L`effet Titanic en politique

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L`effet Titanic en politique
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LA LIBERTÉ
FORUM
MERCREDI 18 AVRIL 2012
ARRÊT SUR IMAGE
VOS LETTRES
Du Gruyère made in USA?
EMMI • L’attitude du groupe lucernois, accusé d’affaiblir l’AOC
du Gruyère, surprend en Suisse. En voici une nouvelle preuve.
L’information publiée samedi
dernier par différents journaux
me choque. Emmi, le plus grand
producteur de produits laitiers
de Suisse avec Cremo, veut produire un fromage appelé Gruyère
aux USA. Certes, ce pays ne reconnaît pas les AOC et je pourrais comprendre qu’un producteur américain abuse de cette
situation.
C’est par contre inacceptable
de la part d’une entreprise
suisse. Le parlement étudie depuis un certain temps le dossier
«swissness» qui a pour but de définir les critères permettant d’utiliser le terme suisse pour les différents produits agricoles et
industriels.
Le président d’Emmi, le
conseiller aux Etats Graber
(PDC, Lucerne), est actuellement président de la commission de l’économie et des redevances. Il est donc parfaitement
au courant des abus qu’on rencontre dans ce domaine. De plus,
l’ancien conseiller fédéral Joseph
Deiss est administrateur d’Emmi
depuis son retrait du Gouvernement. Il fait partie du comité
marché qui s’occupe des nouveaux produits et des nouveaux
marchés. Comme ancien ministre de l’Economie, il devrait être
sensible à ce genre de problème.
Il est vrai que la carrière de M.
Deiss n’a pas été marquée par un
engagement particulier en faveur
de notre canton. Cette lettre ne
représente qu’une première
réaction à chaud. A l’heure où
nos exportateurs sont confrontés
à d’énormes difficultés à cause
du franc fort, il est inadmissible
que des entreprises suisses pratiquent ce genre de politique. Une
réflexion doit avoir lieu au plus
haut niveau de l’Etat.
JEAN-FRANÇOIS RIME,
conseiller national, Bulle
Est-ce encore un service public?
La récente annonce de la fermeture des offices postaux de la
Neuveville et du Bourg en ville de
Fribourg me déçoit et m’interpelle à plusieurs égards quant à
la politique commerciale poursuivie par La Poste.
Tout d’abord, je tiens à rappeler à La Poste, et à tout un chacun
qui l’aurait oublié, le rôle de service public qu’a cette ancienne
régie d’Etat. De manière sournoise et lente, les offices postaux
sont fermés avec comme prétexte des arguments de rentabilité, de nombre de fréquentation
et j’en passe («LL» du 12 avril).
Je suis de l’avis que ce genre
d’argument ne tient pas face au
rôle de service public qui lui incombe. En effet, le service public
est par définition un service effectué non pas en vue d’un profit,
mais bel et bien en vue d’une
couverture maximale de la population. Peu importe que l’on soit à
la Bahnhofstrasse à Zurich ou à
Cimalmotto au fin fond du Vallemaggia dans le Tessin, le service
public doit garantir un minimum
équitable pour tous et ce n’est
pas avec la politique commerciale adoptée par La Poste ces
dernières années que cela est
mis en œuvre.
Deuxièmement, la mise en
perspective de cette politique
commerciale de restriction du
service public avec le fait que La
Poste a généré des bénéfices de
plus 900 millions de francs en
2010 et plus de 700 millions pour
les neuf premiers mois de 2011
me laisse perplexe. Ainsi, il serait
utile de rappeler que les grands
projets tels que les barrages, les
chemins de fer ainsi que La Poste
n’ont pas été créés avec l’intention initiale de générer des bénéfices, mais bien plus dans une
volonté de service public au bénéfice de tous.
EMMANUEL KILCHENMANN,
Cormagens
Des précisions romontoises
Revenant sur l’article «La
scène alternative en crise» («LL»
du 14 avril), je tiens à remercier
«La Liberté» pour sa tentative
d’explication nuancée du différend qui oppose l’association
Scène9 au Café le XVe de Romont.
Cela dit, il est utile de préciser
que le Café le XVe, avant d’investir en un an plus de 35 000 francs
dans son partenariat avec
Scène9, organisait à ses frais
concerts et animations DJ tous
les soirs de week-end depuis plusieurs années, soit huit événements par mois.
Dès lors, il est difficilement
compréhensible que Scène9, bénéficiaire de quelque 65 000 fr. de
subventions obtenues grâce à sa
collaboration avec le XVe, ne
puisse fournir au minimum les
mêmes prestations et ne se
contente désormais, malgré ses
engagements initiaux, que de
deux concerts par mois au détriment de la diversité de l’offre culturelle glânoise.
L’argent public étant une
denrée précieuse, le XVe a donc
décidé de ne plus cautionner ce
modus operandi par la suspension de son partenariat. Mais que
les amateurs de musiques alternatives se rassurent: si la parenthèse Scène9 devait se refermer
par manque de motivation de ses
membres, le XVe continuera
d’animer les soirées romontoises
comme par le passé.
Des supportrices encouragent Stanislas Wawrinka lors de son match de tennis contre Mardy Fish, lors de la rencontre de Coupe Davis entre
la Suisse et les Etats-Unis à Forum Fribourg, le 10 février 2012. ALAIN WICHT
OPINION
L’effet Titanic en politique
JACQUES DE COULON
Toutes les traditions parlent
d’une chute à l’aube de l’humanité et sont unanimes sur la
cause de cet exil: l’orgueil,
l’adulation d’un moi qui se
prend pour un dieu. Dans la
Bible, Adam et Eve sont chassés de l’Eden pour avoir voulu
s’égaler au Très-Haut en mangeant le
fruit défendu. «Vous serez comme des
dieux», leur avait susurré le Serpent. En
Grèce, le titan Prométhée dérobe le feu
sacré de l’Olympe pour le profit de
l’homme et s’attire les foudres de Zeus
suivies par l’ouverture de la boîte de
Pandore: les maux se déversent sur l’humanité. Pour les sagesses d’Orient, c’est
l’attachement à la boursouflure de l’ego
qui provoque un enchaînement à la
Roue du karma, source de toute souffrance. Un conte africain du Mali résume la catastrophe en une phrase:
«L’homme était fier, alors Doondari créa
l’aveuglement qui vainquit l’homme.»
Et si l’on introduisait un critère antichute dans l’évaluation de nos politiciens, celui de l’humilité? Pour contrecarrer «l’effet Titanic», cette course vers
le naufrage des leaders titanesques,
adeptes de la démesure, l’hybris des
Grecs. De fait, les Führer et autres
Guides bouffis d’orgueil ont mené leurs
ouailles à la catastrophe. Contrairement
aux dirigeants helvétiques dont l’ego a
nettement moins grossi grâce à un régime confédéral qui limite son poids.
L’humilité a d’ailleurs la même racine
que l’homme: les deux dérivent étymologiquement de l’humus. L’homme vient
de la terre, il ne s’est pas forgé tout seul
et s’il se prend pour un astre trop étincelant, il court au désastre. L’humilité tisse
l’humanité de l’homme; l’orgueil le déshumanise. L’humain doit se souvenir
qu’il n’est pas tout-puissant et qu’il dépend des autres, traces du Tout Autre, dirait Emmanuel Levinas.
Qu’en est-il des candidats à la présidentielle française, à l’aune de la taille de
leur cher moi? Tous constatent certes que
nous sommes au bord du gouffre, mais à
entendre les «moi je» de la plupart, on découvre qu’ils nous proposent un grand
pas en avant. Ils déroulent leur ego auréolé d’un programme ronflant pour
mieux endormir le peuple. Ne sont-ils pas
infatués d’eux-mêmes, fats? Ce dernier
adjectif renvoie aussi à l’anglais «fat»
(gros). Grâce à la course pédestre ou au
régime, les plus en vue ont sans doute
maigri physiquement pour maintenir leur
ligne corporelle. Mais qu’en est-il de leur
moi? Garde-t-il la ligne lui aussi ou s’engraisse-t-il dans un incessant banquet
d’autosatisfaction tout en naviguant à
vue?
On constate que plus les candidats brillent dans les sondages, plus leur moi tend
SOUVENIRS
DANIEL SAVARY,
administrateur Le XVe Sàrl
sérieux ces menaces venant de
personnes «soi-disant gentilles».
Que les personnes qui se
comportent de la sorte prennent
leurs responsabilités et ne viennent pas pleurnicher avec photo
à l’appui de prétendues violences
policières. Je n’étais pas sur
place, mais merci à la police pour
son travail. En principe en effet,
une personne interpellée, si elle
se comporte bien, ne rencontre
aucun problème.
BERTRAND GREMION, Marly
Pour conclure, cette citation du «Yi
King», l’un des plus anciens livres qui est
aussi un manuel de philosophie politique
à l’usage des empereurs de Chine: «L’humilité crée le succès; la loi du ciel vide ce
qui est plein et comble ce qui est vide.»
Quand l’homme est trop plein de luimême, le ciel ne peut plus rien pour lui.
Echec garanti: vive Moi, vive la République… en chute libre! Nos titans candidats devraient y réfléchir. I
L’engrenage
est à éviter
M. Fabien Gasser, procureur
général, et M. Eric Baechler, maître boucher, sont des personnes
talentueuses, que j’ai côtoyées
personnellement, l’une à travers
le chant et le théâtre, l’autre à travers la Jeunesse, dont une jolie
partie de lutte à la culotte sur les
«Côtes à Milon», à Lossy.
A tous deux, je leur souhaite
sincèrement de la compréhension mutuelle, en évitant l’engrenage du durcissement («LL» du
13 avril). A noter que l’Etat de
Fribourg n’est pas plus violent
que sa population, mais en tout
cas pas moins! Preuve en est –
lors du passage au poste de police de notre artisan à l’œil au
beurre noir – l’accueil qui lui a
été réservé par un psychologue
tout attentionné…
Toujours la faute à la police…
A la suite de l’affaire de l’arrestation qui a eu lieu à Belfaux
(«LL» du 13 avril), je suis
consterné que des personnes accusent à nouveau la police de
tous les maux.
En effet, j’estime que la police
a pris les précautions qui s’imposent face à un individu qui profère des menaces de mort avec
arme à feu. Je pense qu’à la suite
de toutes les affaires que nous
pouvons voir dans le monde, la
police est obligée de prendre au
à s’hypertrophier. Par contre, Poutou se
trouve tout en haut sur l’échelle de la modestie et le clip de Philippe montre avec
autodérision ce que la politique est devenue: un grand jeu télévisé. Mais la minceur de son programme fait hélas écho à
celle de son ego alors qu’elle devrait lui
être inversement proportionnelle! Quant
au titan Sarkozy, il a par deux fois montré
une fissure dans sa cuirasse prométhéenne. Tout d’abord, ses excuses bredouillées à la télévision par rapport à
l’épisode fondateur du Fouquet’s. Puis un
cri vers autrui à la fin d’un discours: aidez-moi! Pitoyable? Non, salutaire. Il était
enfin revenu sur terre, dans l’humus, enfin redevenu humain. Puisse cette fissure
devenir béante, caisse de résonance des
clameurs des plus démunis! Mais il en est
encore loin. Hollande, lui, devrait se réjouir d’être qualifié de «capitaine de pédalo» par ses adversaires. Contrairement
au Titanic, le pédalo reste à taille
humaine.
Chantier du barrage de Rossens, en 1946. © BCU FRIBOURG, FONDS MÜLHAUSER
PAUL ESSEIVA,
Courtaman

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