France : les faiblesses du modèle de croissance soulignées au T4
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France : les faiblesses du modèle de croissance soulignées au T4
Apériodique – n°15/12 – 13 février 2015 France : les faiblesses du modèle de croissance soulignées au T4 Comme attendu, le PIB réel a progressé de 0,1% t/t au quatrième trimestre 2014 (après +0,3% t/t au T3). La croissance sur l’ensemble de l’année atteint 0,4% en moyenne annuelle. L’évolution des composantes ayant conduit à ce résultat décevant met en exergue les faiblesses structurelles françaises, avec un investissement en panne et un commerce extérieur qui pèse sur l’activité. La croissance devrait toutefois accélérer au premier trimestre 2015. C’est ce que suggèrent les enquêtes et données d’activité publiées récemment. L’activité profite de l’amélioration de l’activité économique (baisse du prix du pétrole et dépréciation de l’euro notamment). Ce mieux est-il durable ? Il pourrait en effet être entretenu par les effets graduels des réformes structurelles menées. Néanmoins, la crise a laissé des cicatrices sur l’activité : il convient de ne pas l’oublier trop rapidement. Une croissance modeste en 2014 Une fin d’année morose, avec un nouveau repli de l’investissement au T4 Conformément à notre prévision, le PIB a progressé de 0,1% t/t au quatrième trimestre 2014 (après +0,3% t/t au T3). Variations t/t, en %, données CVS-CJO PIB Consommation des ménages Investissement total entreprises ménages pub lic Exportations Importations Contributions: Demande intérieure finale hors stocks Variation des stocks Exportations nettes Sources : Insee, Crédit Agricole SA Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com La consommation privée progresse légèrement (+0,2% t/t, après +0,3% t/t au T3) et la contribution du commerce extérieur est positive (+0,1 point, après -0,2 point au T3), compte tenu notamment d’une forte accélération des exportations (+2,3% t/t, après +0,7% t/t au T3). Néanmoins, l’investissement recule encore fortement (-0,5% t/t, après -0,6% t/t au T3), tiré vers le bas par l’investissement des ménages (-1,5% t/t, comme au T3). L’investissement des entreprises se contracte également (-0,2% t/t), alors qu’il s’était stabilisé au trimestre précédent. Enfin, la contribution des variations de stocks est négative (-0,2 point, après +0,3 point au T3). France : freinage de la croissance au T4 2014 0,7 contributions à la croissance t/t, % 0,4 0,1 -0,2 -0,5 12 13 FBCF totale Solde extérieur PIB Source : Insee, Crédit Agricole S.A. T1 0,0 -0,3 -0,7 -0,4 -1,7 -0,3 0,6 1,0 2014 T2 T3 -0,1 0,3 0,4 0,3 -0,8 -0,6 -0,3 0,0 -1,6 -1,6 -1,3 -1,5 0,1 0,7 0,6 1,3 T4 0,1 0,2 -0,5 -0,2 -1,5 -0,2 2,3 1,7 -0,2 0,1 0,2 0,1 0,3 -0,1 0,3 -0,2 -0,1 -0,2 -0,2 0,1 2013 2014 0,4 0,3 -0,8 -0,6 -3,1 1,1 2,4 1,9 0,4 0,6 -1,6 0,2 -5,8 -2,1 2,7 3,8 0,5 -0,2 0,1 0,4 0,3 -0,3 14 Variations des stocks Consommation totale Axelle LACAN [email protected] L’illustration des faiblesses françaises Le PIB a progressé de 0,4% en moyenne annuelle en 2014, comme en 2013 et en 2012. Le repli de l’investissement total reste le principal frein à l’activité (-1,6% en moyenne annuelle), et notamment l’investissement des ménages, en très forte correction sur l’année (-5,8% en moyenne annuelle). Les ventes de logements neufs (ventes promoteurs et achats de maisons individuelles) ont effectivement baissé fortement en 2014 (environ 10% en volume), du fait notamment du niveau élevé des prix, de la hausse du chômage et du succès très mitigé du dispositif Duflot pour l’investissement locatif. Le commerce extérieur pénalise également la croissance (contribution négative de 0,4 point). La consommation des ménages continue certes à progresser, mais à un rythme bien inférieur à celui connu avant crise (+0,6% en moyenne annuelle, contre +2,2% en moyenne de 2000 à 2008). Ces chiffres illustrent bien les faiblesses structurelles de l’économie française, handicapée depuis plusieurs années par son déficit de compétitivité et la faiblesse de l’investissement. Or, le moteur traditionnel de l’activité, la consommation des ménages, ne peut plus tracter à lui seul l’activité, puisqu’il est contraint par un taux de chômage élevé et l’ajustement budgétaire en cours. La concrétisation de la reprise française est donc bien laborieuse, et met en évidence les limites du modèle de croissance. Un début d’année 2015 plus prometteur Dans ces conditions, qu’attendre pour l’année 2015 ? Une nouvelle mise en lumière des limites du modèle économique français ? Ou un rebond marqué, après des années de croissance molle ayant accrû les besoins de renouvellement de l’appareil productif ? Une accélération attendue au T1 À court terme, une accélération de l’activité est attendue. Le détail des enquêtes publiées en janvier signale une amélioration de la confiance, tant des chefs d’entreprise que des ménages. Le climat des affaires global publié par l’Insee est certes inchangé (à 94), notamment dans l’industrie manufacturière (à 99), mais l’évolution des composantes y est prometteuse. Les perspectives personnelles de production rebondissent : elles gagnent 8 points sur le mois (à 13 en janvier), signalant une accélération de la croissance à court terme. Par ailleurs, les acquis laissés par les données d’activité à fin décembre pour le premier N°15/12 – 13 février 2015 trimestre sont très favorables : +1% t/t pour la production industrielle et +1% pour les dépenses de consommation des ménages en biens. Notre scénario prévoit une croissance de 0,2% t/t au premier trimestre, mais l’aléa qui entoure cette prévision est clairement haussier. France : les perspectives s'améliorent dans l'industrie 120 solde d'opinion, en % 110 100 90 80 70 60 07 08 09 10 11 solde d'opinion, 30 en % 20 10 0 -10 -20 -30 -40 -50 12 13 14 15 Climat des affaires dans l'industrie Perspectives personnelles de production (ech. dr.) Sources : Insee, Crédit Agricole S.A. Ne pas oublier trop rapidement les contraintes La relative « embellie conjoncturelle » observée en début d’année confirme la stimulation de l’activité française par l’amélioration de l’environnement économique mondial. La baisse du prix du pétrole est favorable au pouvoir d’achat des ménages et aux marges des entreprises. Elle soutient ainsi les dépenses de consommation des ménages et d’investissement des entreprises. La dépréciation de l’euro est un élément positif pour les exportations, qui voient leur compétitivité-prix s’améliorer. La faiblesse des taux d’intérêt assure par ailleurs des conditions de financement favorables. Ces éléments pourraient nous inciter à inscrire un rebond marqué de l’activité, d’autant que les réformes menées sur la période récente vont produire graduellement leurs effets. Le CICE monte en puissance en 2015 (crédit d’impôt équivalent à 6% désormais de la masse salariale pour les salaires compris entre 1 et 2,5 SMIC). Le pacte de responsabilité entre en œuvre : ce sont notamment 5,5 milliards d’euros d’allègements de charges dont vont pouvoir bénéficier les entreprises (4,5 Mds €) et les travailleurs indépendants (1 Md €) dès 2015. Les ménages vont quant à eux bénéficier du pacte de solidarité et de la révision du barème de l’impôt sur le revenu qu’il contient. Enfin, des mesures de soutien au logement neuf devraient permettre une stabilisation progressive de l’investissement des ménages. 2 Axelle LACAN [email protected] 34 France : taux de marge et investissement des SNF a/a, % % Prévisions 8 33 4 32 0 -4 31 -8 30 -12 29 -16 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Taux de marge (EBE/VA) Investissement - volume (éch. dr.) Source : Insee, Crédit Agricole S.A. La crise laisse derrière elle des cicatrices profondes sur l’activité, qu’il convient de ne pas oublier trop rapidement. Le taux de chômage élevé bride la progression des revenus d’activité (cf. encadré sur l’évolution du pouvoir d’achat). Et son repli ne devrait être que tardif et laborieux, compte tenu de l’effet néfaste qu’a pu avoir la crise sur l’employabilité des chômeurs de longue durée. Le déficit de compétitivité limite la hausse des exportations et alimente l’érosion observée sur la période récente des parts de marché françaises à l’exportation. Enfin, la nécessaire inflexion de la trajectoire de la dette publique nécessite une réduction continue des déficits, qui, en retour, pénalise la croissance, via notamment un effet baissier sur les dépenses publiques et notamment les prestations sociales. Pourtant, le scénario d’un rebond marqué de l’activité en 2015 n’est pas celui que nous retenons. Quelle évolution attendre du pouvoir d’achat ? Le pouvoir d’achat des ménages devrait légèrement s’améliorer en 2015 (+1,6% en moyenne annuelle attendue, après +1,2% prévu en 2014). La faiblesse de l’inflation (+0,1% en moyenne annuelle, après +0,5% en 2014) est un facteur de soutien certain. De même, la contribution négative des impôts sur le revenu et le patrimoine serait moins forte, compte tenu d’un ajustement budgétaire qui se tourne davantage vers des économies en dépenses (21 milliards d’euros sont programmés sur l’année). Le pouvoir d’achat restera toutefois sous la pression d’un taux de chômage élevé, qui entraînerait un tassement de revenus d’activité. Enfin, compte tenu des économies en dépenses programmées, les prestations sociales seraient également en hausse moins dynamique, la dégradation du marché du travail perdant par ailleurs en intensité. En prenant en compte l’ensemble de ces éléments, la croissance atteindrait environ 1% en moyenne en 2015. De nombreux risques pèsent sur ce scénario de croissance Les aléas existant autour de notre scénario sont à la fois baissiers et haussiers. Ces derniers ont même eu tendance à se renforcer sur la période récente. Du côté des mauvaises surprises potentielles, une nouvelle dégradation du climat des affaires, dans un contexte de montée des tensions géopolitiques par exemple, pourrait conduire à un attentisme plus marqué des chefs d’entreprise, compromettant la concrétisation effective des impacts des mesures structurelles mises en œuvre. Une N°15/12 – 13 février 2015 Contrib. %, a/a 8 6 France : pouvoir d'achat des ménages et ses composantes Prévisions 4 2 0 -2 -4 -6 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Cotisations soc. versées Prix conso. Impôts courants Prest. soc. en espèces Rev. du patrimoine Rev. d'activité Pouvoir d'achat Source : Insee, Crédit Agricole S.A. hausse plus forte qu’attendu du taux d’épargne des ménages, dans un contexte de taux de chômage élevé, pourrait limiter l’accélération de la consommation des ménages. Enfin, une remontée plus rapide que la très légère hausse prévue des taux longs pourrait compromettre la reprise de l’investissement des entreprises et provoquer un ajustement plus brutal encore de l’investissement des ménages. À l’inverse, l’effet de la baisse du prix du pétrole et de la dépréciation de l’euro pourrait être plus fort que celui estimé. Enfin, si la confiance des ménages s’améliorait plus fortement, le taux d’épargne des ménages pourrait se stabiliser et non augmenter, et l’accélération des dépenses de consommation serait alors plus marquée. 3 Axelle LACAN [email protected] Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Rédacteur en chef : Jean-louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact: [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur l’App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). 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