Vers un nouveau mythe lunaire de Salomé

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Vers un nouveau mythe lunaire de Salomé
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Vers un nouveau mythe lunaire de Salomé
Modernité de la mise en scène de la danse de Salomé
Atsuko Ogane
(Université Kanto Gakuin)
Salomé de Wilde est une pièce célèbre qui a inspiré de nombreuses
adaptations, au théâtre, pour l’opéra et le ballet depuis le début du
xxe siècle. Auparavant, Salomé n’était qu’un personnage secondaire
dans l’Évangile selon saint Mattieu (XIV : -) et dans celui de saint
Marc (VI : -), épisode dans lequel la décollation de saint JeanBaptiste par Hérodias est exécutée par l’entremise de la danse de sa
fille ; mais cette histoire s’est transformée à partir des années -
en un véritable mythe moderne de Salomé. Mireille Dottin-Orsini ne
dit-elle pas : « Les textes fondateurs du mythe, en ce cas, ne sont plus
les Évangiles, mais bien Hérodias et À rebours, œuvres phares qui ont
pris le relais  ? » L’énigme de la danse des sept voiles, ainsi que la scène
choquante du baiser de la princesse à la tête décapitée ont suscité un vif
. Mireille Dottin-Orsini, Salomé, Figures mythiques, Autrement, Paris, , p. .
La plus grande spécialiste de Salomé, Mireille Dottin-Orsini, remarque que le mythe
de la femme fatale s’épanouit « autour des années  dans toutes les formes d’art
et dans toute l’Europe » (ibid., p. ). Dans l’introduction de son ouvrage Salomé entre
vers et prose — Baudelaire, Mallarmé, Flaubert, Huysmans, Bertrand Marchal, limitant
l’étude de ce mythe à Salomé, précise : « À partir du milieu des années quatre-vingt, [...]
Salomé devient véritablement un sujet obligé, ou un lieu commun » (Les Essais, José
Corti, , p. ). Nous pourrons même faire remonter l’origine de ce mythe de Salomé
aux années soixante-dix, en tenant compte des œuvres suivantes : « La Danseuse » de
Banville () ; « La fille d’Hérodias » d’Arthur O’ Shaugnessy () ; « Étude scénique
d’Hérodiade » de Mallarmé () ; « Femme » de Tristan Corbière () ; « Salomé » de
Jean Lahor () ; Le Coffret de Salomé de Gustave Toudouze () ; Hérodias de Flaubert () ; L’Éxpiation de Salomé de Charles Buet ().
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intérêt de la part des écrivains et des metteurs en scène. Cette énigme
est d’autant plus fascinante que Wilde n’a écrit qu’une seule indication scénique : « Salomé danse la danse des sept voiles. » L’opéra de
Strauss a accentué le mysticisme de la pièce de Wilde par sa fameuse
représentation de la scène dominée par la Lune immaculée. Or, ces
dernières années, nous remarquons deux nouveaux courants contradictoires dans la représentation contemporaine de « la danse de Salomé » :
le retour à sa genèse littéraire, la reprise des éléments flaubertiens d’une
part, et la résistance au fameux appareil scénique : la disparition de la
tête coupée et de la danse des sept voiles, d’autre part. La commémoration du centenaire de la création de l’opéra de Strauss, dont le livret est
une traduction de la pièce de Wilde, à Dresde en , pourrait être l’occasion de reconnaître l’étendue et l’influence de cette pièce dans la formation de ce mythe européen. Afin de mieux comprendre cette évolution, nous devons d’abord remonter à la fin du siècle où Salomé devient
le mythe emblématique de la femme fatale, dont la mise en scène dans
la pièce de Wilde est dominée par l’élément lunaire.
Si Wilde ne décrit pas la fameuse danse de Salomé, Flaubert l’a
dépeinte seize ans auparavant. D’après notre « Chronologie des adaptations du mythe d’Hérodias-Salomé  » du ie siècle (la formation du Nouveau Testament) à nos jours, établie en , Hérodias ( ) de Flaubert présente la première description littéraire de la danse de Salomé,
. Atsuko Ogane, La genèse de la danse de Salomé — Flaubert, Moreau, Mallarmé,
Wilde, Keio University Press, Tokyo,  en japonais, avec une annexe en français présentant la chronologie inédite des adaptations du mythe Hérodias-Salomé, dans tous
les domaines artistiques (roman, prose, poème, théâtre, opéra, musique, ballet, pantomime, danse, film, peinture, sculpture) du Moyen Âge jusqu’en  (p. -). Pour
l’établissement de cette chronologie, nous avons non seulement consulté des ouvrages
et des catalogues importants concernant Salomé, notamment ceux de Mireille DottinOrsini et l’annexe de Salomé dans l’édition bilingue de Pascal Aquien, mais aussi collationné et sélectionné les  titres des œuvres concernant Hérodias et Salomé, tirées de
la base de données FRANTEXT et  titres traitant de Salomé à la Bibliothèque nationale de France, et consulté les documents conservés à la Bibliothèque de l’opéra Garnier. Nous envisageons le projet d’hypertextualisation de cette chronologie des adaptations et de la formation du mythe Hérodias-Salomé à partir de , dans le but de
créer l’Archive de Salomé.
. Hérodias est publié en feuilleton dans Le Moniteur du  au  avril (Hérodias in
Trois contes, introduction et notes par Pierre-Marc de Biasi, Paris, Librairie Générale
Française, Le Livre de Poche, . Les références d’Hérodias dans notre texte renvoient
à cette édition). Un mois avant, Gustave Toudouze a envoyé à Flaubert son ouvrage
Le coffret de Salomé : nouvelle vénitienne (Dentu, Éditeur, ) avec cette dédicace :
« À Gustave Flaubert, mon cher maître, hommage respecteux et affectueux souvenir
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
non seulement en France mais à travers le monde : auparavant, de nombreux artistes ont représenté cette jeune princesse, depuis le Moyen
Âge, surtout dans la peinture et la sculpture religieuses, mais c’est seulement à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle que Salomé
acquit une certaine gloire dans le domaine littéraire. Atta Troll d’Heinrich Heine , long poème allégorique où la reine Hérodiade joue avec
la tête coupée de saint Jean-Baptiste comme avec une balle, a paru en
Allemagne dans Die Zeitung für die elegante Welt en  ; par la suite,
la publication de la traduction française de ce poème dans Poèmes
et légendes () inaugure la mode d’Hérodias et de Salomé dans le
domaine poétique en France. Aussitôt après cette publication, Théodore de Banville fait paraître son « Hérodiade » avec une dédicace à Atta
Troll d’Henri Heine , portant la date de « Juin  », dans L’Artiste du
 août . À la même époque, Baudelaire évoque aussi le thème de la
femme fatale dans son poème « Le serpent qui danse », dans Les Fleurs
du Mal publiées en  à Paris, tandis que J. C. Heywood publie deux
poèmes dramatiques à New York, Hérodias en  et Salomé en .
Banville fait paraître un sonnet sur Salomé, « La Danseuse », dédié à
la Salomé de Regnault. Ainsi, au début de cette vogue en France, les
poètes sont attirés autant par la figure de la mère Hérodias que par
celle de sa fille Salomé. En , Mallarmé publie son poème théâtral
« Étude scénique d’Hérodiade » dans Le Parnasse contemporain, et crée
une princesse solitaire désignée du nom de sa mère. Suite à ces créations poétiques, une vraie mode d’Hérodias-Salomé se répandit dans
le domaine romanesque avec le conte d’Hérodias de Flaubert, qui, en
plus de la peinture de Moreau et des vers de Mallarmé, inspira définitivement Wilde pour écrire Salomé en français ; néanmoins, si Wilde a
emprunté l’élément lunaire au texte de Flaubert, celui-ci est dominé
par l’élément solaire. Comment le mythe de Salomé s’est-il ainsi radicalement transformé d’un mythe principalement solaire à un mythe
lunaire, vers la fin du xixe siècle ?
de son tout dévoué ami, Gustave Toudouze,  mars  » ; le livre est conservé à la
bibliothèque de Flaubert à Canteleu. Il est intéressant de noter que, comme Flaubert,
Toudouze mentionne le soleil dans l’incipit et à la fin de son œuvre.
. La première traduction française d’Atta Troll a paru dans la Revue des Deux
Mondes en mars .
. Théodore de Banville, Œuvres poétiques complètes, Édition critique, tome IV, Les
Éxilés, Améthistes, Les Princesses, Honoré Champion Éditeur, Paris, , p. .
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CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
 Du mythe solaire au mythe lunaire
Wilde rédigea la première version de Salomé en français pendant son
séjour à Paris en novembre et décembre  ; il fut influencé par plusieurs œuvres littéraires de l’époque : Les Sept Princesses (), pièce
symboliste de Maeterlinck, l’a inspiré pour l’appareil de l’écho sur la
scène mystique tandis que la lecture de À rebours d’Huysmans raviva
son admiration pour Moreau et Mallarmé, qui l’accueillit deux fois à
ses Mardis et devait travailler toute sa vie à l’écriture de son Hérodiade.
Richard Ellmann signale que les deux tableaux de Salomé de Gustave
Moreau et le poème d’Hérodiade de Mallarmé sont à l’origine de la
pièce de Wilde , dont la correspondance nous révèle combien la danse
de Salomé décrite dans Hérodias de Flaubert l’a fasciné. Ainsi, quand
il vit une danseuse romaine exécutant des acrobaties avec Stuart Merrill  au Moulin Rouge, il se dit : « I want her to dance on her hands, as
in Flaubert’s story » ; et quand il découvrit une gravure d’Hérodias dansant sur ses mains chez Lord Francis Hope en , il s’écria : « La bella
donna della mia mente . »
Néanmoins, malgré son intérêt pour cette danse sur les mains,
comme nous l’avons dit, Wilde n’a décrit ni cette danse, ni d’autres
danses acrobatiques, se contentant d’une seule indication scénique sur
la danse des sept voiles. Pourquoi resta-t-il silencieux sur cette fameuse
danse ? Était-elle impossible à décrire ? Ou était-ce dans l’intention d’accroître le mystère ? Cependant, outre les noms des personnages et la discussion des prêtres , il emprunta de nombreux thèmes non seulement
. Richard Ellmann, Oscar Wilde, Alfred A. Knopf, , p. .
. Stuart Merrill a écrit également un sonnet sur Salomé en  : « Ballet » avec une
dédicace « pour Gustave Moreau ».
. Richard Ellmann, Oscar Wilde, op. cit., p. -. Wilde respectait Flaubert
comme son maître : « Yes ! Flaubert is my master, and when I get on with my translation
of the Tentation, I shall be Flaubert II, [...] » (Lettre à W.E. Henley, . The Complete
letters of Oscar Wilde, edited by Merlin Holland and Rupert Hart-Davis, Henry Holt and
Company, New York, , p. ).
. O. Wilde, Salomé, Paris, Flammarion, édition bilingue, présentation de Pascal
Aquien, illustrations d’Aubrey Beardsley, . Les références au texte de Salomé renvoient à cette édition bilingue de Pascal Aquien. Dans son introduction, Aquien montre
que « Flaubert enfin [...] fut pour Wilde une source inépuisable » et énumère des points
communs entre les deux ouvrages : l’arabesque serpentine du S, la localisation de « la
terrasse dans le palais » empruntées à Salammbô, la poudre de la chevelure de cette
sybille carthaginoise, la discussion des Juifs (p. -).
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
à la Bible , mais aussi à Hérodias, notamment des éléments essentiels
qui font le substrat de cette pièce : la Lune pour le symbolique et la trilogie pour le stylistique .
Dans Salomé de Wilde, la Lune est omniprésente. Elle se confond
avec la princesse, vierge aux allures de femme morte, avec la même couleur argentée et blanche, symbole de chasteté et de froideur. Salomé est
intimement liée à la Lune, personnifiant une déesse seule : « Oui, elle
est vierge. Elle ne s’est jamais souillée. Elle ne s’est jamais donnée aux
hommes, comme les autres déesses . » Cela correspond bien à ce qu’explique Wilde lui-même dans sa correspondance : « My Salome is a mystic, the sister of Salammbô, a Sainte Thérèse who worships the moon . »
Salammbô est une sybille de la déesse carthaginoise, Tanit, déesse de
la Lune. Dans la mise en scène de Salomé, dominant toujours la scène,
la Lune change de couleur et passe symboliquement du blanc au rouge
au moment de la décollation de Iokanaan, mais elle n’est qu’une sorte
de décor scénique, sans connotation métaphysique ou religieuse. D’où
vient ce mythe de la Lune ? Pourquoi la Lune est-elle tellement importante chez Wilde ? Essayons de voir l’influence d’Hérodias sur la pièce
de Wilde.
À l’opposé de Salomé, dans Hérodias de Flaubert, l’héroïne n’est ni
Salomé, ni Iaokanann, mais Hérodias, mère de Salomé, comme le titre
l’indique. Le conte est réparti en trois chapitres et c’est seulement dans
le dernier que la tête de Iaokanann et le corps de Salomé apparaissent
explicitement. L’essentiel pour Flaubert était de décrire la question des
races : « La question des Races dominait tout . » Flaubert présente Héro. L’édition bilingue de Pascal Aquien nous fournit les citations bibliques dans le
texte de Salomé. Dans son analyse comparative entre la Bible et Salomé de Wilde, Sylviane Messerli montre que le refus de Salomé et l’invitation d’Hérode sont basés sur la
tentation du Christ dans le désert (Matthieu , - et Luc , -), et la parole même de
Salomé est tirée d’une citation similaire dans le Cantique des cantiques (, ). Voir l’Introduction de Sylviane Messerli, Oscar Wilde, Salomé, premier manuscrit autographe
de  ; première édition française de  ; première édition anglaise de , Fondation Martin Bodmer, Presses universitaires de France, Paris, , p. -.
. Pour l’analyse stylistique entre Flaubert et Wilde, voir Atsuko Ogane, « De l’écriture sainte à l’écriture tentatrice. Hérodias de Flaubert et Salomé d’Oscar Wilde »,
février , Site du Centre Flaubert, rubrique, « Études et critiques » (http://
flaubert.univ-rouen.fr/etudes/ogane\_wilde.php).
. Oscar Wilde, Salomé, op. cit., p. .
. Ellmann, op. cit., p. .
. Lettre à Edma Roger des Genettes, Gustave Flaubert, Correspondance, édition
présentée, établie et annotée par Jean Bruneau et Yvan Leclerc, Paris, Gallimard,
171
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CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
dias comme l’organisatrice omnipotente du festin, coiffée d’une « mitre
assyrienne », symbole de la sacrificatrice, portant l’éphod, manteau du
grand sacrificateur . Pendant le festin d’Hérode, Salomé danse sur l’estrade transformée en sanctuaire, tandis qu’a lieu la décollation de Iaokanann afin qu’il s’aquitte de sa mission en tant que vrai prophète annonçant la venue de Jésus-Christ. Tous les symboles du rite (Mystère de
Mythra, le taurobole de Cybèle, le sabbat, comme dans La Sorcière de
Michelet) se rassemblent et convergent vers le mythe du soleil et le
thème de la résurrection, qui est au centre de la doctrine chrétienne.
Or, ce rite du sacrifice judaïque de Iaokanann et le sujet de la résurrection chez Flaubert sont intimement liés au mythe de la Lune. Autrement
dit, dans la réécriture de cet épisode biblique par Flaubert, il y a un antagonisme du soleil et de la lune, reflété par le contraste entre Iaokanaan,
précurseur du Christ, auréolé d’une lumière solaire, et Hérodias, dont le
pouvoir grandit au milieu de la nuit, avec « les petits croissants d’or qui
tremblent » sur son front, et qui s’incarne en Cybèle, grande déesse de la
Lune et mère des dieux, au moment crucial de l’apparition de Salomé .
Le culte de Cybèle, « Déesse de Phrygie, dite aussi Grande Mère ou Mère
des dieux », fut « la première religion orientale officiellement introduite
à Rome » et atteignit son apogée à l’époque impériale .
Par ailleurs, instrument de sa mère, Salomé danse en imitant la danse
rituelle de la religion de Cybèle avec les instruments musicaux, la flûte,
les tympanons, la gingras, les crotales, la harpe, généralement utilisés dans ce culte. À travers cette identification de la mère et de sa
fille, Flaubert situe ces deux personnages dans la lignée de la grande
déesse Cybèle, parenté qui est un des fondements du mythe moderne
de Salomé. On y retrouve aussi le souvenir de la danseuse KuchioukHânem, exécutant la danse du ventre dite « belly dance », évoquant le
sifflement du serpent dans son écriture . En même temps, la Salomé de
Flaubert symbolise une passerelle entre l’aspect solaire de Iaokanann et
« Bibliothèque de la Pléiade », tome V, , p. .
. Dans les manuscrits, il révèle : « Ses ancêtres avaient été rois et sacrificateurs »
(Manuscrit autographe conservé à la BnF : N.a.fr., , f. v).
. Flaubert, Hérodias, op. cit., p. .
. Voir « Identification et séparation chez Hérodias et Salomé », dans Atsuko Ogane,
La genèse de la danse de Salomé — L’« Appareil scientifique » et la symbolique polyvalente
dans Hérodias de Flaubert, Keio University Press, , p. -.
. Sur le rôle des instruments de la musique et le sifflement du serpent dans la
danse de Salomé chez Flaubert, voir Atsuko Ogane, « Hérodias, splendeur du vers et
de la prose — Le serpent ou la genèse de la femme fatale dans la danse de Salomé »,
Revue Flaubert, « Flaubert et la confusion des genres », no , Site du Centre Flaubert,
février  avec la transcription numérique des brouillons sur la danse de Salomé
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
l’aspect lunaire d’Hérodias, d’autant plus qu’elle danse à la fin comme
un grand scarabée, renversant sa tête en bas sur les mains, ses fourreaux
de couleur passant par-dessus l’épaule « comme des arcs-en-ciel » : le
« scarabée » est souvent appelé « le dieu Khépri », « le soleil levant » qui
symbolise la résurrection et « l’arc-en ciel » est le symbole de la conclusion de la nouvelle alliance . Dans Hérodias, où Salomé apparaît autant
séductrice que médiatrice sacrée, coexistent les deux mythes solaire et
lunaire : le mythe du soleil lié à la résurrection et le mythe de la Lune,
associé à la puissance de la grande Déesse et aux rites sacrificiels. Enfin,
« la danse du grand scarabée » chez Flaubert symbolise une époque charnière, le passage du monde judaïque de l’Ancien Testament au monde
du Nouveau Testament, soit l’avènement du Christianisme.
À l’époque où Flaubert concevait le plan d’Hérodias, il vit l’exposition
de Salomé dansant devant Hérode et L’Apparition de Gustave Moreau
au Salon de  . Dans Salomé dansant devant Hérode, on peut remarquer au milieu du tableau l’Arthémis d’Éphèse, déesse de la Lune, à
côté de deux Mithras léontocéphales ou des Ahrimans. À l’inverse de
Flaubert, Moreau ne fait pas apparaître le soleil, mais l’atmosphère
lourde du rite sacrificiel est néanmoins perceptible dans la peinture du
sombre sanctuaire oriental . Dans À rebours, Huysmans, vénérant les
Salomés de Moreau et les vers d’Hérodiade de Mallarmé, décrit également Salomé dansant en tant que Grande Déesse, comme « la déesse
de l’immortelle Hystérie » et « la Beauté maudite  ».
De même, Mallarmé s’est intéressé à cet épisode de la décapitation
de saint Jean-Baptiste et de la danse de Salomé, utilisant les thèmes
et le classement génétique linéarisé de la danse de Salomé dans l’annexe (http://
flaubert.univ-rouen.fr/jet/public/revue/article.php?id=36).
. Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, Paris, Librairie Larousse, ,
p.  ; Dictionnaire des Symboles, mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, sous la direction de Jean Chevalier, Robert Laffont, Paris, , p. - ;
p. .
. En ce qui concerne le rôle determinant ou non pour la genèse d’Hérodias, nous
renvoyons à l’opinion de Pierre-Marc de Biasi (voir Flaubert, Hérodias, op. cit., p. ). Flaubert avait pris des notes dans son vieux calepin de - sur Jean-Baptiste,
Vitellius et Ponce Pilate. Mais ce qui est intéressant pour notre analyse, c’est que
Moreau s’est inspiré de l’image d’Arthémis d’Ephèse et de la lignée de la grande Déesse
dans la Tentation de saint Antoine de Flaubert (voir Atsuko Ogane, La genèse de la danse
de Salomé, op. cit., , p. -. Il s’agit ici de la question de l’intertextualité dans la
formation du mythe de Salomé.
. Sur le thème du sacrifice chez Moreau, voir chapitre VI, « Image de Salomé — Flaubert et Gustave Moreau », Atsuko Ogane, ibid., p. -.
. Huysmans, À rebours, présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par
Daniel Grojnowski, GF-Flammarion, Paris, , p. .
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CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
du sacrifice, de la Lune ou des étoiles : supprimant toute la dimension biblique de cette histoire, il nomme la princesse vierge du nom
de sa mère, Hérodiade, sujet d’un vaste poème auquel il travailla toute
sa vie et qu’il place sous le signe des deux principes solaire et lunaire.
Dans le « Cantique de saint Jean » des Noces d’Hérodiade, dernier poème
inachevé, il décrit le moment crucial de la décollation de saint Jean, en
superposant le soleil couchant du solstice d’été à la chute de la tête
décapitée . De là, on peut supposer que Wilde a pu également être
influencé par l’Hérodiade lunaire de Mallarmé.
À part Flaubert et Mallarmé, qui ont placé ce mythe sous l’influence
des deux principes soleil-lune, d’autres écrivains ont adapté ce mythe
de la Déesse de la Lune à l’époque où Wilde rédigeait sa pièce : grand
ami de Wilde et dédicataire de Salomé dont il corrigea le texte, Pierre
Louÿs publie la même année un poème, « La danse », qui présente
de nombreuses similitudes avec la pièce de Wilde : la lune, les sept
voiles, la danse, le paon, le sang, tous les motifs traditionnellement attachés à Salomé apparaissent dans ce poème. On peut supposer que la
brouille de Louÿs avec Wilde dérive de cet excès de similitude entre
leurs œuvres. Fasciné par la grande déesse, Louÿs a d’ailleurs écrit de
nombreux poèmes sur ce thème dans Les Chansons de Bilitis ( ) :
« L’offrande à la Déesse », « La petite Astarté de terre cuite », « Hymne à
Astarté », « Les prêtresses de l’Astarté ». De même, il a écrit des poèmes
sur la figure de la danseuse, notamment « La danseuse aux crotales »,
« La danse des fleurs », « La jongleuse », où une petite fille fait « la roue
sur les mains et sur les pieds », et « La danseuse », dédié à Wilde, poème
qui montre une jeune fille, « la taille ployée à la renverse », comme la
Salomé flaubertienne. Inspiré par Hérodias de Flaubert, Jules Laforgue
désirait également écrire sa Salomé  et a dédié son recueil L’Imitation
. Il est difficile de discerner la part de l’influence réciproque entre la genèse de
Salomé de Wilde et les Noces d’Hérodiade de Mallarmé. D’après sa correspondance
et Sylviane Huot, nous savons que Wilde a visité deux fois au moins ses « Mardis »
durant l’année . Cf. (Le « Mythe d’Hérodiade » chez Mallarmé — Genèse et évolution,
A. G. Nizet, Paris, , p. -).
. Pierre Louÿs, Les Chansons de Bilitis, traduites du grec, illustrations de Monique
Rouver, Albin Michel, Paris, ,  p.
. Jules Laforgue, Œuvres complètes, V, Lettres. II (-), notes de G. JeanAubry, Slatkine Reprints, Genève, , p. -. Dans une lettre de  à M. Charles
Henry, Laforgue annonce la fin définitive de la rédaction d’Imitation de Notre-Dame la
Lune et dans le paragraphe suivant, il exprime son admiration pour Hérodias de Flaubert : « Tu connais l’Hérodias de Flaubert. Je viens de finir une petite Salomé de moi.
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PĹrĂeŊsŇsĂeŊŽ ĹuŠnĹiŠvČeĽrŇsĹiĹtĄaĹiĹrĂeŊŽ ĂdĂe ĎlĄaĞ MĂéĄdĹiĹtĄeĽrĹrĂaŠnĂéĄe— UŢnĂe ĂqĹuĂeŊsĹtĽiĂoŤn? UŢnĞ ŇpĹrĂoĘbĘlĄèŞmĂe? TĂéĚlĄéŊpŘhĂoŤnĂeĽz ĂaĹuĞ 04 99 63 69 23 ĂoŁuĞ 27.
ĂcŞvČe72 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2010-12-13 — 11 ŘhĞ 29 — ŇpĂaĂgĄe 175 (ŇpĂaĂgĽiŠnĂéĄe 175) ŇsĹuĹrĞ 302
VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
de Notre-Dame la Lune « à Gustave Kahn et aussi à la mémoire de la
petite Salammbô, prêtresse de Tanit  [sic] ».
Si Wilde a accentué, en la simplifiant, la dimension lunaire du mythe
de Salomé, c’est parce qu’il a insisté sur la virginité, le Beau, et le rite du
sacrifice. Rappelons encore la parole de Wilde, « My Salome is a mystic,
the sister of Salammbô. » Chez Flaubert, comme chez Mallarmé, Salomé
ou Hérodiade ne meurent pas . Mais dans Salomé, dès le début, les
prêtres discutent de questions de religion et de sacrifice, et le Nubien
révèle la nécessité de sacrifier à leurs dieux des jeunes hommes et des
vierges. C’est un augure de la mort du jeune Syrien, de Iokanaan, et de
Salomé, sacrifices des deux sexes, comme à la fin de Salammbô : non
seulement Mathô, mais aussi Salammbô meurent, punis par les dieux.
Dans la pièce de Wilde, l’omniprésence et l’omnipotence de la Lune
ont une influence sur Iokanaan. Dans les textes de Flaubert et Mallarmé,
où la dualité soleil-lune est présente, le soleil symbolisait Iaokanann
ou saint Jean-Baptiste. Mais dans Salomé, l’influence de la Lune est
telle que Iokanaan devient aussi lunaire que Salomé — sa peau, ses
yeux et ses cheveux sont décrits par les adjectifs « argent » et « blanc »,
et ce qui est encore plus frappant, sa personnalité est également évoquée comme étant marquée par la lune . La pièce de Wilde, fortement
annexée au mythe de la Lune, correspond donc à un effacement du
mythe du Soleil symbolisant Iokanaan chrétien. Au moment où la Lune
se lève sur la scène de Wilde, apparaît le mythe de la Femme Fatale de
la fin de siècle.
Ah ! mon cher, qu’il est plus facile de tailler des strophes que d’établir de la prose ! Je
ne m’en étais jamais douté. » Dans une lettre précédente, datée de mai  et adressée au même destinataire, il annonce la première esquisse de la Salomé des Moralités
légendaires : « Je fais une Salomé ! ! » (p. ).
. Jules Laforgue, Œuvres complètes, I, Poésie, Le sanglot de la terre — Les complaintes. L’imitation de Notre-Dame la Lune, Genève, Slatkine Reprints (réimpression
de l’édition de Paris, -), , p. .
. En ce qui concerne le rite du sacrifice et le thème de la danse d’Hérodiade, voir
Atsuko Ogane, « Noces, Notion, Sacrifices dans Les Noces d’Hérodiade », Revue d’Histoire
Littéraire de la France, e année, no , mars , p. - : chez Wilde, Salomé danse
afin d’obtenir la décollation de la tête de Iokanaan, tandis qu’Hérodiade ordonne la
décapitation de saint Jean et danse ensuite pour son propre plaisir devant la tête coupée chez Mallarmé.
. Voir l’analyse comparative du symbolique chez Flaubert et Wilde d’Atsuko Ogane,
« Du mythe solaire au mythe lunaire : d’Hérodias de Flaubert à Salomé d’Oscar
Wilde », Rue des Beaux-Arts, Bulletin bimestriel de la Société Oscar Wilde en France,
no , janvier/février , no  « Articles et conférences » (www.oscholars.com/RBA/
eighteen/18.7/Articles.htm).
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CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
 Modernité de la mise en scène de Salomé
À partir des années , il y a en France un foisonnement d’adaptations du mythe dans les domaines de la poésie et du roman. C’est après
la publication de Salomé de Wilde que ces adaptations deviennent
aussi scéniques et s’élargissent aux genres de l’opéra, de la pantomime
et du ballet. Mais c’est surtout l’opéra de Richard Strauss qui a fait
connaître la pièce de Wilde à travers le monde entier, notamment par
la représentation de la danse des sept voiles et le baiser sanglant sur la
tête coupée, qui fascinent metteurs en scène et spectateurs.
Pourtant, depuis le début de notre siècle, on remarque quelques changements dans les mises en scène et adaptations de Salomé. L’un de
ces changements est la reprise de certains éléments présents dans le
texte de Flaubert, œuvre qui constitue la genèse littéraire de la danse de
Salomé. Parmi d’autres exemples, cette évolution est perceptible dans
le ballet-flamenco créé par Carlos Saura (), et dans la mise en scène
théâtrale de La Tragédie de Salomé décrite dans le roman de Patrick
Rödel ().
Dans Salomé du metteur en scène Carlos Saura et de la danseuse
Aída Gómez , tous les sentiments des personnages ne se manifestent
pas par la parole, mais par la danse, la musique, le décor, les robes et les
couleurs changeantes de l’éclairage. Saura choisit les éléments soleillune comme cadre de cette représentation : comme dans le conte de
Flaubert, la première scène s’ouvre avec le soleil levant et l’aube où
les silhouettes d’Hérode et Hérodias apparaissent, tandis que Salomé
exécute la danse des sept voiles du crépuscule orange et rougeâtre à la
nuit avec au fond un grand panneau pâle sur lequel est figuré un croissant. La dernière scène se clôt également, comme dans Hérodias, avec
le soleil levant en deçà duquel le cortège funèbre de Salomé, portée audessus des épaules des danseuses, avance lentement. Saura applique
l’image du soleil, symbole principal de Iaokanann dans Hérodias, aux
personnages d’Hérodias et Hérode ; celui-ci porte un dalmatica, une
soutane de style byzantin qu’on utilise dans les églises catholiques, au
centre duquel un soleil d’or est dessiné. Le metteur en scène utilise
aussi le motif du soleil pour Hérodias, qui porte un peigne disposé verticalement dans ses cheveux, comme les rayons du soleil, et une robe
. Salomé, ballet-flamenco de Carlos Saura, DVD, collector’s édition, avec Aída
Gómez (Salomé), José Antonio et Aída Gómez pour la chorégraphie, Tomatito, invité
spécial, pour la guitare flamenco.
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ĂcŞvČe72 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2010-12-13 — 11 ŘhĞ 29 — ŇpĂaĂgĄe 177 (ŇpĂaĂgĽiŠnĂéĄe 177) ŇsĹuĹrĞ 302
VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
sur laquelle apparaît une spirale orientale. Dans Hérodias, l’identité de
la mère et de la fille se confond avec le symbole de la Lune dont la
déesse est Cybèle. Par contre, dans Salomé de Saura, la couleur blanche
est attribuée au pantalon large de Iaokanann vers qui Salomé, tout à
coup fascinée, approche et danse sur le fond bleu avec le croissant. Elle
danse dans le crépuscule et se suicide en s’entortillant d’un grand tissu
blanc de sa taille à son cou et meurt quand le soleil se lève. Comme
Wilde, Saura oppose le soleil et la lune, mais les couplages sont différents : le couple solaire et maléfique Hérode-Hérodias s’oppose au
couple lunaire et blanc Iaokanann-Salomé (chez Flaubert, c’est HérodeIaokanaan solaire contre Hérodias-Salomé lunaire). Dans l’histoire des
adaptations du mythe d’Hérodias-Salomé, il est très rare qu’on montre
Hérodias en motif solaire. La danse flamenco des sept voiles est représentée par le strip-tease des gazes multicolores et la tête coupée d’Iokanaan n’est plus un accessoire de la scène, mais l’acteur joue le rôle de la
tête, si bien que le réalisme atroce de la tête décollée en est renforcé.
La reprise des éléments flaubertiens se manifeste également dans
une mise en scène décrite dans le roman Marguerite et Salomé () de
Patrick Rödel , philosophe et spécialiste de Spinoza : la nièce de Florent
Schmitt assista durant l’été  à la création de la musique de La Tragédie de Salomé qui connut un grand succès dans l’entre-deux-guerres.
Devenue vieille, elle accepte de se charger de l’éducation du petit-fils
de son ami d’enfance, Albert II, qu’elle initie à la beauté et au secret de
Salomé. Dans le dernier chapitre, elle est invitée à assister à la représentation de La Tragédie de Salomé mise en scène par Albert II et son ami.
Dans cette adaptation du mythe de Salomé, l’origine du mythe n’est
plus l’épisode de l’Évangile, mais un ballet moderne, la mise en scène
d’une des adaptations de ce mythe, qui occupe la première place,
comme un théâtre dans le théâtre. L’auteur met en relief le processus
psychologique des artistes et leur vif attachement au mythe de « la
danse de Salomé » et à la création du mythe né de l’intertextualité même
des adaptations. Ainsi, la mise en scène elle-même devient apparemment le sujet du roman. L’« estrade », transformée en « sanctuaire » du
rite sacrificiel de Iaokanann chez Flaubert, est préparée devant la spectatrice, Marguerite. Beaucoup des éléments flaubertiens sont utilisés
d’une nouvelle manière : « Les cintres » (p. ), (d’où Salomé entre dans
la salle du festin chez Flaubert), « une tunique » (p. ) (le bras nu de
. Patrick Rödel, Marguerite et Salomé, Bordeaux, éditions Confluences, , p. . Les références au texte renvoient à cette édition.
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CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
Salomé saisit « une tunique oubliée » chez Flaubert), « un psyché [sic] »
(p. ) dans la première danse (Salomé danse « comme une Psyché
curieuse » dans Hérodias), l’image d’« une sphinge » (p. ) (souvenir
de la forte impression que Flaubert avait eue du « Sphinx »), l’image du
renversement (« vin renversé » dans le texte de Rödel ; Salomé renversée
sur ses mains dans Hérodias).
De plus, Rödel utilise un nouvel appareillage théâtral : les septs
miroirs, intimement liés aux voiles multicolores de Salomé. Dès le commencement surgit, comme dans Hérodias, la question de l’identité
jumelle entre Hérodias et Salomé : dans Hérodias, « Sur l’estrade, elle
retira son voile. C’était Hérodias, comme autrefois dans sa jeunesse » ;
chez Rödel, les deux silhouettes féminines, Hérodias et Salomé, « sont
rigoureusement semblables. » L’inceste virtuel se fait par la rencontre
des yeux entre Hérode et Salomé chez Flaubert, et le même « face à
face » a lieu dans le roman de Rödel, et se superpose au souvenir de
« cet échange de regards » entre Marguerite et Oncle Flo.
Mais la question de l’identité est mise en relief d’une façon plus
accélérée chez Rödel, d’autant plus qu’il utilise l’appareil des miroirs :
chaque fois qu’Hérode arrache un voile coloré, que « la toile rouge » ou
« une housse », sont remontées, « à chaque danse qu’elle abandonne
un de ses voiles », un nouveau miroir apparaît et la nouvelle nature
de Salomé, maléfique, violente, se dévoile. La dualité de Salomé, présente chez Flaubert, alliance de sainteté et sexualité, apparaît également ici, mais d’une façon plus théâtrale, opposant Salomé la Blanche
et Salomé la Noire. Les termes du dévoilement se succèdent, liés à
ceux des miroirs : « [...] et dévoile un grand miroir [...] » (p. ) ; « Un
deuxième miroir apparaît, celui que dissimulait une housse orangée »
(p. ) ; « Un troisième miroir se dénude » avec le voile jaune. Ce qui
nous frappe, c’est qu’à « chaque fois un nouveau miroir surgit où son
image se fragmente, se démultiplie » (p. ). Comme Hérodiade de
Mallarmé, Salomé danse à la fin pour elle-même : « Elle ne danse plus
pour Hérode ni pour les dignitaires de sa cour, elle ne danse plus
pour obéir aux ordres qu’Hérodiade lui avait donnés de séduire Hérode,
elle danse enfermée dans une solitude qu’aucun regard ne vient troubler, qu’aucun désir ne vient émouvoir, elle danse pour elle-même et
pour l’image d’elle-même que les six miroirs lui renvoient » (p. ).
Enfin, le septième miroir apparaît et avec lui la nudité de Salomé : ce
n’était pas le corps féminin d’une jeune fille, mais un corps d’homme,
celui d’Albert II, « qui se répète et se réfracte à l’infini dans les miroirs
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
qui le cernent, corps pluriel et déchiré, corps haletant et souffrant,
corps tendu en une dernière volonté pour repousser ses images brisées.
C’était la nudité d’Albert II » (p. ). S’agissant de la danse de Salomé,
incarnation de la féminité, les spectateurs attendent toujours sa nudité
sous les voiles. Pourtant, dans cette mise en scène contemporaine de
Rödel, plus on enlève les voiles, plus le corps se fragmente et se multiplie, et les genres sexuels se mélangent. Il ne s’agit plus de la dualité des
deux sexes, ni des deux principes opposés, féminin et masculin, mais
de la figure de l’androgyne. Autrement dit, cette Salomé contemporaine
dépasse la question des deux genres présentée depuis plusieurs siècles
de représentation.
L’autre courant dans les mises en scène contemporaines de Salomé
est la disparition de la tête décapitée et de la danse des sept voiles. On
ne montre plus une imitation de la tête décapitée ; Salomé ne danse
ni avec des voiles ni avec une jupe-portefeuille de gazes superposées
à enlever une à une, comme la passionnante Salomé de Karita Mattila 
dans la mise en scène de Lev Dodin () de l’opéra de Richard Strauss.
À l’occasion du centenaire de sa création, à Dresde en , les représentations de Salomé de Richard Strauss ont offert une mise en scène,
due à Peter Mussbach ( ), très originale et impressionnante : la
terrasse du palais d’Hérode est transformée en un grand bassin de piscine qui penche vertigineusement, planant dans le vide noir. Sans la
lune, l’éclairage bleu-pâle crée une atmosphère de nuit mystérieuse qui
plonge tout à coup le spectateur dans un monde étrange et inquiétant.
Jochanaan est assis au sommet d’une échelle de piscine, symbole de
la prison souterraine. La robe de Salomé, évoquant Marilyn Monroe, et
la combinaison de Jochanaan sont toutes blanches comme s’ils étaient
habillés à l’identique, alors que les autres personnages, Hérodias et
Hérode, portent des vêtements noirs. La similitude de couleur blanche
entre Salomé et Jochanaan semble respecter le motif de l’original de
Wilde, soit l’identification lunaire entre les deux protagonistes, qui pro. Salomé de Richard Strauss, mise en scène par Lev Dodin, à l’Opéra Bastille de
Paris en . Direction par James Conlon avec Karita Mattila (Salomé), Albert Dohmen
(Jochanaan), Anja Silja (Hérodias), David Borovsky pour les décors et costumes.
. Salomé de Richard Strauss, représentation de Peter Mussbach, à Semperoper,
Sächsische Staatsoper Dresden, en  pour la commémoration du centenaire de la
première représentation de Salomé en  à Dresde. Direction par Kent Nagano avec
Evelyn Herlitzius (Salomé), Alan Titus (Jochanaan), A. Schmidt-Futterer pour les décors
et costumes. C’est la première représentation de l’opéra de Strauss à avoir été retransmise en direct à la télévision allemande.
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ĂcŞvČe72 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2010-12-13 — 11 ŘhĞ 29 — ŇpĂaĂgĄe 180 (ŇpĂaĂgĽiŠnĂéĄe 180) ŇsĹuĹrĞ 302
CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
vient de celle des jumeaux solaires et saints Iaokanann et Salomé, dans
le conte de Flaubert. Mussbach enlève tout le contexte historique juif
et met en contraste la féminité jeune et âgée, Salomé et Hérodias, qui
toutes deux séduisent Hérode et Jochanaan. Dans l’intention d’exciter
celui-ci, Salomé séduit Hérode et mime l’acte sexuel. Inversement, pour
tenter Hérode vieilli, Hérodias séduit Jochanaan. Miroir l’une de l’autre,
elles sont similaires dans leur rôle de femme fatale et séductrice. Plus
surprenant est le fait que Mussbach ne fait plus exécuter à Salomé la
danse des voiles. Elle ne danse plus en enlevant ses voiles jusqu’à dévoiler sa nudité, mais pour exprimer la nudité de sa passion. La scène de
la tête coupée est également omise. Salomé se glisse sous le linceul qui
recouvre Jochanaan décapité et elle se transforme avec lui en une statue moderne informe. Mussbach enlève ainsi du climax traditionnel la
fameuse danse des voiles et le baiser sanglant de Salomé sur la tête décapitée, ce qui est révolutionnaire dans l’histoire centenaire de l’opéra de
Strauss, pour aller directement au cœur de la question de la passion et
de la libido.
Cette tendance à supprimer la danse des sept voiles et l’épisode de la
tête coupée se retrouve dans le genre romanesque contemporain. Dans
Salomé () de François Weyergans , roman de sa jeunesse quand il
était critique de cinéma, le narrateur confie dans son monologue ses
fantasmes autour de la figure de Salomé, associant les femmes réelles
avec qui il a eu des relations sexuelles et qu’il appelle toutes Salomé
et les références culturelles, littéraires ou musicales, liées à Salomé :
Salomé de Strauss, Hérodias de Flaubert, Salomé de Wilde, etc. D’une
part, il relate les plaisirs réels qu’il a avec les femmes, pour écorcher vif
la jouissance, la passion et la libido associées à ce mythe de Salomé ;
d’autre part, il associe sa peur et ses angoisses en tant qu’apprenti
cinéaste préparant un film sur Salomé, à celles de ses prédécesseurs qui
ont adapté ce mythe, si bien que le corps « réel » de Salomé se mêle à
celui de Salomé dans son écriture, et son regard comme cinéaste à celui
de son objet, Salomé elle-même. Les digressions sur ses souvenirs, la
confession du sexe pervers et du plaisir avec ses Salomés, celle de son
désarroi et de ses obsessions créent un autre fantasme de l’écriture et
du rythme, dévoilant la nudité de sa passion pour une Salomé éternelle.
La Salomé du xxie siècle n’a plus besoin de la danse des sept voiles ni
du baiser à la tête décapitée, mais elle acquiert une nouvelle existence
. François Weyergans, Salomé, roman, Clamecy, Éditions Léo Scheer, ,  p.
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
en tant que fantasme de l’écriture et de la langue à travers l’intertextualité, et le seuil entre homme et femme tend souvent à disparaître dans
la recherche de la sexualité.
Ce n’est pas un hasard si ces deux courants dans l’évolution de la mise
en scène de Salomé sont contemporains, si on les rapporte à la genèse
de la danse de Salomé à la fin du xixe siècle : depuis la première description littéraire, par Flaubert, de la fille sans nom d’Hérodias, la dualité
des deux principes soleil-lune et la question de l’identité de SaloméHérodias suscitent toujours l’intérêt des metteurs en scène, d’autant
plus que c’est là l’origine de la « modernité » du mythe de la femme
fatale. Puisque Wilde a privilégié l’aspect lunaire du mythe et a sublimé
la question de la passion et la libido avec le sacrifice des deux protagonistes, ceux qui cherchent à renouveler la représentation wildienne
qui a dominé tout le xxe siècle doivent désormais revoir la danse des
sept voiles et la scène du baiser sanglant. À la recherche de la nudité de
Salomé, on a abouti à supprimer la danse des voiles et le baiser visuel :
il ne s’agit plus d’un érotisme visuel du corps, mais d’une mise à nu
plus intérieure. Pénétrant les arcanes du mystère d’Éros et Thanatos, du
conflit entre l’esprit et la chair, et de la question moderne de l’identité,
le mythe de Salomé commence à apparaître comme un nouveau mythe
de l’humanité, dans toute son intertextualité.
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VERS UN NOUVEAU MYTHE LUNAIRE DE SALOMÉ
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ĂcŞvČe72 — DĂéŊpĂaĹrĹt ĹiŠmŇpĹrĹiŠmĂeĽrĹiĂe — 2010-12-13 — 11 ŘhĞ 29 — ŇpĂaĂgĄe 184 (ŇpĂaĂgĽiŠnĂéĄe 184) ŇsĹuĹrĞ 302
CAHIERS VICTORIENS ET ÉDOUARDIENS, n° 72 (octobre 2010)
Rödel Patrick, Marguerite et Salomé, Bordeaux, Éditions Confluences, ,
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Salomé, Ballet-flamenco de Carlos Saura, DVD, collector’s édition, avec Aída
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Tomatito, invité spécial, pour la guitare flamenco.
Salomé, Strauss, Paris, Avant Scène Opéra, no , ,  p.
Salomé de Strauss Richard, mise en scène par Dodin Lev, à l’Opéra Bastille de
Paris en . Direction par Conlon James avec Mattila Karita (Salomé),
Dohmen Albert (Jochanaan), Silja Anja (Hérodias), Borovsky David
pour les décors et costumes.
Toudouze, Gustave, Le coffret de Salomé : nouvelle vénitienne, Dentu, Éditeur,
.
Weyergans François, Salomé, roman, Clamecy, Éditions Léo Scheer, ,
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Wilde Oscar, The Complete Letters of Oscar Wilde, edited by Holland Merlin and Hart-Davis Rupert, New York, Henry Holt and Company, ,
p. .
—–. Salomé, édition bilingue, présentation de Pascal Aquien, illustrations de
Beardsley Aubrey, Paris, Flammarion, , p.  ; -.
—–. Salomé, premier manuscrit autographe de  ; première édition française de  ; première édition anglaise de , Introduction de Messerli Sylviane, Fondation Martin Bodmer, PUF, Paris, , p. -.
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Sake, Paris, Librairie Minard, , p. .
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