Communiqué de presse Collection d`histoire de l`art n

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Communiqué de presse Collection d`histoire de l`art n
communiqué de presse
Penser l’art
dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle :
théorie, critique,
philosophie, histoire
collection d’histoire de l’art, 15
Académie de France à Rome – Villa Médicis
sous la direction de
Christian Michel et Carl Magnusson
Penser l’art dans la seconde moitié du XVIIIe siècle :
théorie, critique, philosophie, histoire
Actes du colloque
Les mutations des discours sur l’art
en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
organisé par Christian Michel et Carl Magnusson
Théorie de l’art et esthétique
Lausanne, Université,
14-16 février 2008
Théorie de l’art et critique d’art
Paris, Centre allemand d’histoire de l’art,
10-12 avril 2008
Théorie de l’art et histoire de l’art
Rome, Istituto Svizzero et Académie de France à Rome – Villa Médicis,
22-23 mai 2008
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, émergent des discours sur l’art
destinés à une longue postérité. Alors que les traités en France depuis
le siècle précédent avaient été élaborés autour de l’Académie royale de
peinture et de sculpture, et reposaient essentiellement sur l’expérience
des œuvres et la mise en évidence des qualités et défauts de celles-ci, afin
de faciliter la pratique de l’art par la découverte de ses règles internes, de
nouveaux acteurs interviennent, pour lesquels le mode d’élaboration des
œuvres n’est plus l’enjeu central. Les philosophes s’interrogent sur la
validité du jugement esthétique ; les critiques d’art sur l’effet produit par
les œuvres ; les historiens sur les causes du progrès et du déclin de l’art
à travers les siècles. Les discours se multiplient, se nourrissent
mutuellement, s’entremêlent. On discute des origines de l’art, de ses
finalités, des moyens de le faire progresser… Les débats qui s’engagèrent
et les systèmes explicatifs qui furent utilisés, pour la plupart, ne sont plus
les nôtres, mais ils ont ouvert la voie, pour le meilleur et pour le pire, à la
multiplicité des approches encore aujourd’hui usitées et qui font de l’art
un objet de préoccupations largement partagées par les chercheurs et le
public. Les articles de ce recueil témoignent du foisonnement intellectuel
qui caractérise le siècle de l’abbé Du Bos, de Diderot et de Winckelmann.
directeur de la publication : Éric de Chassey
directrice de la collection : Annick Lemoine
secrétariat de rédaction : Marie Caillat
stagiaire : Pascaline Paul
conception graphique : Francesco Armitti
réalisé à Rome par De Luca Editori d’Arte
© Académie de France à Rome – Villa Médicis, 2013
© Somogy éditions d’art, Paris, 2013
sortie en librairie : 19 juin 2013
ISBN 978-2-7572-0622-5
ISSN 1635-2092
dépôt légal : mai 2013
diffusion : Somogy éditions d’art
www.somogy.net
distribution en Italie : Libreria già Nardecchia srl
Via P. Revoltella, 105/107 – 00152 Roma
[email protected]
informations : www.villamedici.it
sommaire
Éric de Chassey
Avant-propos
Christian Michel
De la quête des règles au discours sur les fins.
Les mutations des discours sur l’art en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
La peinture en public
Mark Ledbury
Heroes and Villains: History Painting and the Critical Sphere
Martin Schieder
« Les Portraits sont devenus un spectacle nécessaire à chaque Français ».
Le discours esthétique sur le portrait au milieu du XVIIIe siècle
Isabelle Pichet
La discursivité du Salon (expographie et discours)
Amateurs et critiques : débats de légitimité
Jacqueline Lichtenstein
L’argument de l’ignorant : de la théorie de l’art à l’esthétique
Baldine Saint Girons
Pour une habilitation de « l’amateur engagé ». Autour de Caylus
Charlotte Guichard
L’amateur dans la polémique sur la critique d’art au XVIIIe siècle
Florence Ferran
Les décisions de l’ignorant en débat dans la critique d’art au XVIIIe siècle
Anne Lafont
Comment peut-on être critique ? Jugement de goût et relativisme culturel
Les artistes contre les amateurs
Philippe Junod
Falconet : la plume et le ciseau ou de la philologie à l’esthétique
Pamela J. Warner
Connoisseur vs Amateur: A Debate over Taste and Authority in Late Eighteenth-Century Paris
Stratégies de critiques
Dorit Kluge
La Font de Saint-Yenne (1688-1771), un penseur des Lumières
Nathalie Manceau
Baillet de Saint-Julien, la théorie d’une peinture pour un spectateur exigeant
Zeina Hakim
De la sensibilité : Diderot et l’ordre du descriptif
La place de l’imagination et du sentiment
Aline Magnien
Le Sculptura du père Louis Doissin
Chiara Savettieri
Modes musicaux et peinture entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle :
une remise en question de la mimesis ?
Marie-Pauline Martin
Déduire du sentiment musical un nouveau système des beaux-arts :
Mirabeau spectateur d’une symphonie de Raimondi (1777)
Les théoriciens français face aux auteurs anglais
Jan Blanc
La réception française des théories de Joshua Reynolds (1787-1792)
Chiara Stefani
L’esthétique du pittoresque : points de repère pour la naissance d’un nouveau langage sur l’art
Tomas Macsotay
Offering a Hermeneutics for Painted Landscapes:
Diderot’s View of Joseph Vernet as a Sublime Painter
La réception allemande des discours français
Roland Recht
Falconet, Diderot, Goethe. Le débat sur la nature et sur le discours autorisé
Nicolas Rialland
Le discours poétique en France à l’épreuve de sa critique par Lessing : l’exemple de la fable
Le jugement de goût et la philosophie esthétique
Gilda Bouchat
Diderot et la question du goût
Élisabeth Lavezzi
Esthétique et peinture selon les articles de J. G. Sulzer (1720-1779)
dans le Supplément (1776-1777) de l’Encyclopédie
Élisabeth Décultot
A-t-on besoin de l’esthétique ? Enquête sur la réception française
d’une nouvelle science allemande entre 1750 et 1815
Un passé non historicisé
Sabine Frommel
Entre stratégie professionnelle et théorie de l’architecture :
les recueils « italiens » de Charles Percier et Pierre François Léonard Fontaine
Elisa Debenedetti
Gli ultimi anni francesi di Pierre Adrien Pâris (1817-1819) e un possibile “libro di modelli”
Gaëtane Maës
De la tradition antiquaire à l’histoire de l’art : les « vies » d’artistes
vers 1750 selon Dezallier d’Argenville et Descamps
L’art ancien au XVIIIe siècle
Claire Mazel
Les beaux-arts du siècle de Louis XIV : déconstructions et constructions historiographiques de la
seconde moitié du XVIIIe siècle
Daniela Mondini
Séroux d’Agincourt et l’art des premiers chrétiens
Noémie Étienne
Des mots et des gestes : l’histoire de l’art en construction (1750-1800)
Les nouvelles théories historiques
Richard Wrigley
“Something in the Air”: Roman Climate and its Artistic Significance
Dominique Jarrassé
Du poids de l’« esprit des nations » : causalité et perfectibilité dans la hiérarchisation
des périodes de l’histoire de l’art autour de 1750
La question des origines de l’art
Caroline van Eck
Enargeia ou fétichisme : le rejet de l’image vivante dans les discours sur la sculpture des années 1750
Catherine Guégan
Entre Winckelmann et Rousseau : les Réflexions sur l’origine et les progrès des arts, et sur leur état
actuel en France de Charles César Robin (1787)
Letizia Norci Cagiano
Quelques réflexions sur André Chénier
Jesper Rasmussen
Entre règles et régénération : pour une nouvelle lecture de Quatremère de Quincy
Pascal Griener
Théorie de l’art et théorie pessimiste de l’histoire : un paradoxe
Bibliographie générale raisonnée
Index des noms de personnes
176
language. To date, only two of the letters have been acknowledged by scholars,
and no analysis of their arguments has been made.5 More than a simple public
exchange of wit, the letters reveal a much deeper struggle between representatives of two different social, economic, aesthetic and political classes. The first
author, Charles-Nicolas Cochin, defended institutionalized hierarchical authority based on standards of nobility and taste. His combatant, painter-dealer
Jean-Baptiste Lebrun, challenged the very basis of Cochin’s authority, using the
aristocracy’s own form of discourse – witty, erudite conversation – to defeat
it. Finally, a third author, a foreigner, tipped the scales definitively, but I will
keep you in suspense for now about which position he sided with. At stake in
the attribution argument was the question of who could dictate the dominant
theories of art, what methods could be used to make an attribution, and which
artists and qualities were to be valued in the French school of the past and therefore serve as models for artists of the present.
Cochin, writing under the pseudonym Comte de la M***, and Lebrun invoked the rhetorical figures of the connoisseur and the amateur to anchor their
opposing arguments and methods, suggesting that the polemics over these terms
were far from settled at the eve of the Revolution. The term connoisseur, though
dating back to the twelfth century, was still treated as a new word in the 1670s
and had only begun to develop specific art-related meanings at the end of the
seventeenth century in the writing of Roger de Piles.6 In 1690, Antoine Furetière
defined a connoisseur as someone “Qui est pleinement instruit des bonnes qualitez d’une chose qu’on luy présente pour en juger”,7 and the term always implied
knowledge, or connaissances, about something. As it came increasingly to refer
to the realm of the fine arts, the term connoisseur and the requisite knowledge
that allowed someone to claim being one often derived from having learned and
practised the métier of painter. The term was opposed to amateur, “celui qui
aime quelque chose”, again according to Furetière.8 The amateur’s love of art
was thought to cloud clear judgment. His lack of knowledge prevented the discernment to tell good art from bad. An abundance of discussion over the terms
in the eighteenth century attests to the difficult crystallization of the concepts.
By the third quarter of the eighteenth century, polemics around these terms had
eroded their early meanings, and, in developing the definition of these terms
through my exploration of the Journal de Paris letters to the editor, I will show
how Cochin and Lebrun in fact inverted the traditional definitions.
The Académie Royale had sought to control the meanings of these and
other terms related to the fine arts, but their definitions were often elaborated
outside the academy.9 The late date of the Journal de Paris debate indeed suggests that the academy’s attempt to control the meaning of the term amateur,
described by Charlotte Guichard elsewhere in this volume, had decidedly
failed. Bernadette Fort studied how the term went from being “an exclusive
title conferred by the Academy” to one adopted by self-proclaimed experts.10
Lebrun, in adopting the figure of the amateur in his arguments, added scholarly
expertise and empirical methods to the notion of amateur as a mere lover of
art, thus bridging the gap between older academic values and the experiencebased values his own work as a dealer helped to cement. The letters thus staged
466
À cette occasion se manifeste une attitude
critique envers Vasari, qui avait mis en doute
cette attribution52. Bien évidemment, ils
ignorent que Pontelli était aussi l’auteur
de la Cancelleria – « l’une des plus vastes
et les plus magnifiques de Rome » –, qu’ils
attribuent à Bramante, le « restaurateur de
l’art53 » [fig. 4a, b]. Ils soulignent le parti originel
de ce monument – témoignage d’un moment
crucial dans l’instauration de la Renaissance à
Rome54 –, selon lequel l’église, réédifiée lors
de la même opération, est dissimulée derrière
la façade monumentale « afin de donner à
la totalité de l’édifice plus d’étendue et un
aspect plus imposant55 ». Cet acte sacrilège
de la part d’un prince de l’Église ambitieux,
Raffaele Riario, s’adoucit devant leurs yeux,
séduits par ce choix ingénieux. La fécondité
extraordinaire de cette période d’incubation
se manifeste aussi dans de petites constructions
qui, comme un puits dans le cloître de San
Pietro in Vincoli, « peuvent donner une idée
de l’état où se trouvoit l’architecture en Italie
3 Portail de San Giacomo de’ Spagnoli, tiré
à la fin du XVe siècle, époque regardée avec de Charles Percier et Pierre François Léonard
raison comme aurore de la renaissance du Fontaine, Palais […] de Rome…, pl. 90.
bon goût, qui bientôt après s’établit et se
propagea56 ».
Selon leur vision, le langage du Quattrocento semble presque sans rupture
conduire vers la Seconde Renaissance, qui s’épanouit sous l’influence du génie
des Florentins, notamment Antonio da Sangallo le Jeune et Jacopo Sansovino. Au
Palazzo Sachetti, la clarté de la composition éblouit les deux amis : « La façade
sur rue, exécutée en briques et en pierre travertine, est remarquable par sa belle
proportion, par les deux plinthes qui indiquent à l’extérieur les planchers des
étages, et par les stylobates continus qui supportent les croisées57. » Au Palazzo
Valle, attribué aujourd’hui à Giuliano da Sangallo, la cour forme une disposition
heureuse, magnifiée par des statues, des frises, des bas-reliefs et d’autres fragments
antiques58 [fig. 5]. Tout ce qui dégage un esprit florentin les passionne. Les maisons
construites sous Léon X dans le quartier de San Giovanni dei Fiorentini reflètent
leurs principes les plus chers : « La disposition de ce plan est fort simple, et la
façade porte un caractère de gravité imposante […] le style mâle de sa décoration,
indiquent assez qu’il est l’ouvrage de l’un des habiles artistes de cette nation59. » Ils
devinent aussi le génie des Florentins dans une charmante façade à sgraffito située
au Vicolo del Governo60. Étudiant la façade du Palazzo Ruspoli, ils se réjouissent
que les systèmes florentins aient perduré dans la seconde moitié du XVIe siècle61.
Plus que celle de Bramante, protagoniste de la Seconde Renaissance et
metteur en scène des visions architecturales hardies de Jules II, c’est l’œuvre de
Pamela J. Warner / Connoisseur vs Amateur / 177
1-3 Laurent de La Hyre, Life of Saint Étienne, Paris, Musée du Louvre.
Sabine Frommel / Entre stratégie professionnelle et théorie de l’architecture / 467
4a, b Palais de la Chancellerie, tiré de Charles Percier et Pierre François Léonard Fontaine,
Palais […] de Rome…, pl. 76.
5 Palazzo Valle, tiré de Charles Percier et Pierre François Léonard Fontaine, Palais […] de
Rome…, pl. 6.
6a, b Palazzo Massimo alle Colonne, tiré de Charles Percier et Pierre François Léonard
Fontaine, Palais […] de Rome…, pl. 60-61.
30
and junior in the heart of the academy – an equivalent of the many secretive
and complex ways the Maîtrise handled the distinctions between masters and
apprentices, perhaps.
That history painting as a genre is not a prescription or a doctrine
or even a well-worked-out or coherently defined entity should not surprise
us – the work of Hans Robert Jauss, Ralph Cohen as well as others on genre in
other domains has helped us understand that genres exist only in a “network”
or community of genres, defined only relationally, and are a kind of social
contract, under constant redefinition.18 So, history painting as doctrine is as
nebulous and contingent as it is important as an institutional, social fact.
The history of history painting is punctuated by major moments of
tension and inability to define satisfactorily what the genre is or should be – just
one indication the floating, contingent, never settled nature of the genre.
One over-familiar example is Greuze’s Reception piece, Septimius Severus
Reproaching Caracalla of 1769 [fig. 2]. In my earlier thinking on this incident, (in
which the academy refused to accept Greuze as a history painter and left him,
humiliated, as a “genre” painter), I was siding with the authoritarian view of
both academy and history painting: history painting needed to be kept pure,
Greuze was too obviously mixing the resources of genre painting and those of
Mark Ledbury / Heroes and Villains / 31
history and thus was doomed to failure.
Now, though, I am much more inclined to see the treatment of Greuze
at the hands of the academy as part of the academy’s sense of itself as a corpus
whose rules of conduct were transgressed by an uppity and astonishingly
arrogant artist who had irritated his fellow students, teachers and all those
presiding the academy in his relatively short career.19 In other words it was not
some abstract authoritarian “law”, enacted to preserve the purity of history
painting, that was responsible for Greuze’s humiliation but rather a human
cabal, organized against someone who offended the body on a human level.
I want to contrast Greuze’s painting and parcours with that of another
history painting submitted to the academy jury in the same year: Jean-Bernard
Restout’s Philemon and Baucis.
As the son of convinced Jansenists, the future leader of the Commune
des Arts, a frondeur parlementaire sympathizer in the 1770s, Restout was, one
might assume, a more explicitly political, and even oppositional figure, in
Ancien Régime terms, than was Greuze. Part of one important “dynasty” within
the academy, Restout was the son of Jean Restout, and the great nephew of Jean
Jouvenet, and as both Christine Gouzi and John Goodman have shown, the
Restouts were involved with significant Jansenist figures and sympathetic with
Jansenist beliefs.20 But they were also academic insiders, men of the “corps”.
Restout (fils) was a man of proven virtue in academic eyes: he had cut short his
Rome sojourn to return to Paris and look after his father, who died in 1768.21
He submitted his reception piece in 1769 [fig. 3] to the same jury as deliberated
on Greuze’s Septimius.
His subject was Philemon and Baucis. Ovid’s tale is both a touching
example of virtue and a lesson in the powerful grip of the gods over man:
Jupiter and Mercury (Zeus and Hermes) disguise themselves, and having been
turned away everywhere in the wicked town,
At last, by chance, they stopped at a small house,
whose humble roof was thatched with reeds and straw;
and here a kind old couple greeted them.
The ageing couple, living “economically” and frugally, having no
servants, and married tenderly for forty years, offer them everything: the best
of their food, a fire, conversation, all the comfort they can offer. They do not
recognize the visitors as gods until the gods keep refilling the wine:
2 Jean-Baptiste Greuze, Septimius Severus Reproaching Caracalla, 1769, Paris,
Musée du Louvre.
552
l’Empire, alors même qu’ils s’y étaient très tôt
acculturés17.
Pour aller plus avant, il est maintenant nécessaire de passer à l’examen des
textes commentant les planches. Le point de
vue que d’Agincourt propose à ses lecteurs
apparaît dès la première planche de chaque
section : l’art du Moyen Âge se conçoit à
l’aune de la perfection antique. En donnant
l’exemple de monuments aussi parfaits que le
Parthénon, le temple de la Fortuna Virilis, le
Panthéon ou la Maison carrée, Séroux fonde
son discours sur une complète adhésion au
prestige de l’Antiquité. Constituant l’amorce
visuelle de son discours, ces monuments hors
du temps (l’auteur renonce même à en donner une datation, tant ils font référence dans
l’histoire de l’architecture) servent de jalons
et permettent de mesurer, par comparaison,
les degrés de décadence des siècles suivants.
Dès la seconde planche, dont le titre,
« Commencement de la décadence, sous les 1 « Commencement de la décadence, sous
règnes de Septime Sévère, de Dioclétien, et les règnes de Septime Sévère, de Dioclétien,
e
e
e
de Constantin. IIe, IIIe et IVe siècles », donne et de Constantin. II , III et IV siècles », tiré
de Jean-Baptiste Louis Georges Séroux
l’orientation de lecture, la narration de la d’Agincourt, L’Histoire de l’art par les
décadence architecturale peut débuter [fig. 1]. monumens…, IV, « Architecture », pl. II.
Le propos de Séroux d’Agincourt n’est toutefois pas d’une grande clarté, en l’absence du texte explicatif et de la « Table des
planches ». Le « commencement de la décadence » dans les ordres et les ornements architecturaux n’est patent qu’après qu’on a lu, dans le texte et la table
des planches, les exemples relatifs à l’arc de Constantin. Les numéros 10, 13 et
14 sont des vestiges de la « belle Antiquité » et constituent les morceaux les plus
anciens du monument (ils datent de l’époque de Trajan). Étant tous trois remployés sous Constantin, ils demandent à être comparés avec ceux qui portent les
numéros 11, 12 et 15, sculptés du temps de Constantin. Par cette comparaison,
Séroux affirme que « nous connaîtrons l’histoire de la corruption du goût18 ».
Les planches et les textes de Séroux entretiennent donc une relation d’étroite
complémentarité. Une lecture approfondie de l’ouvrage suppose également que
l’on puisse consulter, et donc ouvrir simultanément, les trois volumes, ce qui pose
d’évidents problèmes d’espace et d’utilisation. Le texte n’étant paru que huit ans
après les planches, je suis convaincue que pour ainsi dire personne ne l’a lu et que
l’on s’est donc limité à la simple consultation des « Tables des planches19 ».
La vue de la cour du palais de Dioclétien, à Spalato, est reprise, en grand,
dans la planche suivante (pl. III), « afin qu’on puisse mieux distinguer les signes
de la décadence de l’Art20 ». Séroux s’appuie sur la vue de la cour du palais de
Dioclétien pour « placer la corruption de l’Art avant Constantin21 » et affirmer que
And Baucis and Philemon, full of fear,
As they observed the wine spontaneous well,
Increasing when it should diminish, raised
Their hands in supplication, and implored
Indulgence for their simple home and fare.
And now, persuaded by this strange event
Such visitors were deities unknown,
This aged couple, anxious to bestow
Daniela Mondini / Séroux d’Agincourt et l’art des premiers chrétiens / 553
l’architecture chrétienne, représentée par l’exemple de San Paolo fuori le Mura
(dernière basilique paléochrétienne romaine à être encore intégralement conservée), n’en était qu’une simple héritière. Dans sa description de la vue d’ensemble,
Séroux ne peut résister à la tentation de louer la grandeur et la magnificence des
quatre rangs de colonnes, qui « produisent au-dedans des effets aussi admirables
que ceux des péristyles placés par les anciens au-dehors de leurs temples22 ».
En partant de la vue d’ensemble (pl. IV), il en vient ensuite à la comparaison
des détails. Montrant une arcade avec deux chapiteaux différents [fig. 2] (pl. V), il
déclare que le « progrès de la décadence » se manifeste par l’emploi de colonnes
sous des arcades et surtout, par le recours aux spolia, aboutissant à la confusion
des ordres.
La comparaison des deux chapiteaux de cette arcade fait l’objet d’un
développement séparé en deux planches. Pour mener son analyse à bien, Séroux
emprunte la méthode comparative à « l’amateur engagé » qu’est Caylus. Caylus
avait clairement présenté cette méthode comme le seul instrument objectif d’analyse à disposition des antiquaires ; il la jugeait comparable aux « observations &
[aux] expériences [menées par] le physicien23 ».
2 « Arc de la nef de S. Paul soutenu par
deux colonnes différentes d’époque et
de style, IV e siècle », tiré de Jean-Baptiste
Louis Georges Séroux d’Agincourt,
L’Histoire de l’art par les monumens…,
IV, « Architecture », pl. V.
3 « Base et chapiteau composite de S. Paul
hors des murs, du tems de sa construction
au IV e siècle », tiré de Jean-Baptiste Louis
Georges Séroux d’Agincourt, L’Histoire
de l’art par les monumens…, IV,
« Architecture », pl. VII.

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