Télécharger - Eglise protestante unie de France

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bibliques
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Dimanche 09 août 2015
Textes
Ésaïe 54 , v. 1 à 17
Psaume 34, v. 1 à 9
Éphésiens 4, v. 30 à 5, v. 2
Jean 6, v. 33 à 51
1 Rois 19, v. 1 à 8
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Pour ce dimanche
Reprise des Notes bibliques et de la prédication rédigées (Jean 6) en 2003
par le Pasteur Andreas Seyboldt,
Une prédication (1 Rois) rédigée en 2006 par le Pasteur Richard Bennahmias.
Jean 6, v. 33 à 51
« Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au
monde ».
Premières questions / réactions au texte
Comment articuler « croire en Jésus » (v35) et le « manger » (v51) ?
Quelle signification de la « manne » et du « pain – Jésus » ?
Que signifie « murmurer » ?
Quelle est la relation ici entre le « Père » et Jésus ?
Lecture du texte
Indications pour la lecture
vv 33-35.41.48 : artos (artos) le pain, surtout de blé ; mais aussi d’une manière « la nourriture ».
v 48 : artos ths zwhs (artos tès zoès) le pain de la vie ; le mot grec pour «
vie » peut signifier aussi la durée de la vie et la façon de vivre ainsi que les
moyens matériels nécessaires à la vie.
v 51 : katabainw (artos ho zon) le pain vivant.
v 33.38.42.51 : katabainw (katabeino) descendre ; s’aventurer, s’engager à
qch.
v 35.36.40.47 : pisteuw (pisteuo) avoir confiance, croire certainement, être
convaincu ; sur les quatre apparitions du verbe dans notre passage, trois
sont au participe (= le croyant, « celui qui croit en moi »).
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v 49 : to manna (de l’hébreu : mân) « le pain du ciel » que Dieu dans sa fidélité ne cessera d’offrir à son peuple, Ps 78,24 ; 105,40 petits grains de couleur
blanche, au goût de miel, que les Israélites affamés mangèrent au désert,
Ex 16,31. Il s’agit de la sève du tamaris ou de la sécrétion de la cochenille
dans le tamaris. Selon une étymologie populaire le nom de mân viendrait
de la question que les Israélites se seraient posés en le voyant : mân hou =
qu’est-ce que c’est ?
vv 49.50 : fagein (phagein) manger, consommer.
v 51 : h sarx (è sarx) la viande, le corps ; l’humanité, la nature humaine.
Le texte dans son contexte
Notre passage est l’extrait d’une unité plus large qui comprend l’ensemble
du chapitre 6 :
- 6/1-15 : Jésus, au bord de «la mer Galilée» nourrit une grande foule.
C’est lui-même qui, prenant les cinq pains et les deux petits poissons qu’un
garçon «possède», nourrit la foule à satiété (il reste 12 paniers = 12 tribus
d’Israël ? ).
- 6/16-21 : Jésus, s’étant retiré pour échapper à la foule qui veut le «couronner roi», rejoint ses disciples en marchant sur la mer. Ceux-ci ont, apparemment du mal à le reconnaître, une peur qui s’évapore lorsque Jésus
leur adresse la parole. Mais, voulant le prendre dans la barque, ils touchent
terre (comme qn qui, ayant rêvé, se réveille).
- 6/22-34 : dialogue avec la foule qui prépare le discours, vv35 à 40. Les
éléments importants du discours y sont déjà présentés : la foi = l’œuvre
de Dieu (v29), la manne, «le pain du ciel» donné aux pères dans le désert.
- 6/52-59 : dernière partie de «l’enseignement» de Jésus qui se présente essentiellement (à part v53) comme un discours sur la Cène. Dans le contexte
de ce qui précède, le «manger» de la chair et le boire du «sang» ne veulent
qu’expliquer, rendre compréhensible «l’œuvre de la foi» : il s’agit de rendre
le Christ présent à l’homme et l’homme au Christ ; il s’agit d’être «habité
par le Christ» ; ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi, comme le dira
Paul.
- 6/60-71 : réaction négative d’un grand nombre de disciples. Il y aura que
les Douze qui vont rester avec Jésus, v 66-69.
Commentaire
- 33 et 51a : les deux versets qui marquent début et fin de notre passage se
lisent comme un titre et conclusion ; ils se correspondent dans la mesure
où en v33 Jésus parle du pain du ciel qui descend du ciel et qu’en v51 il s’y
identifie «je suis le pain vivant qui descend du ciel».
- 35 - 40 : premier discours de Jésus qui commencera sur le «pain de vie» que
la foule demande, v34, et auquel Jésus s’identifie dans un premier temps.
Jésus semble ici vouloir opérer un changement de regard de la foule : du
désir de manger du « pain de vie » à la foi (= relation de confiance) en celui
qui en est, en quelque sorte la source, du moins le distributeur et, au fond,
le « successeur ».
- 41 – 51a : Suite aux murmures ( il est à observer ici le parallèle entre le
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« murmurer » des Juifs et le « murmurer » des Israélites au désert ! ) qui
expriment l’incroyance, le contraire de la foi-confiance, Jésus présente un
deuxième discours qui souligne d’abord la complémentarité et l’identité
dans l’agir du Père et du Fils. La citation de Esaïe 54,13 en v45 n’est qu’une
paraphrase qui élargit la promesse « d’instruction » à tous (les nations).
V47 est une reprise de Jean 3/16 qui insiste encore une fois sur l’importance du « croire », (cf. v40)
- 51b : Cette deuxième partie du v51 introduit le terme de «chair» (sarx) qui
permettra dans la suite d’élaborer le discours eucharistique. On aura alors
compris que pour Jean, la foi n’a rien à voir avec une quelconque croyance
en une quelconque doctrine, mais qu’il s’agit effectivement d’une relation
de confiance entre deux êtres : le Christ et le croyant !
Pistes pour la prédication
- Prêcher sur le «comment» de la «présence réelle» du Christ dans le
croyant !
- L’homme en quête de l’union avec la divinité se trouve en face d’un Dieu
qui veut s’incarner au plus profond de lui.
- La Manne comme synonyme de la Loi : les pères, en n’en ayant mangés au
désert, sont morts ; le pain vivant = le Christ apporte la vie pour l’éternité.
- Chercher à décrire, à «dessiner» la relation entre «manger la chair» (v51)
du Christ et «croire» en lui (vv35.40).
Prédication Jean 6, v. 33 à 51
La foi vient – en mangeant !
Ou, comme l’exprime l’auteur du Psaume 34 dont le nom nous est transmis
au 1er verset : David, le grand roi d’Israël : « Goûtez, et voyez combien le
SEIGNEUR est bon ! Heureux l’homme qui trouve en lui un abri ! »(Psaume
34,9 ; traduction selon la Nouvelle Bible Segond)...
… On dirait entendre Jean-Pierre Coffe sur France Inter le samedi midi :
Cela ne se bouffe pas cela se mange ! … La foi en Christ, c’est un repas
simple – mais de grande qualité ! Cela ne coûte pas cher à votre bourse,
mais vous demande une certaine disposition d’esprit – qui est celle d’ouvrir son cœur et ses sens – pour recevoir, pour accueillir ce «pain de Dieu»
qui ne se bouffe pas, mais qui se mange, qui se déguste comme un plat savoureux ! – et qui donne la vie à l’infinie !! … A première vue, à ce repas, il
n’y a pas grand chose à voir : 5 pains d’orge et deux petits poissons – pour
toute une foule de Galiléens en attente d’être nourri … et pourtant tous en
« furent rassasiés » (Jean6/12). Ou, comme l’exprime un de nos textes liturgiques pour la célébration de la Cène : « Il n’y a ici qu’un peu de pain et un
peu de vin » … et pourtant, à l’aide de l’Esprit nous pouvons y « discerner
la présence de Jésus-Christ au cœur de notre vie ». … A première vue, en
Jésus, il n’y a pas grand chose à voir ni à admirer : « N’est-ce pas Jésus, le
fils de Joseph ? Ne connaissons-nous pas son père et sa mère ? Comment
peut-il déclarer maintenant : Je suis descendu du ciel ? » (Jean6/42). … Et
pourtant, un des Douze qui va rester auprès de Jésus lorsque la grande
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foule se sera détournée de lui, confirmera du fond de ses entrailles : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. Et nous avons
cru et nous avons connu que tu es le Saint de Dieu » (Jean6/68-69). Ainsi ne
peut parler qu’un « convaincu », un Jean-Pierre Coffe de la foi chrétienne !
Quelqu’un qui a vécu le bonheur d’avoir « mangé », d’avoir dégusté le
pain savoureux de la Parole. … La foi, la vraie et véritable « foi-confiance »
vient – en mangeant, en dégustant, en osant recevoir et accueillir ce pain
au plus profond de soi-même. … Mais pour pouvoir en profiter, l’amateur
du «bon pain» et de la «bonne chair» doit éviter deux erreurs :
Le premier est celui que commettent les « professionnelles du savoir » et
les « gardiens des coutumes et des traditions » : ceux qui prétendent déjà
tout connaître, tout savoir, ceux qui pensent que plus rien ne peut les surprendre : « N’est-ce pas Jésus … Ne connaissons nous pas son père, sa
mère ? »… N’est-ce pas du pain ordinaire ? N’est-ce pas « une religion
comme une autre, une fois comme une autre ». Ce qui les scandalise, ce
qui les repousse n’est pas tellement le côté surnaturel de la chose, que
quelqu’un : un ange ou Dieu lui-même puisse descendre du ciel. Toutes
les religions ont ce côté « extra-terrestre ». Mais ce qui les révolte, ce qui
les empêche de reconnaître en Jésus « le saint de Dieu » – comme le fait
Pierre, son disciple – c’est qu’il s’agit d’un homme plus qu’ordinaire qu’ils
prétendent bien connaître. … Cela peut aussi être ce conseiller presbytéral
au service de sa paroisse depuis trente ans qui, à l’arrivée d’un nouveau
pasteur, déclare : j’en ai vu passer tant de ces pasteurs que cela ne va pas
être celui-là qui va me convertir. … Et, à vrai dire, ce n’étaient ni les spécialistes du savoir, ni les habitués et les gardiens des traditions qui nous
ont fait goûter ce bon Pain qui réjouit le cœur et qui nourrit les entrailles ;
c’étaient des hommes et des femmes de « peu de foi » et de savoir, les ignorants des vieilles traditions : des pêcheurs et des prostitués, des impurs et
des collecteurs d’impôts. …
Une deuxième erreur à éviter
Penser que « manger ce pain » donnerait automatiquement, naturellement « la foi ». Croire qu’il suffirait d’accomplir certains gestes, certains
rites pour obtenir la foi comme un bien que Dieu me doit. … Certes, il est
vrai que « Tous seront instruits par Dieu », comme Jean le dit en citant de
sa mémoire un verset du prophète Esaïe (Jean6/45). Mais encore faut-il
vouloir se laisser instruire. Encore faut-il oser mettre réellement toute sa
confiance en celui qui vient nous dire quelques chapitres plus loin dans ce
même Évangile : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi,
même s’il meurt, vivra ; … crois-tu cela ? » (Jean11/25). … Certes, la foi
vient en mangeant, en dégustant cette Parole vivante, mais elle n’est pas
un automatisme ; il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton «commande»
pour qu’elle me soit servie ! …
Le Christ veut être accueilli au plus profond de nous-même – comme ce
pain de la Cène que nous partageons aux cultes. Et cela veut dire : il veut
habiter nos corps et nos cœurs comme un « alter ego » qui nous rappelle
sans cesse que « si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous
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mourons, nous mourons pour le Seigneur : soit que nous vivions, soit que
nous mourions, nous sommes au Seigneur » (Romains 14/8). …
AMEN.
1 Rois 19, 1 à 10
Le courage d’aller se coucher
Pourquoi Elie est-il donc si fatigué ? Et quand je dis « fatigué », je le dis
dans le sens qu’on donne à cette expression autour de Nîmes ou de Montpellier : « Monsieur le pasteur, il faudrait que vous alliez voir Madame
Intel, elle est très fatiguée. »
Elie est fatigué de vivre : fatigué de vivre à en mourir. Dans la Bible, ça
n’est ni le premier ni le dernier prophète à qui ça arrive ; comme si la dépression était une maladie caractéristique de la vocation prophétique.
Pourtant, quand on exerce la profession de prophète, il est assez facile
d’éviter de sombrer dans la dépression : optimiste, vous vendez de l’illusion ; pessimiste, vous vendez de la résignation. Opter pour l’une ou
l’autre de ces attitudes est une question de positionnement marketing. Soit
vous faites profession de persuader vos contemporains que tout va bien
ou que bientôt tout ira mieux ; soit vous faites profession de les convaincre
que la dureté des temps est une fatalité face à laquelle il n’y a d’autre choix
que de s’adapter. Espérance mais illusion d’un coté, lucidité mais résignation de l’autre, dans les deux cas vous échappez, et vos auditeurs avec
vous, à l’insoutenable tension que la véritable prophétie maintient entre
lucidité et espérance.
Cette tension-là, cette passion, parce qu’elles sont le produit d’une vocation, et non le fond de commerce d’une profession, saisissent le prophète
malgré lui : « Je suis passionné par le Seigneur » avoue Élie un peu plus
loin : il ne peut pas faire autrement que de dénoncer dans les malheurs
du présent la conséquence des erreurs du passé, tout en refusant de se
résigner à leur fatalité. Sa lucidité et son intransigeance ne sont motivées
que par une foi indéracinable dans la possibilité d’un pardon et d’un renouveau, quand bien même soutenir envers et contre tout cette conviction
l’épuise jusqu’à en mourir.
Peu d’entre nous sont des prophètes. Et pourtant la déréliction d’Elie nous
touche personnellement, pour peu qu’à un moment ou à un autre de notre
existence, nous ayons eu à traverser des périodes de crise, des « épreuves »
comme on dit. Ces périodes ou continuer d’espérer nous apparaît à la fois
comme une nécessité vitale et en même temps comme une exigence surhumaine. Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à espérer si nous
voulons survivre à l’épreuve qui nous accable et en même temps, cette
nécessité accroît notre souffrance et nous épuise.
Que l’espérance puisse parfois jouer pour nous le rôle d’un couteau qui
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remue dans la plaie de nos malheurs, le poème que je vous propose d’entendre le rend assez bien, notamment à cause de cet impitoyable « Recommence ! » dont il martèle l’impératif jusqu’à l’obscénité.
Recommence
Si tu es las et que la route te paraît longue
Si tu t’aperçois que tu t’es trompé de chemin
Ne te laisse pas couler au fil des jours et du temps
Recommence
Si la vie te semble trop absurde
Si tu es déçu(e) par trop de choses et trop de gens
Ne cherche pas à comprendre pourquoi
Recommence
Si tu as essayé d’aimer et d’être utile
Si tu as connu ta pauvreté et tes limites
Ne laisse pas une tâche à moitié faite
Recommence
Si les autres te regardent avec reproche
S’ils sont déçus et irrités par toi,
Ne te révolte pas , ne leur demande rien.
Recommence
Car l’arbre re-bourgeonne en oubliant l’hiver
Car le rameau fleurit sans demander pourquoi
Car l’oiseau fait son nid sans songer à l’automne
Car la vie est espoir et recommencement.
Il en a de bonnes, l’auteur inconnu de ce poème ! Nous le savons bien, que
la vie est espoir et recommencement, on nous l’a appris au catéchisme, on
nous l’a répété à chaque fois que nous avons été témoins d’un baptême !
Mais où trouver le courage d’espérer et de recommencer quand c’est précisément la vie qui nous échappe ; quand, comme Élie, nous n’en pouvons
plus et que la violence des épreuves nous a fait perdre toute valeur à nos
propres yeux. Comment alors entendre ce « Recommence ! » autrement
que comme un « Marche ou crève ! »
Justement, aujourd’hui, Élie veut crever. Il est au bout du rouleau. Il a tout
perdu ou presque, parce qu’il lui reste quand même un dernier souffle de
parole, un dernier souffle d’humanité et de dignité pour jeter à la face de
Dieu : « Seigneur, prends ma vie ! » Et après, il se couche et s’endort, apaisé
sans doute par cette ultime prière.
À qui s’adresse ce cri, sinon au Seigneur de la vie, de cette vie qui est « espoir et recommencement », mais aussi sans repos ? À qui s’adresse-t-il, ce
cri, sinon à cette voix impitoyable qui, pour tout secours à notre misère, se
contente de nous ordonner sans cesse « Recommence !». À qui s’adresset-elle cette prière, sinon à cet impératif, venu d’on ne sait où, qui nous
enfonce un petit peu plus la tête sous l’eau en nous accusant de ne plus
trouver en nous-mêmes la force de surnager.
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Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais depuis l’épisode de la résurrection du fils de la veuve de Sarepta, le Seigneur n’a plus adressé la parole à Élie. L’apostrophe d’Élie l’a-t-elle piqué au vif ? Toujours est-il que
pendant le sommeil d’Élie, le Seigneur se réveille. Par l’entremise de son
ange, il ne se contente pas de lui ordonner de se lever, mais il prend soin
de lui : il le désaltère et le nourrit ; il lui rend des forces jusqu’à ce qu’il soit
à nouveau en mesure de se mettre en marche. Et dans le récit qui va suivre
et que nous connaissons bien, le Seigneur ne se manifeste ni dans la tempête, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans le souffle
rafraîchissant d’une petite brise.
Cette expérience, l’apôtre Paul l’a lui aussi sans doute vécue. Ce qu’il nous
raconte au début de la deuxième épître au Corinthiens est tellement proche
de ce qui arrive à Élie :
Le péril que nous avons couru en Asie nous a accablé à l’extrême, au-delà
de nos forces, au point que nous désespérions même de la vie. Oui, nous
avions reçu en nous-même notre arrêt de mort. Ainsi notre confiance ne
pouvait plus se fonder en nous-mêmes, mais sur Dieu qui ressuscite les
morts. C’est lui qui nous a arraché à une telle mort, et c’est lui qui nous en
arrachera : en lui nous avons mis notre espérance (2 cor 8 à 10).
Peut-être est-ce aussi l’expérience à laquelle se réfèrent les rédacteurs du
Psaume 127 quand ils donnent ce conseil :
Rien ne sert de vous lever tôt
De retarder votre repos,
De manger un pain pétri de peine !
A son ami qui dort, le Seigneur en donnera tout autant.
Espérer contre toute espérance, c’est peut-être le plus souvent avoir le courage d’aller se coucher. Et pour trouver le sommeil, avoir aussi le courage
de projeter vers Dieu l’expression de son désespoir ; le courage de plus
s’accuser de ne pas en avoir fait assez pour faire triompher sa cause et de
renvoyer la balle dans le camp de Dieu : « Tout ce que je pouvais faire, je
l’ai fait, je suis à bout de ressources, à ton tour de jouer. » Non pas s’avouer
vaincu, mais se souvenir que l’on ne se bat pas tout seul et que, maintenant, la partie est dans les mains de Dieu.
Dans le sommeil, attendre que les forces me reviennent. Et au réveil, attendre que comme pour Élie, la question fondamentale, celle de la cause
pour laquelle je me suis épuisé, émerge à nouveau dans sa fraîcheur : « Élie,
pourquoi es-tu ici ? »
Pour la plupart d’entre nous, et même si la dépression ne nous guette pas,
c’est certainement dans cet état d’esprit que nous sommes invités à participer au repas du Seigneur
Il ne s’agit pas là seulement ici d’une recette de piété ou d’un viatique
contre la dépression nerveuse. Pour en revenir à Élie, sa cause, exprimée
en termes modernes, est triple : elle est religieuse certes ; peut-être à cet
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égard Élie en a-t-il trop fait en égorgeant de sa main les faux prophètes
contre lesquels Dieu lui avait donné raison. Mais elle est aussi sociale, politique et écologique : Élie se bat contre l’injustice d’Akhab, de Jézabel et
de leurs sbires, il se bat aussi contre la sécheresse qui frappe son peuple.
En un mot, la cause d’Élie est humaine, dans toutes les dimensions de son
humanité et de la notre.
Cela devrait nous inviter à bien comprendre que l’aventure d’Élie a une dimension sociale : combien d’hommes et de femmes autour de nous qui sont
au bout du rouleau, que l’esprit de compétition impitoyable qui caractérise
notre société a broyés. Combien de nos semblables qui n’attendent plus
rien de l’existence, comme s’ils avaient reçus en eux-mêmes leur arrêt de
mort ? À ces hommes et à ces femmes, qui aujourd’hui leur offre un lieu ou
se reposer, se restaurer, se confier ? Un lieu où la question « Pourquoi es-tu
ici ? », la question de leur dignité, puisse sereinement leur être posée ? Qui,
pour elles et pour eux, jouera le rôle de l’ange dans la résurrection d’Élie ?
Arrêtons de nous poser la question de ce que nous pourrions faire encore
pour annoncer notre Évangile à nos contemporains : cette question, à force
d’être posée à nos églises vieillissantes et par trop conscientes de leurs faiblesses, sonne depuis longtemps comme un « Recommence ! » impératif,
accusateur et décourageant.
L’histoire d’Élie nous pose une question beaucoup plus pertinente :
« Qu’est-ce que cet évangile qui nous a nous-mêmes nourris et désaltérés
peut apporter à nos contemporain ? » Pour nos Églises, comme pour nousmêmes, cette question est la même que celle qui fut posée à Élie après qu’il
eut été lui-même désaltéré et restauré : « Pourquoi es-tu ici ? »
Pourquoi sommes-nous ici ?
Ne nous empressons pas de répondre. Commençons par avouer qu’elle
nous laisse perplexes et laissons une nuit de sommeil passer par-dessus.
Amen
Coordination nationale évangélisation et formation
Église protestante unie de France
47 rue de Clichy
75009 Paris
[email protected]
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