s`émanciper de la misère : le parcours de vie d`une

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S’ÉMANCIPER DE LA MISÈRE : LE PARCOURS
DE VIE D’UNE FEMME QUÉBÉCOISE
Patrick BRUN
Qu’est ce que s’émanciper quand on naît au sein d’une famille vivant en grande pauvreté, dans un
quartier stigmatisé à l’écart de la ville et que de plus on est affecté de graves déficiences physiques
? Le témoignage de Kolette, femme québécoise devenue militante des droits de l’homme dans le
Mouvement ATD Quart Monde, nous en donne une figure exemplaire. Le récit qu’elle produit et
publie avec un volontaire permanent de ce Mouvement à la fois rend compte de son parcours et
construit une « identité narrative » illustrative du concept introduit par Paul Ricœur. Le croisement
de la réflexion sur son expérience singulière et des démarches et savoirs d’action du Mouvement
collectif qu’est ATD Quart Monde est à la source d’une dynamique de connaissance et de recon naissance qui se tisse entre l’auteur dans sa subjectivité, la collectivité auquel elle adhère et les per sonnes en situation de grande pauvreté qui deviendront ses lecteurs. Le caractère emblématique
de la figure de Kolette n’est cependant pas sans conséquence sur sa propre démarche d’émanci pation.
L’étymologie latine nous permet d’expliciter le terme d’émancipation: « emancipare », c’est-àdire : « e-manus-capere », « prendre hors de la main », se libérer, « s’échapper de la cage »,
s’affranchir, sortir de ses chaînes. A l’inverse, assujettir, asservir, soumettre désignent différentes modalités de l’aliénation, de la non appartenance à soi-même, d’une volonté qui ne peut
s’exercer librement. Si l’on prend libération comme un synonyme d’émancipation, l’un et l’autre
terme peuvent se référer à l’action d’autrui sur soi ou à l’effort de l’acteur lui-même. On
donnera l’exemple de l’émancipation des esclaves, ou de celle des pays récemment colonisés.
En revanche, peut-on parler de l’émancipation des prisonniers de droit commun ? On utilisera
plutôt le terme de libération ou le vieux mot d’« élargissement ».
Émancipation aurait donc une signification moins matérielle que libération et connoterait le lien
entre les signes extérieurs de l’émancipation et le développement personnel et social dont ils
sont l’expression et le fruit. On rejoint alors la visée des « Lumières » qui associe la libération
des chaînes temporelles à l’avènement de la raison, critique vis-à-vis de tous les dogmatismes,
« émancipé » des assujettissements de l’esprit. L’émancipation des consciences va de pair avec
l’émancipation des esprits et des corps vis-à-vis de puissances sacralisées ou hypostasiées.
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CARRIÉROlogie
En un mot, l’émancipation est le mouvement par lequel l’homme ou la femme prenant conscience
de ce qui empêche la volonté d’accéder à son propre désir et de le mettre en œuvre, initie une
dynamique de production et de réalisation du sens dans le cours de sa propre existence. Il
s’agit d’une double démarche de connaissance et d’action, où connaissance et action s’engendrent mutuellement.
On a de la grande pauvreté une conception étriquée en l’identifiant à la seule privation des biens
matériels et des ressources sociales. La question centrale est celle de la reconnaissance . Le
« bon pauvre », dans l’histoire des représentations collectives est celui qui se conforme à
l’image que l’on veut avoir de lui. Sous la conformité se dissimule la peur de ne pas paraître
comme tout le monde, le désir d’être reconnu, non pas pour ce qu’on est mais pour ce qu’on
imagine que la société demande que l’on soit. Le jugement d’autrui se substitue à l’estime de
soi. Exister c’est alors exister dans le regard de l’autre. Le « mauvais pauvre » n’est pas moins
enfermé dans les stigmatisations qui lui collent à la peau, les images de mauvais père, de
paresseux, de profiteur, de mendiant etc… Ces images se transmettent de génération en
génération se sédimentant pour ainsi dire dans la conscience de ceux qui en sont les victimes
et qui deviennent finalement témoins à charge contre eux-mêmes au tribunal de l’opinion
commune.
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nes vivant dans la misère peuvent-elles s’engager au service de la promotion de leur milieu ? Et
quelles en sont les retombées sur leur propre parcours ?
Nous allons donc, dans un premier temps, identifier les étapes du parcours émancipatoire de
Kolette pour, ensuite, en proposer un modèle donnant à voir les articulations de la connaissance
et de l’action.
Kolette est née en 1948 dans une famille très pauvre de Montréal dans le quartier appelé alors
« Ville Jacques-Cartier » (aujourd’hui englobé dans la ville de Longueuil).
Nous identifions quatre grandes périodes dans la vie de Kolette :
- La vie en famille : enfance et adolescence, 1948-1970.
- Le combat pour son indépendance et contre les injustices qui la touchent, 1970-1977.
- La découverte du Mouvement ATD Quart Monde et l’engagement collectif, 1977-1988.
- Le temps de la réalisation du désir, 1989-1999.
L’émancipation tant des situations de vie que des consciences demande donc un travail simultané de réflexion critique des deux parties au procès de la connaissance, un travail d’historicité
critique, chacun ré-ouvrant la boîte noire des représentations de soi et d’autrui à partir de
l’histoire de vie. Cet effort « d’identité reconstructive » (Ferry, 1996) est à faire par chacun mais
il est aussi le fruit de la rencontre inter-subjective.
Chacune de ces périodes est bornée par des événements-seuils qui seront déterminants pour
la suite. Chacune constitue donc un moment de l’itinéraire d’émancipation de Kolette.
L’assujettissement
Dans cet article, nous voudrions montrer à partir de l’itinéraire de vie d’une femme québécoise
et du récit qu’elle en a tiré avec la collaboration d’un volontaire du Mouvement international ATD
Quart Monde comment cette démarche d’émancipation est possible.
La généalogie de la famille de Kolette est une généalogie de misère : longue histoire de parents
malades, souvent exclus du travail, marqués par la précarité des moyens d’existence, décédés
jeunes en laissant une nombreuse famille d’orphelins.
Nous verrons dans le cours de sa vie les deux versants de l’émancipation, l’action libératrice,
tournée vers l’extérieur contre les causes matérielles et idéologiques de sa misère ; et le
développement de ses propres facultés de création et d’expression de son vrai désir.1
Comme beaucoup de pauvres immigrés de la campagne ou privés d’emploi, la famille de Kolette
rejoint ceux qui ont le même type d’existence aux marges de la ville. La relégation de familles
entières dans des logements de fortune, construits par eux mêmes avec des matériaux de
récupération est notamment due au prix et à l’insuffisance des logements en centre-ville.
Cet itinéraire n’est pas solitaire. L’histoire de l’émancipation de « Kolette » s’adosse à l’histoire
collective des efforts d’émancipation des populations très démunies. Comment, à partir de la
prise de conscience collective favorisée par l’action d’un Mouvement international, des person-
A la précarité des conditions de vie et de travail s’ajoutent pour Kolette les handicaps de sa
naissance. Son entrée dans la vie est marquée par le tragique : son père ne semble pas avoir
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accepté sa naissance. Elle subit de sa part des mauvais traitements. De plus, Kolette souffre de
plusieurs malformations congénitales qui la laisseront handicapée pour la vie. Elle ne peut ni
suivre l’école comme les autres enfants, ni plus tard avoir un travail régulier. Aussi relèvera t-elle
toute sa vie de ce qu’on appelait à l’époque au Québec le « bien être », autrement dit l’aide
sociale. Sa santé fragile lui fera subir de fréquents et longs séjours dans les hôpitaux. Les
médecins lui prédisent une vie courte. Finalement elle meurt à 52 ans en 1999.
Elle se sentira humiliée et méconnue une grande partie de sa vie. Ville Jacques-Cartier est
collectivement désignée par la ville voisine de Longueuil comme un quartier de miséreux, de
« pestiférés » : on craint sa proximité, on arrête les rues à sa frontière ; « Les habitants
de Montréal-Sud, devenu Longueuil, ne voulaient pas partager une seule rue avec les « sales »
de Ville Jacques Cartier ! Ils ne voulaient pas être confondus avec nous »3 (KOLETTE p.69). Plus
tard, son statut d’assistée lui vaudra toutes sortes de vexations de la part des institutions
publiques, de son environnement et même au sein de sa propre famille.
Cependant les pires humiliations lui sont infligées par les démarches de charité : « La plupart
venaient pour « faire la charité ». C’était comme un devoir qu’ils venaient remplir chez nous.
D’autres venaient quasiment pour nous apprendre à vivre, pour nous «éduquer ». Comme si on
était des «sauvages » ou des «animaux »! Est ce que les gens ne se rendaient pas compte qu’ils
nous humiliaient » (idem p.73).
L’exclusion des pauvres est du reste paradoxale : car leur situation aux marches de la ville ne les
soustrait pas aux cadres idéologiques de la religion catholique et des traditions qu’elle inspire.
Les curés veillent de près au respect des normes : la famille ne peut être « empêchée » (terme
qui désigne la contraception) sous peine de perdre le bénéfice des aides. Les fêtes religieuses
sont strictement marquées par l’assistance aux cérémonies, bien que la place des pauvres y soit
clairement désignée par le coût des prestations !
Quant aux politiques, ils recherchent des voix au moment des élections, mais oublient leurs
promesses au lendemain de celles-ci.
La position de Kolette, doublement exclue par son appartenance au quartier et à sa famille, et,
au sein de ceux-ci par ses handicaps et son statut d’assistée, confère très tôt à son itinéraire
une spécificité par rapport à ses proches.
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Les formes extérieures de la déconsidération sociale trahissent les aliénations les plus graves,
celles qui touchent la dignité des personnes. Kolette est victime d’une double stigmatisation :
comme assistée sociale, et comme handicapée. Elle nous donne à comprendre par quel
enchaînement les très pauvres en viennent à se mépriser eux-mêmes. Le premier palier en est
la culpabilité : « Si les gens savaient… Pour eux t’es une incapable et c’est pour ça que tu vis
de l’aide sociale, ou bien t’as des capacités et t’es une profiteuse si tu vis du bien être… On
n’en sort pas » (KOLETTE p.154). Le soupçon qui pèse sur eux pèse aussi en eux. Kolette tente
de se suicider parce qu’elle se sent inutile et à charge de ses parents. L’étape suivante c’est le
consentement des victimes au déni de droits qui leur est opposé : « J’aime bien faire de la pein ture. Eh ben ! On m’a fait remarquer que c’était pas la place d’un chevalet chez une assistée
sociale…On m’a aussi reproché mes habiletés. Par exemple, avant, je coiffais, je coupais les
cheveux… Eh ben ! J’ai laissé tomber. J’avais trop de remarques » (KOLETTE p.153). Elle cite
d’autres exemples : la femme qui n’osait pas se coucher dans son lit d’hôpital parce qu’elle
pensait ne pas avoir droit à une chambre seule ; elle-même, Kolette, qui se dit que l’appartement
qu’on lui a finalement attribué est trop beau pour elle. L’assujettissement des victimes est le fruit
de l’étiquetage social auquel les victimes finissent par consentir.
Premiers efforts d’émancipation
Kolette, dès le début de son adolescence, lutte dans une double direction : pour aller à l’école
et pour cesser d’être à charge de ses parents. Plusieurs tentatives dans l’une et l’autre direction se soldent par des échecs. Derrière l’utilité pratique de ces moyens Kolette vise, dit-elle, à
se faire reconnaître comme capable, et à bénéficier de la même reconnaissance que n’importe
qui : « J’avais développé des habiletés manuelles…Eh bien, je me suis mise à utiliser ces
" habiletés " pour " prouver " que j’étais capable de quelque chose. Je voulais montrer que
j’étais quelqu’un de valable. Qu’on pouvait toujours me dire bonjour comme à n’importe qui… »
(KOLETTE p.123). Elle dépend alors de sa famille et en éprouve de la honte. On lui fait sentir
qu’elle est une charge.
La tension qui en résulte la plonge dans une dépression où elle connaîtra sa première tentative
de suicide. Elle a dix huit ans.
Après d’autres essais temporaires de travail, elle obtient enfin l’aide sociale qui lui permettra de
quitter ses parents et de s’installer à Montréal. Elle a vingt ans.
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L’événement positif de ces années est en revanche la rencontre d’une assistante sociale qui va
éveiller son regard sur sa situation et l’amener à mettre en question son sentiment de honte. Ce
travailleur social lui montre que ses droits sont légitimes et qu’elle peut les réclamer sans se
sentir coupable : « Ca m’a fait comme un " punch " qu’elle me dise ça et puis je me suis dit
" pourquoi pas ! " et, à partir de là j’en ai demandé souvent des révisions de mon dossier à l’aide
sociale… C’est comme si j’avais réalisé que c’est vrai dans le fond, c’est vrai que j’ai des pro blèmes de santé, c’est vrai que je ne travaille pas, c’est vrai que j’ai besoin d’aide et puis c’est
vrai qu’ils n’ont pas le droit de me la refuser… Quand elle m’a dit cela, c’était comme si elle avait
entrouvert le rideau et je me suis dit : " Pourquoi ne pas l’ouvrir plus que ça.. " » (Entretien). C’est
de cette rencontre que Kolette semble dater son combat contre les injustices qui l’affectent tant
personnellement que pour ceux qui vivent les mêmes injustices.
Kolette passe ici d’une résistance coupable à la prise de conscience de ses droits. Elle
ré-évalue à partir de ce moment ses relations avec son environnement. Cette prise de
conscience alliée à un fort sentiment d’injustice alimente dans les années qui suivent son combat pour faire valoir ses droits et ceux de ses proches. Elle nous raconte dans le récit publié de
sa vie quelques-uns de ces combats : contre l’exploitation des locataires de son immeuble par
le propriétaire, contre les décisions de l’aide sociale, pour l’obtention des soins que son état de
santé exige, contre les abus de pouvoir d’un inspecteur. Elle dénonce toutes les formes
d’exploitation des très pauvres.
Son chemin se sépare de celui de ses frères et sœurs : ils suivent quant à eux la voie d‘un
« affranchissement »4 et d’une promotion sociale individuelle qui épouse les opportunités
économiques d’une société de consommation.
Les handicaps de Kolette lui ferment cette possibilité. L’affranchissement du reste n’est pas
l’émancipation, s’il est vrai que celle-ci présuppose la critique des conditions externes et internes
qui ont rendu possible l’aliénation.
L’émancipation chez elle prendra un double visage: le visage public de l’engagement dans un
mouvement collectif, le Mouvement ATD Quart Monde, le visage intime de l’œuvre de peinture.
Entre les deux, la publication du livre de l’histoire de sa vie et plusieurs épreuves liées à la mort
ponctuent son développement.
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Rencontre de Kolette avec le Mouvement ATD Quart Monde
Deuxième rencontre décisive de Kolette en Juillet 1977, celle de L., volontaire du Mouvement
ATD Quart Monde, mouvement international d’origine française qui se consacre à la promotion
des populations très pauvres. Quand L. rencontre Kolette, le Mouvement ATD Quart Monde n’a
pas encore pris racine au Québec. Cette rencontre est donc en quelque sorte emblématique des
liens qui vont se créer par dessus l’Atlantique, et le projet du livre de « KOLETTE » s’inscrit dans
la volonté de relier l’histoire des pauvres du Québec à celle des pauvres du monde entier et de
susciter dans la société civile du Canada un désir d’alliance avec les « exclus ». Pour Kolette,
cette rencontre est décisive. D’un côté, elle estime que «L. m’a confirmée dans ce que je savais
déjà » (Entretien). De l’autre elle prend conscience que ce qu’elle ressent confusément est
partagé par un collectif international. Le Mouvement ATD Quart Monde va lui permettre de
confronter son vécu personnel à une pensée collective et de donner sens à son action en l’adossant aux droits de l’homme. Cette évolution ne s’est pas faite d’un coup : la relation avec L.
est d’abord une relation d’amitié sans dimension militante, et quand Kolette vient visiter les L. en
France, elle est mal à l’aise devant le spectacle de la pauvreté à Paris. Selon le témoignage de
L . : « Elle a été très mal à l’aise et en même temps ça l’a touchée profondément. Elle craignait
de descendre dans la cité. A la fois une grande attirance et en même temps une espèce de peur
de se retrouver face au passé que la famille Turcot essayait de balayer » (Entretien avec L.). Les
relations avec le Mouvement ATD Quart Monde, et surtout la composition du livre de « KOLETTE
» l’aideront à se réconcilier avec sa propre histoire et à transformer « la honte d’appartenir au
peuple de la misère en fierté d’appartenir au peuple du Quart Monde »5
Configurer sa vie en en faisant le récit6
Le projet de livre est donc né de la volonté conjointe du Mouvement ATD Quart Monde, en la
personne d’un autre volontaire, Lucien Duquesne, co-signataire du livre et de Kolette. Leur collaboration n’est pas que pure forme : Lucien n’est pas le porte-plume de Kolette , ni Kolette le
faire valoir du Mouvement au Québec. Peut-être serait-ce trop dire que Kolette configure sa vie
en lui donnant forme d’écriture et que Lucien configure le message du Mouvement à travers le
récit de la vie de Kolette, mais l’histoire de cette composition atteste qu’un double effort de formation est en œuvre. Le travail va durer cinq ans de 1982 à 1987, date de la publication du livre.
Produire un livre avec le récit de sa vie n’est pas un acte anodin : c’est à la fois se donner à lire
publiquement et ouvrir avec soi un espace où se raconter. C’est à la jointure de l’intime et du
collectif. C’est s’exposer à la fois pour soi et pour autrui, et la mise en rapport du soi intime et
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du soi public n’est pas sans risque, certes pour la vérité des propos (encore qu’il faudrait
distinguer véracité et authenticité), mais aussi pour l’identité de la personne. Le livre de Kolette
dédouble le personnage : d’un côté la personne privée et souffrante qui, nous rapporte L., aspire
à se dire ; de l’autre le rôle social que le Mouvement ATD Quart Monde lui fait endosser de fait
en poursuivant comme objectif de la publication, ainsi que l’exprime le fondateur du Mouvement
ATD Quart Monde, le Père Joseph Wresinski, dans sa préface au livre « de faire comprendre, à
travers le témoignage très personnel de l’une des leurs, comment les pauvres du Québec ont
vécu et vivent au Québec » (KOLETTE p.12).
Ce double visage de Kolette, personne et témoin, se traduit dans le livre par le souci manifestée
par elle de tirer les leçons de sa propre expérience en la portant au niveau d’une expérience
collective et d’en fournir les clefs de compréhension.
La publication du livre, en faisant de Kolette un personnage public, crée une tension dont elle va
souffrir. D’une part elle devient auteur de livre, est invitée à le présenter, devient amie de
personnalités du monde du spectacle et de la politique dont elle fait la connaissance, de l’autre,
elle ne cesse pas pour autant d’être aux yeux des services sociaux, et même de sa propre
famille, assistée sociale et handicapée. Certains ne manqueront pas du reste de lui reprocher de
« se hausser du col » et de faire de la publication de sa vie un moyen de promotion, comme si
elle avait profité de son visage public pour échapper à sa condition.
La découverte de soi
Kolette, à la suite de la parution du livre se trouvera donc en difficulté jusqu’au sein du Conseil
d’administration de l’association du Mouvement au Québec dont elle fait partie. Mais une autre
série d’épreuves l’attend. En dix mois, de Mai à Décembre 1988, tous ceux qu’elle aimait sont
morts ou sont repartis en France ! Kolette se retrouve seule. Les feux de la fête sont éteints, et
Kolette traverse une crise à la fois physique et psychique qui l’amène au seuil de la mort :
« J’étais comme… j’étais pas comme, j’étais blessée, et puis j’étais dépouillée parce que
personne avant aurait pu dire que je me retrouverais sans ami, toute seule comme je me suis
retrouvée après la mort et le départ de tous » ( Entretien). La mort qui l’a accompagnée toute
sa vie est là, mais c’est d’abord celle de ses proches. L’ordre des choses s’en trouve comme
dérangé : « Quand on se fait dire toute sa vie comme ma mère me disait tout le temps que j’é tais pour mourir d’un jour à l’autre, ou d’une année à l’autre et que vous restez, ça vous fait
réfléchir à certaines choses…. » ( Entretien). Six ans après, Kolette ne se sent pas encore
guérie.
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De cette crise émerge une Kolette sinon guérie, du moins renouvelée. Sa source de vie ou de
retour à la vie sera la peinture, la création artistique et plus largement le goût de la beauté. Il ne
s’agit pas de nier la mort. Elle est constamment là. La vie et la mort nous dit Kolette ce sont deux
chemins qui s’entrecroisent . Mais de la mort elle fait surgir la beauté. Des colombes s’ébattent
en liberté dans son appartement de Montréal. Sur les murs, les couleurs de ses tableaux
célèbrent la nature. Le chant des oiseaux, le bleu du ciel, le flocon de neige sur la branche d’arbre sous sa fenêtre la ravissent. Elle dit aimer le chant, le rire, l’amitié…Elle a la passion de
VIVRE (en majuscules dans le texte du livre). Et puis, elle est devenue tendre envers elle-même :
« ….La vie continue, et je la laisse venir, la vie, mais je ferme des portes ou je fais attention pour
ne pas me blesser davantage, parce que je ne sais pas si je pourrais toujours me relever,
toujours me relever… » (Entretien).
Quelques années plus tard un jour elle ne s’est pas relevée. Mais pour Kolette la mort était la
vraie libération : « Et puis, je trouve que la mort c’est une libération, c’est comme un grand
voyage sans bagage…Tout ce que je tiens dans la maison, je veux m’en détacher le plus possi ble, la seule chose qui me retient maintenant ce sont mes oiseaux, ça me fait rien de mourir main tenant mais les oiseaux est-ce qu’ils pourraient survivre ? » (Interview)
À la question que je posai à Kolette : « Quels sont les moments les plus importants dans votre
vie », Kolette répondit : « C’est d’avoir découvert en moi les possibilités que j’avais pour faire
avancer certaines choses , même si ça m’a apporté des embarras. Et puis d’être reconnue , car
cela fait à peine trois ans que ma belle-sœur reconnaît mes talents d’artiste, donc mon frère,
donc ma sœur, donc mon beau-frère. Avant j’avais comme pas de valeur marchande, là je com mence à avoir de la valeur marchande ! » (Interview).
Apparaissent ici les deux temps de sa vie, le temps des engagements militants, y compris le
livre, et le temps de la réalisation de ses talents artistiques. La dernière période de sa vie, la plus
courte, Kolette la relie à la reconnaissance qui lui est enfin donnée. Cette reconnaissance lui
vient d’abord de sa famille. C’est comme une réparation non seulement du passé mais du déni
de naître et parfois de vivre qui lui fut opposé.
Nous retiendrons le terme de « reconnaissance » ici prononcé comme l’un des maître mots de
la vie de Kolette. Elle ne l’applique pas seulement à ses rapports avec les acteurs de la société
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ou sa propre famille. La raison principale du livre selon elle est « de rendre hommage » (c’està-dire de faire reconnaître) les efforts et le travail de « nos parents, de nos ancêtres…» . C’est
pourquoi, son souci sera de nous aider à comprendre, à travers les épisodes du livre, les faits
et gestes des personnes très pauvres afin d’y reconnaître leurs efforts pour sortir de la misère.
Le sentiment le plus largement partagé par les victimes de la misère, mais aussi peut être de
toutes les victimes, c’est la honte, la honte de leur situation comme si elle était le fruit d’une
culpabilité confuse alimentée par tout ce qui fait obstacle à une vie « normale ». Conscience de
soi et relations inter-subjectives sont liées, comme l’explique notamment G.H.Mead7. La relation
inter-subjective est le milieu où naît et se développe auto-estime et confiance en soi. Le concept
qui en traduit à la fois l’essence et le fruit est celui de dignité qui figure dans le premier article
des droits de l’homme en préambule à notre Constitution.
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livre que Kolette aurait écrit en co-production avec un volontaire d’ATD Quart Monde dans la
dernière partie de sa vie. Il nous paraît co-extensif à tout son parcours et se formalise et se
révèle dans le livre lui-même.
Nous le décrirons, en nous inspirant de la terminologie de Paul Ricœur, en quatre figures qui sont
comme la manifestation de l’énergie de vie qui anime le parcours de Kolette :
- La défiguration
- La préfiguration
- La configuration
- La refiguration
La défiguration
Être reconnue pour faire reconnaître les siens présente chez Kolette un double aspect :
- Le parcours émancipatoire de Kolette est comme la préfiguration du parcours émancipatoire
des personnes vivant dans la misère. En offrant à ses lecteurs l’histoire de sa vie, elle les invite
à penser ou repenser la leur. Kolette les convie à se libérer, comme elle l’a fait elle-même, du
regard que les autres projettent sur les très pauvres et dont leur propre regard est dépendant.
Nous ne visons ici pas par ce mot les infirmités dont le corps de Kolette est affligé, ni même la
manière dont ceux qu’elle côtoie méconnaissent son vrai visage en lui appliquant les représentations que sa condition d’assistée sociale fait émerger.
- En même temps, elle s’adresse aux acteurs non pauvres de la société. La relecture critique
des faits qu’elle a vécus est une leçon de choses à leur attention. Transformer leur regard est
en effet la condition pour que les personnes vivant en situation de misère puissent aller
jusqu’au bout de la revalorisation d’elles-mêmes.
Nous entendrons ici le terme de dé-figuration comme l’agir (à la fois communicationnel et
discursif) par lequel Kolette cherche à se défaire pour elle-même mais aussi pour ceux qu’elle
veut faire reconnaître des images qui leur sont attribuées. Ces images trouvent chez les personnes des connivences dans la manière dont chacun se considère en référence au reste de la
société. Dé-figurer ces images, c’est leur retirer leur charge affective et leur prégnance
épistémique, non seulement en critiquer la véracité mais en subvertir le sens : ce qui est vu la
plupart du temps comme une longue histoire d’échecs et d’incapacités peut être relu comme un
effort permanent pour surmonter les effets de la misère. Nous avons évoqué cette transformation avec la première prise de conscience de Kolette.
Le terme de reconnaissance s’applique alors aux deux moments : pour que la parole de Kolette
soit reçue, il faut qu’elle soit reconnue comme vraie. La préface du fondateur d’ATD Quart
Monde atteste de sa vérité et la légitime. Si le lecteur reconnaît la légitimité de l’histoire de
Kolette, c’est implicitement la vérité de l’histoire des siens qui est reconnue.
Reconnaître n’est alors pas seulement connaître, c’est aussi transposer la connaissance dans le
milieu des relations, c’est-à-dire transformer les fondements de nos rapports sociaux.
L’émancipation de la connaissance des uns est acquise réciproquement par l’émancipation de la
connaissance des autres.
Les moments de la reconnaissance émancipatoire
Ce double travail de connaissance et de reconnaissance ne prend pas seulement la forme d’un
Dans les échanges entre Lucien et Kolette, cette dernière dénoncera derrière les figures de
la charité les attitudes condescendantes des dames d’œuvre, et ses dénonciations nous préparent à changer notre regard sur l’agir des très pauvres.
L’œuvre de Kolette traverse non seulement son combat de « militante » que l’on peut considérer
comme texte de sa vie, mais son travail d’écrivain en co-production avec Lucien, le second étant
au fond la mise en mots et en livre du premier.
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La préfiguration
La refiguration
Nous sommes ici, comme dans le temps précédent à la fois dans l’ordre des actes et des
discours. Kolette pose des actes de résistance à la misère qui sont autant d’efforts pour en
réduire les effets, mais sans que ces actes soient encore coordonnés par une réflexion d’ensemble ni reliés à un plan d’action global. De même, sa révolte contre les injustices ne se nourrit pas
encore d’un regard critique sur la société dans ses différentes composantes.
Par l’énonciation du récit et sa publication, Kolette accède au rôle de témoin. D’une expérience
de vie privée, elle passe à la socialisation de son récit de vie, et de sa vie tout court. De nouvelles transformations en résultent dans sa vie dont nous avons rendu compte.
Pourtant, quand Kolette rencontrera L., elle prendra conscience que ce qu’elle fait et dit rejoint
le combat d’autres personnes de par le monde. Les figures de son action manifestent un sens
collectif qui ne lui est pas encore accessible.
Dans la préparation du livre avec Lucien, Kolette propose un certain nombre de récits et
d’exemples qui sont autant d’illustrations, de figures de sa vie et de son action. Mais ces figures
ne s’inscrivent pas encore dans un texte composé qui leur donnerait leur cohérence et leur sens
(leur intentionnalité et leur direction). L’appréhension des épisodes de sa vie ne se formalise pas
encore dans une compréhension. Celle-ci est l’objet de la configuration.
Kolette de figure privée devient figure publique. Par la publication du livre, elle est proposée en
modèle et en exemple.
La crise qu’elle traverse alors la conduira à se retirer des engagements qu’elle avait pris pour se
consacrer à la peinture, nouvelle figure de son parcours. La beauté du reste est bien pour elle
une nouvelle forme d’engagement contre la misère, un recadrage en quelque sorte de son action
émancipatoire.
La parole de Kolette appelle aussi chez ses lecteurs une refiguration de leur propre histoire par
identification projective. Tous ceux qui ont connu la misère se reconnaîtront dans le récit de
Kolette. Leur histoire pourra se dire alors, libérée de la honte de se croire irrecevable et
infamante. La parole de Kolette devient emblématique dans le Mouvement ATD Quart Monde.
La configuration
L’engagement de Kolette trouve sa cohérence avec sa rencontre avec le Mouvement ATD Quart
Monde. Le Mouvement lui apporte les clefs qui lui permettront d’inscrire son action et sa
réflexion dans un cadre plus large : Ville Jacques Cartier et Noisy- le-Grand,8 même combat. Son
expérience de Ville Jacques-Cartier peut être réfléchie par elle et mise en mots à partir du
discours du Mouvement ATD Quart Monde sur l’histoire vécue par le « peuple » du Quart Monde
depuis l’origine du Mouvement au camp de Noisy-le-Grand. De même que ses ancêtres
constituent son « background » (terme employé par Kolette pour désigner ses racines) génétique et pour ainsi dire socio-affectif, le Mouvement est pour elle un « background » idéologique
et praxéologique.9
La mise en cohérence des différents éléments de sa vie est effectuée par la médiation du livre.
Nous avons montré par ailleurs comment le livre est à la fois une histoire singulière et la révélation d’une approche collective.10 Il est le fruit de l’inscription d’une vie racontée dans la matrice
d’une histoire collective. Aussi ne faut-il pas s’en tenir à la seule exposition des faits. La
chronique peut être relue comme un récit symbolique.
Nous ouvrirons, pour terminer la question de la formation, ou de la « formativité » de ce parcours
émancipatoire.
Le terme de formation est polysémique. Ici nous nous référons aux travaux sur la formation
expérientielle. Celle-ci « mise sur l’activité réflexive de la personne à partir d’expériences
diverses » (Muller, 1999, pp 97-119). Elle désigne notamment l’intégration progressive de ces
expériences dans une dynamique et un projet de vie qui fasse sens pour la personne.
Nous pourrions, si nous acceptons cette définition, soutenir que le parcours émancipatoire est
par là même un parcours de formation. Chaque étape s’est trouvée décrite par les prises de
conscience que Kolette avait effectuées et la construction de son expérience dans un cadre
de plus en plus large. Cependant formativité et émancipation ne nous semblent pas s’inscrire
dans les mêmes registres. La formation désigne aussi les apprentissages « conscientisés »
• Intérieur NON-IMPOSÉ
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CARRIÉROlogie
sédimentés et intégrés aux apprentissages déjà réalisés. Comment Kolette fait-elle le pont entre
ses capacités, en couture, en peinture ou en décoration avec ce qu’elle appris dans l’action ?
Comment relie-t-elle les prises de conscience émancipatoires avec les compétences qu’elle
pourrait mobiliser dans l’acquisition d’une qualification reconnue ? S’il y a des liens entre émancipation et formation, les différences doivent également être appréciées. Toute formation n’est
pas émancipatoire (comme le dénonçait Paolo Freire) et, réciproquement il n’est pas avéré que
toute émancipation soit formative en ce sens qu’elle ne s’accompagne pas toujours d’une formalisation de ses acquis. Il n’en reste pas moins que l’œuvre de formation et la dynamique émancipatoire ont partie liée dans ce qu’on pourrait nommer une anthropogénèse formative.
Patrick Brun est enseignant-chercheur à l’Institut des sciences de l’éducation de l’Université Catholique de l’Ouest
(Angers). Ses principaux champs d’intérêts sont la socio-pédagogie des publics en difficulté, les histoires de vie en formation et histoires de vie en et de collectivité, la reconnaissance et la validation des acquis ainsi que la formation s’adressant aux formateurs et chargés d’insertion. Courriel : [email protected]
1
Le lecteur pourra prolonger sa lecture par le livre du même auteur, livre lui-même issu d’une
thèse de doctorat : « Brun Patrick : Emancipation et connaissance. Les histoires de vie de
collectivité. Paris, L’Harmattan, 2001»
2
Kolette est le nom d’auteur de Colette Turcot, co-auteur avec Lucien Duquesne, un volontaire
permanent du Mouvement ATD Quart Monde, d’un livre intitulé « Kolette. Entretiens de
Kolette Turcot avec Lucien Duquesne » Paris, Science et service Quart Monde, 1987. Dans
la suite du texte, lorsqu’il s’agira de l’auteur, nous écrirons « Kolette », et lorsqu’il s’agira du
livre, nous écrirons « KOLETTE ».
3
4
5
Les citations sont alternativement tirées du livre de « KOLETTE » et des entretiens que l’auteur de cet article a eus avec elle en octobre 1994. Dans le premier cas, la référence est à
« KOLETTE » suivie de la page dans l’édition citée ci-dessus, dans le second la référence est
à « Entretien » sans numéro de page puisque les entretiens n’ont pas été publiés.
Allusion au beau livre de Bertrand Bergier : « Les affranchis, parcours de ré-insertion », Paris,
Desclée de Brouwer, 1996.
Cette phrase est le sous-titre du mémoire écrit au cours du programme Quart
Monde/Université par un groupe composé d’universitaires, de militants du Mouvement ATD
Quart Monde et de volontaires et publié dans l’ouvrage collectif : « Le croisement des savoirs.
Quand le Quart Monde et l’Université pensent ensemble », Paris, éditions de l’Atelier, éditions
Quart Monde, 1998.
S’ÉMANCIPER DE LA MISÈRE : LE PARCOURS DE VIE…
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6
Nous reprenons le terme de configuration à l’ouvrage de Paul Ricoeur, « Temps et récit »,
Paris, Le Seuil, 1983. Les développements qui suivent doivent du reste largement à ses
analyses.
7
On se reportera pour une approche philosophique de la reconnaissance au récent livre de
Honeth (2000).
8
Noisy-le-Grand est la « terre natale » du Mouvement ATD Quart Monde, fondé par le Père
Joseph Wresinski dans le bidonville qui s’y était installé.
9
Nous entendons par ce terme un discours de la pratique (c’est à dire à la fois sur, de et dans
le cours de…), la manifestation d’une pensée en construction dans une action réfléchie.
10
Cf. ci-dessus la référence de notre livre et de notre thèse : « Connaissance émancipatoire et
histoire de vie en collectivité », thèse de doctorat en sciences de l’éducation, Université
François Rabelais, Tours, 1997.
What does emancipation mean when you are born into an extremely poor family in a stigmatized
area outside of town and have serious physical problems as well? The testimony of Kolette, a
woman from Quebec who became a militant for human rights in the ATD Fourth World Movement,
provides us with a model example. The narrative that she produced and published with a long-time
volunteer from the Movement describes the path she followed and constructs a "narrative identity"
that illustrates the concept introduced by Paul Ricoeur. The interaction between the reflection on
her remarkable experience and the action and knowledge of ATD Fourth World as a community
movement creates a dynamic of knowledge and recognition woven between the author in her sub jectivity, the community to which she belongs and the very poor people who become her readers.
The emblematic nature of the figure of Kolette is, however, not without consequences for her own
struggle towards emancipation.
BERGIER, B. (1996). Les affranchis, parcours de ré-insertion, Paris: Desclée de Brouwer.
BRUN, P. (2001). Émancipation et connaissance. Les histoires de vie de collectivité, Paris :
L’Harmattan.
FERRY, J.M. (1996). L’identité reconstructive, Paris, Cerf.
Le croisement des savoirs, 1999, Groupe de recherche Quart Monde-Université (dir.), Paris: les
éditions de l’Atelier, éditions Quart Monde.
HONETH, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance, Paris: Le Cerf.
MULLER, R. (1999) « La dynamique de l’expérience », Cahiers de la section des sciences de
l’éducation « Les origines biographiques de la compétence d’apprendre », Université de
Genève, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 87,p.97-119.
RICOEUR, P. (1983). Temps et récit, Paris: Points Seuil.
TURCOT, K., DUQUESNE,L. (1987). Kolette, entretiens de Kolette Turcot avec Lucien
Duquesne, Paris, Science » et service Quart Monde.

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