Isométries d`un espace affine euclidien. Applications.

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Isométries d`un espace affine euclidien. Applications.
Isométries d’un espace affine euclidien. Applications.
Par Nicolas Lanchier
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1. Groupe des isométries.
Définition 1.1 Un espace affine X associé à un espace vectoriel E est un ensemble sur lequel le
groupe abélien (E, +) agit simplement transitivement. [2], Sect. 3.2
Définition 1.2 Si de plus E est un espace euclidien, X est appelé espace affine euclidien. [1],
Sect. 9.1
Définition 1.3 Une application f : X −→ X est appelée isométrie si
∀ x, y ∈ X,
d(f (x), f (y)) = d(x, y)
Proposition 1.4 Notons Is(X) le groupe des isométries de X et GA(X) le groupe affine. Alors
f ∈ Is(X) si et seulement si f ∈ GA(X) et L(f ) ∈ O(X) où L(f ) désigne la partie linéaire de f .
[1], Sect. 9.1
Définition 1.5 Le noyau de l’application déterminant det : Is(X) −→ O(X), noté Is+ (X),
est appelé groupe des déplacements. Les éléments de Is− (X) = Is(X) \ Is+ (X) sont appelés
antidéplacements. [1], Sect. 9.1
Proposition 1.6 Le centre de Is(X) est donné par Z(Is(X)) = Z(Is+ (X)) = {id}.
Théorème 1.7 Le groupe des isométries s’écrit comme produit semi-direct Is(X) = X ⋊ O(X).
[1], Sect. 9.1
2. Description géométrique.
Proposition 2.1 Le groupe Is(X) agit simplement transitivement sur les repères orthonormés
de X. [1], Sect. 9.2
Corollaire 2.2 Soient (xi )i∈I et (yi )i∈I deux collections de points de X tels que d(xi , xj ) =
d(yi , yj ) pour tous i, j ∈ I. Alors il existe une isométrie f telle que pour tout i ∈ I, f (xi ) = yi .
[3], Sect. 30.3
Théorème 2.3 Soit f ∈ Is(X). Il existe un unique couple (g, tu ) ∈ Is(X) × T (X) tel que
l’ensemble G des points fixes de g soit non vide et tel que f = g · tu = tu · g. De plus, u ∈ G =
Ker(L(f ) − id). [1], Sect. 9.3
Théorème 2.4 Posons s = dim X − dim L(G). On a les assertions suivantes.
1. Si f admet au moins un point fixe alors f s’écrit comme produit de s symétries hyperplanes.
2. Si f n’admet pas de point fixe alors f s’écrit comme produit de s + 2 symétries hyperplanes.
3. Si f ∈ Is+ (X) \ T (X) alors f est produit de s retournements.
4. Si f ∈ T (X) alors f est produit de deux retournements.
[1], Sect. 9.3
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f
G
L(f )
u=0
u 6= 0
E
id
id
translation de vecteur u
− id
symétrie de centre p
rotation
d’angle
θ 6∈ πZ
rotation de centre p
et d’angle θ
Is+
{p}
symétrie glissée
x
Is
−
droite
u
tu (x)
symétrie d’axe G
−
S→
G
G
f (x)
g(x)
f
G
L(f )
u=0
u 6= 0
E
id
id
translation de vecteur u
−
S→
G
symétrie d’axe G
symétrie glissée d’axe G
vissage d’axe G
Is+
tu (x)
droite
rotation
d’axe G et
d’angle
θ 6∈ πZ
rotation
d’axe G et
d’angle
θ 6∈ πZ
G
u
x
f (x)
g(x)
symétrie glissée
x
plan
réflexion de plan G
−
S→
G
g(x)
Is−
− id
symétrie de centre x
x
{p}
tu (x)
p
f (x)
f (x)
3. Pavages réguliers du plan.
Définition 3.1 On appelle pavage du plan euclidien E tout couple (P, G) où P ⊂ E est une
partie compacte, connexe, d’intérieur non vide et où G est un sous-groupe de Is+ (E) vérifiant les
deux axiomes suivant :
S
P1. E = g∈G g(P).
◦
P2. ∀ g, h ∈ G,
◦
g(P) ∩ h(P) 6= ∅
=⇒
g(P) = h(P).
Définition 3.2 Un sous-groupe G de Is+ (E) est un groupe de pavage s’il existe une partie P ⊂ E
telle que (P, G) soit un pavage du plan euclidien. [3], Sect. 35.2
Définition 3.3 Deux groupes de pavage G et H sont dits équivalents s’il sont conjugués dans
GA(E), i.e. s’il existe g ∈ GA(E) tel que G = g · H · g −1 .
Dans toute la suite, Γ = G ∩ T désigne le groupe des translations de G. Pour tout g ∈ G, on
notera par ailleurs Lg la partie linéaire de g et l’on posera LG = {Lg : g ∈ G}.
Théorème 3.4 Soient (P, G) un pavage, GP = {g ∈ G : g(P) = P} le stabilisateur de P et K
une partie compacte de E. Alors
1. Il existe a ∈ E tel que GP ⊂ Isa , i.e. g(a) = a pour tout g ∈ GP .
2. L’ensemble des pavés Q d’intersection non vide avec K est fini.
3. Pour tout pavé Q, le stabilisateur GQ est un groupe fini.
4. Pour tout a ∈ E, G(a, K) = {g ∈ G : g(a) ∈ K} est fini.
En particulier, la G-orbite de a ∈ E est une partie discrète de E. [1], Sect. 1.7, [3], Sect. 35.3
Preuve. 1. Le problème étant trivial si GP = {id}, supposons que GP 6= {id} et choisissons une
isométrie g ∈ GP , g 6= id. Le pavé P étant borné dans E, il est clair que GP ∩ T = {id} et que g
ne peut être qu’une rotation. Notons a son centre. Pour tout h ∈ GP , le commutateur
[g, h] = g · h · g −1 · h−1
étant une translation de GP , nécessairement g · h · g −1 · h−1 = id. En particulier,
(g · h)(a) = (h · g)(a) = h(a)
donc, par définition de g, h(a) = a. Le choix de h étant arbitraire, GP ⊂ Isa .
2. S’il existe une suite gn (P), n ≥ 0, de pavés distincts inclus dans K alors, pour x dans
l’intérieur de P, la suite gn (x) ⊂ K n’admet, d’après P2, aucune valeur d’adhérence. La partie K
étant supposée compacte, ceci est absurde.
3. D’après 1, il existe un point a ∈ E tel que GP ⊂ Isa . Choisissons un pavé Q dont le point b
associé par 1 soit distinct de a et considérons l’application
ψ : GP −→ {g(Q) : g ∈ GP }
ψ(g) = g(Q).
Si ψ(g) = ψ(h) alors g · h−1 ∈ GP ∩ GQ . En particulier, a et b sont deux points fixes distincts de
l’isométrie g · h−1 si bien que g · h−1 = id. Il en résulte que ψ est injective d’où l’inégalité
card GP ≤ card {g(Q) : g ∈ GP }.
L’ensemble {g(Q) : g ∈ GP } étant par ailleurs inclus dans un disque centré en a, le point 1 nous
permet d’affirmer que
card {g(Q) : g ∈ GP } < ∞
ce qui conclut la preuve de 3.
4. En vertu de P1, il existe un pavé Q contenant a. Par ailleurs, d’après 2, l’ensemble des g(Q)
coupant K est fini. Posons alors
{g(Q) : g(Q) ∩ K =
6 ∅} = {g1 (Q), g2 (Q), · · · , gs (Q)}.
Si h ∈ G(a, K), il existe 1 ≤ i ≤ s tel que h(Q) = gi (Q) d’où h ∈ gi · GQ . En définitive,
G(a, K) ⊂
s
[
gi · GQ
i=1
ce qui, compte tenu de 3, achève la preuve.
Théorème 3.5 Le groupe Γ est un réseau, i.e. il existe une base (u, v) de E telle que Γ soit
exactement l’ensemble des translations de vecteurs λ u + µ v, λ, µ ∈ Z. [1], Sect. 1.7
Preuve. Commençons par supposer que Γ = {id}. Si g et h sont deux rotations de centres distincts alors g · h · g −1 · h−1 est une translation non triviale de E ce qui est absurde. Les rotations
de G ont donc toutes même centre ce qui, compte tenu de l’axiome P1, est contradictoire.
Supposons maintenant que toutes les translations de Γ sont colinéaires. Soit t ∈ Γ, la translation
de vecteur u. Alors, pour tout g ∈ G − Γ, g · t · g −1 est la translation de vecteur g(u). Les vecteurs
u et g(u) étant par hypothèse colinéaires, g ne peut être qu’une symétrie centrale. En observant
alors que pour toutes symétries g et h de centres respectifs a et b, l’isométrie h · g est la translation
de vecteur 2(b − a), on en déduit que les centres des éléments de G − Γ sont alignés. L’ensemble
des pavés étant dans ce cas inclus dans une bande de direction b − a, l’axiome P1 est de nouveau
contredit.
En définitive, Γ contient deux translations linéairement indépendantes. Comme de plus G opère
discrètement dans E en vertu du théorème 3.4, il en résulte que Γ est un réseau. Lemme 3.6 Soient r, s et t trois rotations du plan euclidien de centres a, b et c respectivement.
Si le produit r · s · t = id alors le triangle abc a des angles moitié de ceux de r, s et t.
Théorème 3.7 card(LG ) ∈ {1, 2, 3, 4, 6}. [1], Sect. 1.7
Preuve. Supposons que card(LG ) ≥ 3. Soient r, s ∈ G − Γ les rotations de centres a 6= b, et
d’angles respectifs α et β, le point b étant choisi de sorte que ||b − a|| soit minimal. En vertu de
l’axiome P2, r et s sont nécessairement d’ordres finis n et p respectivement. De plus, G étant muni
d’une structure de groupe, on peut supposer sans perte de généralité que
α =
2π
n
β =
2π
p
avec n, p ≥ 3
la troisième condition nous permettant d’affirmer que t = (r ·s)−1 est une rotation du plan. Notons
son centre c et son angle γ = 2kπq −1 , avec k et q premiers entre-eux. Si k ≥ 2 alors il existe une
rotation g ∈ G − Γ de centre c et d’angle θ < γ. En appliquant alors le lemme 3.6 on montre
facilement que (g · r)−1 est une rotation de G − Γ dont le centre est plus proche de a que b ce qui,
par minimalité de ||b − a|| est absurde. Donc k = 1. En remarquant enfin que
1
1
1
α + β + γ
=
+
+
= 1,
2π
n
p
q
et en utilisant le fait que n, p, q ∈ N, n ≥ 3, on en déduit que les seules valeurs possibles pour n
sont 3, 4 et 6 ce qui achève la preuve. (a) card LG = 1
(b) card LG = 2
(d) card LG = 3
(c) card LG = 4
(e) card LG = 6
Fig. 1. Pavages du plan par Escher.
Théorème 3.8 Deux groupes de pavage G et H sont équivalents si et seulement si on a l’égalité
des cardinaux : card(LG ) = card(LH ). [3], Sect. 35.4
Corollaire 3.9 Il existe exactement cinq classes d’équivalence de groupes de pavage.
Références
[1] Marcel Berger. Géométrie. Tome 1. Nathan, 1990.
[2] Jacqueline Lelong-Ferrand. Les fondements de la géométrie. Puf, 1985.
[3] Patrice Tauvel. mathématiques générales pour l’agrégation. Masson, 1997.