Téléchargez les actes de la rencontre conjoncture juin 2013

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Téléchargez les actes de la rencontre conjoncture juin 2013
Rencontre Conjoncture
du 25 juin 2013
Synthèse
des débats
• Septembre 2013 •
Introduction • Dominique Figeat, Président de l’ORF •
Présentation de la conjoncture
• Marie-Antoinette Basciani-Funestre (Driea/ORF) •
• Amélie Darley (IAU îdF/ORF) •
Table ronde animée par Rémy Cambau autour de :
• Maître Jérôme Cauro, vice-président de la Chambre des notaires d’Île-de-France
• Michel Dulimon, représentant de l’AORIF et membre du comité exécutif du groupe Arcade
• Hervé Manet, président de la FPI d’Île-de-France et directeur général d’Icade Promotion
• Pierre Missioux, directeur général de la Safer Île-de-France
• Jacques Touchefeu, directeur de l’EPA Orly-Rungis Seine Amont
Conclusion de Joseph Comby
• Introduction •
Dominique Figeat, président de l’ORF
ORF
Association regroupant
État, région, élus et professionnels
IAU île-de-France :
15, rue Falguière, 75740 Paris Cedex 15
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Tél. : 01 77 49 79 56
DRIEA :
21-23, rue Miollis, 75732 Paris Cedex 15
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Tél. : 01 40 61 86 07
Maquette : Sylvie Castano, IAU îdF
site web : www.orf.asso.fr
La publication d’une note de conjoncture accompagnée d’une rencontre est aujourd’hui un
travail régulier de l'ORF : il s'agissait le 25 juin
2013 de la troisième édition.
Cette séance qui a réuni plus de 120 personnes
s'inscrit dans un contexte qui, sur nos sujets fonciers, est d'une exceptionnelle densité en termes
de débats, de textes législatifs et réglementaires.
Mais le contexte est aussi d'une extrême gravité
tant les enjeux fonciers et immobiliers sont aigus
en Île-de-France avec un écart croissant entre
les objectifs largement partagés, notamment en
matière de production de logements, et les réalisations.
Comment faire face à une telle situation ?
Tout d'abord, en améliorant la compréhension à
travers l’analyse des marchés : c’est le rôle prin-
cipal de l'ORF en Île-de-France. Mais aussi en
étudiant, concertant et en proposant : c'est l'objet des groupes de travail pilotés par l'ORF. Ceux
qui se sont tenus l'an dernier portaient sur le recyclage urbain et le développement équilibré du
périurbain, ils ont fait l'objet de propositions et
de contributions. Ceux qui se tiennent cette
année portent sur le foncier du Grand Paris et
sur la relance de l'urbanisme opérationnel en Îlede-France et remettront leurs conclusions au
printemps 2014.
Pour consulter les présentations sur les marchés
fonciers et immobiliers au 1er semestre 2013 :
www.orf.asso.fr
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
•1•
Les marchés du foncier
agricole : un relatif
dynamisme ?
Pierre Missioux, directeur général
de la Safer Île-de-France
Le marché agricole d’une superficie 6 000 hectares en Île-de-France représente une part tellement faible de l’espace rural, qu’il faut étudier les
chiffres sur les transactions avec prudence. En
effet les acquisitions réalisées par des agriculteurs restent élevées. Il est vrai que le contexte
de l'agriculture est bon dans la région céréalière
qu’est l’Île-de-France.
Cette dernière année de la politique agricole
commune risque néanmoins d'être moins favorable à la polyculture et en faveur d'un rééquilibrage pour l'élevage.
Sur les marchés
immobiliers,
la baisse s'accélère
Hervé Manet, Président de la FPI
d’Île-de-France et directeur général
d’Icade Promotion
Pour la Chambre des promoteurs immobiliers,
les marchés sont marqués par une très grande
morosité. Les mises en vente ont chuté de
façon drastique à la fin du trimestre par rapport
à l'année dernière car en face, il n’y a plus de
clients. De plus, il y a une accélération des désistements. La situation est paradoxale entre
un discours sur l’urgence de construire et en
bout de chaîne, un client qui ne vient pas et qui
attend. Sur les 16 000 logements de stock
dans la promotion privée, seuls 7 000 sont en
construction. Nous entrons en pénurie parce
que nous ne pourrons pas relancer de nouvelles affaires. En effet, les banques nous demandent 50 % de pré-commercialisation avant
de pouvoir acheter les terrains et lancer la
construction et donc, la quantité de logements
en construction va continuer à régresser, de fait
il n'y aura pas de baisse des prix. C'est également un paradoxe.
Nous cherchons donc la martingale ! Mais je
crains que le pays ne soit très malade et que
nos clients aient une grande peur de l'avenir et,
•2•
De plus, 84 % de la surface agricole régionale
est exploitée en fermage. Il est normal dans un
contexte bon, comme ça l’est pour les céréales, que les agriculteurs cherchent à acquérir les terres qu'ils exploitent. Par ailleurs, ils
achètent à un niveau de prix qui est extrêmement maîtrisé. En effet, par rapport au marché
de l'immobilier traditionnel, le marché rural est
depuis très longtemps, régulé et encadré.
Enfin, en 2012, un millier d'hectares était mis
en vente par la Safer et nous avons eu plus de
candidats bailleurs que d'habitude. Ils achètent
de la terre pour la louer afin de diversifier leur
patrimoine en ayant un peu de terre agricole
pour défiscaliser.
Aujourd'hui, plus des deux-tiers des surfaces
agricoles régionales exploitées sous forme sociétaire ne sont pas possédés sous forme sociétaire. Ceci démontre bien l'importance de ce
problème. C’est pourquoi la Safer demande à
ce que les transactions réalisées sous forme de
cessions de parts lui soient déclarées afin
d'avoir une vision globale du marché, ce qui est
important en termes d'observation foncière.
Enfin, les outils d'intervention foncière sur les
espaces ruraux seront peut-être affinés dans la
loi sur la biodiversité notamment par rapport à
la définition de l'assiette du bien préemptable,
pour intervenir de façon plus cohérente.
Cependant une partie du marché échappe encore aux observations et à l'action de la Safer :
ce sont les échanges de parts de sociétés qui
sortent du capital familial, ce qui inquiète la profession agricole.
donc, ne veulent pas s'engager. On ne peut
qu’aller dans le sens des chiffres donnés tout
à l’heure et je crains que l’on assiste à une accélération de la baisse des volumes dans les
6 mois à venir et simplement une stabilisation
des prix. En effet, dans l’ancien si les gens ne
retrouvent pas leurs niveaux de prix, ils ne vendent pas et dans le neuf, nous allons écouler
progressivement nos stocks sans mettre d’offre nouvelle sur le marché.
Dans un bilan de promoteur, la charge foncière
représente entre 20 et 50 % du prix de vente.
Au-delà, il y a le coût de la construction qui a
généré, une hausse très forte ces 3 ou 4 dernières années via les normes, les règlements et
les taxes supplémentaires. Derrière les principes de précaution, il faut mettre en place des
audits préalables, engager des concepteurs
supplémentaires, des agents de contrôles et
tout cela a un prix. À partir de là, où est la flexibilité ? Finalement, sur le foncier, mais ceux qui
produisent du foncier aujourd’hui ne vont pas
le vendre à perte. Les constructeurs ne vont
pas aujourd'hui relancer leur machine et s’engager sur des pertes futures.
D’expérience, nous savons que l’attentisme
continuera de se produire. Or le modèle économique du promoteur est d’atteindre 50 % de
pré-commercialisation, sinon il ne peut pas envisager d'acquérir le terrain et ensuite de démarrer les travaux. On sait qu’un client ne peut
pas s'engager sur un délai de 36 ou 48 mois
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
de livraison. Donc, pour vendre un bien, il faut
qu'il y ait un marché, que ce marché soit solide
et dynamique et donc que les fondamentaux
économiques soient bons. Aujourd'hui, les fondamentaux dans l’inconscient des clients ne
sont pas bons.
La solution passe-t-elle
par une production administrée ?
Il y a trois marchés : l'accession sociale, le marché de l’accession intermédiaire, le marché du
libre. L'accession sociale aujourd'hui fonctionne parce qu’elle est aidée. Pour l'accession
intermédiaire on attend les modalités promises
par la ministre depuis 9 mois, elle devrait nous
écouter et essayer de réfléchir avec nous pour
essayer de comprendre et porter la situation
sur le terrain. Sur le libre, il y aura toujours des
clients, mais de moins en moins d'acteurs et
donc, c'est une vraie désolation. Inquiétude,
désolation, donc on pourrait mourir bien portants.
Rémi Cambau, animateur
Constatez-vous
une baisse des prix
du foncier comme celle
qui a pu être relevée
dans les transactions ?
• Hervé Manet •
On ne l'observe pas du tout pour la charge foncière, mais il y a toujours des consultations et il
y a toujours une réponse aux consultations. En
secteur diffus, si les promoteurs font une offre
à la baisse pour le terrain nu, le propriétaire retire le terrain de la vente.
• Rémi Cambau •
Les promoteurs
sont présents sur le
territoire de l’opération
d’intérêt national d’OrlyRungis-Seine amont (EPA
Orsa) dont vous avez la
charge. Quel est votre
sentiment sur la capacité
à sortir des opérations
et le positionnement
des promoteurs ?
• Jacques Touchefeu,
directeur de l'EPA Orsa •
Nous avons notre propre système d'observation.
Nous suivons chaque année les évolutions de la
construction de logements qui dans le cadre du
contrat de projet est subventionnée par la Région. Ainsi, en 2012, nous restons sur l'objectif
qui avait été posé concernant l'OIN de doubler le
point mort. C'est-à-dire de passer de 1 500 ou
1 700 logements par an à 3 000.
En 2012, nous sommes à 90 % de cet objectif,
sachant que dans les premières années, nous
étions quand même beaucoup plus bas que les
3 000 logements par an. Ainsi, sur le territoire de
l'OIN, nous ne constatons pas de fléchissement
de la mise en chantier de logements. Et je n'ai
pas en tête le fait qu'il y ait un stock qui s'accumule chez les promoteurs qui interviennent sur
ce territoire.
Je pense que cela mériterait d'être étudié : le fait
que d'un côté, effectivement, il est de plus en
plus difficile de vendre. D'un autre côté, on
constate aussi qu'on ne fléchit pas dans la
construction de logements, comme c'est globalement le cas en Île-de-France.
Est-ce que c'est parce que, sur le territoire d’EPA
Orsa, il y a une forte proportion de logements sociaux ? Cela peut aussi jouer.
Par exemple, sur Vitry ou Ivry, nous en sommes
à 40 % de logements sociaux dans les programmes. Et puis, nous sommes aussi attentifs
à l'accession maîtrisée par des mécanismes que
les villes mettent en place.
Je pense que l'accession maîtrisée, en proportion
suffisante, permet d'avoir un rythme de production sans accumulation d’invendus considérables
sur le territoire.
• Hervé Manet •
Je pense que Jacques a tout dit : 40 % de logements sociaux et un mécanisme de prix maîtrisés. D'ailleurs, les charges foncières en
tiennent compte avec des prix de vente inférieurs à 4 000 €, pour une situation de l’autre
côté du périphérique et derrière il y a une clientèle qui vient et qui peut revendre son bien parisien souvent pour aller s'installer en Seine
Amont. Fort heureusement, il existe encore des
zones attractives.
Je parle en général sur l'Île-de-France mais pas
au niveau national. En effet, au niveau national,
la vision est complètement différente puisque
les prix ont chuté au niveau des grandes régions, de l'ordre de 10 à 15 %.
Actuellement, hors Île-de-France, nous observons un retour de la clientèle. Nous sommes
sur des prix moyens à 3 000 et pas du tout à
5 000 € comme en Île-de-France.
• Rémi Cambau •
Au sein de Paris
métropole, au sens
de la loi Lebranchu,
dans ce secteur central
de l’Île-de-France où se
concentrent les enjeux,
est-ce que malgré tout,
les opérateurs ne
peuvent-ils pas s'y
retrouver avec les
mécanismes dont nous
venons de parler ?
• Hervé Manet •
Oui, tout à fait. Nous pouvons parfaitement
nous y retrouver. Nous savons très bien qu'aujourd'hui, conjoncturellement, nous sommes
dans une situation très difficile et qu’il faut effectivement laisser passer, cela peut encore
durer une bonne année… Il ne faut pas se faire
d'illusion : la confiance ne reviendra pas instantanément.
Après cette période, il faudra produire un dialogue très constructif avec tous les acteurs qui
produisent du foncier parce que c’est notre intérêt aux uns et aux autres d’alléger éventuellement la programmation, de modifier les
comportements, les spécificités architecturales, etc...
Notre profession s’inquiète des douze mois à
venir puis, pour ceux qui en ont les moyens, du
dialogue à instaurer afin d'assurer cette relance
dont nous avons besoin et qu'il faut construire
autour de prix maîtrisés du logement.
• Michel Dulimon, représentant
de l’AORIF, membre du comité exécutif
du groupe Arcade •
La problématique des bailleurs sociaux est
exactement la même que celle des promoteurs
privés.
En réalité, l'ensemble de l'activité de la promotion immobilière et de l'activité du logement social sont des activités subventionnées depuis
des années. Si fin 2008, début 2009, il n'y avait
pas eu la loi Scellier, le développement du PTZ,
le Pass Foncier, je pense que les promoteurs
ne seraient pas là aujourd'hui pour en discuter.
Au niveau des chiffres nous étions vraiment au
bord du chaos.
Aujourd'hui, les conditions économiques sont
quasiment les mêmes, sauf que la machine à
cracher de l'argent n'existe pas.
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
•3•
• Rémi Cambau •
Vous ne croyez
pas à la décote pour
peu ou prou construire
des logements sociaux
sur des terrains publics ?
• Michel Dulimon •
Nous travaillons déjà depuis des années sur les
terrains publics qui étaient mutables rapidement.
Pour le moment, nous n'avons pas le montant
des décotes. Et entre le moment où nous présenterons une offre et le moment où elle sera
acceptée, du temps passera. Je ne sais plus
quel est le délai de la Direction des Finances,
mais je crois que le délai de réponse est très
long… Ensuite, les collectivités, puisque c'est
quand même le sujet aussi, n'ont pas forcément
envie de voir uniquement du logement sur tous
les terrains de l'État. Il y a les commerces, les
terrains dédiés aux activités... Cela veut dire que
la réponse qui sera faite sur la valeur des fonciers, puisqu'il y aura une décote sur le logement social, ce n'est pas nous qui la fixerons. Il
est certain que vouloir mettre du foncier public
à la disposition du logement est une bonne
chose. Nous n'allons pas bouder notre plaisir.
Par contre, les effets pour lever tous les obstacles sont à longue échéance. Si nous arrivons à
le faire en 5 ans, nous aurons de la chance.
Une des difficultés que nous rencontrons c’est
l’échéance des élections municipales qui auront
lieu l'année prochaine.
Or on ne peut pas échapper à l'intervention de
l'État. Actuellement, les collectivités et les
maires nous disent plus ou moins directement
qu'au moment des élections, ils arrêteront tout.
Nous le savons tous : cette période-là est assez
douloureuse et il est sûr que d'ajouter un quartier répondant à un besoin social, ce n'est peutêtre pas le meilleur des sujets électoraux.
On peut donc penser que l'activité de 2014
sera fortement impactée, alors que 2013 l'est
déjà. Nous avons des opérations qui sont reportées ainsi que des modifications de PLU.
Cela veut dire que si l'équipe municipales reste
au pouvoir, peut-être que le PLU reprendra,
mais si une nouvelle équipe est installée, on en
reprend pour 2 ans.
Cela veut dire que nous aurons en plus une difficulté d'interprétation, pas tellement du foncier,
mais des droits de construire qui seront approchés, qui risquent de durer longtemps. Il faudra
peut-être deux ans pour retrouver une forme de
confiance. Donc, pour le coup, cela veut dire
•4•
que nous passerons des années terribles.
Je ne sais pas comment les sociétés s'en sortiront (constructeurs, promoteurs privés et bailleurs sociaux).
Beaucoup d'opérations de logements sociaux
se sont rapprochées des opérations d'accession à la propriété au travers de la Loi Scellier
notamment, et si l'accession ne peut pas démarrer parce que les banques attendent 50 %
des commercialisations des logements en accession, alors le logement social est lui aussi
bloqué et nous aurons encore des opérations
financées qui ne sortiront pas.
C’est une spirale un peu infernale. À l’époque,
le dispositif Scellier a été très critiqué, mais il a
eu le mérite de dynamiser le marché et de
convertir une partie de l'épargne privée qui est
surabondante en France en activités opérationnelles pour les entreprises du BTP, la promotion, etc.
Alors aujourd'hui, les produits fonciers ne baissent pas ou ne sortent pas du tout. La concurrence entre promoteurs sur le foncier est forte.
On sent bien que les prix ont atteint un plafond
en bien des endroits et l'offre ne correspond
pas à la demande.
Enfin, pour nous la valeur d'un terrain, c'est ce
qu'on a le droit d’y construire. Comme la tendance n'est plus à la densification car l'opinion
publique est hostile à la construction aucun
PLU ne densifie fortement.
Il y a quelques maires bâtisseurs mais d'une
manière générale la tendance naturelle renvoie
plutôt à la baisse de la densité. Certains élus
nous interdisent d'appliquer le PLU, en disant
qu'il y a trop de logements et si c'est pour de
la location, vous ne faites pas.
• Jean-François Bel,
maire de Montesson •
Sur ma commune, c'est la troisième ZAC que
j'aborde. Il faut passer beaucoup de temps à
communiquer.
Même quand on préempte des terrains pour
faire des logements sociaux, si immédiatement
après, vous ne faites pas une réunion de tous
les voisins pour leur expliquer, lesdits voisins
vous expliquent qu'il faut des logements sociaux mais ailleurs.
Nous avons cette épreuve à passer. On leur explique que ce n'est pas aussi terrible que cela
et que 70 % de la population de la ville est en
droit de demander un logement social. Cela
calme un peu le jeu.
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
• Rémi Cambau •
La présentation
des chiffres sur les ZAC
montre que l’on produit
plus de m2 d'activités
que de m2 de logements.
Jacques Touchefeu,
pouvez-vous nous dire
un mot sur ce point ?
• Jacques Touchefeu •
Il est vrai que, dans ce qui a été repéré dans la
création de ZAC notamment sur le périmètre
de l’EPA Orsa, il y a un bon paquet d'activités
économiques (1,6 million de m2 au total). Mais,
la question ne s'est pas posée comme cela.
Le résultat de ce projet a été d'une part, de fabriquer de la ville sur 300 hectares hors la ville
puisqu'ils sont de l'autre côté d'une voie ferrée.
Il s’agit de 13 000 logements sur la totalité des
Ardoines, ce qui représente 25 000 habitants
sur une ville qui en compte 80 000. Nous
sommes effectivement sur un parti qui a été accepté, construit et pensé par le maire qui est
tout à fait significatif.
Le taux d'emploi est de 0,6 %, ce qui est faible
et parmi toutes les villes d’Île-de-France, c’est
celle qui a perdu le plus d'emplois dans les années précédentes. Mais l'objectif de doubler le
point mort de la construction sur tout le territoire est atteint, ceci en particulier sur le territoire de la ville de Vitry.
C'est une ville de 80 000 habitants, et ces 300
hectares sont une partie de son territoire. Sur les
Ardoines, on atteint l'objectif qui a été posé dans
la territorialisation de l'offre de logements. En fait,
la question ne se posait pas dès lors que nous
étions dans les clous par rapport à la production
de logements mais la dimension du maintien de
l'activité industrielle - qui fait partie de la question
historique de la ville et de son ancrage socio-politique - est également un enjeu dans l'ensemble
de l'Île-de-France. Mais c'est déjà une première
étape considérable d'avoir osé un projet de
cette taille-là et à cet endroit-là.
• Hervé Manet •
Pour donner un éclairage sur la construction
des bureaux en Île-de-France : en 2011, les
mises en chantier représentaient 1 million de
m2 contre 500 000 m2 en 2012, soit une chute
de 50 %.
Ce n'est pas en progression pour 2013 parce
qu'il faut des clients et des investisseurs, qui se
sont un peu chargés dans la période précé-
dente en bureaux en blanc sans avoir de d’occupants et donc qui ne peuvent pas reprendre
de nouvelles opérations. Ensuite, au niveau des
banquiers, si nous, promoteurs, nous avions
envie de lancer de nouvelles opérations en
blanc, ils nous demanderaient déjà d'avoir un
utilisateur et un investisseur. Nous sommes
donc dans une situation qui se crispe.
Pour faire exister un quartier de bureaux, il faut
qu'il atteigne une taille critique avec au moins
200 000 ou 300 000 m2 de bureaux sur un périmètre restreint.
Si chaque gare du Grand Paris doit être dotée
de bureaux, nous allons dans le mur.
Il faut donc sélectionner les zones dans lesquelles
il est pertinent de construire des bureaux : parce
qu'il y a des intersections, notamment avec les
flux de transport, des terrains disponibles, parce
qu'il existe une densité qui sera ouverte demain
pour lancer des projets, et ce sont des projets qui
doivent être lancés avec une réflexion économique, car le Grand Paris n’est pas dans le Quartier Central des affaires (QCA) mais dans la
périphérie, dans les franges. Et dans les franges,
il faut amener des acteurs auxquels il faut offrir un
plus : un prix minoré par rapport à ce qu'ils auraient trouvé ailleurs et un environnement, une
qualité de vie des logements associés et les commerces qui vont avec.
• Philippe Grand,
directeur général de l’EPF 92 •
Je voudrais souligner, à travers les chiffres qui
nous sont présentés, le poids respectif du logement et de l’immobilier d’activité dans les projets
qui nous sont annoncés, bien loin du fameux ratio
« 2 pour 1 » et ce alors que nous connaissons
tous le nombre d’hectares de terrains constructibles gelés, inutilisés, qui attendent désespérément une activité économique sur toutes les
communes qui ont lancé il y a quelques années
des projets de zone d’activités.
Aujourd'hui, objectivement, on constate une
tendance des politiques à dire : « construire oui,
mais alors pour créer de l’emploi ».
Pour le logement, l’objectif de 70 000 logements
n’est pas contesté, mais on n'en prend pas le
chemin. Les opérateurs sont à peu près bien
reçus pour faire de l’emploi mais pas pour faire
du logement et encore moins pour faire du logement social : il y a beaucoup de différences entre
les paroles et les actes, nous le savons tous.
La seconde chose que je voudrais aborder
concerne la baisse des prix du foncier.
On peut rêver d’une économie administrée avec
des communes qui disent « les prix, chez moi,
c’est tel montant » mais les opérateurs ont de
plus en plus de peine à tenir les niveaux de prix
qu’elles exigent car l’économie « pousse ». On
nous demande de faire la ville sur la ville, ce qui
relie le marché foncier au marché immobilier,
mais on constate que le prix du bâti existant ne
faiblit pas, et il n’y a donc aucune raison que le
prix du terrain à bâtir baisse : on peut faire appel
à des opérateurs talentueux mais si les prix
d'achat des matières premières ne baissent pas,
il n'y a aucune raison pour que les prix de sortie
baissent. Les prix de sortie ne peuvent baisser
que si nous densifions. Or les élus, au service
de leurs électeurs, refusent la densité, voire la
réduise, pour les satisfaire. Seuls quelques courageux assument la densification. Il n'y a donc
pas d’issue. Contrairement avec ce que nous
avons connu lors de la crise précédente, qui a
frappé les professions de l’immobilier en plein
vol, nous assistons à un recroquevillement progressif d'une profession qui meurt en silence.
Nous sommes dans une crise profonde.
Faut-il en sortir en se « shootant » avec de nouvelles aides ou de nouveaux produits ou faut-il
repartir avec des situations assainies ?
Il y a des choix politiques à faire.
• Un intervenant sur la densité
et le prix du foncier •
Pour éclairer sur le principe de densité, je prendrai l'exemple suivant : j’ai un terrain avec une
maison : 100 m2 pour la maison et 1 000 m2 pour
le terrain, avec un prix pour l'ensemble entre
700 000, 800 000 €.
Le COS est de 1 soit 800 € le m2 de droit à
construire. Pour faire du social, ici, c'est difficile.
Si je mets un COS de 2, je suis encore à 400 €.
On voit donc très vite la problématique de la
densité.
Si j'achète un immeuble construit de plusieurs
étages qui est déjà à R+3, la valeur de chaque
mètre carré sera bien supérieure à cela et la
densité nécessaire pour pouvoir transformer
cela en droit à construire - parce qu'on rase
tout et on recommence. Sur la partie la plus
dense de l'Île-de-France, les enjeux de la densité sont colossaux, et pour l'instant, il n'y a
personne qui a la réponse.
Dans Paris, même pour un immeuble très dégradé, vous êtes incapable de financer une opération comme ça. Donc, il est vrai que nous
avons eu des prix extrêmement particuliers :
quand on vend à 25 000 € on peut se permettre
à peu près tout. Même ce marché-là est extrêmement marginal. Avec un COS de 1 on ne
peut rien faire. Et quand les gens vendent une
maison à 700 000 ou 800 000 € dans les Hautsde-Seine ce n'est pas de la spéculation, c'est
un prix de marché.
S'ils veulent racheter un bien, ils auront besoin
de cet argent-là.
La problématique de la densité avait des
échappatoires par le passé avec l’urbanisation
des terrains agricoles.
Aujourd'hui, avec les éco-quartiers, la tendance de l'aménagement, fait que les terres
agricoles, une fois aménagées, sortent à un
prix de foncier de 300 ou 400 €/m2 en grande
couronne. On part de terres agricoles et on a
fabriqué un terrain constructible qui vaut 300
et à 400 € le m2. Déjà, nous sommes dans la
difficulté pour le logement social et l'accession
conduira à des prix de vente qui seront là aussi
au taquet de ce l’on peut faire.
Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs contribue
à cela. Le summum étant bien sûr les terres
agricoles qui suite aux évolutions des normes
de pollution sont aujourd'hui des terres polluées. Ainsi, tous ces phénomènes contribuent
à fabriquer du foncier extrêmement cher.
Pour compléter et porter à votre connaissance
un troisième enjeu qui nous pend au nez les
uns et les autres, aussi bien les collectivités que
les promoteurs ou les aménageurs ou encore
les bailleurs sociaux, c'est la règle des trois tiers
bâtis : un tiers social, un tiers intermédiaire et
un tiers libre.
Donc, vous voyez bien que quand nous étions
dans la loi SRU avec 25 % de logements sociaux, la péréquation fonctionnait parce que le
logement social est subventionné par les acquéreurs privés. Aujourd'hui, 33 % d'une activité ne pourra pas assurer la péréquation de
l'intermédiaire plafonné et du social plafonné.
Et qui plus est, un client à qui on dira « vous
êtes dans le même immeuble que celui qui détient un logement social et un logement intermédiaire et le troisième un logement libre », il y
a toutes les chances pour que ce soit compliqué à gérer.
Avec le projet de loi Duflot 2 qui va arriver, alors
qu’on espérait un urbanisme de projet, on diversifie à nouveau les règles, on les rend
opaques, on crée des situations complètement
ubuesques. Je pense qu'il faut tout remettre à
plat et que les gens se rendent compte
qu’avec le système qu’on a développé la population ne s'y retrouve plus de même que les
opérateurs.
• Françoise Descamps-Crosnier,
députée des Yvelines •
Je suis élue dans le nord-ouest des Yvelines en
limite avec la Normandie. J'ai été maire bâtisseur.
J'étais parce que je ne suis plus dedans depuis
fin mars de cette année. Mais je reste très active
et toujours mobilisée à la fois sur l'aménagement
et les constructions. Je voulais dire qu'effective-
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
•5•
ment, le problème de la construction de logements, on a besoin de faire du logement, malgré
toutes les difficultés, on a une territorialisation
des objectifs logements (TOL) qui nous l'impose
mais en même temps, il y a de vrais besoins.
Mais cela pose une autre question primordiale
pour les élus, à savoir que la construction de
logement et, donc de l'habitat, soit en bonne
harmonie avec le reste, c'est-à-dire avec le développement économique.
En grande couronne, on le sait, on est plus attractif si l'on recherche du développement économique pour faire en sorte qu'une partie de
nos habitants travaille dans leur bassin de vie.
Et puis, il y a aussi les infrastructures et les
transports en commun. En grande couronne,
nous savons que les transports en commun,
ce n'est pas simplement la voie ferrée, le prolongement d’EOLE jusqu’à Mantes-La-Jolie,
certes on est contents mais c'est aussi les
transports en bus. Et puis, c'est tout le reste.
Ce sont les formations, les écoles, les loisirs,
etc.
Quand on est maire, on pense à la globalité
aussi. Et dans cette période où tout est difficile,
Conclusion
Joseph Comby, membre de l'ORF
et expert des questions foncières
Je ne vais pas me risquer à faire une synthèse.
Les exposés ont déjà été si denses qu'il ne resterait plus rien de compréhensible. Je vais plutôt essayer de pointer certains manques.
Il y a trois marchés que nous connaissons bien.
1. D’abord le marché foncier agricole que nous
connaissons sur au moins 200 ans, et qui est
très bien suivi depuis 50 ans qu'existent les
Safer. C'est un marché qui est resté calme
ces dernières années parce qu’il fonctionne
sous la contrainte de la concurrence internationale : on ne peut pas produire des biens
agricoles compétitifs avec ceux qui sont importés du reste du monde, s’il faut y incorporer une charge foncière beaucoup plus élevée
qu’ailleurs. Résultat pratique, le prix de l'hectare est presque plus bas qu'il ne l'était en
1914. Donc, ne mélangeons pas tout.
2. Il y a un autre marché que nous connaissons
aussi très bien, mais depuis moins long-
•6•
cela peut freiner certains élans puisque, pour
construire des équipements publics, il faut des
financements et qu’ils commencent à manquer.
• Rémi Cambau •
Est-ce que
la députée que vous êtes
pense qu'à partir de la
semaine prochaine à
l'Assemblée, il sera
possible d'ajuster
les mécanismes proposés
dans le projet de loi
Duflot que nous
connaissons ?
le Sénat avait laissé la page blanche par rapport à l'Île-de-France. Mais c'est très ardu cela
ne donne pas forcément de solutions immédiates parce qu'il y a des effets dans la durée.
Je pense qu’on ne peut jamais discuter simplement de la construction de logements sans
l'accompagner du reste de la discussion qui
concerne les habitants, les citoyens qui y vivent. Et c'est beaucoup plus difficile maintenant qu'auparavant, même s'il y aura plus de
financements parce que les banques vont recommencer à prêter.
À mon sens, ce n'est pas la seule difficulté que
l’on ait.
• Françoise Descamps Crosnier •
Certes, il y a ces aspects-là mais aussi effectivement tout ce qui concernera la décentralisation et la modernisation de l'action publique.
Tout à l'heure, nous avons bien vu qu'en effet
temps, c’est celui des logements anciens,
grâce aux statistiques produites par les
chambres des notaires depuis une trentaine
d’années, et plus particulièrement grâce à la
chambre des notaires d'Île-de-France qui a
été pionnière en la matière. Ainsi, nous
sommes maintenant capables de faire des
études fines sur le marché des logements.
On connaît suffisamment ce marché pour se
permettre de ne pas avoir la mémoire courte
et de savoir que le retournement de tendance que nous connaissons aujourd’hui a
eu des antécédents. Les prix ne passent pas
nécessairement leur temps à grimper. Il est
arrivé que le marché du logement baisse sérieusement par le passé. Je rappelle quand
même qu'entre 1992 et 1997, durant 5 années consécutives, les prix parisiens intra
muros avaient baissé de 40 % hors inflation.
Ce n'était pas rien. Et je rappelle que déjà à
l’époque, après une longue hausse spéculative, la chute des prix avait été précédée
par une période de baisse des volumes
échangés comme cela se passe aujourd'hui.
Durant la période allant de 1990 au début de
l'année 1993, les prix de l’ancien ne baissaient pas encore, mais le nombre des
ventes s’effondrait. Les acheteurs n’étaient
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
plus pressés d’acheter et les vendeurs reportaient leurs décisions de vente en attendant des jours meilleurs.
Ce marché de l’ancien doit être bien distingué
de celui du neuf. Généralement le propriétaire
d’un studio qui ne trouve pas preneur au prix
espéré, est capable d’attendre. Surtout si on
lui annonce qu’une reprise est pour bientôt. Il
faut attendre que les propriétaires n’y croient
plus pour que les ventes reprennent et que la
baisse devienne sérieuse.
Nous sommes donc dans une phase de rétention qui est un processus connu qui, a
priori, annonce plutôt une chute des prix à
venir si l'on se réfère à la bulle spéculative du
début des années 1990.
3. Entre le marché agricole et le marché du logement existe un autre marché que nous ne
commençons à mieux connaître que depuis
une quinzaine d'années : il s'agit du marché
des terrains destinés à la construction de
maisons individuelles pour lequel existe un
programme annuel d'enquêtes par sondage
réalisé par le ministère de l’équipement.
Signalons au passage, qu’en 2011, pour la
première fois, l'Île-de-France a été dépassée
par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en
termes de prix moyen des terrains individuels. Ce qui semble indiquer que le coût et
la pénibilité des déplacements en périphérie
de l’agglomération sont devenus tels que la
demande n'est plus aussi forte que ce
qu'elle ne l’était avant pour aller habiter toujours plus loin en individuel.
Sur ces trois marchés, nous pouvons discuter, c'est du solide.
Mais il y a aussi la grande masse des terrains
plus ou moins constructibles, partiellement desservis, faiblement bâtis, des terrains à réaménager, parfois pollués, des ventes de charges
foncières pour immeubles collectifs, etc. Derrière
le qualificatif de « marché des terrains constructibles » se cache des définitions variées. Par
exemple, les Safer appellent « terrains constructibles » tous les terrains qui quittent l’agriculture,
même sans aucune viabilisation. Il y a les définitions fiscales beaucoup plus restrictives qui diffèrent en outre selon qu’il s’agisse de la fiscalité
des mutations et de celle des taxes foncières. Il
y a les terrains plus ou moins bâtis et imposés
comme tels, mais dont la seule valeur est celle
de terrain à bâtir, après démolition…
Sur tous ces terrains urbains et périurbains non
agricoles, existe une grande ignorance et
beaucoup de confusion alors que ce sont eux
qui constituent le véritable gisement foncier sur
lequel se développe l’agglomération.
Là dessus, nous ne disposons pas de données
fiables. Je crains que les chiffres qui ont été
donnés tout à l'heure, même s'ils sont justes
statistiquement parlant, n'aient guère de signification. Arithmétiquement, ils peuvent être corrects. Mais dans une commune, il peut
s’échanger la même année, un ancien terrain
agricole acheté par un lotisseur, trois lots revendus aménagés par le même lotisseur, une
dent creuse achetée au centre du bourg pour
construire un petit immeuble, un bout de
champ de 2 000 m2 détaché en bordure de départementale, en attente d’un hypothétique
permis de construire… On peut additionner
ces ventes et faire la moyenne. On peut même
calculer l'écart-type Ce sera exact, mais ça
voudra dire quoi ?
Que cela ne veuille pas dire grand-chose n’est
pas grave, mais je crains que ce soit dangereux. Cela installe en effet dans les esprits,
l'idée qu'un terrain est un objet, une matière,
et qu’à chaque situation géographique correspond une valeur du terrain. Ce n'est pas du
tout comme cela qu’on raisonnait jusque dans
les années 1990. Ce genre de raisonnement
aurait même été inimaginable. On considérait
qu'il existait deux types de terrain : d’un côté le
terrain matière première, le « terrain brut », qui
était destiné à être aménagé avant d’être
construit, de l’autre des « terrains à bâtir ». On
n'aurait jamais appelé « terrain constructible »
un terrain non aménagé.
Quand je dis que la publication de tels chiffres
est dangereuse, je veux dire que cela conforte
les propriétaires dans l’idée qu'ils sont tous potentiellement à la tête d'une petite fortune et
qu’il suffit d’attendre pour finir par obtenir un
jour les autorisations d’urbanisme nécessaires.
Puisque dans la commune « le terrain » vaut
tant, je ne vais quand même pas le lâcher à
moitié prix, quitte à attendre le temps qu’il faudra. Dans les négociations, ces blocages se
rencontrent sans arrêt. Cela contribue au renchérissement infernal des charges foncières.
Vous avez peut-être suivi l’extraordinaire gonflement de la part du foncier dans les comptes
de patrimoine publié par l’Insee. J’en ai retracé
une évolution rétrospective d’une trentaine
d’années qui a été publiée dans l’avant dernier
numéro de la revue Études Foncières et je vais
ajouter une poignée de chiffres à tous ceux que
vous avez déjà.
Ces chiffres donnent la valeur de l'ensemble
des terrains qui ne sont ni naturels ni cultivés.
Il s’agit donc essentiellement des terrains urbains mais ils sont considérés comme le solde,
car si l'on sait définir correctement ce qu’est un
terrain naturel ou un terrain cultivé, il est difficile
de donner une définition commune de « tous
les autres », qu’ils soient bâtis ou non. Je les ai
exprimés en pourcentage du PIB de l’année
pour en suivre l’évolution.
De 1978 à 1986, cela reste stable. L'ensemble
de ces terrains qui équivalaient à 38 % du PIB
en 78, n’en représentent toujours que 39 % en
86.
De 1986 à 1990, c'est-à-dire pendant la montée de la bulle spéculative qui ne concernait
alors que la région parisienne, celle de Genève
et la façade méditerranéenne, cela progresse
vaillamment de 39 % à 71 % du PIB de l’année,
toujours pour la France entière du PIB.
• En réponse à une remarque
dans la salle •
Non, ce n’est pas le jackpot pour Bercy car la
plupart de ces terrains ne changent pas de
main et demeurent imposés en fonction de leur
usage antérieur. Aux États-Unis, avec la Property tax qui est un impôt annuel basé sur les
valeurs vénales moyennes, la hausse peut être
importante pour les propriétaires : certains ne
peuvent plus payer l’impôt et sont obligés de
vendre. Mais en France les propriétaires sont
beaucoup mieux traités.
De 1990 à 1997, comme on sait cela a été la
décrue, une décrue relative mais tout de même
une décrue. En ce qui concerne la France entière, nous sommes passés de 71 % du PIB à
48 %. On n'est donc pas retombés aux 39 %
de 1986.
Et puis, de 1997 à 2007, tenez-vous bien, les
terrains non agricoles sont passés de 48 % à
l’équivalent de 268 % du PIB. Depuis cette
date, après un bref et léger recul en 2008, nous
sommes toujours à 268 % pour 2011 qui est la
dernière année connue.
Donc, c'est quelque chose de complètement
étonnant que cette progression, du jamais vu.
J'ai la naïveté de penser que, forcément, cela
ne durera pas encore très longtemps. Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont historiquement
bas, les plus bas depuis le 19e siècle. De tels
taux permettent aux acquéreurs de s'endetter
sur de longues durées pour continuer à acheter
de l'immobilier. Mais depuis une huitaine de
jours vous avez peut-être remarqué qu'il y a un
changement de ton dans la presse économique. Il semblerait que la Réserve fédérale
américaine, après avoir réussi à relancer la machine économique américaine par l’injection
d’énormes liquidités, considère que la machine
économique américaine étant repartie, il faut
retourner à des taux d'intérêt « normaux ». Le
temps où la France pouvait elle-même bénéficier de taux d'intérêt négatifs pour financer sa
dette parait terminé. Nous dirigeons à brève
échéance, avant la fin de 2013, vers une remontée des taux. Et à ce moment là, le dopage
de la demande immobilière cessant, il n'est pas
imaginable que nous restions au niveau de prix
actuel. Cela ne descendra certainement pas de
40 % en 6 mois. À en croire l’expérience des
années 1990, la baisse prendra du temps. Cela
prendra d'autant plus de temps et le bas niveau d’activité sera d’autant plus long, que les
vendeurs potentiels continueront à croire en
une future remontée des prix.
Bref, je ne vois pas pourquoi la France resterait
durablement bloquée par une surévaluation de
son immobilier et serait le seul pays à ne pas
connaître un retour vers la normal. Voilà donc
pour l'avenir immédiat.
Maintenant, une autre question se pose. Elle
est plus structurelle. Comment se fait-il que
pendant plus de 10 ans les prix de l'immobilier
aient pu doubler sans que cela n’entraîne une
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •
•7•
augmentation significative de la production immobilière, comme par exemple en Espagne. Si,
pour une raison quelconque, le prix d’un bien
se trouve multiplié par deux, la mécanique économique réagit pour qu’il s’en produise davantage. L’immobilier n’est pas un bien naturel qui
puisse faire l’objet d’une rente de rareté durable, comme le pétrole.
Le problème, c'est que nous avons pris une
série de mesures qui ne faisaient que doper la
demande (défiscalisation, etc.) sans se préoccuper de mettre à disposition la matière première nécessaire.
On retourne à la question de la production foncière, à la distinction nécessaire entre le foncier
matière première et le foncier produit fini. D’où
la nécessité de disposer d’un système d'observation foncière qui permette, pour commencer d’analyser la maladie.
Comment comprendre un processus de production sans être capable de distinguer les intrants et les produits ?
Certes les fichiers administratifs ne permettent
pas de le faire directement, mais il est possible
de les enrichir. Les techniques existent. Il s’agit
en particulier de les faire parler en qualifiant les
catégories d'acteurs qui interviennent sur le
marché. L’acheteur est-il un aménageur ou estce Madame Michu ?
Depuis la loi SRU qui a laissé l’urbanisme réglementaire phagocyter l’urbanisme opérationnel, la machine à produire du terrain et des
droits à bâtir est malade. La plupart des mesures postérieures n’ont fait qu’aggraver la maladie. Une observation foncière bien menée
peut aider les décideurs à reconstruire la mécanique de l’urbanisme opérationnel.
Mais comment changer le plomb en or si vous
achetez le plomb au prix de l’or, ou si vous ne
savez même pas distinguer les deux ?
• Dominique Figeat,
Président de l'ORF •
Je souhaite d'abord remercier les participants
autour de la table ainsi que tous les intervenants.
Comme vous le constatez, et comme nous le
souhaitions, nous ne cherchons pas à parler la
langue de bois ni à masquer à la fois ce que les
informations peuvent permettre de produire
comme analyses mais aussi comme questions
et interrogations.
Je pense que l'objet de l'ORF est d'organiser
cette confrontation à la fois d'informations et
des données, de tenter de repérer quelques
éléments de tendance et puis, aussi, de permettre des questions et des interrogations.
•8•
Peut-être aussi à exprimer un scénario - dont
je ne sais pas d'ailleurs s'il faut le qualifier de
scénario du pire sur les prochains mois ou les
prochaines années - en tout cas, c'est l'un des
scenarii possibles sur les mois qui viennent.
Il faudra savoir y faire face et ne pas pratiquer
la politique de l'autruche. Nous sommes clairement face à des phénomènes dont la rationalité économique est de moins en moins
évidente. Il n'est pas évident que tous les marchés immobiliers et fonciers obéissent à la rationalité économique. Mais il faut au moins
s'interroger sur leur signification.
C'est ce que nous avons voulu faire ce soir à
travers à la fois ces données de conjoncture,
ce qu'elles peuvent apporter et les débats qui
sont intervenus.
En vous écoutant, je me disais qu'il était particulièrement intéressant, la veille du jour où la
Ministre en charge de l'Urbanisme et du Logement présente son projet de loi, d'avoir ces
éclairages.
Les semaines et les mois qui viennent seront
très alimentés en débats, je participerai à l'un
d'entre eux dans quelques jours en tant que
Président de l'ORF.
Je serai dans une commission qui m'interrogera sur ma vision des choses sur l'Île-deFrance.
Je terminerai par ce point-là : l'Île-de-France,
c'est quand même une forte singularité dans le
paysage national français, comme l'a souligné
Hervé Manet tout à l'heure. Il faudrait plus réfléchir encore aux questions spécifiques à l'Îlede-France. Mais ce qui est sorti du Sénat laisse
beaucoup de points d'interrogation. Si nous
voulons éviter d'avoir un délai de carence de 3
à 5 ans voire plus, avec les effets du Grand
Paris, des CDT, les moyens qui, peu à peu, se
dégageront de la territorialisation des objectifs
de logements il faut réfléchir à des dispositions
spécifiques. Je me souviens de Michel Dulimon
plaidant à la dernière réunion de conjoncture
pour les dispositions transitoires en disant « Ne
faudrait-il pas des dispositions transitoires associant nécessairement l’État, la Région, les
principales collectivités locales pour que nous
passions pas par 5 ans de crise qui amplifieraient les difficultés dans la condition de vie des
franciliens ? »
• Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •

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