Mémoire de la Municipalité des Îles-de-la
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Mémoire de la Municipalité des Îles-de-la
MÉMOIRE DE LA MUNICIPALITÉ DES ÎLES-DE-LA-MADELEINE concernant le projet de règlement modifiant le Règlement provincial sur le traitement et l’évacuation des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22) Mai 2016 Table des matières INTRODUCTION ............................................................................................................................................ 3 1. UN TERRITOIRE FRAGILE ................................................................................................................... 4 2. BIEN DOCUMENTER LA PROBLÉMATIQUE ....................................................................................... 5 2.2. La réception générale .................................................................................................................... 5 2.3. La méthodologie ............................................................................................................................ 5 2.4. Les résultats .................................................................................................................................. 6 2.5. Pourquoi un pourcentage aussi élevé de non-conformité? ........................................................... 7 3. RECOMMANDATIONS .......................................................................................................................... 9 4. CONCLUSION ..................................................................................................................................... 10 2 INTRODUCTION Le 10 avril 2016, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, M. David Heurtel, annonçait l’adoption d’un projet de règlement apportant des modifications au Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22). Bien que cette annonce ait fait beaucoup de bruit, à la lecture des dispositions contenues dans le projet de règlement, la Municipalité a vite relevé que ces modifications proposées auraient très peu d’impact sur la réalité des Îles-de-la-Madeleine. En effet, force est de constater que les principaux changements concernent spécifiquement des alternatives aux situations ou un système de déphosphatation demeure la seule option possible. Ce type d’installation, introduit au règlement en 2000, devait favoriser le contrôle des algues bleues, un fléau qui a perturbé de façon importante la qualité de l’eau des lacs situés en zone de villégiature relativement densifiée. Ce système complexe et coûteux n’a jamais été installé sur le territoire des Îles-de-la-Madeleine et pour cette raison nous arrivons à la conclusion que les modifications proposées au règlement n’apporteront rien de concret aux Madelinots aux prises avec des problèmes d’installation septique non conforme. Lors de cette annonce, le ministre Heurtel a également laissé présager qu’il y aurait une deuxième phase de modification en 2017. La Municipalité qui doit faire face à une problématique importante de rejet d’eaux usées non adéquatement traitées, au nom de ses citoyens, tient à profiter de la consultation publique sur le projet de modification actuel pour faire valoir son point de vue et sensibiliser le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques sur la problématique particulière du territoire des Îles-de-la-Madeleine. 3 1. UN TERRITOIRE FRAGILE On ne peut parler du territoire des Îles-de-la-Madeleine sans prendre conscience d’une caractéristique particulière et prédominante qui peut difficilement ressortir à la seule lecture d’une description géophysique générale. Cette caractéristique elle peut se résumer en un seul mot : « FRAGILE ». Fragile, parce que les composantes environnementales sont en équilibre précaire et soumises à des conditions climatiques rigoureuses auxquelles s’ajoutent des pressions de plus en plus nombreuses créées par l’activité humaine. Fragile aussi, parce que les Îles couvrent une superficie très restreinte (202 km2) et que la moindre intervention peut y prendre des proportions démesurées ou y créer des impacts facilement perceptibles, voire dans certains cas, irréversibles. L’une de ces menaces en regard de cette fragilité des milieux naturels et de la qualité de l’eau potable est sans contredit le déversement d’eaux usées non adéquatement traitées dans l’environnement. Cette problématique qui perdure depuis des décennies a été à maintes reprises, au cours des dernières années, identifiée comme un risque réel et une source de nuisance incontestable. 4 2. BIEN DOCUMENTER LA PROBLÉMATIQUE C’est à l’hiver 2015 que les élus des Îles-de-la-Madeleine ont pris la courageuse décision d’attaquer le problème de front en annonçant une vaste opération de mise aux normes. Des efforts de sensibilisation ont été déployés afin d’informer les citoyens sur la démarche proposée et parallèlement des discussions ont été menées avec les institutions financières présentes sur l’archipel pour voir avec eux comment ils pourraient accompagner les personnes ayant besoin de financement. Finalement, la Municipalité a organisé son premier Salon de l’installation septique en avril 2016 permettant ainsi aux citoyens qui le désiraient d’obtenir de la part des fabricants et des installateurs toutes les réponses à leurs questions. 2.1. L’inventaire En mai 2015, l’Agglomération des Îles-de-la-Madeleine amorçait l’inspection des installations septiques individuelles sur l’ensemble de son territoire. Dès le départ, avec l’équipe du Service de l’aménagement et de l’urbanisme, il a été convenu qu’il serait préférable de ne pas procéder en 2015 à des tests de coloration afin de prendre davantage de temps pour analyser les différentes méthodes possibles et les coûts qui s’y rattachent. Cette décision aura aussi permis de dresser une liste d’installations septiques suspectes ayant des rejets loin des résidences que le test de coloration n’aurait probablement pas réussi à révéler. Un inspecteur sans ces informations supplémentaires n’aurait possiblement pas eu le réflexe d’aller vérifier aussi loin de la résidence. Ainsi, le fait d’attendre d’avoir le maximum d’information va significativement améliorer l’efficacité des tests qui se réaliseront dans la seconde phase du mandat prévue de juin à octobre 2016. Nous nous sommes donc concentrés sur les inspections visuelles et nous sommes parvenus à couvrir tout le territoire et ainsi atteindre l’objectif fixé qui était de faire une première visite à l’ensemble des bâtiments en 2015. 2.2. La réception générale En général, les inspecteurs ont été assez bien reçus et les gens ont bien participé. Il faut cependant préciser que dans la majorité des cas, les citoyens nous signifiaient qu’ils étaient mécontents du projet d’inventaire et de l’initiative de la Municipalité qui selon eux, à cause des investissements nécessaires, allaient entraîner les contribuables dans des situations financières difficiles et précaires. 2.3. La méthodologie Les visites étaient en deux parties. Il y avait l’inspection du terrain où après avoir localisé la fosse, on cherchait les endroits où l’eau pouvait s’accumuler dans les alentours. Les fossés, les pentes 5 descendantes, les marais et les bords de plan d’eau étaient en général particulièrement essentiels à inspecter. Lors de l’inspection terrain, on allait se présenter à la porte principale. Si quelqu’un était présent et connaissait les installations septiques, on faisait la deuxième partie, qui consistait à poser quelques questions visant à évaluer leur état. Si personne n’était présent, on laissait une note demandant à la personne de nous rappeler. Toutes les informations étaient recueillies avec le logiciel Acces DataGlass qui permettait d’utiliser une base de données Access sur un iPad et d’avoir ainsi toujours accès à tous les dossiers. Considérant le nombre de rappels, souvent pour un village différent de celui où l’on était situé, cela était excessivement pratique. Finalement, l’ensemble des données et des photos sont accessibles sur les postes de travail du personnel du Service de l’urbanisme. 2.4. Les résultats Les résultats pour l’ensemble du territoire apparaissent au tableau suivant : Total des inspections 3888 100 % En attente de réponse 687 18 % À déterminer 2187 56 % Tests à faire 496/2187 Installations non conformes 1014 26 % Bâtiments non visités et considérés comme conformes Raccordés au réseau d’égout (comprenant Cap-aux-Meules) 1440 Installation septique réalisée depuis 2007 avec l’obligation du test de sol 471 À déterminer : On ne peut affirmer si les installations sont conformes ou pas avec les éléments à notre disposition. En attente de réponse : Le propriétaire ne nous a pas encore contactés suite à la note et on n’a rien vu sur le terrain nous permettant de les classer non conformes. Non conforme : Nous avons suffisamment d’éléments pour affirmer que ces installations ne répondent pas aux critères de la réglementation sur le traitement des eaux usées des résidences isolées. 6 Test recommandé : Les éléments dont nous disposons ne sont pas suffisants pour attester que les installations sont non conformes, mais ils sont suffisants pour que l’on ait un doute et que l’on préfère tester ces installations. 2.5. Pourquoi un pourcentage aussi élevé de non-conformité? À première vue, il est difficile de comprendre les règles qui ont régi l’implantation de l’habitat sur le territoire des Îles-de-la-Madeleine puisque, à part Cap-aux-Meules qui regroupe la majorité des services publics, on ne retrouve pas sur l’archipel le « noyau villageois », pressé autour d’une église ou de la rue principale, tel qu’on le rencontre en terre québécoise. On parle plutôt ici d’une trame traditionnellement et généralement plus diffuse résultant de plusieurs facteurs particuliers sans aucun doute propres au territoire madelinot et possiblement, sous certains aspects, aux milieux insulaires. Cette implantation caractérisée par la dispersion rend aujourd’hui difficile la mise en place de réseau d’égout public sans devoir y investir des sommes colossales. Au début des années 90, simultanément aux travaux liés à l’approvisionnement en eau potable, les anciennes municipalités de L’Étang-du-Nord, de Fatima et de Havre-aux-Maisons amorçaient l’implantation de réseaux d’égout dans les secteurs situés à proximité des puits. Pour sa part, compte tenu d’une occupation du sol relativement faible près des puits d’alimentation en eau, le conseil municipal de L’Île-du-Havre-Aubert a plutôt décidé de desservir un secteur hautement densifié et d’intérêt historique et touristique, soit celui de La Grave. En 2007, la Municipalité des Îles issue du regroupement des anciennes municipalités locales a également entrepris d’importants travaux en matière d’eaux usées afin de prolonger le réseau d’égout du village de Fatima jusqu’aux limites du village de Cap-aux-Meules. Ces travaux, dont les plus récents (2008) ont consisté à prolonger le réseau de Cap-aux-Meules vers l’est, auront permis d’augmenter de 157 unités le nombre de bâtiments desservis et, par conséquent, de réduire les rejets d’eaux usées dans des secteurs hautement problématiques. En tout, depuis 1992, l’ensemble des interventions (eau potable et égout) aura coûté près de 30 millions de dollars. Depuis l’époque de ces chantiers d’envergure, et malgré des demandes d’aide financière répétitive, la prolongation du réseau d’égout public est au point mort et plus de 4000 bâtiments sont toujours considérés comme étant isolées et par conséquent soumis à l’application de Q-2, r. 22. De ce nombre, une bonne partie est implantée sur des sols peu ou non perméables ce qui élimine par le fait même la possibilité d’installer un système conventionnel à un coût relativement abordable. Cette situation se traduit par une iniquité évidente et intenable entre ceux qui ont le privilège d’avoir accès à un réseau public (dont la construction a été subventionnée en partie par l’État dans le cadre de programme d’infrastructures), et les propriétaires de résidences isolées qui sont laissés à euxmêmes face à une réglementation aussi exigeante que coûteuse. En effet, cette iniquité s’explique aisément par la différence entre payer une somme en moyenne 300 $ annuellement pour bénéficier d’un réseau d’égout public et débourser en un seul versement de 15 000 $, 20 000 $ voire dans les cas plus complexes 30 000 $ pour respecter les exigences du Q-2, r. 22. 7 Une population vieillissante et une économie saisonnière ayant recours à des transferts gouvernementaux de façon relativement importante selon les saisons, laissent peu de marge de manœuvre aux citoyens qui doivent remplacer leur installation septique défectueuse par un système secondaire avancé ou tertiaire qui, généralement, nécessite des investissements qui peuvent variés entre 10 000 $ et 30 000 $. Globalement, les citoyens sont soucieux de la qualité de leur environnement, mais lorsque la capacité financière ne permet pas d’envisager des travaux de correction, ils préfèrent à regret assumer le coût d’un éventuel constat d’infraction que la Municipalité doit émettre et parfois sous pression du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui exige de la Municipalité le respect du Q-2, r. 22 sans égard à certaines situations particulièrement difficiles. 8 3. RECOMMANDATIONS Comment pourrait-on s’assurer d’une meilleure collaboration citoyenne qui inévitablement se traduirait par un gain environnemental appréciable? Au-delà d’éventuelles modifications du Q-2, r. 22, la Municipalité des Îles soumet les recommandations suivantes : Étendre les quatre (4) solutions alternatives prévues pour les résidences isolées existantes qui doivent installer un système de déphosphatation à tous les systèmes secondaires avancés ou tertiaires. Appuyer la recherche permettant aux fabricants de développer des systèmes secondaires avancés et tertiaires moins coûteux, tant sur l’installation que sur l’entretien. Comme la première contrainte en est une financière, le gouvernement doit en toute équité assurer un accompagnement à ceux qui ne peuvent se raccorder à un réseau public. Pour ce faire, le gouvernement doit : - Maintenir le programme RénoVert au-delà du 1er avril 2017 pour s’étendre minimalement jusqu’en 2020. - Mettre en place un mécanisme d’aide financière qui tient compte de l’iniquité entre les citoyens qui ont accès à un réseau public subventionné par l’État dans le cadre de programme d’infrastructures, et les propriétaires des résidences isolées qui sont laissés à eux-mêmes face à une réglementation exigeante et coûteuse. 9 4. CONCLUSION La Municipalité des Îles-de-la-Madeleine est consciente des enjeux environnementaux qui sont rattachés à l’évacuation et au traitement des eaux usées des résidences isolées, et le lancement de cette vaste opération de mise aux normes en 2015 en témoigne. Toutefois, la Municipalité ne peut être insensible aux défis financiers énormes que représente une application rigoureuse du Q-2, r. 22 pour ses citoyens. La Municipalité qui s’est retrouvée, bien malgré elle, avec l’obligation d’appliquer sur son territoire une réglementation provinciale complexe et coûteuse pour ses citoyens, demande aujourd’hui au gouvernement du Québec et à son ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques d’apporter des modifications à sa réglementation de manière à faciliter le travail des organisations municipales comme la nôtre, et à permettre à ses citoyens d’assumer plus aisément leurs responsabilités individuelles en matière de protection de l’environnement. 10