Chez Burger King, les clients jouent pour ne pas faire la queue

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Chez Burger King, les clients jouent pour ne pas faire la queue
 Chez Burger King, les clients jouent pour ne pas faire la queue Anne-­‐Hélène Pommier -­‐ 23/01/2015 INTERVIEW -­‐ L'enseigne de restauration rapide a lancé une application mobile pour permettre à ses clients de couper la queue devant ses restaurants. Thierry Spencer, spécialiste en marketing, nous explique en quoi la gestion de l'attente est un enjeu primordial. Couper la file d'attente… il y a aussi une application pour ça. Depuis la fin du mois d'octobre dernier, la chaîne de restauration rapide Burger King propose à ses clients de gagner le droit de passer devant tout le monde en jouant sur leur smartphone. De retour en France depuis un an, avec une vingtaine de restaurants seulement, la chaîne américaine a décidé de s'attaquer à un problème récurrent, et parfois décourageant: le temps d'attente avant de pouvoir passer à table. Lancé avec l'agence Buzzman, le jeu intégré à l'application de l'enseigne, consiste à protéger le plus longtemps possible le menu qu'une multitude d'assaillants essaie de dérober. Les gagnants ont 15 minutes pour utiliser leur passe-­‐droit. Une idée originale et bienvenue selon Thierry Spencer, directeur associé de l'Académie du service. Spécialiste des questions de marketing, il explique que la gestion de l'attente est aujourd'hui devenu un impératif. LE FIGARO: L'initiative de Burger King est-­‐elle une bonne idée? Thierry SPENCER : L'idée d'un jeu est originale. Mais surtout l'application fait un clin d'œil au fait qu'il y a la queue devant chez Burger King. C'est une façon de faire savoir que beaucoup de gens ont très envie d'y aller, et de faire oublier l'histoire chaotique de la marque qui avait renoncé à s'implanter en France avant finalement d'y revenir. L'objectif est d'orchestrer un buzz positif autour d'un problème tout en occupant les clients qui le subissent. Essayer de réduire l'attente, ou gérer sa perception, c'est ce que doit faire tout bon marketeur. C'est indispensable. La forme digitale est amusante et comme aujourd'hui six français sur dix possèdent des smartphones, c'est moins segmentant qu'avant, cela s'adresse à beaucoup de monde. En quoi gérer l'attente des clients est-­‐il si important? La digitalisation de la société a modifié la perception de l'attente. Il y a 15 ans lorsqu'un client envoyait un courrier pour faire une réclamation, il savait que cela prendrait trois jours avant qu'il n'arrive à destination, puis trois jours pour sa lecture, trois autres pour la réponse… au final s'il obtenait une réponse sous quinze jours, il était content. Aujourd'hui avec les tweets, les e-­‐mails, s'il n'a aucun retour après 24 heures, il trouve cela long! Pour le client il n'y a rien de plus insupportable que d'attendre sans savoir combien de temps cela va durer, et en ayant l'impression que l'entreprise ne fait rien pour lui. Laisser le client seul et irrité est une source de stress contagieuse. Cela va s'étendre aux autres clients dans la file, mais aussi aux collaborateurs de l'entreprise qui vont devoir gérer la colère, voire en subir les conséquences. C'est humain d'avoir l'impression que les personnes qui sont derrière un guichet n'agissent pas, et nous leur en voulons de ne rien faire. C'est dans cette spirale que s'était enfermée La Poste: l'image du guichetier inactif derrière sa vitre. Vous parlez de La Poste, mais quelles autres entreprises ont dû mettre en place des mesures de gestion de l'attente? Aujourd'hui tout le monde a à cœur de bien la gérer. Cela commence dans les ascenseurs où des miroirs sont installés. L'objectif est de modifier la perception du temps pendant le déplacement, d'occuper les gens. La Poste a installé des automates pour affranchir soi-­‐
même son courrier. Le client attend moins, mais en échange, il participe. Chez Carrefour, cela fait des années que des expériences sont menées autour des caisses enregistreuses. Le distributeur a testé le tracé d'une ligne bleue en promettant l'ouverture d'une nouvelle caisse à chaque fois que la file d'attente la dépassait. Aujourd'hui, Carrefour s'essaie à la file unique, avec un minuteur à l'entrée indiquant aux consommateurs à combien de temps ils sont encore de la caisse. C'est le même principe que dans les parcs d'attraction. Chez Disney, il n'y a pas de file de 200 mètres de long, mais un circuit au cours duquel les touristes aperçoivent l'attraction et peuvent regarder un petit film. Faire la queue devient un divertissement. Chez Nespresso, c'est l'occasion de déguster le dernier cru que vous apporte un serveur. Mais l'entreprise la plus innovante est sans doute McDonald's. Après les bornes, et les applications, l'entreprise teste à Tours un système de commande par Internet qui permet aux clients d'être servis à table à leur arrivée dans le restaurant. Le groupe américain se sert en fait de la France pour tester ses innovations. Les Français sont réputés très exigeants et ont des attentes très importantes surtout en matière de restauration.