuner. Ce sera notre dernier repas pris en commun, en tout cas pour ce séjour normand. Nous reprenons la route et faisons un petit crochet par Fécamp pour y découvrir une intéressante pièce du patrimoine astronomique. L’horloge astronomique de Fécamp En effet, l’abbaye de la Trinité à Fécamp abrite une belle horloge astronomique installée là en 1667. Les cadrans ont la particularité d’être peints directement sur le mur. Elle est aussi l’une des premières horloges à indiquer l’heure grâce à deux aiguilles. Elle permet aussi de connaître l’état d’avancement de la lunaison, ainsi que les marées pour le port de Fécamp. Au-dessus des cadrans, dans l’oculus, la phase de Lune peut aussi être lue. Un globe peint sur l’une de ces faces d’un visage symbolisant la Lune permet, en tournant en 29 jours et demi de figurer la phase adéquate. C’est ici à Fécamp que nous nous disons au revoir. Il reste quelques heures de voyage et chacun reprend la route de son côté. Ce long week-end en Cotentin aura été trop court bien sûr. Mais un grand bol d’air au bord de mer, des visites culturelles, un peu d’astronomie et de Soleil tout de même, tout cela dans une ambiance conviviale... Que demander de plus ? Toutes les photos de notre aventure normande sont visibles ici : https://picasaweb.google.com/ AstroGAAC La Porte des Etoiles n°27 37 • • • • VOYAGE Quelques résultats Le groupe de taches solaires AR 2192 à travers une lunette Perl 60/800 de 1976 A gauche en imagerie par François LEFEBVRE - Caméra PlaC2 A droite en dessin par Michel PRUVOST - Oculaire Lanthanum 10mm Vue globale du Soleil le 27 octobre 2014 Dessin à l’oculaire Meade 18mm et lunette Perl 60/800 Michel PRUVOST La Porte des Etoiles n°27 38 • • • • VOYAGE L’amas globulaire M2 - Oculaire Nagler 7mm et Cassegrain 200/1800 - 27 octobre 2014 Michel PRUVOST L’amas globulaire M71 - Oculaire Ethos 8mm et Dobson 400/1800 - 27 octobre 2014 Simon LERICQUE La nébuleuse planétaire NGC 40 - Oculaire Ethos 8mm et Dobson 400/1800 - 27 octobre 2014 Simon LERICQUE La galaxie NGC 7479 - Oculaire Ethos 13mm et Dobson 400/1800 - 27 octobre 2014 Simon LERICQUE La Porte des Etoiles n°27 39 • • • • VOYAGE Le phare de Goury devant le Soleil - Canon EOS 7D et téléobjectif Canon 70-300 - Simon LERICQUE Coucher de Soleil au phare de Goury - Canon EOS 7D et téléobjectif Canon 70-300 - Simon LERICQUE La Porte des Etoiles n°27 40 • • • • LA GALERIE La galerie Même si le maximum du cycle solaire est derrière nous depuis plusieurs mois, le Soleil ces derniers temps, a connu un regain d’activité étonnant. De beaux groupes de taches ont ainsi pu être immortalisés à plusieurs reprises et dans différents instruments. Même lorsque le ciel est voilé, il faut toujours lever le nez vers lui. Souvent, on peut apercevoir des phénomènes atmosphériques intéressants : belles lumières, halos, arcs ou parhélies... Ces scènes se laissent immortalisées avec le matériel le plus basique. Elle est là tout au long de l’année, souvent délaissée. La Lune, pourtant, est une cible de choix pour les dessinateurs et les photographes. Les changements de l’astre des nuits rythment la vie des astronomes amateurs et leurs soirées d’observations... M13, M57, M27... Ces objets sont des classiques du ciel profond. Ils sont souvent photographiés et dessinés mais ne lassent jamais ceux qui les observent. Chaque année, une petite visite vers ces cibles est souvent synonyme de nouvelles images. Sommaire 42��������������������������������������������������������������������������������������������� Soleil actif 43������������������������������������������������������������������������������ La Lune à l’honneur 45����������������������������������������������������������������������������������������������� Ciel voilé 46������������������������������������������������������������������������������������������ Ciel profond 48���������������������������������������������������������������������������������� La petite dernière La Porte des Etoiles n°27 41 • • • • LA GALERIE Soleil actif Le Soleil en calcium Mont Bernenchon (62) 18 octobre 2014 APN EOS 450D et lunette Lunt 60 B1200 CaK Simon LERICQUE Le Soleil en lumière blanche - Chéreng (59) - 29 novembre 2014 Caméra PlaC2 et lunette 60/400 - François LEFEBVRE La Porte des Etoiles n°27 42 • • • • LA GALERIE La Lune à l’honneur Les environs du cratère Bullialdus - Sainte Marie du Lac (51) - 4 septembre 2014 Dessin à l’oculaire Epic ED 14mm et lunette Hélios 150/1200 - Patrick ROUSSEAU La Porte des Etoiles n°27 43 • • • • LA GALERIE Pleine Lune - Guémappe (62) 6 novembre 2014 APN Canon EOS 6D et téléobjectif Canon 70-300 - Simon LERICQUE Croissant de Lune - Bersée (59) - 3 avril 2014 Caméra Basler et lunette Televue 76 mm Fabienne et Jérôme CLAUSS Les environs de Clavius - Esparron de Verdon (04) - 18 août 2013 - APN Canon EOS600D et lunette Skywatcher 80ED Gervais VANHELLE Conjonction Lune-Vénus - 26 février 2014 EOS 450d et téléobjectif Sigma 150-500 Patrick ROUSSEAU La Porte des Etoiles n°27 44 • • • • LA GALERIE Ciel voilé Halo lunaire de 22° Bersée (59) - 8 octobre 2014 APN Canon EOS 60D et objectif Tokina 11-16 Coucher de Soleil Pointe de la Crèche (62) - 9 septembre 2014 APN Canon 6D et objectif Canon 17-40 L Jérôme CLAUSS Sylvain WALLART Soleil et parhélie Villeneuve d’Ascq (59) - 25 novembre 2014 Téléphone Galaxy SII - Simon LERICQUE Arc circumzénital Vitry en Artois (62) - 14 août 2014 Téléphone IPhone 4S - François LEFEBVRE La Porte des Etoiles n°27 45 • • • • LA GALERIE Ciel profond L’amas de la Crèche M44 - Varages (83) - 30 décembre 2013 APN EOS 350D et lunette Televue 76 mm - Fabienne et Jérôme CLAUSS La Porte des Etoiles n°27 46 • • • • LA GALERIE La nébuleuse planétaire M27- Digne les Bains (04) 17 août 2014 - APN EOS 600D et Celestron 9 Gervais VANHELLE L’amas globulaire d’Hercule M15- Chéreng (59) Décembre 2013 - APN EOS 1000D et Newton Orion UK 200/900 - François LEFEBVRE La nébuleuse planétaire de la Lyre Observatoire de Lille (59) 23 août 2014 Dessin à l’oculaire Ethos 13 mm et lunette Jonckheere 320/6000 Simon LERICQUE Blink Nebula, NGC 6826 Observatoire de Lille (59) 23 août 2014 Dessins à l’oculaire Ethos 13 mm et lunette Jonckheere 320/6000 A gauche Simon LERICQUE A droite Michel PRUVOST La Porte des Etoiles n°27 47 La petite dernière Cette petite dernière met à l’honneur Rosetta, une mission spatiale qui restera dans les mémoires. Cette image a été réalisée bien avant que le module Philae ne soit envoyé se poser sur le noyau de la comète Churyumov-Gersimenko. C’est d’ailleurs Philae qui réalise cette photographie spectaculaire alors qu’il était encore à bord de la sonde. On y voit les panneaux solaires de Rosetta et, en arrière-plan le ‘‘double-noyau’’ de l’étonnante comète qu’il visitera quelques temps plus tard... La Porte des Etoiles n°27 48