Emploi. Et si vous recrutiez un ancien militaire

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Emploi. Et si vous recrutiez un ancien militaire
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DÉCEMBRE 2013
L'ÉVÉNEMENT
Emploi. Et si vous recrutiez un
ancien militaire ?
Chaque année, ils sont près de 35.000 à
quitter l’armée. Souvent jeunes, ils doivent s’insérer dans la vie civile.
l Ce vivier de candidats, formés et dotés
d’un "savoir-être" séduit les entreprises
qui bénéficient d’un dispositif spécifique
d’aides pour leur intégration.
l
J
eunes, formés sur plus
de 400 métiers, rigoureux, respectueux de la
hiérarchie,
réputés
pour leur "savoir-être"..., sur
le papier les qualités des
anciens militaires sont nombreuses et ils ont de quoi séduire le monde de l’entreprise.
Des compétences
transposables dans le civil
Depuis 2009, leur retour à la
vie civile est assuré par les
antennes locales de Défense
Mobilité, l’agence de reconversion des armées. L’antenne
Angers-Le Mans-Saumur
compte 5.600 ressortissants.
20 % d’entre eux sont suivis
dans le cadre d’une reconversion. « Leur point fort ? L’adaptabilité ! », résume Marie-Pierre Dugauquier de l’antenne
locale. « 75 % de nos militaires
en reconversion sont du rang
et ils possèdent des compétences tout à fait transposables
dans le civil. » Par exemple
dans la logistique et les transports où 25 % d’entre eux trouvent un emploi.
Chez le transporteur de matières dangereuses Sotrapid à
Arnage en Sarthe, ils représentent 10 % des effectifs conducteurs (210 au global). « Ce sont
des personnes en phase avec
nos exigences de rigueur,
apprécie Jean-Luc Catanzaro,
le dg. Dans notre métier, il y a
beaucoup de procédures, de
règles à respecter. Des obligations qui sont proches de leur
culture. Conduire un 44 tonnes
implique de fortes responsabilités. De par leur vécu, ils savent
ce que le mot danger veut dire.
Certains sont devenus de
vraies références dans l’entreprise, capables de tirer en
avant les plus jeunes. » Même
son de cloche du côté de Socamaine à Champagné qui
emploie une dizaine d’anciens
militaires (sur 400 salariés) sur
des postes de logistique. « Ces
métiers sont tout à fait compatibles avec leur formation. Nous
avons un partenariat avec la
cellule mobilité qui nous permet de recruter plus facilement les profils que l’on recherche. D’ailleurs, on ne leur a
jamais refusé un candidat »,
souligne Olivier Louvard, le
directeur de Socamaine.
Déboussolés au départ
D’anciens militaires, on en trouve également dans le BTP ou
l’industrie, comme chez le
fabricant de pompes volumétriques PCM à Champtocé-surLoire. Pour son DRH, Guillaume Saintomer, le recrutement
d’un ancien capitaine de l’armée de terre (après 25 ans de
service) sur un poste de technicien des services généraux
s’est effectué « sans à priori.
Cela faisait un moment que
nous pensions à nous rapprocher de Défense Mobilité. Il est
efficace, rigoureux, possède
beaucoup de connaissances
techniques, parle des langues
étrangères car il a beaucoup
bougé à l’étranger pour sa carrière militaire. En outre, il avait
bien préparé son départ et il
s’est vite adapté, bref, il est
top ! Si c’est à refaire demain,
nous le referons. »
Plus mesuré que ses collègues, François Le Ber, DRH de
l’entreprise angevine de TP
Luc Durand qui emploie six
anciens militaires, - tout en
reconnaissant que les sortants
du Génie ont des profils et des
compétences qui se rapprochent de leur activité, un vrai
sens du travail en équipe et
qu’ils sont souvent plus mobiles que d’autres salariés - souligne toutefois « le décalage
important entre les activités
Très recherchés pour leurs compétences techniques, les anciens militaires sont souvent recrutés sur des métiers en tension.
militaires et privées. Ce sont
des gens ordonnés, respectueux de la hiérarchie peut être
un peu trop parfois, mais c’est
un peu compliqué pour eux de
passer d’un environnement
hyper structuré à la nécessité
de réactivité et d’autonomie
d’une PME. Ils sont souvent
déboussolés au départ. Il faut
un temps d’adaptation et le
militaire doit préparer sa reconversion en amont avant d’intégrer une entreprise. »
6 mois soldés par l’armée
Pour que ces deux mondes
s’apprivoisent en douceur, il
existe un dispositif PAE (Programme d’adaptation à l’entreprise). Durant 6 mois, l’ancien
militaire recruté par une entreprise est rémunéré par l’armée. Un dispositif réciproque
qui permet à chaque partie
d’apprendre à se connaître.
Une sorte de grosse période
d’essai « qui offre la possibilité
à l’entreprise de former son
salarié et au salarié d’observer
son nouvel environnement
pour valider son projet profes-
Bénédicte Hascoët
et Cédric Menuet
l
« Nous sommes des facilitateurs »
Pascal Levavasseur, président du comité liaison défense régional
Quel est le rôle du Comité de liaison Défense ?
C’est une structure animée par le Medef qui vise
à rapprocher le monde
militaire de celui de l’entreprise. Notre rôle est de
faire connaître l’antenne
Défense mobilité aux dirigeants et de les mettre en contact avec des militaires en reconversion. Nous jouons un rôle de facilitateur. Nous
voulons montrer que ces personnes sont bien
formées et éduquées. Nous présentons également aux entreprises les dispositifs d’intégration de ces personnels qui permettent de les
intégrer en douceur à un nouvel environne-
sionnel », souligne François Le
Ber.
Petit conseil aux futurs recruteurs : les hommes du rang
sont en général plus "adaptables" que les officiers qui ont
souvent des compétences difficilement valorisables en entreprise. D’ailleurs, pour beaucoup, ils choisissent la voie de
la création-reprise. Comme
Dominique Peter (encadré) ou
Philippe de la Chapelle, ex officier des forces spéciales et dirigeant entre autres activités de
l’entreprise de taille de pierres
Hadet-La Chapelle à Beauforten-Vallée. Pour cet ancien des
renseignements, l’armée n’est
pas qu’un souvenir. « Depuis
2007, j’ai créé plusieurs entreprises dans le bâtiment, les services à la personne... avec des
sites sur tout le Maine-et-Loire. Je mets des pions partout,
c’est un concept militaire très
efficace. Et tous mes salariés
ont un uniforme. » Comme
quoi, on ne se refait pas...
ment, car ils ont besoin d’un temps d’adaptation. Nous mettons toujours en avant leur
savoir-être, notamment dans l’action collective.
Quelles sont les actions que vous menez ?
Nous organisons par exemple des réunions
sur l’ensemble de la région entre les différentes antennes militaires et les entreprises qui
bien souvent apprécient cette opportunité.
Nous sommes également en relation avec de
nombreuses sociétés et syndicats professionnels comme la FNTR (Fédération des transports routiers) qui est très intéressée par les
chauffeurs de camion. Les anciens du Génie à
Angers intéressent les acteurs locaux des TP.
CHIFFRES CLÉ
- En 2012, 16.500 candidats ont
bénéficié des services de Défense Mobilité.
- 74 % des militaires accompagnés par Défense Mobilité en
2012 ont trouvé un emploi dans
les six mois suivant leur départ.
- Dans le Maine-et-Loire en
2012, 208 ex-militaires ont trouvé un emploi dans le secteur
privé et 27 dans le secteur
public.
- Dans la Sarthe, 300 personnes sont actuellement suivies
par la cellule.
- Sur les 2 départements, les
militaires en reconversion sont
à 75 % issus du rang.
Défense Mobilité:
02 41 33 72 73
LE JOURNAL DES ENTREPRISES
l
LE CRÉATEUR
« Un militaire peut refaire
une nouvelle carrière »
Après 34 ans de carrière au sein de l’Armée de l’Air,
Dominique Peter a fait le choix de la création d’entreprise en Sarthe. Un défi personnel pour cet ancien colonel
qui dirigeait jusqu’en 2011 la division logistique des opérations de l’Armée de l’Air. « Je voulais sortir du cadre
très structuré et hiérarchisé de la Défense, afin d’être
libre de mes choix et de définir mes objectifs. » Après
avoir suivi un temps le processus de reconversion mis à
sa disposition par l’Armée, il décide de s’orienter dans le
domaine des énergies renouvelables et de passer un
CAP d’installateur thermique en 2012. Un parcours de
créateur qu’il a voulu complet, passant ainsi par Pôle
emploi, par la Chambre des métiers et par le soutien de
l’association d’aide à la création Carrefour entreprise
Sarthe. Il monte ainsi en mars dernier son entreprise
B3E à Chahaignes, dans le sud-Sarthe.
Son nouveau métier, Dominique Peter l’a choisi de par
sa formation technique qui l’a notamment amené à gérer
l’ensemble du réseau de chauffage d’une base aérienne.
Outre ses compétences techniques, le jeune dirigeant
compte transposer son savoir-être militaire dans ses
nouvelles fonctions. « Le respect des règlements, c’est
le b.a.-ba. Je m’attache donc à connaître toute la règlementation au sens large ». S’il reconnaît n’avoir pas été
élevé dans le milieu de l’entreprise, l’ancien militaire
aborde sa nouvelle vie sereinement. « La création d’entreprise n’est pas la première reconversion des officiers.
Néanmoins, un militaire peut se remettre complètement
en cause et refaire une nouvelle carrière. »