Droit administratif_Gestion des accidents

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Droit administratif_Gestion des accidents
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
GESTION DES ACCIDENTS COLLECTIFS EN COOPERATION
INTERNATIONALE. COOPERATION AVEC LA FRANCE
ALLEMAGNE, ESPAGNE, ITALIE, ROYAUME-UNI
NOTE DE SYNTHESE
Novembre 2006
I. Procédures d’indemnisation de droit commun
Dans l’ensemble des systèmes étudiés, l’indemnisation des dommages subis par la
victime d’un accident suppose que soit engagée la responsabilité civile de l’auteur du
dommage. La triple condition de l’existence d’une faute commise par ce dernier, du dommage
et du rapport de causalité entre la faute et le dommage est posée à la fois par les principes de
la commun law et par les dispositions des Codes civils allemand, espagnol et italien. Or, les
circonstances propres aux accidents collectifs font de la tentative des victimes à prouver ces
éléments une épreuve difficile à l’issue incertaine.
A cela s’ajoutent çi et là des difficultés propres à chaque système : au Royaume-Uni,
ce n’est que dans des rares hypothèses que la victime se voit allouer des dédommagements
dans le procès pénal. Il faut en principe un procès civil pour cela. En Espagne, les règles de
procédure civile commandent la paralysie de tout procès en responsabilité civile tant que la
cause pénale qui statue sur les circonstances de l´accident n’a pas été menée à son terme ; par
ailleurs, la “tradition” des conflits entre juridictions potentiellement compétentes pour
connaître des litiges de responsabilité civile extracontractuelle est une autre source de retard.
Des systèmes modernes de responsabilité dite « objective », au fond des systèmes qui
introduisent une présomption de responsabilité dans certains domaines jugés à risque
(automobile, avion, réseau féroviaire, énergie nucléaire, certaines activités industrielles), ont
fait leur apparition, par le biais de lois spéciale d’introduction récente, en Allemagne, en
Espagne ou au Royaume-Uni. En Italie, de façon plus globale, l’article 2050 du Code civil
fait peser une telle présomption de responsabilité sur celui qui exerce une activité dangereuse
« par sa nature ou par les moyens employés à l’occasion de son exercice ».
Est venue s’y ajouter l’assurance de responsabilité civile rendue obligatoire par le
législateur pour les activité « à risque », dans l’ensemble des pays étudiés.
II. Aménagements conventionnels et administratifs
En Grande-Bretagne, plusieurs « protocoles » d’indemnisation constituent des
véritables « livres de recettes » indiquant en détail les étapes à préparer avant le procès, délais
compris. Parmi ces protocoles, le « Protocole avant-procès pour des demandes
d’indemnisation des préjudices corporels » (Pre-action Protocol for Personal Injury Claims)
est publié en annexe des Règles de procédure civile (Civil Procedure Rules). La partie qui ne
respecte pas le Protocole court le risque d’être condamnée à supporter les frais de justice de
l’autre partie, lorsqu’une procédure est ouverte ultérieurement.
Les reconnaissances précoces de responsabilité sont dans ce pays une pratique très
souvent rencontrée en matière d’accidents collectifs. Un ou plusieurs auteurs de l’accident se
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reconnaissent fautifs et font une offre d’indemnisation aux victimes. Cela induit la possibilité
d’un règlement amiable ; à défaut, la faute de l’auteur est considérée comme établie pour la
procédure judiciaire à venir.
Toujours en Grande-Bretagne, différentes techniques de règlement alternatif des
conflits sont encouragées par les Règles de procédure civile et par la Law society (entité de
régulation et représentation des barristers et solicitors) : l’arbitrage, la médiation, les
procédures amiables gérées par des organismes publics ou professionnels.
En Allemagne, par des accords-cadre conclus entre assureurs de responsabilité et
organismes de sécurité sociale, ces derniers se répartissent la prise en charge des dommages
subis par les victimes (pourcentages prédéterminés) et évitent les recours entre eux.
Par le biais d’une « convention nationale», les assureurs conviennent d’une
responsabilité solidaire et conjointe envers les victimes.
Une réglementation professionnelle, élaborée par le Conseil des fédérations des
assureurs allemands, « Les principes des actions d’indemnisation commune », permettent un
traitement simplifié des accidents collectifs de la route. A partir de 50 véhicules impliqués, un
seul assureur sera désigné par ses pairs pour effectuer la totalité des paiements dus aux
victimes ; les taux d’indemnisation sont préétablis.
Afin d’uniformiser leurs offres d’indemnisation, les assureurs concluent des
conventions d’indemnisation fondées sur des « procès-témoin ». La solution judiciaire d’un
tel procès sera appliquée par les assureurs à toutes leurs offres d’indemnisation pour des cas
similaires.
En Espagne, l’indemnisation amiable est mise en œuvre selon les règles de droit
commun. L´offre d’indemnisation de l’auteur ou de son assureur peut être acceptée par la
victime. L’accord des parties vaudra transaction et empêchera une réclamation judiciaire
ultérieure fondée sur les mêmes faits. La pratique démontre que la grande vertu des
indemnisations amiables est leur rapidité. Lorsque sa responsabilité est mise en cause, il est
arrivé que l’Etat transige et indemnise amiablement les victimes. Des décisions de justice
condamnant l’auteur de l’accident ont également pu condamner l’Etat à garantir le paiement
des indemnités dues aux victimes par l’auteur. Les autorités publiques peuvent bien entendu
également intervenir pour verser des provisions ou des aides aux victimes (en dehors de toute
logique de responsabilité).
En Italie, les suites des accidents collectifs sont gérées pour leur majeure partie par la
voie amiable, selon les règles de droit commun.
III. Organismes spécialisés dans la gestion des suites des accidents collectifs
A la différence de la France, il n’existe pas dans les pays étudiés des structures
permanentes ayant pour vocation spécifique d’assurer la gestion des suites d’un accident
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collectif. Toutefois, on peut mentionner ici l’existence, en Grande-Bretagne, d’une
Commission de santé et de sécurité dotée de pouvoirs d’enquête et de sanction, ayant
également un rôle d’information auprès des victimes.
En Allemagne, les associations d’aide aux victimes des accidents collectifs se
constituent souvent comme des « communauté d'intérêts », c'est-à-dire, selon le droit
allemand, des organisations ayant la personnalité juridique qui prennent généralement la
forme d'une association enregistrée ou d’une société à responsabilité limitée (GmbH). Elles se
chargent de réunir les informations et les preuves et de proposer des solutions financières ;
elles réalisent des études et des comparaisons de cas.
En Espagne, en l’absence de structures permanentes destinées à la gestion des suites
d’un accident collectif, la Croix-Rouge, la Guardia civil, la Police, les gouvernements
autonomes se mobilisent au cas par cas.
L’absence de structures permanentes à vocation spécifique est également signalée en
Italie.
IV. Aménagements judiciaires
Au Royaume-Uni, les class actions jouent un rôle important en matière d’accidents
collectifs. Il en existe trois sortes. Les joinder (« mises en cause ») permettent, dans les cas où
un certain nombre d'individus partagent le même intérêt (en demande ou en défense), de les
attraire à l’instance où ils pourront poursuivre cet intérêt au moyen d'une action collective. Ils
en retirent des avantages en terme de coordination des auditions des témoins et des experts et
de réduction des coûts qui sont partagés entre les intéressés. Les representatives actions
(« actions représentatives ») sont menées au nom d'autres personnes qui sont liées par le
résultat, bien qu’elles ne soient pas parties à l'action, ni en tant que demandeurs, ni en tant que
défendeurs. Enfin, pour les group litigation orders (« ordonnances d’action collective »), les
intérêts des parties ne sont pas nécessairement les « mêmes », comme c’est le cas dans les
deux précédentes procédures. La seule condition étant la présence « d’éléments communs ou
connexes », ces actions sont particulièrement appropriées pour les hypothèses d’accidents
catastrophiques. Un « registre de groupe » est destiné à l’enregistrement des questions et des
personnes concernées par l’action collective : lorsqu’un jugement est rendu par rapport à une
ou plusieurs questions, ce jugement lie les parties concernant toutes les autres questions du
registre.
En Espagne, les actions collectives ont été introduites par le législateur dans le seul
domaine des dommages subis par les consommateurs et usagers. Dans tout autre domaine, des
actions fondées sur les mêmes événements, qualifiées de connexes, pourront faire l’objet d’un
jugement conjoint (jonction des causes connexes). L’expérience prouve que ces procès restent
néanmoins lourds à gérer et demandent des années pour aboutir à une décision définitive.
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V. Coopération internationale
Au Royaume-Uni, le Foreign and Commonwealth Office (FCO) dispose de moyens
sophistiqués pour répondre aux événements catastrophiques d’une manière complète. Les
autorités britanniques appliquent le principe du traitement égal des non nationaux
(information, prise en charge lors de l’accident, indemnisation, y compris par les fonds
publics).
En Espagne, lorsqu’un accident collectif affecte un nombre important de victimes
étrangères, des mesures spéciales qui, cependant, ne répondent à aucune stratégie préétablie,
sont prises pour faciliter l’accès des victimes à la justice. La traduction des pièces de
procédure et la mise en place de services d’interprétariat lors des audiences serait facilitée par
l’expérience quotidienne des juridictions espagnoles, tenues d’assurer l’accès des justiciables
à la justice, dans les quatre langues officielles du pays. L’introduction des nouvelles
technologies dans le procès, récemment autorisée par le législateur espagnol (la
reconnaissance du document électronique comme moyen de preuve ou la communication
d´actes de procédure par des moyens électroniques) facilitent également la situation des
victimes étrangères. Enfin, depuis 2003, les compagnies d’assurances domiciliées en Espagne
doivent disposer de représentants dans tous les pays de l’Espace économique européen, à
même de gérer les demandes des victimes et leur indemnisation dans le pays où ces victimes
sont domiciliées.
De façon générale, la coopération des gouvernements et l’aide mutuelle des barreaux
sont également signalés.
En Italie, en l’absence de structures de coopération spécialement destinées à la
gestion des accidents collectifs, la coopération judiciaire franco-italienne mise en place suite à
la catastrophe du tunnel du mont Blanc s’est appuyée sur les structures de coopération à
vocation générale (les magistrats de liaison) ainsi que sur l’association des professionnels
italiens aux structures françaises spécialisées (le comité de pilotage bilatéral). Ainsi, le
magistrat de liaison italien à Paris a été invité à participer régulièrement aux travaux du
Comité de Pilotage pour les victimes du Tunnel du Mont Blanc. Ce partenariat franco-italien a
abouti à l’organisation d’un véritable Comité de Pilotage bilatéral.
Ont également été assurées la traduction et la scannerisation de l’ensemble des pièces
du dossier, ce qui a permis aux victimes italiennes un accès à la procédure à distance et dans
leur langue maternelle. Des équipes d’experts mobiles ont évité aux victimes des pénibles
déplacements.
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