Les modèles d`affaires dans l`espace numérique

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Les modèles d`affaires dans l`espace numérique
Programme international de recherche
« Information Systems Dynamics »
Le programme ISD porté par la Fondation CIGREF, a pour ambition de dessiner les contours possibles de l’entreprise de 2020, en
tenant compte à la fois de l’histoire des usages des systèmes d’information dans l’entreprise et des émergences en cours au plan sociétal.
Avec la collection « Les Essentiels », la Fondation CIGFREF propose une synthèse de chacun des projets portés par le programme ISD
« Les essentiels »
Les modèles d’affaires
dans l’espace numérique
Un écosystème de création de valeur
UniFoBM (Towards a Unified Framework for Business Modelling in the Evolving Digital Space: An Eco-System Approach, Identifying the
Co-Creation of Value with Customers, Complementors, Competitors and Community) est un projet de recherche mené par Omar El Sawy
et Francis Pereira, Professeurs à la Marshall School of Business de l’Université de Californie du Sud.
Omar El Sawy, Professeur en management de l'information et des opérations, s’est spécialisé dans l’analyse des modèles d’affaires
pour les plateformes numériques. Auteur de plus de cent articles, membre de plusieurs comités de rédaction, il a été Conseiller auprès
du Programme des Nations Unies pour le développement en Egypte.
Francis Pereira est directeur de la recherche industrielle à l’Institute for Communication Technology Management de l’Université
de Californie du Sud. Diplômé en économie politique (Ph. D.), il y enseigne l’économie, les statistiques et le commerce électronique.
Ses recherches portent sur le domaine des télécommunications, l’adoption du e-commerce dans les entreprises et les modèles d’affaires
dans le nouvel environnement multimédia.
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Quels modèles d’affaires pour l’entreprise numérique ?
Dans leur étude 1, Omar A. El Sawy et Francis Pereira affirment que les approches existantes pour décrire des modèles d’affaires ne sont pas adaptées
aux nouveaux modèles d’entreprises numériques. Ils proposent un nouveau cadre de référence adapté à ce contexte numérique : VISOR (Valeur,
Infrastructure, Services, Organisation et Revenus), illustré à travers trois études de cas. Il est ensuite appliqué à un exercice de prospective qui aboutit
à trois scénarios pour l’entreprise à l’horizon 2020.
Un changement des règles du jeu
Les avantages compétitifs se périment plus rapidement que par le passé
Perturbations économiques, évolutions sociétales et exigences de vitesse ont un impact majeur pour les entreprises : les technologies et services deviennent
rapidement obsolètes dans l’écosystème numérique de sorte que les avantages compétitifs dont elles disposent s’entendent désormais sur du court terme.
L’agilité prime sur les capacités de production
De fait, les capacités les plus importantes pour une entreprise ne sont plus la fourniture de produits et services, mais celles qui permettent de
modifier dynamiquement les produits et services fournis (R&D, marketing, transformation des processus métier...).
De nouvelles attitudes managériales s’avèrent nécessaires
Les écosystèmes numériques changent non seulement rapidement, mais aussi de manière imprévisible. En outre, ces écosystèmes ne retrouvent pas
toujours leur niveau d’équilibre après un changement brutal et peuvent même disparaitre rapidement.
La « coopétition » devient incontournable
Pour se préparer à ces imprévus, un nouveau type de posture managériale est nécessaire : la capacité à développer de nouvelles approches et
perspectives, et une attention stratégique portée sur la vulnérabilité face aux risques. Dans ce contexte, la logique de « coopétition » s’impose.
1
Towards a Unified Framework for Business Modelling in the Evolving Digital Space: An Eco-System Approach, Identifying the Co-Creation of Value with Customers,
Complementors, Competitors and Community. University of Southern California - Marshall School of Business, 2011, 74 pages.
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
De nouvelles approches pour créer de la valeur
La notion même de valeur change dans un monde numérique : la valeur est co-créée, co-transformée et co-capturée par l’ensemble des acteurs de
l’écosystème : consommateurs, concurrents, partenaires stratégiques et communauté.
L’expérience client supplante le prix
La vision classique de la valeur, mesurée à l’aune de l’utilité d’un bien ou du prix qu’un consommateur est prêt à payer, n’est pas adaptée pour les
services numériques parce que, dans un écosystème numérique, les biens et les services ne sont pas standardisés mais, au contraire, complexes,
personnalisés et constitués de composants modulaires fournis par tout un réseau d’entreprises. Dans un tel contexte, il est plus pertinent
d’envisager la valeur comme une expérience créée à travers l’usage et perçue par chaque client au moment où il active un service numérique.
Les consommateurs co-créent la valeur
Une nouvelle théorie, appelée la logique du service dominant (service dominant logic), affirme que la valeur est co-créée à la fois par les
consommateurs, par un réseau d’entreprises et d’autres acteurs. Ceux-ci n’échangent pas simplement des biens ou des services, mais la mise en
application d’un ensemble de capacités, de compétences et de connaissances.
Mesurer la création de valeur : une approche classique VRIN…
L’approche classique est basée sur les ressources dont disposent les entreprises. Pour s’approprier de la valeur, celles-ci doivent disposer de
ressources Valorisables, Rares sur le marché, difficiles à Imiter et Non-remplaçables (VRIN).
…Une approche classique qui doit capitaliser sur les alliances
Ce modèle VRIN doit s’adapter aux environnements numériques : les entreprises peuvent tirer profit de services sur lesquels elles n’ont pas
d’avantage compétitif, ou en nouant des alliances pour accéder à une combinaison de ressources répondant aux caractéristiques VRIN (cospécialisation des ressources).
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Ecosystèmes numériques : quelles tendances ?
Plusieurs tendances vont marquer les écosystèmes numériques à l’horizon 2020 : l’Internet des objets, avec des milliards de capteurs et de machines
reliées à Internet, l’informatique dans les nuages (cloud computing), les smartphones avec leurs possibilités d’interactions multisensorielles, ou
encore la réalité augmentée, dans laquelle l’environnement réel est enrichi d’informations générées par des capteurs et ordinateurs. Sur le plan
sociétal, on notera la montée des valeurs liées au développement durable, à la transparence, au partage (Open source, médias sociaux…) et à la
« glocalisation », combinaison de préoccupations globales et d’un besoin de préserver culture et spécificités locales.
Pour l’entreprise, trois changements majeurs sont à anticiper. D’abord, la primauté de l’expérience client, via des plates-formes numériques, et les
besoins de personnalisation : l’expérience du consommateur découle du processus de consommation et de l’expérience ainsi créée. Ensuite, la cocréation de valeur distribuée : les frontières de l’entreprise vont devenir de plus en plus poreuses et il va être difficile de déterminer où s’arrête
l’entreprise et où commence l’écosystème. Le modèle des consommateurs-producteurs, qui deviennent eux-mêmes des professionnels en
s’engageant dans la production des produits et services qu’ils consomment, va prendre de l’ampleur.
Enfin, des expérimentations permanentes sur le modèle du « capter et répondre » : la multiplication des données fournies par des capteurs va
entraîner le développement de capacités d’analyses complexes, permettant d’interpréter des masses de données de manière intelligente.
Les écosystèmes numériques sont différents de ce qui existait auparavant. L’une des différences majeures réside dans le fait que la technologie et le
métier ne forment plus qu’une seule et même trame. En d’autres termes, cela n’a plus guère de sens de parler de l’informatique comme d’un outil
ou un environnement tenu à distance des activités métiers.
VISOR : un cadre unifié de modèle d’affaires dans un espace numérique
VISOR, cadre unifié pour définir un modèle d’affaires numérique, comporte cinq éléments :
• Une proposition de Valeur qui consiste à identifier la valeur fournie au client final, même si l’entreprise n’est qu’un maillon d’une chaîne plus vaste
• Une Interface caractérisée par sa facilité d’usage, sa simplicité, son caractère pratique,
• Une plate-forme de Services : qui est un « terrain de jeu » sur lequel les partenaires vont collaborer, là où la valeur sera assemblée et où les
consommateurs accèderont à une proposition de valeur,
• Un modèle d’Organisation qui permet de comprendre en quoi l’entreprise est dépendante des autres,
• Un modèle de Revenus : capable d’identifier les préférences des utilisateurs et les prix que les consommateurs sont prêts à payer.
Un cas d’affaires réussi est celui qui parvient à aligner les différents composants de VISOR, de façon à fournir la meilleure proposition de valeur, celle
qui accroît la volonté de payer de la cible de clients visée, tout en diminuant les coûts nécessaires pour fournir les services proposés.
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Modèle d’affaires de l’entreprise numérique : les points d’attention
Eléments du modèle VISOR
Points d’attention
Proposition de Valeur
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Attractivité des offres
Population cible et taille du marché
Complémentarité des offres
Co-créativité avec les consommateurs.
Interfaces
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Fonctionnalités (facilité d’usage)
Esthétique (formats et graphisme)
Fluidité (capacité de personnalisation)
Résilience face aux erreurs d’utilisation
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Architecture (ouverte ou fermée)
Agnosticisme sur différents systèmes Acquisition (développement spécifique ou intégration
de composants existants)
Accès (libre ou restreint)
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Efficacité des processus
Qualité des partenariats
Capacité à puiser dans les ressources de l’écosystème
Qualité de la gestion de projets
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Tarification et modèle de financement
Partage des revenus entre partenaires
Structure de coûts
Le volume potentiel des ventes
Plate-forme de Services
Modèle d’Organisation
Modèle de Revenus
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Modèles d’affaires numériques : trois exemples
Nike+, l’effet de levier des partenariats dans l’écosystème
Le fabricant d’équipements sportifs Nike a observé que la motivation et la performance étaient deux aspects importants dans l’expérience de ses
clients. Il a donc réfléchi très tôt à une chaussure « intelligente ». Lorsque de plus en plus de coureurs se sont mis à pratiquer leur sport en musique,
avec une prédilection pour l’iPod d’Apple, Nike a alors envisagé de combiner analyse des performances, musique et course en proposant une
nouvelle expérience aux consommateurs. Le client achète un capteur de vitesse qu’il place dans le talon d’une chaussure Nike compatible. Le capteur
transmet des données à l’iPod, et celui-ci enregistre le temps, la vitesse et la distance parcourue. Ces données peuvent être transférées sur le site
Web Nike+ et partagées avec des amis à travers les médias sociaux. La possibilité de suivre et de comparer ses performances dans le temps a généré
une valeur forte pour les consommateurs. Nike expérimente désormais une intégration avec Google Maps pour retracer les parcours des coureurs.
Humana : améliorer l’expérience utilisateur
Humana est un groupe américain offrant notamment des services de complémentaire santé. La société s’est rapprochée d’un de ses concurrents
basé en Floride pour développer un portail Web unique d’accès aux plans d’assurance santé pour les cabinets médicaux, afin de leur simplifier la
tâche. Ainsi, les médecins peuvent accéder facilement aux données de leurs patients et n’ont pas besoin de former leurs collaborateurs à autant
d’outils différents qu’il existe de sociétés d’assurances. Une fois le portail en place, il a été possible de l’utiliser pour proposer d’autres services,
comme l’e-prescription. Ces services ont généré près de 70 millions de dollars de chiffre d’affaires en un an.
Zipcar, la personnalisation du service
Zipcar évolue sur le marché en développement des véhicules partagés, une déclinaison du modèle traditionnel des loueurs dans laquelle les voitures
ne sont plus louées à la journée mais à l’heure. Les clients paient des frais d’entrée annuels et ont ensuite la possibilité d’accéder à une voiture dans
les lieux où ils en ont besoin (universités, centres urbains) pour un prix n’excédant pas huit dollars de l’heure. L’une des bases du modèle est
l’utilisation de capteurs RFID permettant de détecter les cartes des abonnés pour déverrouiller et verrouiller les portes.
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Trois scénarios prospectifs pour l’entreprise à l’horizon 2020
Scénario n°1 : les modèles du « Libre, parfait, tout de suite »
Dans l’écosystème numérique, les régulations permettent désormais la copie de produits numériques sans charges additionnelles. Le marché
compétitif et la réticence des consommateurs à payer ont conduit les entreprises à proposer des produits gratuitement. Dans ce scénario, le modèle
traditionnel des entreprises ne fonctionne plus. Celles-ci ont alors deux options : miser sur l’interface, en faisant payer le consommateur pour
différents niveaux d’expérience, ou miser sur l’organisation, en s’associant, par exemple, à des partenaires qui proposent les services numériques
gratuitement en échange de l’achat de produits physiques, en intégrant leurs produits numériques dans des produits physiques ou en faisant payer
des tiers pour accéder à leur base de clients.
Scénario n°2 : le consommateur « professionnel » impliqué dans l’évolution du service
Dans l’économie numérique, les consommateurs deviennent des créateurs de contenus numériques qu’ils peuvent échanger ou vendre sur le
réseau. Ils peuvent acheter des produits d’une entreprise et lui ajouter des fonctionnalités, puis les revendre, l’entreprise touchant alors des
royalties. La recherche et le développement de nouvelles caractéristiques sont désormais « crowd-sourcés », c’est-à-dire qu’ils font appel aux
consommateurs. L’innovation ouverte devient la norme. Le modèle de la distribution classique a disparu, au profit de « pro-consommateurs » au
service de l’entreprise.
Scénario n°3 : improvisation automatisée en temps réel
Dans ce scénario, l’environnement numérique est marqué par la prolifération des capteurs ; l’Internet des Objets est devenu réalité. La capacité à
analyser des volumes massifs de données permet un retour en temps réel, et la business intelligence appliquée à l’analyse de l’opinion collective est
largement utilisée. Cela permet d’expérimenter et d’améliorer des produits et services numériques de manière quasi-instantanée. Dans ce scénario,
ce sont d’abord les partenariats et les processus métiers qui priment.
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ISD, les essentiels
Mars 2012
Les modèles d’affaires dans l’espace numérique
Le Comité scientifique de la Fondation CIGREF
Pr. Ahmed Bounfour
Université
Paris Sud 11
Pr. M. Lynne Markus
Bentley
University
Pr. Pirjo Stahle
Finland Futures
Research Center
Jean-Eric Aubert
World Bank
Institute
Pr. S. K. Batra
Institute
of Management
Technology Ghaziabad
Pr. M Beaudouin-Lafon
Université
Paris Sud 11
Pr. P-J Benghozi
Pr. M. Cavalcanti
Federal University
of Rio de Janeiro
Pr. Leif Edvinsson
University
of Lund
Patrick Fridenson
EHESS, Centre
de Recherches
Historiques
Dominique Guellec
OCDE, Senior
Economist
Pr. Tom Housel
Naval postgraduate
School of management
Pr. Juinichi Iijima
Tokyo Institute
of Technology
Pr. Moez Limayem
University
of Arkansas
Pr. Rik Maes
University
of Amsterdam
Pr. P. Meusburger
University
of Heidelberg
Pr. Ian Miles
University
of Manchester
Pr. Yves Pigneur
Université
de Lausanne
Gérald Santucci
Cion Européenne, DG
Société de l’Information
Pr. Frantz Rowe
Université
de Nantes
Pr. Eric Tsui
Hong Kong
Polytechnic
University
École
Polytechnique
La Fondation CIGREF bénéficie du soutien de :
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de la Fondation CIGREF
www.fondation-cigref.org
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ISD, les essentiels
Mars 2012