Nouvelles prescriptions pour les pharm acies d

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Nouvelles prescriptions pour les pharm acies d
entreprise santé
Action collective
Nouvelles prescriptions pour les pharm
Professionnel de la santé, le pharmacien d’officine
prend-il soin de sa santé et de celle de ses
salariés ? C’est en substance la question que
s’est posée un groupe de travail qui a observé
le travail réel dans cinq officines des Bouchesdu-Rhône. Résultat : « Peut mieux faire ».
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Travail & Sécurité­­– Juillet-août 2010
des salariés lors des comités
de pilotage. « Les actions précédentes laissaient apparaître un
manque de suivi dans les entreprises. Une action menée par un
service de santé permet un suivi
de long terme par les médecins,
et le relais du syndicat des pharmaciens a été déterminant. Les
pharmaciens ont davantage
été mobilisés lors des réunions
de sensibilisation, et l’information délivrée par un pair a plus
de poids », assure Sandrine
Martinez, responsable du service Intervenants en santé au
travail du GIMS.
© Claude Almodovar pour l’inrs
C
’est le paradoxe du cordonnier mal chaussé.
Professionnels de la
santé, les salariés des pharmacies d’officine se disent plutôt
avertis des risques liés à leur
activité. En 2006, on dénombrait cependant 650 accidents
du travail avec arrêt au niveau
national, soit 32 200 journées
perdues, qui correspondent à
la fermeture de 30 pharmacies de 5 salariés. D’ailleurs, ces
professionnels ne font pas forcément preuve d’une vigilance
accrue. Pharmacien juché sur
une chaise à roulettes pour
attraper des médicaments en
hauteur ou préparatrice répétant des gestes contraignants
pour ranger les produits livrés…
Ce sont quelques-unes des
situations à risque repérées
lors de l’action collective de
prévention menée par le GIMS
(Service de santé au travail
des Bouches-du-Rhône) et le
syndicat des pharmaciens du
département.
Cette démarche, financée par
la Direction régionale du travail et de la formation professionnelle et suivie par l’Aract
Méditerranée (l’agence régionale pour l’amélioration des
conditions de travail) sur le
modèle d’actions similaires
menées auprès d’autres professions, aura duré deux ans,
en 2008 et 2009. Elle a également associé les représentants
Observations
puis intervention
Pendant plusieurs mois, cinq
pharmacies test des Bouchesdu-Rhône – choisies pour la
diversité de leurs activités et
de leur taille – ont participé
à cette action collective. « Le
groupe de travail était composé de représentants des
employeurs et d’un référent
par pharmacie. Animé par les
IPRP (1) du GIMS avec l’appui
du médecin du travail, il s’est
réuni trois demi-journées. Entre
celles-ci, nous allions observer
sur place les conditions de travail dans ces pharmacies, ce
qui permettait d’accompagner
celles-ci dans leur démarche
de prévention, mais aussi
d’échanger sur les bonnes pra-
tiques et de travailler sur des
points d’amélioration. Nous
nous sommes consacrés dans
chacune des pharmacies à une
unité de travail particulière »,
poursuit Sandrine Martinez.
De ces observations est né un
guide, La Prévention en action,
ainsi qu’une fiche d’information pour les salariés, distribués par les médecins du GIMS
et téléchargeables sur les sites
d’Aract Méditerranée, du GIMS
et du syndicat des pharmaciens. L’objectif ? Aider les pharmaciens d’officine à rédiger
leur document unique d’éva-
À la pharmacie des Rosiers,
un roulement a été instauré
entre les cinq préparatrices qui
manipulent des produits dangereux.
luation des risques professionnels et informer les salariés
sur ce qu’ils sont en droit d’attendre de leur employeur.
De fait, les 765 pharmacies
d’officine des Bouches-duRhône ont été touchées : 3 000
exemplaires du guide ont été
imprimés et plus de 1 000 téléchargés. « Nous avons organisé
plusieurs réunions d’information rassemblant entre 20 et
80 pharmaciens pour présenter
le guide et délivrer le message
que les médecins du GIMS ou
les IPRP pouvaient les aider à
élaborer le document unique »,
souligne Roland Creusevau,
secrétaire général du syndicat des pharmaciens des
Bouches-du-Rhône.
Repenser
l’organisation
du travail
Les cinq pharmacies test ont su
tirer parti de cette démarche. À
la suite de l’action collective, le
document unique de la pharmacie des Rosiers à Marseille
a été largement enrichi.
L’officine compte 48 salariés,
dont les trois quarts affectés
au laboratoire de préparation
magistrale. « C’est donc principalement au laboratoire que
nous nous sommes intéressés lors de l’action collective »,
assure Alix Siné, pharmacienne en charge de ce dossier.
Les recommandations adoptées : le recours à une société
de maintenance pour assurer
d’éventuelles
interventions sur des appareils de
préparation afin de lever
le stress et l’énervement
liés aux pannes ; la mise
en place d’un roulement
entre les cinq préparatrices
amenées à manipuler des
produits dangereux, pour
mieux prendre en compte
les risques psychosociaux
liés à un travail dans une
pièce isolée, demandant un
habillage spécifique et donc
générateur de stress et sa
proscription pour les femmes
enceintes. « Aujourd’hui, nous
poursuivons notre travail avec
le GIMS sur la question des
produits CMR (cancérogènes,
mutagènes, reprotoxiques) »,
indique Alix Siné.
Depuis son transfert en 2006,
la pharmacie Bois Lemaître
à Marseille dispose, quant à
elle, d’un automate délivrant
directement les médicaments
au comptoir. Une distribution
qui concerne 25 % des produits de l’officine, mais 80 %
des ventes. Les produits les
Sensibiliser dès l’apprentissage
P
rendre de bonnes habitudes de travail, cela s’apprend
dès l’école. C’est pourquoi le GIMS et le syndicat des
pharmaciens des Bouches-du-Rhône ont décidé d’associer à
leur action de prévention le Centre de formation d’apprentis
(CFA) de la pharmacie Marseille-Provence, qui forme chaque
année 400 préparateurs. 12 professeurs ont été informés de
la publication du guide et invités à relayer le message auprès
de leurs élèves. « À la rentrée prochaine, ces questions feront
partie du programme : une présentation générale du guide et
de ses préconisations sera réalisée et certains points comme
les risques chimiques, les conditions de manipulation, les
risques de chute ou la station debout seront abordés en TP »,
indique Robert Bichaud, directeur du CFA.
pharmacie, c’est le respect
du client qui est avancé
pour justifier de ne pas se
servir des tabourets mis
à disposition. « Il y a aussi
certains points soulevés
lors de l’action collective
pour lesquels nous n’avons
pas su proposer de changements », fait remarquer Roland Creusevau.
Typiquement, le man–
que de place dans les réserves
reste source de risques, même
avec une optimisation du
rangement.
Concernant l’ensemble des
pharmacies des Bouches-duRhône, l’information semble
être passée. Il est en revanche
plus difficile de mesurer l’impact de la démarche car peu
de pharmacies ont fait appel
au GIMS pour les accompagner individuellement dans
leur démarche de prévention.
« Dans les actions précédentes,
certaines entreprises ont procédé à des améliorations
sans nous solliciter », nuance
Sandrine Martinez. « La sensibilisation à cette action est très
variable d’une officine à l’autre.
Mais, dans la perspective d’une
démarche qualité qui ne manquera pas de s’appliquer à notre
profession dans les prochaines
années, c’est une première
étape de rédaction des process
de travail qui donnera une longueur d’avance à ceux qui l’auront menée à bien », conclut
Roland Creusevau.
© Claude Almodovar pour l’inrs
acies d’officine
L’alimentation de l’automate
qui délivre les médicaments
au comptoir a été revue, à la
pharmacie Bois Lemaître.
plus vendus (paracétamol par
exemple) sont, eux, placés
juste derrière le comptoir et
les moins demandés sur des
étagères dans l’arrière-boutique, ce qui évite des déplacements répétés. « Auparavant,
une seule personne avait pour
fonction de remplir l’automate
toute la journée. Depuis son
départ et la réflexion menée
dans le cadre de l’action collective, nous avons organisé un
roulement entre les préparatrices, ce qui permet de se répartir cette tâche monotone et
génératrice de TMS », explique
Béatrice Otto, préparatrice et
référente de cette action collective. Pour des questions
de sécurité, l’ouverture de la
pharmacie a été repensée : les
employées attendent d’être
deux avant d’ouvrir, plutôt que
dès l’arrivée de la première, et
la fermeture se fait toujours à
trois. Deux sièges assis-debout
ont également été achetés
pour permettre au personnel
de reposer ses jambes. « Cela
provoque parfois une gêne
pour se déplacer et servir les
clients. Nous nous en servons
donc plutôt pour nous soulager
quand nous avons trop mal aux
jambes », note Alice Delgery,
préparatrice. Dans une autre
1. Intervenants prévention des risques
professionnels.
Gaëlle Ginibrière
Travail & Sécurité –
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