POURQUOI DES MOINS DE 3,5 T EN LONGUE DISTANCE ?

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POURQUOI DES MOINS DE 3,5 T EN LONGUE DISTANCE ?
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SUR LA SELLETTE
POURQUOI DES MOINS DE
3,5 T EN LONGUE DISTANCE ?
Christian Rose, délégué général de l’AUTF
(Association des utilisateurs de transports de fret)
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■ C. R. : Il faut en premier lieu considérer que les
véhicules de 3,5 t et moins n’ont pas vocation à
se substituer aux ensembles routiers de grande
capacité ; en d’autres termes, il convient de ne
pas céder à l’idée faussement répandue qu’un
donneur d’ordre puisse recourir à plusieurs véhicules utilitaires légers pour transporter une
quantité de marchandises nécessitant un ensemble routier. Qu’il s’agisse du nombre de
conducteurs de véhicules jusqu’à 3,5 t nécessaires pour remplacer le conducteur d’un ensemble routier, de la consommation totale de
carburant ou des moyens à mobiliser lors des
phases de chargement et de livraison, le modèle
économique d’une telle substitution n’est pas
DR
D. Delion
➜ Les chargeurs tendent à recourir à des véhicules utilitaires légers plutôt qu’à des
ensembles routiers pour des transports longue distance. Pourquoi un tel phénomène ?
Comment le combattre ?
Philippe Churlet, dirigeant de la Société
Transports et Affrètements routiers (STA), commissionnaire de transport, filiale du groupe Smurfit Kappa
Que révèle l’émergence des utilitaires de
moins de 3,5 tonnes sur le marché longue
distance de la distribution palette ?
viable. C’est bien au contraire grâce à des solutions de massification que des économies sont à
réaliser. Les véhicules de moins de 3,5 t sont en
revanche parfaitement adaptés aux transports
urgents et /ou de dépannage de petits envois sur
palettes ne pouvant pas passer dans un réseau
de messagerie, notamment sur des flux internationaux opérés le plus fréquemment en sous
traitance par des entreprises implantées dans les
pays ayant rejoint dernièrement l’Union européenne. Nul doute que ces entreprises conjuguent des coûts attractifs avec le fait de ne pas
être assujetties aux conditions d’exercice de la
profession ni à la réglementation sur les temps
de conduite et de repos des conducteurs.
L’Officiel des Transporteurs − N° 2780 du 10 avril 2015
■ P. C. : L’utilisation des véhicules utilitaires légers est essentiellement due à la flexibilité de
ce mode de transport. Les contraintes limitées,
liées à ce type de transport, permettent à leurs
utilisateurs des « prouesses » qui rendent leurs
prestations impossibles à égaler par les
moyens classiques. Les chauffeurs, souvent issus des pays de l’Est, se contentent de moyens
d’hébergement spartiates ! La vitesse commerciale est élevée. Les temps de travail ne sont
pas, ou très peu contrôlés, et de toute façon très
difficiles à mettre en défaut.
SUR LA SELLETTE
IL Y A FORT À
PARIER QUE LES
TRANSPORTS
LÉGERS
SE DÉVELOPPERONT
TANT QUE RIEN
NE VIENDRA
LES ENCADRER,
LES LIMITER
OU LES INTERDIRE.
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Ce phénomène répond-il à un
impératif financier ou s'explique-t-il
également par d'autres attentes ?
■ C. R. : Comme indiqué précédemment, le transport sur longue distance au moyen de véhicules de moins de 3,5 t se développe sur un
marché spécifique pour lequel il offre un bon rapport qualité/prix.
■ P. C. : Avant l’arrivée massive des prestataires issus des pays émer-
gents, les VUL français étaient essentiellement utilisés pour les véritables urgences. Les niveaux de prix permettaient de répondre en
toute sécurité aux demandes exceptionnelles. On a pu progressivement observer un basculement des lots de moins de 1,5 t qui, initialement, étaient réalisés par des groupeurs professionnels, vers les
VUL. Les tarifs bas pratiqués par ces nouveaux venus, couplés à leur
grande flexibilité et à leur performance, leur ont permis de croître exponentiellement sur le territoire français.
Cette évolution vous
semble-t-elle irréversible ?
■ C. R. : La nature ayant horreur du vide, il y a fort à parier que les transports en question se développeront tant que rien ne viendra les encadrer, les limiter ou les interdire. À cet égard, la France exige que tout
véhicule d’au moins deux essieux, quel que soit son poids, effectuant
du transport public national ou international de marchandises, soit
couvert par une licence communautaire ou par une licence de transport intérieur. Cette réglementation française n’est toutefois applicable qu’aux résidents français, de telle sorte que les entreprises résidentes d’un autre État membre exploitant des véhicules dont la masse
en charge autorisée ne dépasse pas 3,5 t sont libres de réaliser des
transports internationaux au départ de France, à destination de la
France ou transitant par l’Hexagone. La France a en outre plus récemment décidé d’assujettir les transports pour compte d’autrui réalisés
au moyen de véhicules dont la masse en charge autorisée ne dépasse
pas 3,5 t aux règles relatives à l’exercice en France d’une activité de cabotage routier de marchandises. Si tant est que soit démontrée l’opportunité d’étendre au niveau européen le modèle français, le fait que
la majorité des véhicules jusqu’à 3,5 t — 5,8 millions d’unités immatriculées en France vs 550 000 véhicules industriels de plus de 3,5 t—
soit utilisée pour compte propre ou par des particuliers plaide en revanche contre leur équipement en chronotachygraphe et leur
assujettissement au règlement sur les temps de conduite et de repos.
Une telle orientation serait en effet disproportionnée car elle reviendrait à faire peser des contraintes sur une population d’utilisateurs
pour lesquels un encadrement des temps de conduite et de repos est
sans objet.
LES TARIFS BAS PRATIQUÉS PAR
CES NOUVEAUX VENUS, COUPLÉS
À LEUR GRANDE FLEXIBILITÉ
ET À LEUR PERFORMANCE, LEUR ONT
PERMIS DE CROÎTRE EXPONENTIELLEMENT
SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS.
■ P. C. : Il est évident que les chargeurs se satisfont de cette évolution,
car les contraintes de stock bas, de commandes morcelées, de réduction de délais, peuvent être réalisées à moindre coût. Mais, nous l’aurons compris, cette évolution se réalise au détriment de la sécurité et
du développement durable, et ce, sans se préoccuper des conditions
de travail des chauffeurs. Pour revenir à des conditions plus décentes,
une solution simple consisterait à rendre obligatoire les chronotachygraphes dans les VUL.
L’Officiel des Transporteurs − N° 2780 du 10 avril 2015
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