lire un extrait de Le juif et la métisse de Fabrice Pliskin
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Fabrice Pliskin Le juif et la métisse « Les joues couvertes de mousse blanche, le père se livre à la rêverie dans l’eau brûlante, tandis que, debout près de la baignoire, le fils, en slip de coton, le rase avec soin. Qui a dit que la gauche avait trahi le peuple ? se dit David avec la volupté d’un bienfaiteur. Dans ma vie sont maintenant représentés les Abdelkader et les Fatoumata, les damnés des ghettos, les incendiaires de Mantes-la-Jolie, les émeutiers de Clichy-sous-Bois. Non, ces gens-là ne sont plus pour moi des abstractions de philanthrope. Par Bintu, David répond présent à l’appel de la France de demain. Il est le champion de l’égalité des chances. Il marche avec une foule. Il va comme une jacquerie, comme une mohammederie. Bintu est boursière, sa mère subit les affres du surendettement, le taux de chômage en Picardie excède de deux points celui de la France métropolitaine. On ne l’a pas trompé sur la marchandise. La jeune fille est réelle à vingt-trois carats. Voici la Duchesse de Guermantes de la damnation sociale. Dans sa tête, il distribue déjà les rôles. Il incarne la misère de la prospérité, avec tout ce qu’elle a de moisi et de consanguin ; Bintu prête des traits à la prospérité de la misère – allégorie réelle de la puissance du renouveau. À qui veut renaître et changer de vie, elle s’impose comme la candidate du changement, du désensevelissement, se dit-il tandis que le fils lui avance un petit miroir. »