Erasing Leopold`s drawing
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Erasing Leopold’s drawing Entretien avec Léopold, un étudiant de l’école Erasing Leopold’s Drawing Ayant décider de vivre complètement ma vie d’étudiant, je me suis engagé déjà depuis plus de deux ans dans l’association des étudiants des beaux-arts de Bordeaux, Le Café Pompier. Cette année j’en suis le président. La première fonction du Café Pompier est de remplir le rôle de cafétéria de l’école, nous proposons un service de restauration du lundi au vendredi de 9h00 à 20h00. Le deuxième rôle du Café est de proposer une programmation culturelle en pont avec l’école des beaux- arts (conférences, soirées, concerts). Le lieu est donc dans un entre-deux plutôt paradoxal. Nous sommes une équipe d’étudiants bénévoles, lorsque nous ouvrons nos portes au public, nous sommes amenés à faire face à plusieurs sortes de débordements. Celui qui m’intéresse ici est la responsabilité que nous avons envers l’entretien des lieux communs au Café et à l’école, comme la cour et les toilettes. 39 Erasing Leopold’s Drawing N : Sais-tu que l’administration nous demande de nettoyer les toilettes du Café Pompier car elles appartiennent à l’école ? Pourquoi est ce que tu tag ton prénom dans les toilettes du café ? L : Avant je pratiquais le graffiti, chose que je ne fais plus maintenant, ou du moins je m’en suis beaucoup détaché. C’est vrai que c’est facile de taguer dans les chiottes du Pompier car on peut s’enfermer et être vraiment tranquille pour passer à l’acte, je ne considère donc pas ça comme étant vraiment du graff. Tandis que dans le graff vandale que je pratiquais avant, il fallait être discret et se cacher derrière un blaze. C’est un truc assez schizophrénique, tu finis par faire un amalgame entre ce que tu es et ta signature. Mais sachant qu’au Café il n’y a aucun risque, je tag mon prénom justement pour que l’on me reconnaisse, pour faire sourire mes amis, mais aussi pour voir à quel moment on me demanderait des comptes, chose que tu es venu me faire. Mais vous êtes une équipe de bénévoles, vous savez que ce genre de sale boulot fait parti de votre engagement. N : Oui c’est vrai, mais il y a une pression de l’école et un ras le bol de refaire les choses en boucle. Tu dis que si tu tag ton prénom c’est pour voir à quel moment l’on viendrait te demander des comptes, pourtant quand je t’ai demandé de sacrifier une heure de ton temps 40 Erasing Leopold’s Drawing pour m’aider à nettoyer, tu as refusé. Tu m’as même demandé quelle autorité voulait t’imposer ca, moi, le Café Pompier, ou bien l’école ? Mais perçois-tu le geste d’apposer sa signature sur un mur, de plus dans une école d’art comme quelque chose d’autoritaire ? L : Le tag c’est du pur égo dans tous les cas, même si tu te caches derrière un pseudo, tu fais ta propre publicité. Quand ça se passe dans la rue, tu te bas contre des mecs, des crews. Mais dans l’école, la question de l’autorité, de la signature et de l’auteur m’intéresse beaucoup, c’est ce qui valide une marchandise en tant qu’œuvre ou vice-versa sur le marché, j’assume totalement ce geste comme étant autoritaire. Mais je travaille beaucoup en collectif, du coup je suis amené à me poser aussi des questions sur l’individu. Ce sont des questions autour de la représentation, tu vois c’est comme faire de la musique et monter sur scène à deux, trois ou tout seul, quelle est la place de l’individu ici ? Mais ce sont des questions que je me pose à moi-même, je ne prétends pas avoir un discours précis à tenir sur ce sujet. N : Pourtant, ce qui m’a donné envie de faire cet entretien, c’est justement le fait que ton geste pose ses questions à ton détriment et qu’il dépasse la sphère à laquelle il est destiné. Lorsque tu apposes ton nom dans ces toilettes, tu t’adresses au public du Café 41 Erasing Leopold’s Drawing Pompier, pourtant l’école demande au Café Pompier de maintenir ces lieux propres et donc ta forme finie par se retrouver aussi dans la sphère relationnelle et institutionnelle de l’école. Tu es le seul reconnaissable parmi tous les tageurs, l’école demande des comptes au café, le café te demande des comptes. Pour demander le matériel nécessaire pour effacer les tags, j’avais besoin de me justifier auprès de l’école que je t’avais demandé de nettoyer, ce après quoi l’école te demande des comptes. Et quand tu as manifesté ton refus de payer pour tous les autres, j’ai trouvé ton discours intéressant. L : Oui, j’ai eu envie aussi de répondre à tes questions parce qu’au-delà du geste, ce qui m’intéresse c’est la discussion qu’il génère. Peut importe l’objet que l’on présente, tu ne le poses pas juste pour le regarder puis te barrer, tu le poses pour en parler. Mais dans tous les cas, je refuse de donner une heure de mon temps pour nettoyer les chiottes, peut-être que je n’assume pas jusqu’au bout effectivement. Mais si j’acceptais de le faire ça serait un effort vain, on aurait retrouvé les chiottes dans le même état deux semaines plus tard. Ma responsabilité je la prends justement dans le fait de taguer mon prénom, cela serait à l’encontre de ce geste que de le nettoyer. -------------------------------------------------------------Suite à cet entretien, j’efface le dessin de Leopold. 42 Erasing Leopold’s Drawing 43