LeWitt et Merz - Musée d`art contemporain de Lyon

Transcription

LeWitt et Merz - Musée d`art contemporain de Lyon
Sol LEWITT et MARIO MERZ
Œuvres de Sol LeWitt acquises en 1988
à l’issue de l’exposition Sol LeWitt/
Mario Merz (1987) :
Wall Drawing # 542, 1987
Dimensions : tracé sur le mur selon
diagramme ; à sa création en 1987 : 4,50 x
26,50 m
N° d’inventaire : 988.6.1
Wall Drawing # 543, 1987
Dimensions : tracé sur le mur selon
diagramme ; à sa création en 1987 : 4,50 x
66,30 m
N° d’inventaire : 988.6.2
Nous rencontrons Sol LeWitt
et Mario Merz en 1986 pour
proposer, à l’un, le sol, et, à
l’autre, les murs d’un étage
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entier du Musée : 800 m de
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plancher, 850 m de paroi. Ce
projet est la réplique, à
l’ampleur des espaces près,
d’une exposition organisée par
Mario Pieroni et Dora, à
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Rome, en décembre 1985.
Rien, a priori, ne réunit les
deux artistes, et pourtant, ça
marche ! :
la
suite
de
Fibonacci et la planéité
colorée du mur construisent
ensemble une métaphore
inédite. Il s’agit pour nous,
après l’épisode de Kosuth, de
Vue de l’exposition Sol LeWitt/ Mario Merz, 8 octobre-23 novembre la production d’un moment, de
1987. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
son exposition et de son
acquisition. L’exposition se tient du 8 octobre au 23 novembre 1987. Les artistes viendront
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d’abord prendre la mesure de l’espace (800 m , 4,80 m sous plafond), puis Pietro Sparta sera
l’assistant de Mario Merz que l’on verra peu avant le vernissage. Il lui dictera auparavant ses
instructions par téléphone et télépathie. Sol LeWitt, dont les dessins muraux (Wall Drawings)
sont réalisés en son absence par des assistants (les « traceurs »), viendra, comme toujours,
peu après l’ouverture, loin des bruits et des regards, vérifier l’exactitude de ses décisions
initiales.
À l’issue de l’exposition, tandis que LeWitt accepte de céder au Musée les deux Wall Drawings
pour le montant que nous lui proposons, Mario Merz refuse. N’acceptant pas de fragmenter ce
moment unique (sur la notion de moment, voir les notices d’Abramović/Ulay, Kosuth, Fabre),
nous décidons de garder l’intégralité de l’œuvre de LeWitt, mais de ne rien conserver de Mario
Merz. Un détail de Merz ne serait en effet qu’une injonction thérapeutique, un souvenir en
représentation (spectacle ou artifice), une synecdoque. Or, le moment dans son intégrité est
performatif, pour cette raison, il est mémoire, tandis que la figure de style, elle, est symptôme
ou réminiscence.
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À cette date, le Musée d’art contemporain est installé dans une aile vacante du Musée des beaux-arts au
sein du Palais Saint-Pierre. Il se nomme Saint-Pierre Art Contemporain et occupe deux puis trois étages
successivement. Il quitte les lieux à l’ouverture du Musée actuel conçu par Renzo Piano et inauguré en
décembre 1997 à l’occasion de la 3e Biennale de Lyon.
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Galerie Pieroni, du 14 décembre 1985 au 15 mars 1986, Rome.
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Pietro Sparta, galerie Pietro Sparta, Chagny, Saône-et-Loire (Givry, Santenay, Chorey-les-Beaune,
Savigny, Mercurey…).
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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Les musées généralement collectionnent les symptômes et construisent leur corps malade sur
des généralités, les périodes, (des dysmorphoses) qui n’ont pas de périmètre temporel distinct.
À l’inverse, le moment, en tant que durée circonscrite, préserve son laps et le transfère
intégralement, sans modification aucune, dans l’éternité. (Acquise, l’œuvre, comme par
transsubstantiation s’incarne en patrimoine, à ce titre, elle est éternelle.) Le moment est, par
conséquent, un séquencement d’infini, une temporalité manifeste posée sur un intangible. Le
moment serait à la collection ce que « l’objet premier » (G. Kubler) pourrait être à l’histoire de
l’art, si celle-ci ignorait la « série ». Le moment est à la durée ce que le chef-d’œuvre est à la
« série historique ». En perdant l’instant de ce moment unique, c'est-à-dire en perdant Merz,
nous perdons également le caractère générique de cette association désormais rompue. (Sur
l’œuvre générique – le générique c’est la capacité à faire du moment artistique circonscrit un
genre, qui englobe et spécifie tout à la fois une problématique particulière, et qui la rend
opératoire et signifiante. Le générique est applicable par extension, et à ce titre il est
généralisable – voir les notices de Filliou, La Monte Young/Marian Zazeela, Kabakov)
Sol LeWitt sur « l’art conceptuel » :
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« Dans l’art conceptuel, l’idée ou le concept est l’aspect le plus important de l’œuvre. »
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Question : Quand vous avez dit « Les artistes conceptuels sont mystiques », qu’entendiezvous par « mystique » dans ce contexte ?
Réponse : Je voulais dire non rationnels.
Q : On a dit que vous étiez à l’origine du terme « Art Conceptuel ».
R : Non, je l’ai simplement cueilli. Henry Flynt a écrit un article intitulé « Art Conceptuel » au
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début des années 1960 . Mais son idée était Duchampienne-Fluxus. La mienne avait plus à
voir avec la façon dont les artistes travaillent, quand ils insistent plus sur l’idée que sur l’effet.
Q : Est-ce que la même œuvre pourrait être reproduite dans un autre lieu ?
R : Je pense à elles comme à des partitions musicales qui peuvent être rejouées par
différentes personnes. J’aime l’idée que l’œuvre puisse exister en deux ou plusieurs endroits
en même temps. »
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Sol LeWitt sur « le Wall Drawing » :
« Je voulais faire une œuvre d’art qui soit la plus
bidimensionnelle possible. […]
Il semble plus naturel de travailler directement
sur le mur que de faire une construction sur
laquelle on peint, pour ensuite l’accrocher sur le
mur. […]
Les propriétés physiques du mur : hauteur,
longueur, couleur, matériaux et les intrusions et
conditions architecturales sont une part
nécessaire aux Wall Drawings. »
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Vue de l’exposition La collection : Installations
l’exotisme sans partage, 9 juin-17 septembre
2000. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
Sol LeWitt : « faire des Wall Drawings » :
« L’artiste conçoit et dessine le plan du Wall
Drawing. Puis il est réalisé par des traceurs
(l’artiste peut être son propre traceur) ; le plan
(écrit, parlé ou dessiné) est interprété par le
traceur.
Il y a des décisions que les traceurs prennent à
l’intérieur du plan, comme si elles étaient des
parties du plan. Chaque être étant unique, la
même instruction sera comprise différemment et
sera interprétée différemment. […]
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« Paragraphe sur l’art conceptuel », Artforum, vol. 5, n° 10, juin 1967.
Henry Flynt, « Concept Art », in La Monte Young, An Anthology of Chance Operations…, 1963, New
York. Flynt/Basquiat
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Andrea Miller-Keller, conservateur au Wadsworth Atheneum, Hartford (Connecticut), extrait de
correspondance avec Sol LeWitt, 1981-1983, in Sol LeWitt, Wall Drawings, 1984.
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Arts Magazine, n° 6, New York, avril 1970.
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Art Now , n° 2, Clinton, juin 1970.
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© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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Les contributions du traceur ne sont pas prévues par l’artiste, même si l’artiste est son propre
traceur. Si le traceur suivait le même plan deux fois, il y aurait deux œuvres différentes.
Personne ne peut faire deux fois la même chose. […]
Le Wall Drawing est une œuvre de l’artiste, aussi longtemps que le plan n’est pas violé. S’il
l’est, le traceur devient artiste et le dessin est son œuvre, dans ce cas l’art est une parodie du
concept original.
Le traceur peut faire des erreurs en suivant le plan. Tous les Wall Drawings contiennent des
erreurs, cela fait partie de l’œuvre. »
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P.-S. : dès 1984, nous retenons une œuvre de Mario Merz chez Michel Durand-Dessert : Le
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retour des journaux le jour d’après quand personne n’est plus intéressé à les lire . L’œuvre est
acquise par le FNAC et déposée au Musée d’art contemporain en 1985. En 2000, le FNAC
acquiert Cono, qui fut un des éléments de l’exposition Merz/LeWitt, cette pièce « symptôme »
est d’abord déposée au Musée de Grenoble, puis nous acceptons de l’accueillir en 1999. En
2007, à la suite d’un transfert de propriété, ces deux œuvres rejoignent la collection de Lyon
sous les numéros d’inventaire respectifs 2007.12.3 et 2007.12.30.
Vue de l’exposition La collection : Installations l’exotisme sans partage, 9 juin-17 septembre 2000.
©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
Sol LEWITT,
Né en 1928 à Hartford (États-Unis), décédé en 2007 à New York (États-Unis)
Mario MERZ,
Né en 1925 à Milan (Italie), décédé en 2003 à Turin (Italie)
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Galerie Michel Durand-Dessert, Paris, rue des Haudriettes, puis à la Bastille. Aujourd’hui fermée, la
galerie eut une influence considérable.
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Traduction littérale faite avec Mario Merz, avant que l’œuvre ne soit rebaptisée en Proliferazione di
notizie e di parole.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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