Téléchargez les actes de la rencontre conjoncture juin 2013
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Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 Synthèse des débats • Septembre 2013 • Introduction • Dominique Figeat, Président de l’ORF • Présentation de la conjoncture • Marie-Antoinette Basciani-Funestre (Driea/ORF) • • Amélie Darley (IAU îdF/ORF) • Table ronde animée par Rémy Cambau autour de : • Maître Jérôme Cauro, vice-président de la Chambre des notaires d’Île-de-France • Michel Dulimon, représentant de l’AORIF et membre du comité exécutif du groupe Arcade • Hervé Manet, président de la FPI d’Île-de-France et directeur général d’Icade Promotion • Pierre Missioux, directeur général de la Safer Île-de-France • Jacques Touchefeu, directeur de l’EPA Orly-Rungis Seine Amont Conclusion de Joseph Comby • Introduction • Dominique Figeat, président de l’ORF ORF Association regroupant État, région, élus et professionnels IAU île-de-France : 15, rue Falguière, 75740 Paris Cedex 15 [email protected] Tél. : 01 77 49 79 56 DRIEA : 21-23, rue Miollis, 75732 Paris Cedex 15 [email protected] Tél. : 01 40 61 86 07 Maquette : Sylvie Castano, IAU îdF site web : www.orf.asso.fr La publication d’une note de conjoncture accompagnée d’une rencontre est aujourd’hui un travail régulier de l'ORF : il s'agissait le 25 juin 2013 de la troisième édition. Cette séance qui a réuni plus de 120 personnes s'inscrit dans un contexte qui, sur nos sujets fonciers, est d'une exceptionnelle densité en termes de débats, de textes législatifs et réglementaires. Mais le contexte est aussi d'une extrême gravité tant les enjeux fonciers et immobiliers sont aigus en Île-de-France avec un écart croissant entre les objectifs largement partagés, notamment en matière de production de logements, et les réalisations. Comment faire face à une telle situation ? Tout d'abord, en améliorant la compréhension à travers l’analyse des marchés : c’est le rôle prin- cipal de l'ORF en Île-de-France. Mais aussi en étudiant, concertant et en proposant : c'est l'objet des groupes de travail pilotés par l'ORF. Ceux qui se sont tenus l'an dernier portaient sur le recyclage urbain et le développement équilibré du périurbain, ils ont fait l'objet de propositions et de contributions. Ceux qui se tiennent cette année portent sur le foncier du Grand Paris et sur la relance de l'urbanisme opérationnel en Îlede-France et remettront leurs conclusions au printemps 2014. Pour consulter les présentations sur les marchés fonciers et immobiliers au 1er semestre 2013 : www.orf.asso.fr • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • •1• Les marchés du foncier agricole : un relatif dynamisme ? Pierre Missioux, directeur général de la Safer Île-de-France Le marché agricole d’une superficie 6 000 hectares en Île-de-France représente une part tellement faible de l’espace rural, qu’il faut étudier les chiffres sur les transactions avec prudence. En effet les acquisitions réalisées par des agriculteurs restent élevées. Il est vrai que le contexte de l'agriculture est bon dans la région céréalière qu’est l’Île-de-France. Cette dernière année de la politique agricole commune risque néanmoins d'être moins favorable à la polyculture et en faveur d'un rééquilibrage pour l'élevage. Sur les marchés immobiliers, la baisse s'accélère Hervé Manet, Président de la FPI d’Île-de-France et directeur général d’Icade Promotion Pour la Chambre des promoteurs immobiliers, les marchés sont marqués par une très grande morosité. Les mises en vente ont chuté de façon drastique à la fin du trimestre par rapport à l'année dernière car en face, il n’y a plus de clients. De plus, il y a une accélération des désistements. La situation est paradoxale entre un discours sur l’urgence de construire et en bout de chaîne, un client qui ne vient pas et qui attend. Sur les 16 000 logements de stock dans la promotion privée, seuls 7 000 sont en construction. Nous entrons en pénurie parce que nous ne pourrons pas relancer de nouvelles affaires. En effet, les banques nous demandent 50 % de pré-commercialisation avant de pouvoir acheter les terrains et lancer la construction et donc, la quantité de logements en construction va continuer à régresser, de fait il n'y aura pas de baisse des prix. C'est également un paradoxe. Nous cherchons donc la martingale ! Mais je crains que le pays ne soit très malade et que nos clients aient une grande peur de l'avenir et, •2• De plus, 84 % de la surface agricole régionale est exploitée en fermage. Il est normal dans un contexte bon, comme ça l’est pour les céréales, que les agriculteurs cherchent à acquérir les terres qu'ils exploitent. Par ailleurs, ils achètent à un niveau de prix qui est extrêmement maîtrisé. En effet, par rapport au marché de l'immobilier traditionnel, le marché rural est depuis très longtemps, régulé et encadré. Enfin, en 2012, un millier d'hectares était mis en vente par la Safer et nous avons eu plus de candidats bailleurs que d'habitude. Ils achètent de la terre pour la louer afin de diversifier leur patrimoine en ayant un peu de terre agricole pour défiscaliser. Aujourd'hui, plus des deux-tiers des surfaces agricoles régionales exploitées sous forme sociétaire ne sont pas possédés sous forme sociétaire. Ceci démontre bien l'importance de ce problème. C’est pourquoi la Safer demande à ce que les transactions réalisées sous forme de cessions de parts lui soient déclarées afin d'avoir une vision globale du marché, ce qui est important en termes d'observation foncière. Enfin, les outils d'intervention foncière sur les espaces ruraux seront peut-être affinés dans la loi sur la biodiversité notamment par rapport à la définition de l'assiette du bien préemptable, pour intervenir de façon plus cohérente. Cependant une partie du marché échappe encore aux observations et à l'action de la Safer : ce sont les échanges de parts de sociétés qui sortent du capital familial, ce qui inquiète la profession agricole. donc, ne veulent pas s'engager. On ne peut qu’aller dans le sens des chiffres donnés tout à l’heure et je crains que l’on assiste à une accélération de la baisse des volumes dans les 6 mois à venir et simplement une stabilisation des prix. En effet, dans l’ancien si les gens ne retrouvent pas leurs niveaux de prix, ils ne vendent pas et dans le neuf, nous allons écouler progressivement nos stocks sans mettre d’offre nouvelle sur le marché. Dans un bilan de promoteur, la charge foncière représente entre 20 et 50 % du prix de vente. Au-delà, il y a le coût de la construction qui a généré, une hausse très forte ces 3 ou 4 dernières années via les normes, les règlements et les taxes supplémentaires. Derrière les principes de précaution, il faut mettre en place des audits préalables, engager des concepteurs supplémentaires, des agents de contrôles et tout cela a un prix. À partir de là, où est la flexibilité ? Finalement, sur le foncier, mais ceux qui produisent du foncier aujourd’hui ne vont pas le vendre à perte. Les constructeurs ne vont pas aujourd'hui relancer leur machine et s’engager sur des pertes futures. D’expérience, nous savons que l’attentisme continuera de se produire. Or le modèle économique du promoteur est d’atteindre 50 % de pré-commercialisation, sinon il ne peut pas envisager d'acquérir le terrain et ensuite de démarrer les travaux. On sait qu’un client ne peut pas s'engager sur un délai de 36 ou 48 mois • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • de livraison. Donc, pour vendre un bien, il faut qu'il y ait un marché, que ce marché soit solide et dynamique et donc que les fondamentaux économiques soient bons. Aujourd'hui, les fondamentaux dans l’inconscient des clients ne sont pas bons. La solution passe-t-elle par une production administrée ? Il y a trois marchés : l'accession sociale, le marché de l’accession intermédiaire, le marché du libre. L'accession sociale aujourd'hui fonctionne parce qu’elle est aidée. Pour l'accession intermédiaire on attend les modalités promises par la ministre depuis 9 mois, elle devrait nous écouter et essayer de réfléchir avec nous pour essayer de comprendre et porter la situation sur le terrain. Sur le libre, il y aura toujours des clients, mais de moins en moins d'acteurs et donc, c'est une vraie désolation. Inquiétude, désolation, donc on pourrait mourir bien portants. Rémi Cambau, animateur Constatez-vous une baisse des prix du foncier comme celle qui a pu être relevée dans les transactions ? • Hervé Manet • On ne l'observe pas du tout pour la charge foncière, mais il y a toujours des consultations et il y a toujours une réponse aux consultations. En secteur diffus, si les promoteurs font une offre à la baisse pour le terrain nu, le propriétaire retire le terrain de la vente. • Rémi Cambau • Les promoteurs sont présents sur le territoire de l’opération d’intérêt national d’OrlyRungis-Seine amont (EPA Orsa) dont vous avez la charge. Quel est votre sentiment sur la capacité à sortir des opérations et le positionnement des promoteurs ? • Jacques Touchefeu, directeur de l'EPA Orsa • Nous avons notre propre système d'observation. Nous suivons chaque année les évolutions de la construction de logements qui dans le cadre du contrat de projet est subventionnée par la Région. Ainsi, en 2012, nous restons sur l'objectif qui avait été posé concernant l'OIN de doubler le point mort. C'est-à-dire de passer de 1 500 ou 1 700 logements par an à 3 000. En 2012, nous sommes à 90 % de cet objectif, sachant que dans les premières années, nous étions quand même beaucoup plus bas que les 3 000 logements par an. Ainsi, sur le territoire de l'OIN, nous ne constatons pas de fléchissement de la mise en chantier de logements. Et je n'ai pas en tête le fait qu'il y ait un stock qui s'accumule chez les promoteurs qui interviennent sur ce territoire. Je pense que cela mériterait d'être étudié : le fait que d'un côté, effectivement, il est de plus en plus difficile de vendre. D'un autre côté, on constate aussi qu'on ne fléchit pas dans la construction de logements, comme c'est globalement le cas en Île-de-France. Est-ce que c'est parce que, sur le territoire d’EPA Orsa, il y a une forte proportion de logements sociaux ? Cela peut aussi jouer. Par exemple, sur Vitry ou Ivry, nous en sommes à 40 % de logements sociaux dans les programmes. Et puis, nous sommes aussi attentifs à l'accession maîtrisée par des mécanismes que les villes mettent en place. Je pense que l'accession maîtrisée, en proportion suffisante, permet d'avoir un rythme de production sans accumulation d’invendus considérables sur le territoire. • Hervé Manet • Je pense que Jacques a tout dit : 40 % de logements sociaux et un mécanisme de prix maîtrisés. D'ailleurs, les charges foncières en tiennent compte avec des prix de vente inférieurs à 4 000 €, pour une situation de l’autre côté du périphérique et derrière il y a une clientèle qui vient et qui peut revendre son bien parisien souvent pour aller s'installer en Seine Amont. Fort heureusement, il existe encore des zones attractives. Je parle en général sur l'Île-de-France mais pas au niveau national. En effet, au niveau national, la vision est complètement différente puisque les prix ont chuté au niveau des grandes régions, de l'ordre de 10 à 15 %. Actuellement, hors Île-de-France, nous observons un retour de la clientèle. Nous sommes sur des prix moyens à 3 000 et pas du tout à 5 000 € comme en Île-de-France. • Rémi Cambau • Au sein de Paris métropole, au sens de la loi Lebranchu, dans ce secteur central de l’Île-de-France où se concentrent les enjeux, est-ce que malgré tout, les opérateurs ne peuvent-ils pas s'y retrouver avec les mécanismes dont nous venons de parler ? • Hervé Manet • Oui, tout à fait. Nous pouvons parfaitement nous y retrouver. Nous savons très bien qu'aujourd'hui, conjoncturellement, nous sommes dans une situation très difficile et qu’il faut effectivement laisser passer, cela peut encore durer une bonne année… Il ne faut pas se faire d'illusion : la confiance ne reviendra pas instantanément. Après cette période, il faudra produire un dialogue très constructif avec tous les acteurs qui produisent du foncier parce que c’est notre intérêt aux uns et aux autres d’alléger éventuellement la programmation, de modifier les comportements, les spécificités architecturales, etc... Notre profession s’inquiète des douze mois à venir puis, pour ceux qui en ont les moyens, du dialogue à instaurer afin d'assurer cette relance dont nous avons besoin et qu'il faut construire autour de prix maîtrisés du logement. • Michel Dulimon, représentant de l’AORIF, membre du comité exécutif du groupe Arcade • La problématique des bailleurs sociaux est exactement la même que celle des promoteurs privés. En réalité, l'ensemble de l'activité de la promotion immobilière et de l'activité du logement social sont des activités subventionnées depuis des années. Si fin 2008, début 2009, il n'y avait pas eu la loi Scellier, le développement du PTZ, le Pass Foncier, je pense que les promoteurs ne seraient pas là aujourd'hui pour en discuter. Au niveau des chiffres nous étions vraiment au bord du chaos. Aujourd'hui, les conditions économiques sont quasiment les mêmes, sauf que la machine à cracher de l'argent n'existe pas. • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • •3• • Rémi Cambau • Vous ne croyez pas à la décote pour peu ou prou construire des logements sociaux sur des terrains publics ? • Michel Dulimon • Nous travaillons déjà depuis des années sur les terrains publics qui étaient mutables rapidement. Pour le moment, nous n'avons pas le montant des décotes. Et entre le moment où nous présenterons une offre et le moment où elle sera acceptée, du temps passera. Je ne sais plus quel est le délai de la Direction des Finances, mais je crois que le délai de réponse est très long… Ensuite, les collectivités, puisque c'est quand même le sujet aussi, n'ont pas forcément envie de voir uniquement du logement sur tous les terrains de l'État. Il y a les commerces, les terrains dédiés aux activités... Cela veut dire que la réponse qui sera faite sur la valeur des fonciers, puisqu'il y aura une décote sur le logement social, ce n'est pas nous qui la fixerons. Il est certain que vouloir mettre du foncier public à la disposition du logement est une bonne chose. Nous n'allons pas bouder notre plaisir. Par contre, les effets pour lever tous les obstacles sont à longue échéance. Si nous arrivons à le faire en 5 ans, nous aurons de la chance. Une des difficultés que nous rencontrons c’est l’échéance des élections municipales qui auront lieu l'année prochaine. Or on ne peut pas échapper à l'intervention de l'État. Actuellement, les collectivités et les maires nous disent plus ou moins directement qu'au moment des élections, ils arrêteront tout. Nous le savons tous : cette période-là est assez douloureuse et il est sûr que d'ajouter un quartier répondant à un besoin social, ce n'est peutêtre pas le meilleur des sujets électoraux. On peut donc penser que l'activité de 2014 sera fortement impactée, alors que 2013 l'est déjà. Nous avons des opérations qui sont reportées ainsi que des modifications de PLU. Cela veut dire que si l'équipe municipales reste au pouvoir, peut-être que le PLU reprendra, mais si une nouvelle équipe est installée, on en reprend pour 2 ans. Cela veut dire que nous aurons en plus une difficulté d'interprétation, pas tellement du foncier, mais des droits de construire qui seront approchés, qui risquent de durer longtemps. Il faudra peut-être deux ans pour retrouver une forme de confiance. Donc, pour le coup, cela veut dire •4• que nous passerons des années terribles. Je ne sais pas comment les sociétés s'en sortiront (constructeurs, promoteurs privés et bailleurs sociaux). Beaucoup d'opérations de logements sociaux se sont rapprochées des opérations d'accession à la propriété au travers de la Loi Scellier notamment, et si l'accession ne peut pas démarrer parce que les banques attendent 50 % des commercialisations des logements en accession, alors le logement social est lui aussi bloqué et nous aurons encore des opérations financées qui ne sortiront pas. C’est une spirale un peu infernale. À l’époque, le dispositif Scellier a été très critiqué, mais il a eu le mérite de dynamiser le marché et de convertir une partie de l'épargne privée qui est surabondante en France en activités opérationnelles pour les entreprises du BTP, la promotion, etc. Alors aujourd'hui, les produits fonciers ne baissent pas ou ne sortent pas du tout. La concurrence entre promoteurs sur le foncier est forte. On sent bien que les prix ont atteint un plafond en bien des endroits et l'offre ne correspond pas à la demande. Enfin, pour nous la valeur d'un terrain, c'est ce qu'on a le droit d’y construire. Comme la tendance n'est plus à la densification car l'opinion publique est hostile à la construction aucun PLU ne densifie fortement. Il y a quelques maires bâtisseurs mais d'une manière générale la tendance naturelle renvoie plutôt à la baisse de la densité. Certains élus nous interdisent d'appliquer le PLU, en disant qu'il y a trop de logements et si c'est pour de la location, vous ne faites pas. • Jean-François Bel, maire de Montesson • Sur ma commune, c'est la troisième ZAC que j'aborde. Il faut passer beaucoup de temps à communiquer. Même quand on préempte des terrains pour faire des logements sociaux, si immédiatement après, vous ne faites pas une réunion de tous les voisins pour leur expliquer, lesdits voisins vous expliquent qu'il faut des logements sociaux mais ailleurs. Nous avons cette épreuve à passer. On leur explique que ce n'est pas aussi terrible que cela et que 70 % de la population de la ville est en droit de demander un logement social. Cela calme un peu le jeu. • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • • Rémi Cambau • La présentation des chiffres sur les ZAC montre que l’on produit plus de m2 d'activités que de m2 de logements. Jacques Touchefeu, pouvez-vous nous dire un mot sur ce point ? • Jacques Touchefeu • Il est vrai que, dans ce qui a été repéré dans la création de ZAC notamment sur le périmètre de l’EPA Orsa, il y a un bon paquet d'activités économiques (1,6 million de m2 au total). Mais, la question ne s'est pas posée comme cela. Le résultat de ce projet a été d'une part, de fabriquer de la ville sur 300 hectares hors la ville puisqu'ils sont de l'autre côté d'une voie ferrée. Il s’agit de 13 000 logements sur la totalité des Ardoines, ce qui représente 25 000 habitants sur une ville qui en compte 80 000. Nous sommes effectivement sur un parti qui a été accepté, construit et pensé par le maire qui est tout à fait significatif. Le taux d'emploi est de 0,6 %, ce qui est faible et parmi toutes les villes d’Île-de-France, c’est celle qui a perdu le plus d'emplois dans les années précédentes. Mais l'objectif de doubler le point mort de la construction sur tout le territoire est atteint, ceci en particulier sur le territoire de la ville de Vitry. C'est une ville de 80 000 habitants, et ces 300 hectares sont une partie de son territoire. Sur les Ardoines, on atteint l'objectif qui a été posé dans la territorialisation de l'offre de logements. En fait, la question ne se posait pas dès lors que nous étions dans les clous par rapport à la production de logements mais la dimension du maintien de l'activité industrielle - qui fait partie de la question historique de la ville et de son ancrage socio-politique - est également un enjeu dans l'ensemble de l'Île-de-France. Mais c'est déjà une première étape considérable d'avoir osé un projet de cette taille-là et à cet endroit-là. • Hervé Manet • Pour donner un éclairage sur la construction des bureaux en Île-de-France : en 2011, les mises en chantier représentaient 1 million de m2 contre 500 000 m2 en 2012, soit une chute de 50 %. Ce n'est pas en progression pour 2013 parce qu'il faut des clients et des investisseurs, qui se sont un peu chargés dans la période précé- dente en bureaux en blanc sans avoir de d’occupants et donc qui ne peuvent pas reprendre de nouvelles opérations. Ensuite, au niveau des banquiers, si nous, promoteurs, nous avions envie de lancer de nouvelles opérations en blanc, ils nous demanderaient déjà d'avoir un utilisateur et un investisseur. Nous sommes donc dans une situation qui se crispe. Pour faire exister un quartier de bureaux, il faut qu'il atteigne une taille critique avec au moins 200 000 ou 300 000 m2 de bureaux sur un périmètre restreint. Si chaque gare du Grand Paris doit être dotée de bureaux, nous allons dans le mur. Il faut donc sélectionner les zones dans lesquelles il est pertinent de construire des bureaux : parce qu'il y a des intersections, notamment avec les flux de transport, des terrains disponibles, parce qu'il existe une densité qui sera ouverte demain pour lancer des projets, et ce sont des projets qui doivent être lancés avec une réflexion économique, car le Grand Paris n’est pas dans le Quartier Central des affaires (QCA) mais dans la périphérie, dans les franges. Et dans les franges, il faut amener des acteurs auxquels il faut offrir un plus : un prix minoré par rapport à ce qu'ils auraient trouvé ailleurs et un environnement, une qualité de vie des logements associés et les commerces qui vont avec. • Philippe Grand, directeur général de l’EPF 92 • Je voudrais souligner, à travers les chiffres qui nous sont présentés, le poids respectif du logement et de l’immobilier d’activité dans les projets qui nous sont annoncés, bien loin du fameux ratio « 2 pour 1 » et ce alors que nous connaissons tous le nombre d’hectares de terrains constructibles gelés, inutilisés, qui attendent désespérément une activité économique sur toutes les communes qui ont lancé il y a quelques années des projets de zone d’activités. Aujourd'hui, objectivement, on constate une tendance des politiques à dire : « construire oui, mais alors pour créer de l’emploi ». Pour le logement, l’objectif de 70 000 logements n’est pas contesté, mais on n'en prend pas le chemin. Les opérateurs sont à peu près bien reçus pour faire de l’emploi mais pas pour faire du logement et encore moins pour faire du logement social : il y a beaucoup de différences entre les paroles et les actes, nous le savons tous. La seconde chose que je voudrais aborder concerne la baisse des prix du foncier. On peut rêver d’une économie administrée avec des communes qui disent « les prix, chez moi, c’est tel montant » mais les opérateurs ont de plus en plus de peine à tenir les niveaux de prix qu’elles exigent car l’économie « pousse ». On nous demande de faire la ville sur la ville, ce qui relie le marché foncier au marché immobilier, mais on constate que le prix du bâti existant ne faiblit pas, et il n’y a donc aucune raison que le prix du terrain à bâtir baisse : on peut faire appel à des opérateurs talentueux mais si les prix d'achat des matières premières ne baissent pas, il n'y a aucune raison pour que les prix de sortie baissent. Les prix de sortie ne peuvent baisser que si nous densifions. Or les élus, au service de leurs électeurs, refusent la densité, voire la réduise, pour les satisfaire. Seuls quelques courageux assument la densification. Il n'y a donc pas d’issue. Contrairement avec ce que nous avons connu lors de la crise précédente, qui a frappé les professions de l’immobilier en plein vol, nous assistons à un recroquevillement progressif d'une profession qui meurt en silence. Nous sommes dans une crise profonde. Faut-il en sortir en se « shootant » avec de nouvelles aides ou de nouveaux produits ou faut-il repartir avec des situations assainies ? Il y a des choix politiques à faire. • Un intervenant sur la densité et le prix du foncier • Pour éclairer sur le principe de densité, je prendrai l'exemple suivant : j’ai un terrain avec une maison : 100 m2 pour la maison et 1 000 m2 pour le terrain, avec un prix pour l'ensemble entre 700 000, 800 000 €. Le COS est de 1 soit 800 € le m2 de droit à construire. Pour faire du social, ici, c'est difficile. Si je mets un COS de 2, je suis encore à 400 €. On voit donc très vite la problématique de la densité. Si j'achète un immeuble construit de plusieurs étages qui est déjà à R+3, la valeur de chaque mètre carré sera bien supérieure à cela et la densité nécessaire pour pouvoir transformer cela en droit à construire - parce qu'on rase tout et on recommence. Sur la partie la plus dense de l'Île-de-France, les enjeux de la densité sont colossaux, et pour l'instant, il n'y a personne qui a la réponse. Dans Paris, même pour un immeuble très dégradé, vous êtes incapable de financer une opération comme ça. Donc, il est vrai que nous avons eu des prix extrêmement particuliers : quand on vend à 25 000 € on peut se permettre à peu près tout. Même ce marché-là est extrêmement marginal. Avec un COS de 1 on ne peut rien faire. Et quand les gens vendent une maison à 700 000 ou 800 000 € dans les Hautsde-Seine ce n'est pas de la spéculation, c'est un prix de marché. S'ils veulent racheter un bien, ils auront besoin de cet argent-là. La problématique de la densité avait des échappatoires par le passé avec l’urbanisation des terrains agricoles. Aujourd'hui, avec les éco-quartiers, la tendance de l'aménagement, fait que les terres agricoles, une fois aménagées, sortent à un prix de foncier de 300 ou 400 €/m2 en grande couronne. On part de terres agricoles et on a fabriqué un terrain constructible qui vaut 300 et à 400 € le m2. Déjà, nous sommes dans la difficulté pour le logement social et l'accession conduira à des prix de vente qui seront là aussi au taquet de ce l’on peut faire. Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs contribue à cela. Le summum étant bien sûr les terres agricoles qui suite aux évolutions des normes de pollution sont aujourd'hui des terres polluées. Ainsi, tous ces phénomènes contribuent à fabriquer du foncier extrêmement cher. Pour compléter et porter à votre connaissance un troisième enjeu qui nous pend au nez les uns et les autres, aussi bien les collectivités que les promoteurs ou les aménageurs ou encore les bailleurs sociaux, c'est la règle des trois tiers bâtis : un tiers social, un tiers intermédiaire et un tiers libre. Donc, vous voyez bien que quand nous étions dans la loi SRU avec 25 % de logements sociaux, la péréquation fonctionnait parce que le logement social est subventionné par les acquéreurs privés. Aujourd'hui, 33 % d'une activité ne pourra pas assurer la péréquation de l'intermédiaire plafonné et du social plafonné. Et qui plus est, un client à qui on dira « vous êtes dans le même immeuble que celui qui détient un logement social et un logement intermédiaire et le troisième un logement libre », il y a toutes les chances pour que ce soit compliqué à gérer. Avec le projet de loi Duflot 2 qui va arriver, alors qu’on espérait un urbanisme de projet, on diversifie à nouveau les règles, on les rend opaques, on crée des situations complètement ubuesques. Je pense qu'il faut tout remettre à plat et que les gens se rendent compte qu’avec le système qu’on a développé la population ne s'y retrouve plus de même que les opérateurs. • Françoise Descamps-Crosnier, députée des Yvelines • Je suis élue dans le nord-ouest des Yvelines en limite avec la Normandie. J'ai été maire bâtisseur. J'étais parce que je ne suis plus dedans depuis fin mars de cette année. Mais je reste très active et toujours mobilisée à la fois sur l'aménagement et les constructions. Je voulais dire qu'effective- • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • •5• ment, le problème de la construction de logements, on a besoin de faire du logement, malgré toutes les difficultés, on a une territorialisation des objectifs logements (TOL) qui nous l'impose mais en même temps, il y a de vrais besoins. Mais cela pose une autre question primordiale pour les élus, à savoir que la construction de logement et, donc de l'habitat, soit en bonne harmonie avec le reste, c'est-à-dire avec le développement économique. En grande couronne, on le sait, on est plus attractif si l'on recherche du développement économique pour faire en sorte qu'une partie de nos habitants travaille dans leur bassin de vie. Et puis, il y a aussi les infrastructures et les transports en commun. En grande couronne, nous savons que les transports en commun, ce n'est pas simplement la voie ferrée, le prolongement d’EOLE jusqu’à Mantes-La-Jolie, certes on est contents mais c'est aussi les transports en bus. Et puis, c'est tout le reste. Ce sont les formations, les écoles, les loisirs, etc. Quand on est maire, on pense à la globalité aussi. Et dans cette période où tout est difficile, Conclusion Joseph Comby, membre de l'ORF et expert des questions foncières Je ne vais pas me risquer à faire une synthèse. Les exposés ont déjà été si denses qu'il ne resterait plus rien de compréhensible. Je vais plutôt essayer de pointer certains manques. Il y a trois marchés que nous connaissons bien. 1. D’abord le marché foncier agricole que nous connaissons sur au moins 200 ans, et qui est très bien suivi depuis 50 ans qu'existent les Safer. C'est un marché qui est resté calme ces dernières années parce qu’il fonctionne sous la contrainte de la concurrence internationale : on ne peut pas produire des biens agricoles compétitifs avec ceux qui sont importés du reste du monde, s’il faut y incorporer une charge foncière beaucoup plus élevée qu’ailleurs. Résultat pratique, le prix de l'hectare est presque plus bas qu'il ne l'était en 1914. Donc, ne mélangeons pas tout. 2. Il y a un autre marché que nous connaissons aussi très bien, mais depuis moins long- •6• cela peut freiner certains élans puisque, pour construire des équipements publics, il faut des financements et qu’ils commencent à manquer. • Rémi Cambau • Est-ce que la députée que vous êtes pense qu'à partir de la semaine prochaine à l'Assemblée, il sera possible d'ajuster les mécanismes proposés dans le projet de loi Duflot que nous connaissons ? le Sénat avait laissé la page blanche par rapport à l'Île-de-France. Mais c'est très ardu cela ne donne pas forcément de solutions immédiates parce qu'il y a des effets dans la durée. Je pense qu’on ne peut jamais discuter simplement de la construction de logements sans l'accompagner du reste de la discussion qui concerne les habitants, les citoyens qui y vivent. Et c'est beaucoup plus difficile maintenant qu'auparavant, même s'il y aura plus de financements parce que les banques vont recommencer à prêter. À mon sens, ce n'est pas la seule difficulté que l’on ait. • Françoise Descamps Crosnier • Certes, il y a ces aspects-là mais aussi effectivement tout ce qui concernera la décentralisation et la modernisation de l'action publique. Tout à l'heure, nous avons bien vu qu'en effet temps, c’est celui des logements anciens, grâce aux statistiques produites par les chambres des notaires depuis une trentaine d’années, et plus particulièrement grâce à la chambre des notaires d'Île-de-France qui a été pionnière en la matière. Ainsi, nous sommes maintenant capables de faire des études fines sur le marché des logements. On connaît suffisamment ce marché pour se permettre de ne pas avoir la mémoire courte et de savoir que le retournement de tendance que nous connaissons aujourd’hui a eu des antécédents. Les prix ne passent pas nécessairement leur temps à grimper. Il est arrivé que le marché du logement baisse sérieusement par le passé. Je rappelle quand même qu'entre 1992 et 1997, durant 5 années consécutives, les prix parisiens intra muros avaient baissé de 40 % hors inflation. Ce n'était pas rien. Et je rappelle que déjà à l’époque, après une longue hausse spéculative, la chute des prix avait été précédée par une période de baisse des volumes échangés comme cela se passe aujourd'hui. Durant la période allant de 1990 au début de l'année 1993, les prix de l’ancien ne baissaient pas encore, mais le nombre des ventes s’effondrait. Les acheteurs n’étaient • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • plus pressés d’acheter et les vendeurs reportaient leurs décisions de vente en attendant des jours meilleurs. Ce marché de l’ancien doit être bien distingué de celui du neuf. Généralement le propriétaire d’un studio qui ne trouve pas preneur au prix espéré, est capable d’attendre. Surtout si on lui annonce qu’une reprise est pour bientôt. Il faut attendre que les propriétaires n’y croient plus pour que les ventes reprennent et que la baisse devienne sérieuse. Nous sommes donc dans une phase de rétention qui est un processus connu qui, a priori, annonce plutôt une chute des prix à venir si l'on se réfère à la bulle spéculative du début des années 1990. 3. Entre le marché agricole et le marché du logement existe un autre marché que nous ne commençons à mieux connaître que depuis une quinzaine d'années : il s'agit du marché des terrains destinés à la construction de maisons individuelles pour lequel existe un programme annuel d'enquêtes par sondage réalisé par le ministère de l’équipement. Signalons au passage, qu’en 2011, pour la première fois, l'Île-de-France a été dépassée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en termes de prix moyen des terrains individuels. Ce qui semble indiquer que le coût et la pénibilité des déplacements en périphérie de l’agglomération sont devenus tels que la demande n'est plus aussi forte que ce qu'elle ne l’était avant pour aller habiter toujours plus loin en individuel. Sur ces trois marchés, nous pouvons discuter, c'est du solide. Mais il y a aussi la grande masse des terrains plus ou moins constructibles, partiellement desservis, faiblement bâtis, des terrains à réaménager, parfois pollués, des ventes de charges foncières pour immeubles collectifs, etc. Derrière le qualificatif de « marché des terrains constructibles » se cache des définitions variées. Par exemple, les Safer appellent « terrains constructibles » tous les terrains qui quittent l’agriculture, même sans aucune viabilisation. Il y a les définitions fiscales beaucoup plus restrictives qui diffèrent en outre selon qu’il s’agisse de la fiscalité des mutations et de celle des taxes foncières. Il y a les terrains plus ou moins bâtis et imposés comme tels, mais dont la seule valeur est celle de terrain à bâtir, après démolition… Sur tous ces terrains urbains et périurbains non agricoles, existe une grande ignorance et beaucoup de confusion alors que ce sont eux qui constituent le véritable gisement foncier sur lequel se développe l’agglomération. Là dessus, nous ne disposons pas de données fiables. Je crains que les chiffres qui ont été donnés tout à l'heure, même s'ils sont justes statistiquement parlant, n'aient guère de signification. Arithmétiquement, ils peuvent être corrects. Mais dans une commune, il peut s’échanger la même année, un ancien terrain agricole acheté par un lotisseur, trois lots revendus aménagés par le même lotisseur, une dent creuse achetée au centre du bourg pour construire un petit immeuble, un bout de champ de 2 000 m2 détaché en bordure de départementale, en attente d’un hypothétique permis de construire… On peut additionner ces ventes et faire la moyenne. On peut même calculer l'écart-type Ce sera exact, mais ça voudra dire quoi ? Que cela ne veuille pas dire grand-chose n’est pas grave, mais je crains que ce soit dangereux. Cela installe en effet dans les esprits, l'idée qu'un terrain est un objet, une matière, et qu’à chaque situation géographique correspond une valeur du terrain. Ce n'est pas du tout comme cela qu’on raisonnait jusque dans les années 1990. Ce genre de raisonnement aurait même été inimaginable. On considérait qu'il existait deux types de terrain : d’un côté le terrain matière première, le « terrain brut », qui était destiné à être aménagé avant d’être construit, de l’autre des « terrains à bâtir ». On n'aurait jamais appelé « terrain constructible » un terrain non aménagé. Quand je dis que la publication de tels chiffres est dangereuse, je veux dire que cela conforte les propriétaires dans l’idée qu'ils sont tous potentiellement à la tête d'une petite fortune et qu’il suffit d’attendre pour finir par obtenir un jour les autorisations d’urbanisme nécessaires. Puisque dans la commune « le terrain » vaut tant, je ne vais quand même pas le lâcher à moitié prix, quitte à attendre le temps qu’il faudra. Dans les négociations, ces blocages se rencontrent sans arrêt. Cela contribue au renchérissement infernal des charges foncières. Vous avez peut-être suivi l’extraordinaire gonflement de la part du foncier dans les comptes de patrimoine publié par l’Insee. J’en ai retracé une évolution rétrospective d’une trentaine d’années qui a été publiée dans l’avant dernier numéro de la revue Études Foncières et je vais ajouter une poignée de chiffres à tous ceux que vous avez déjà. Ces chiffres donnent la valeur de l'ensemble des terrains qui ne sont ni naturels ni cultivés. Il s’agit donc essentiellement des terrains urbains mais ils sont considérés comme le solde, car si l'on sait définir correctement ce qu’est un terrain naturel ou un terrain cultivé, il est difficile de donner une définition commune de « tous les autres », qu’ils soient bâtis ou non. Je les ai exprimés en pourcentage du PIB de l’année pour en suivre l’évolution. De 1978 à 1986, cela reste stable. L'ensemble de ces terrains qui équivalaient à 38 % du PIB en 78, n’en représentent toujours que 39 % en 86. De 1986 à 1990, c'est-à-dire pendant la montée de la bulle spéculative qui ne concernait alors que la région parisienne, celle de Genève et la façade méditerranéenne, cela progresse vaillamment de 39 % à 71 % du PIB de l’année, toujours pour la France entière du PIB. • En réponse à une remarque dans la salle • Non, ce n’est pas le jackpot pour Bercy car la plupart de ces terrains ne changent pas de main et demeurent imposés en fonction de leur usage antérieur. Aux États-Unis, avec la Property tax qui est un impôt annuel basé sur les valeurs vénales moyennes, la hausse peut être importante pour les propriétaires : certains ne peuvent plus payer l’impôt et sont obligés de vendre. Mais en France les propriétaires sont beaucoup mieux traités. De 1990 à 1997, comme on sait cela a été la décrue, une décrue relative mais tout de même une décrue. En ce qui concerne la France entière, nous sommes passés de 71 % du PIB à 48 %. On n'est donc pas retombés aux 39 % de 1986. Et puis, de 1997 à 2007, tenez-vous bien, les terrains non agricoles sont passés de 48 % à l’équivalent de 268 % du PIB. Depuis cette date, après un bref et léger recul en 2008, nous sommes toujours à 268 % pour 2011 qui est la dernière année connue. Donc, c'est quelque chose de complètement étonnant que cette progression, du jamais vu. J'ai la naïveté de penser que, forcément, cela ne durera pas encore très longtemps. Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont historiquement bas, les plus bas depuis le 19e siècle. De tels taux permettent aux acquéreurs de s'endetter sur de longues durées pour continuer à acheter de l'immobilier. Mais depuis une huitaine de jours vous avez peut-être remarqué qu'il y a un changement de ton dans la presse économique. Il semblerait que la Réserve fédérale américaine, après avoir réussi à relancer la machine économique américaine par l’injection d’énormes liquidités, considère que la machine économique américaine étant repartie, il faut retourner à des taux d'intérêt « normaux ». Le temps où la France pouvait elle-même bénéficier de taux d'intérêt négatifs pour financer sa dette parait terminé. Nous dirigeons à brève échéance, avant la fin de 2013, vers une remontée des taux. Et à ce moment là, le dopage de la demande immobilière cessant, il n'est pas imaginable que nous restions au niveau de prix actuel. Cela ne descendra certainement pas de 40 % en 6 mois. À en croire l’expérience des années 1990, la baisse prendra du temps. Cela prendra d'autant plus de temps et le bas niveau d’activité sera d’autant plus long, que les vendeurs potentiels continueront à croire en une future remontée des prix. Bref, je ne vois pas pourquoi la France resterait durablement bloquée par une surévaluation de son immobilier et serait le seul pays à ne pas connaître un retour vers la normal. Voilà donc pour l'avenir immédiat. Maintenant, une autre question se pose. Elle est plus structurelle. Comment se fait-il que pendant plus de 10 ans les prix de l'immobilier aient pu doubler sans que cela n’entraîne une • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats • •7• augmentation significative de la production immobilière, comme par exemple en Espagne. Si, pour une raison quelconque, le prix d’un bien se trouve multiplié par deux, la mécanique économique réagit pour qu’il s’en produise davantage. L’immobilier n’est pas un bien naturel qui puisse faire l’objet d’une rente de rareté durable, comme le pétrole. Le problème, c'est que nous avons pris une série de mesures qui ne faisaient que doper la demande (défiscalisation, etc.) sans se préoccuper de mettre à disposition la matière première nécessaire. On retourne à la question de la production foncière, à la distinction nécessaire entre le foncier matière première et le foncier produit fini. D’où la nécessité de disposer d’un système d'observation foncière qui permette, pour commencer d’analyser la maladie. Comment comprendre un processus de production sans être capable de distinguer les intrants et les produits ? Certes les fichiers administratifs ne permettent pas de le faire directement, mais il est possible de les enrichir. Les techniques existent. Il s’agit en particulier de les faire parler en qualifiant les catégories d'acteurs qui interviennent sur le marché. L’acheteur est-il un aménageur ou estce Madame Michu ? Depuis la loi SRU qui a laissé l’urbanisme réglementaire phagocyter l’urbanisme opérationnel, la machine à produire du terrain et des droits à bâtir est malade. La plupart des mesures postérieures n’ont fait qu’aggraver la maladie. Une observation foncière bien menée peut aider les décideurs à reconstruire la mécanique de l’urbanisme opérationnel. Mais comment changer le plomb en or si vous achetez le plomb au prix de l’or, ou si vous ne savez même pas distinguer les deux ? • Dominique Figeat, Président de l'ORF • Je souhaite d'abord remercier les participants autour de la table ainsi que tous les intervenants. Comme vous le constatez, et comme nous le souhaitions, nous ne cherchons pas à parler la langue de bois ni à masquer à la fois ce que les informations peuvent permettre de produire comme analyses mais aussi comme questions et interrogations. Je pense que l'objet de l'ORF est d'organiser cette confrontation à la fois d'informations et des données, de tenter de repérer quelques éléments de tendance et puis, aussi, de permettre des questions et des interrogations. •8• Peut-être aussi à exprimer un scénario - dont je ne sais pas d'ailleurs s'il faut le qualifier de scénario du pire sur les prochains mois ou les prochaines années - en tout cas, c'est l'un des scenarii possibles sur les mois qui viennent. Il faudra savoir y faire face et ne pas pratiquer la politique de l'autruche. Nous sommes clairement face à des phénomènes dont la rationalité économique est de moins en moins évidente. Il n'est pas évident que tous les marchés immobiliers et fonciers obéissent à la rationalité économique. Mais il faut au moins s'interroger sur leur signification. C'est ce que nous avons voulu faire ce soir à travers à la fois ces données de conjoncture, ce qu'elles peuvent apporter et les débats qui sont intervenus. En vous écoutant, je me disais qu'il était particulièrement intéressant, la veille du jour où la Ministre en charge de l'Urbanisme et du Logement présente son projet de loi, d'avoir ces éclairages. Les semaines et les mois qui viennent seront très alimentés en débats, je participerai à l'un d'entre eux dans quelques jours en tant que Président de l'ORF. Je serai dans une commission qui m'interrogera sur ma vision des choses sur l'Île-deFrance. Je terminerai par ce point-là : l'Île-de-France, c'est quand même une forte singularité dans le paysage national français, comme l'a souligné Hervé Manet tout à l'heure. Il faudrait plus réfléchir encore aux questions spécifiques à l'Îlede-France. Mais ce qui est sorti du Sénat laisse beaucoup de points d'interrogation. Si nous voulons éviter d'avoir un délai de carence de 3 à 5 ans voire plus, avec les effets du Grand Paris, des CDT, les moyens qui, peu à peu, se dégageront de la territorialisation des objectifs de logements il faut réfléchir à des dispositions spécifiques. Je me souviens de Michel Dulimon plaidant à la dernière réunion de conjoncture pour les dispositions transitoires en disant « Ne faudrait-il pas des dispositions transitoires associant nécessairement l’État, la Région, les principales collectivités locales pour que nous passions pas par 5 ans de crise qui amplifieraient les difficultés dans la condition de vie des franciliens ? » • Rencontre Conjoncture du 25 juin 2013 • Marchés fonciers au 1er semestre 2013 • Synthèse des débats •