Atelier 3
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Atelier 3 ................................................................................................................. ECOLE DU CHOIX, CHOIX DE L’ECOLE Texte 1 : Choisir son école, choisir à l’école Par Alain Taupin Choisir son école, choisir à l’école, choisir dans l’école, autant de figures qui délimitent l’espace dans lequel se déploient les logiques institutionnelles et familiales d’orientation scolaire. Les comparaisons internationales nous montrent que les rapports de l'école aux pratiques d’orientation relèvent d’attentes sociales parfois bien différentes. La question de l’orientation est en effet souvent posée à travers l’organisation des dispositifs qui visent à accompagner de façon plus ou moins étroite les jeunes dans leur parcours personnel de formation, puis d’accès à une qualification, enfin de préparation à leur insertion professionnelle. Légitime, cette approche n’épuise pas la question des modèles sociaux qui valident l’action des différents acteurs concernés. Ce sont ces modèles qu’il faut interroger à travers les réponses apportées par les enquêtes internationales à la question de l’orientation au sein et autour des systèmes de formation. Tous les pays évolués sont en effet aujourd’hui confrontés au caractère complexe de la problématique de l’orientation qui, globalement, suppose la combinaison de procédures institutionnelles, administratives, étatiques ou non, et la prise en compte des composantes diverses de la dimension forcément personnelle du choix. A travers les évocations des pratiques de l’orientation mises en œuvre dans différents pays de l‘espace européen on s’intéressera particulièrement à ce qui constitue l’élément du « choix », « de ce qu’il y a ou non à choisir » et du process qui y conduit. On cherchera donc à faire apparaître ces « à choisir », leurs expressions et leurs conséquences, ce qu’ils induisent, ce qu’ils excluent et comment finalement, ils questionnent le modèle français. Par exemple, la pratique dans notre pays des règles de la carte scolaire, de la carte des formations, interroge la liberté du choix d’orientation, celle des élèves et de leurs parents, mais aussi en miroir, celle des établissements et de leurs « territoires », des professionnels de l’éducation et de l’orientation. C’est à partir des questions ainsi posées que se travaillera la place des critères de l’orientation, évaluations individuelles, jugements collectifs, procédures gestionnaires. Enfin, le recours à la production ou non d’indicateurs statistiques, le choix des réalités que ceux-ci cherchent à décrire, leur accessibilité, les degrés de leur mobilisation et de leur usage dans le contexte du choix d’une formation ou d’un cursus d’orientation (et dans ce cas notamment celui du sens des valeurs moyennes dans des moments de recherche de discriminants pour choisir), seront autant de caractéristiques de pratiques internationales autres qui interrogent notre modèle français. Alain Taupin, IGAENR (Paris) Texte 2 : Orienter, sélectionner ou reléguer les élèves… ou promouvoir une école réellement orientante dans laquelle les élèves apprendraient aussi à s’orienter. Par Marc Demeuse Parmi les difficultés identifiées par le Gouvernement lui-même, en Belgique francophone, comme dans d’autres systèmes éducatifs d’ailleurs, est notamment pointé le fait que « certaines filières et certaines options sont alimentées par un choix négatif, vécu par les élèves comme une forme d’échec et, souvent, de relégation »1. Le texte du gouvernement précise encore : « cet état de fait, notamment lié à la structure et aux usages du système éducatif, est totalement contre-productif ». Deux objectifs au moins découlent de ce constat : « la mise sur un pied d’égalité des différentes filières d’enseignement afin que le choix de la filière soit un choix positif » et « la lutte contre tous les mécanismes de relégation qui existent au niveau des établissements d’enseignement ». Le terme « relégation » est donc bien celui qu’emploie l’autorité elle-même pour désigner le fait que « trop souvent, les élèves plus faibles ou en difficulté sont orientés des écoles réputées fortes vers des écoles réputées plus faibles, des classes fortes vers des classes faibles, d’options réputées plus exigeantes vers d’autres qui le sont moins » (p. 9). De ce type de constat, le gouvernement tire un principe d’action volontariste : « le Contrat veut construire une réelle égalité entre les filières, supprimer l’effet toboggan et les mécanismes de relégation et créer des passerelles opérationnelles entre les filières » (p. 9). Ces constats et les pistes qui sont proposées rejoignent les travaux des chercheurs belges et étrangers qui se sont intéressés à la problématique de l’orientation scolaire. Au-delà du constat et des principes généraux, dans un système encore très peu régulé et qui connaît, en termes d’efficacité mais aussi d’équité, les effets très négatifs d’un quasi-marché, l’équipe de recherche de l’Institut d’Administration scolaire de l’Université de Mons 2 a été chargée par la Province de Hainaut, l’un des opérateurs publics dans l’enseignement secondaire, de tenter d’implanter une école réellement orientante, dans laquelle les élèves apprennent aussi à s’orienter. La présente contribution, après avoir dressé un rapide diagnostic de la situation qui a convaincu les autorités provinciales de mettre sur pied cette recherche-action, montrera comment, au départ de modèles étrangers, l’équipe de recherche a tenté de permettre à un ensemble d’écoles et d’enseignants de s’approprier une approche centrée sur l’élève et sa propre capacité à s’orienter. Cette seconde partie sera l’occasion d’interroger ces modèles et la possibilité d’en apprendre des leçons pour en intégrer des éléments dans un contexte différent. Cette appropriation, qui ne se fait pas sans peine, permet aussi d’analyser le fonctionnement ordinaire de l’école et de le réfléchir de manière plus large, à travers ses différents mécanismes, dont certains conduisent effectivement à la sélection et à la relégation, bien plus qu’à l’orientation positive qu’appelle l’école orientante telle qu’elle est, par exemple, pensée au Québec. Marc Demeuse Institut d’Administration scolaire Université de Mons 1 Gouvernement de la Communauté française de Belgique (2005). Contrat pour l’Ecole. 10 priorités pour nos enfants. Bruxelles : Gouvernement de la Communauté française de Belgique. (http://www.contraeducation.be) 2 Ont été ou sont actuellement impliqués dans les travaux de cette équipe Frédérique Artus, Alexandra Franquet, Natacha Duroisin, Damien Canzittu, Emerance Vienne, Alizée Tutak & Marine Willam (voir notamment : http://www.approcheorientante.be). Texte 3 : Par André Roussel L’orientation, spécialement l’orientation professionnelle, en tant qu’elle doit accompagner le parcours professionnel des citoyens et leur permettre de maîtriser les changements induits par les évolutions technologiques et économiques, est une préoccupation importante pour l’Union Européenne. En témoigne la résolution du 21 novembre 2008 du Conseil de l’Union européenne « pour mieux inclure l’orientation tout au long de la vie dans les stratégies d’éducation et de formation tout au long de la vie ». Ce qui distingue la France dans le domaine de l’orientation tient peut-être moins à l’organisation des prestations et des services chargés de l’orientation qu’à ce qui les sous-tend sur le plan idéologique, fruit de l’histoire du développement de l’orientation au 20me siècle dans notre pays. On peut distinguer deux courants distincts et parfois antagonistes : • Celui né des besoins en main d’œuvre plus qualifiée, qui a accompagné l’industrialisation et l’urbanisation du pays puis la tertiarisation de l’économie dans la première moitié du 20ème siècle : l’attention se porte sur l’adéquation entre formation et emploi. La gestion des flux qu’elle suppose converge avec la volonté planificatrice d’un pouvoir politique centralisé et interventionniste. L’autre courant prend appui sur l’école qui se trouve dans la situation ambiguë de mettre en œuvre une sélection à travers les diplômes et de répondre en même temps à l’aspiration d’ascension sociale des jeunes et de leurs familles. A ces courants, correspondent deux volets dans l’organisation du système français de l’orientation : l’orientation scolaire, s’appuyant le plus souvent sur des critères académiques et dans laquelle les enseignants jouent de fait un rôle important, et l’orientation professionnelle, champ investi par les milieux et les partenaires du monde professionnel et dont l’organisation est souvent morcelée et pas toujours lisible pour les publics concernés. • L’orientation en France se caractérise donc par le rôle particulier qu’y joue l’institution scolaire, accusée d’éloignement par rapport à la réalité des métiers, et par la dispersion des acteurs de l’information et du conseil y compris de ceux relevant de la puissance publique. D’autres pays disposent de systèmes plus unifiés et en même temps moins centralisés (pays germaniques), ou d’une organisation plus libérale dans laquelle l’information et l’accompagnement individualisé sont prépondérants (Royaume Uni, Danemark…). En France il semble que l’on s’est plus préoccupé de l’orientation des jeunes dans la formation initiale que d’une démarche continue ouverte sur le parcours professionnel d’éducation et de formation tout au long de la vie ». Dans la perspective de mise en œuvre de la résolution européenne de 2008, nous essaierons de répondre aux questions suivantes : que se fait-il en France pour faire évoluer les dispositifs d’orientation ? Existe-t-il des modèles pouvant inspirer les réformes nécessaires ? Qu’est-ce que l’organisation et le fonctionnement du (des) système(s) européens peuvent apporter au modèle français ? André Roussel, Chargé de mission auprès du DIO (Paris)