l`autisme dans tous ses états

Transcription

l`autisme dans tous ses états
L'AUTISME DANS TOUS SES ÉTATS
Champ de mines ou nouvelles fondations ?
Anne-Sylvie Pelloux
ERES | Enfances & Psy
2011/4 - n° 53
pages 6 à 12
ISSN 1286-5559
Article disponible en ligne à l'adresse:
http://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2011-4-page-6.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pelloux Anne-Sylvie, « L'autisme dans tous ses états » Champ de mines ou nouvelles fondations ?,
Enfances & Psy, 2011/4 n° 53, p. 6-12. DOI : 10.3917/ep.053.0006
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour ERES.
© ERES. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 6
ÉDITORIAL
Éditorial
L’autisme dans tous ses états
Anne-Sylvie Pelloux
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Anne-Sylvie Pelloux,
praticien hospitalier
dans le premier secteur
de psychiatrie infanto-juvénile
de Paris, psychothérapeute,
rédacteur, responsable
des tribunes d’enfances& PSY
1. Sophie Robert a été assignée
en justice le 8 décembre 2011 pour
diffamation et condamnée
en première instance le 26 janvier 2012.
2. ABA : Applied Behavior Analysis
(analyse appliquée du comportement).
6
53
2012 proclamée année de l’autisme, nous nous sommes
tout d’abord réjouis de cette excellente nouvelle pour les
personnes autistes. Malheureusement, l’année n’a pas
démarré sur un enrichissement des débats ou un élargissement des perspectives, bien au contraire. Le ton est tout
autre, d’emblée destructeur et violent. La guerre est
déclarée contre la psychanalyse pour le soin des personnes autistes.
Annoncée par le documentaire « Le mur » de Sophie
Robert 1, qui a usé de procédés anti-déontologiques de
plan et de montage pour détourner et transformer le sens
des propos d’éminents praticiens, partisans d’approches
plurielles, dans le but de ridiculiser l’approche psychanalytique, et qui s’est d’ailleurs vu interdit de diffusion,
l’attaque s’est poursuivie dans le champ politique. Le
24 janvier 2012, le député UMP du Pas-de-Calais, Daniel
Fasquelles, déposait devant le Parlement une proposition
de loi visant à abolir l’usage de toute approche psychanalytique dans l’accompagnement des enfants autistes.
De quoi se demander si nous sommes encore dans un
pays démocratique.
Dans les médias, le cœur du débat est, d’emblée, faussé.
Seules les approches comportementales ont une couverture médiatique. Ces dernières années, ils ont donné à
voir le plus souvent la promotion exclusive de telle ou
telle approche comportementaliste (ABA 2 en particulier),
présentée comme infailliblement efficace. Le format
se réduit à un message publicitaire, sans débat contradictoire. Les témoignages sont assénés comme des vérités scientifiques sans référence sérieuse à la littérature
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Champ de mines
ou nouvelles fondations ?
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 7
Éditorial. L’autisme dans tous ses états
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
La Haute autorité de santé (HAS), comme nous le verrons plus loin,
affirme pourtant qu’aucune approche ne peut prétendre à elle seule
« guérir » l’autisme. Les enjeux du débat se situent sur le glissant terrain
des résultats. Rappelons qu’il existe quasiment autant de profils d’enfants
autistes que d’enfants atteints et que leurs capacités évolutives se déclinent également en de multiples variantes qui ne dépendent pas uniquement de leurs modalités de prise en charge. Ces éléments sont rarement
pointés lors d’une présentation médiatique de résultats.
Enfin, en mars 2012, la HAS rendait ses recommandations de bonnes pratiques dans un rapport intitulé « Autisme et autres troubles envahissant du
développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées
chez l’enfant et l’adolescent ». Nous saluons l’ampleur du travail réalisé
mais nous regrettons que la rédaction finale de la recommandation ne
reflète pas la complexité et la richesse de l’ensemble des avis des experts
sollicités. Notons que, ne serait-ce que dans le comité d’organisation, quasiment la moitié du groupe (12/25) a émis leur désaccord total ou partiel
vis-à-vis de la recommandation. Comme Paul Bizouard, Claude Burzstejn, Jacques Hochmann 3, nous approuvons le document de synthèse, l’argumentaire, et les chapitres 1, 2, 3 et 5 des recommandations. En effet,
nous relevons comme particulièrement congruents à notre éthique de
soins : l’accent mis sur le respect de l’enfant dans sa singularité, la place
donnée aux parents et à la fratrie dans la co-élaboration du projet d’interventions, l’attention portée aux périodes ou situations de transition. En
revanche, nous ne pouvons être en accord avec les chapitres 4.2 et 4.3,
c’est-à-dire : le choix exclusif des approches comportementales (et d’ABA
en particulier) et développementales dans les interventions globales de
l’enfant de moins de 4 ans, l’absence de définition précise de la psychanalyse (citée comme étant non consensuelle), l’opposition formelle à la
pratique du packing en dehors du protocole de recherche en cours, ou l’absence de place donné au travail des équipes de pédopsychiatrie dans leurs
approches globales à dimension intégrative. Ni les CMP 4, ni les HDJ 5, ni
les IME 6 ne sont cités, seuls les SESSAD 7 le sont. Est-ce à dire que les
équipes de soins de proximité que constituent les secteurs de psychiatrie
infanto-juvénile ne sont plus aptes à recevoir des enfants ou adolescents
autistes pour coordonner leurs prises en charge ? Plusieurs autres commentateurs comme Bernard Durand pour les Croix Marines, la FHF 8,
Moïse Assouline dans une lettre ouverte au président de la HAS, ou encore
3. Chargés de projet ayant
émis un commentaire
post-publication, avec accord
avec le rapport final,
sous réserves
des commentaires
du fait de désaccord ponctuel.
4. Centre médicopsychologique.
5. Hôpitaux de jour.
6. Instituts médico-éducatif.
7. Services d’éducation
spécialisée et de soins
à domicile.
8. Fédération hospitalière
de France.
7
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
internationale dans la plupart des cas. Est-ce uniquement lié à leur
meilleure lisibilité relativement aux autres approches ? Ou bien s’agit-il
d’une véritable stratégie de communication, de type marketing, visant la
conquête exclusive du « marché » ? Les autres approches souffrent pour le
moins d’un véritable déficit de communication, sur lequel elles devraient
réfléchir. Nous pouvons parler de désinformation lorsque les tenants d’une
approche affirment, avec un grand effet persuasif, détenir une technique
infaillible.
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 8
Éditorial
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
9. Société française
de psychiatrie de l’enfant
et de l’adolescent
et disciplines associées.
10. Evidence-based medicine.
11. En particulier les
psychanalystes français
comme Geneviève Haag,
Didier Houzel dans le sillage
de Frances Tustin,
Donald Meltzer, Esther Bick.
12. Coordination
internationale entre
psychothérapeutes,
psychanalystes
et membres associés
s’occupant de personnes
avec autisme (CIPPA –
www.cippautisme.org).
8
Revenons à la psychanalyse, qui n’est pas un traitement mais une discipline, déclinée dans de très nombreuses pratiques. En matière d’autisme,
les psychanalystes sont le plus souvent accusés d’être porteurs de
concepts, d’idéologies ou de pratiques qui ont existé dans l’histoire de
l’autisme mais qui n’ont plus cours aujourd’hui, ou seulement de façon
marginale (et malheureusement, encore chez quelques-uns d’entre eux).
Prenons l’exemple de la culpabilisation des mères qui seraient accusées
par les psychanalystes d’être responsable de l’autisme de leur enfant,
exemple repris constamment par les détracteurs de la psychanalyse, et fréquemment illustré par des témoignages choisis de parents d’enfants
autistes. L’exemple régulièrement invoqué est celui des thèses de Bruno
Bettelheim émises il y a une cinquantaine d’années. Il est en effet très
regrettable que la psychanalyse ait, par le passé, en particulier dans les
traces de cet auteur, imputé la responsabilité de cette pathologie aux mères
au point de proposer la séparation de l’enfant avec ses parents comme procédé thérapeutique. Il s’agit d’une erreur de théorisation, induite probablement par le contexte historique et personnel de son auteur. La mise en
pratique dans les années soixante de cette théorisation a produit, sans
aucun doute, de nombreux dégâts psychologiques et de réels traumatismes
dans les familles concernées. Mais cette idée à été abandonnée et les
équipes de pédopsychiatrie en France, en fermant les internats et en
ouvrant des hôpitaux de jour, ont eu au contraire le souci de préserver l’intégration de l’enfant dans sa famille et de créer une alliance thérapeutique
avec les parents.
Aujourd’hui, les connaissances sur l’autisme se sont largement développées, et les théories permettant d’appréhender cette pathologie ont évolué.
Les psychanalystes contemporains spécialisés 11 dans l’autisme, notamment ceux représentés par la CIPPA 12, condamnent formellement la pratique de culpabiliser indûment les parents comme le précise leur
communiqué de presse du 26 janvier 2012. Malheureusement, nous
savons aussi que les parents se sentent immanquablement coupables lorsqu’ils apprennent que leur enfant est atteint d’un trouble, d’une maladie
grave, ou d’un handicap quels qu’ils soient. Notre appui consistera alors à
les aider à trouver leur chemin avec cette nouvelle donne.
Les méconnaissances concernant la psychanalyse et l’autisme ne s’arrêtent pas là. La psychanalyse contemporaine ne prétend plus guérir l’autisme ; ses principaux défenseurs (dans le sillage des membres de la
CIPPA, en particulier) préconisent une approche plurielle alliant une
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
la SFPEADA 9 se félicitent de certains progrès mais soulignent la faiblesse
méthodologique du rapport à certains égards. La SFPEADA critique la référence unique à l’EBM 10 dans un domaine où le protocole de l’EBM stricto
sensu ne peut pas s’appliquer sans une adaptation. Une autre critique porte
sur l’interdiction des packs alors même qu’une recherche est en cours pour
en démontrer ou en infirmer l’intérêt thérapeutique.
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 9
Éditorial. L’autisme dans tous ses états
approche éducative, rééducative, une aide à la communication, à la socialisation, une scolarisation et des prises en charges psychothérapiques individuelles, groupales ou institutionnelles.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Les théories élaborés par les psychanalystes à partir de leurs observations,
sur la construction du moi corporel, l’analyse fine des micro-comportements de l’enfant en relation (posture, regard, gestuelle, tonus, déplacements dans l’espace), l’écoute de son langage, de ses particularités
sensorielles et de ses intérêts particuliers donnent aux thérapeutes un axe
de travail lui permettant d’entrer en relation avec l’enfant et de le suivre
dans son processus évolutif.
La formation psychanalytique est utile pour comprendre les enjeux de la
relation. Pour autant, être thérapeute d’enfant autiste ne soustrait pas au
devoir de chaque professionnel de se former aux avancées de la science et
des connaissances. Contrairement aux idées reçues, nombre de psychanalystes (en particulier le mouvement cité ci-dessus) cherchent aujourd’hui
à établir des ponts entre les théories psychanalytiques, les travaux en
sciences cognitives et les recherches en neurosciences. Reconnaître que
l’autisme est un trouble neuro-développemental dont l’origine est plurifactorielle, en partie génétique (fortement suspectée, même démontrée
dans un petit nombre de cas) n’est pas incompatible avec le fait de
défendre une approche psychothérapique qui s’avère nécessaire pour un
grand nombre d’enfants concernés, en complément, bien évidemment, des
autres prises en charge déjà citées tout aussi indispensables. Quant aux
résultats obtenus par cette approche plurielle, nous regrettons souvent
dans l’hôpital de jour où je suis praticien hospitalier de n’avoir pas
recueilli publiquement des témoignages de parents entièrement satisfaits
de l’évolution de leur enfant car ils seraient peut-être aussi convaincants
que ceux le plus souvent montrés, qui rapportent des expériences très
négatives, sauf dans le cas de l’ABA. Mais cette remarque pourrait être
incriminée comme manquant d’objectivité ou de modestie. Aussi, nous
attendons avec impatience les résultats de la recherche INSERM sur les psychothérapies avec les enfants et adolescents autistes dont les premiers
retours sont prometteurs.
9
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Les travaux des psychanalystes contemporains ne cherchent plus une étiologie psychologique de l’autisme. Ils cherchent, à travers l’observation clinique de l’enfant et la relation thérapeutique établie avec lui, à entrer dans
son monde psychique, afin de mieux le comprendre, l’aider à identifier, à
partager, à éprouver ses émotions, ses affects et ses peurs. Les hypothèses
de travail ne sont pas en contradiction, ou incompatibles avec les données
neurobiologiques les plus récentes. Les visées sont finalement les mêmes
que pour tout enfant suivi en psychothérapie, quel que soit le trouble initial.
Elles consistent à apaiser ses souffrances psychiques, assouplir son fonctionnement mental en favorisant les processus de liaison, et à inviter l’enfant à être en relation afin de susciter sa curiosité vers le monde extérieur.
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 10
Éditorial
LA PSYCHANALYSE GÉNÈRE-T-ELLE AUJOURD’HUI
AUTANT D’ANIMOSITÉ DESTRUCTRICE ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Nous pouvons saluer le courage et l’énergie des parents 13 qui ont lutté
depuis les années 1970, et dans les années 1980, contre une idéologie
dominante univoque (psychanalytique) des spécialistes en France, et surtout contre la suprématie du savoir expertal sur leurs propres savoirs
acquis auprès de leurs enfants, puis sur les récits de vie des adultes
autistes capables de s’exprimer. Il est vrai que la dimension éducative
était trop négligée dans les années 1980. Ils ont su explorer d’autres théories et pratiques (comme le programme TEACCH fondé par Éric Schopler
aux États-Unis), les importer auprès de professionnels et encourager leur
diffusion, faire ouvrir des classes spécialisées et de nouvelles structures
en France. Regroupés en associations, ils ont pu faire évoluer la législation et devenir ainsi, depuis la loi de 2005, davantage acteurs des décisions prises pour leur enfant quant à leur scolarisation. Saluons leur
courage et leur persévérance mais méfions-nous des motivations de ceux
qui s’obstinent à rallumer une polémique parents/professionnels, à discréditer systématiquement les compétences des institutions existantes, à
refuser d’entendre et de voir le monde professionnel évoluer vers une
complémentarité des approches. Car les victimes de cette guerre sont surtout les enfants ou les adolescents autistes et leurs parents. Soumis au
matraquage médiatique pro-ABA et antipsychiatrique, ils n’ont pour la
plupart que faire de ces querelles de chapelles et sont le plus souvent
déstabilisés par ces discours contradictoires ; ils multiplient alors les
avis, ils sont parfois dans une grande désillusion, et ils perdent confiance
avec tout professionnel.
Quant aux structures de proximité (en particulier les CMP, les hôpitaux de
jour, les instituts médico-éducatifs) ainsi diabolisées, quelles que soient
leur histoire, leur filiation, leur évolution, elles vivent de façon très dévalorisante les remises en cause injustifiées dont elles font l’objet.
13. C. Philip, Autisme et
parentalité, Paris, Dunod,
2009.
10
Les psychiatres vivent de plus une forme d’injonction paradoxale : pointés par certaines associations de parents comme n’étant plus compétents
pour prendre en charge leurs enfants, ils sont pourtant régulièrement sollicités pour remplir le certificat médical de la reconnaissance du handicap,
de l’autisme et d’autres troubles envahissants du développement (TED)
appartenant à la classification internationale des maladies mentales (CIM10). Le psychiatre, apte à établir un diagnostic, ne serait plus compétent
pour proposer un traitement. C’est très troublant pour le praticien. J’imagine que le discrédit ainsi jeté sur la psychiatrie est encore plus inquiétant
pour les parents concernés. Comment peuvent-ils savoir vers quelle structure de proximité s’orienter ?
Le risque est grand de voir désaffectée une organisation remarquable
(le secteur) au profit de structures associatives ou privées isolées, sans
contraintes, faisant miroiter monts et merveilles aux parents désemparés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
POURQUOI
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 11
Éditorial. L’autisme dans tous ses états
au risque de pratiques non éthiques. On lira avec intérêt à cet égard l’article récent de Médiapart 14 mettant en cause les pratiques du centre
« modèle » ABA de Villeneuve-sur-Asc.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Ne devons-nous pas, nous, professionnels de l’enfance, exerçant dans ces
structures de secteur accueillant depuis de nombreuses années des enfants
autistes dans nos dispositifs de soins, défendre notre identité et nos orientations professionnelles, revendiquer nos compétences et notre approche
plurielle ? Nous appuyant sur la psychanalyse comme outil de pensée de
la relation thérapeutique et grille de lecture du monde interne des enfants,
nous appuyant sur les sciences cognitives comme modèle 15 de fonctionnement mental des enfants et procédé thérapeutique de remédiation 16,
nous appuyant sur les approches éducatives et sur les suivis spécifiques
individuels et en groupe en psychomotricité, en orthophonie, en groupe
thérapeutique, ou en soin institutionnel, nous articulant au projet scolaire
et à d’autres professionnels impliqués dans la prise en charge, nous participons ainsi au projet global de l’enfant, et à son élaboration au côté des
parents. Nous revendiquons donc notre place de partenaires de soins
autour du développement psycho-affectif de l’enfant. Sans doute devonsnous encore améliorer notre lisibilité auprès des parents. Sans doute
devrions-nous également apprendre à exposer nos pratiques médiatiquement pour mieux les faire connaître.
La formation est indispensable pour chacun tout au long de la vie professionnelle, mais peut-être faut-il la promouvoir encore davantage dans le
domaine de l’autisme, pour lequel les connaissances évoluent rapidement
depuis ces vingt dernières années.
L’HAS insiste aussi, à juste titre, sur le diagnostic précoce. Les secteurs de
psychiatrie infanto juvénile développent depuis plusieurs années, lorsqu’on leur en laisse les moyens, des unités petite enfance travaillant en
lien avec les PMI et les pédiatres, à même de reconnaître les enfants à
risque autistique. Il serait nécessaire d’encourager ces structures à se
développer.
Que pourrions-nous souhaiter de plus pour l’avenir ?
Il existe encore un déficit du nombre de places d’enfants, d’adolescents,
ou d’adultes dans des structures adaptées, déficit s’accroissant généralement avec l’âge des patients. Ce nombre est d’autant plus insuffisant en
cas de bas niveau de développement, de troubles associés (comme les
troubles du comportement), de comorbidités (handicaps sensoriels surajoutés par exemple) ou de facteurs d’isolement (précarité, acculturation).
14. Mediapart.fr, article
du 3 avril 2012
par Sophie Dufau.
15. L. Mottron, L’autisme :
une autre intelligence, Paris,
Pierre Mardaga, 2006.
16. B. Virole ;
B. Algranti-Fildier ;
J. Fortineau, « Intégration
scolaire dans le cadre
d’un hôpital de jour séquentiel
– Place des approches
cognitives », Synapses,
n° 148, 1998, p. 47-53.
11
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Il n’y a pas de méthode unique ni de méthode miracle et il ne faut pas
confondre une théorie, un registre de pensée et une pratique. Les enfants
autistes ou souffrants de TED bénéficient des soins, de l’éducation et de la
pédagogie qui leur sont apportés par des professionnels compétents, engagés, expérimentés, rigoureux, consciencieux.
Enf&Psy 53
31/05/12
9:52
Page 12
Éditorial
Ce sont des facteurs aggravants, de retard de prise en charge ou d’absence
de structures ad hoc. Il existe, de plus, une inégalité dans la répartition des
moyens sur le territoire national (les périphéries des grandes villes et les
secteurs ruraux sont particulièrement sous-équipés). Depuis plusieurs
décennies, ce défaut de places est largement dénoncé par les parents et les
professionnels 17, nous souhaitons qu’il soit pris en compte par les pouvoirs publics.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Mais selon moi, le vœu le plus cher dans ce climat délétère, serait de s’articuler entre professionnels et avec les parents au profit des enfants au lieu
de se dénigrer ou de s’ignorer car je reste convaincue du bénéfice évolutif de ces approches plurielles ; elles ne sont pas antagonistes mais elles
sont complémentaires.
17. J.P. Thevenot ;
A. Philippe ; F. Casadebaig,
Accès aux institutions des
enfants et adolescents avec
autisme ou troubles
apparentés.
12
Pourquoi ne pas créer un observatoire permettant le recueil des savoirfaire et des expériences parentales, et l’étude approfondie des témoignages et des récits des personnes autistes ? Ainsi, prendre en compte au
sein d’un débat public toutes ces dimensions dans les parcours d’accompagnement et de soins des personnes autistes rendrait toute sa mesure à
l’appréhension de la complexité de leurs situations requérant modestie,
prudence et rigueur.
Enfin, cette polémique soulève la question de l’évolution du rapport entre
les parents et les professionnels dans un monde qui a beaucoup changé ces
dernières années, notamment du fait du développement d’internet. Nous
aurons l’occasion de revenir sur ce débat dans un prochain numéro
d’enfances&PSY consacré au travail avec les parents.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - cerf de dudzeele géraldine - 90.2.149.37 - 23/06/2012 22h40. © ERES
Nous espérons également pour 2012 une promotion de la recherche sur
l’autisme, tant au niveau fondamental en génétique, en neuro-imagerie, en
biologie, en pharmacologie que sur les plans cliniques, thérapeutiques,
pédagogiques et éducatifs, en sciences cognitives, en psychologie, en psychanalyse, en sciences de l’éducation, etc.

Documents pareils