le premier entretien en milieu ouvert
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le premier entretien en milieu ouvert
Ministère de la Justice Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse Jérémy BRUNEL Promotion 2011/2013 LE PREMIER ENTRETIEN EN MILIEU OUVERT : Comment ancrer les prémices d'une relation éducative lors du premier entretien ? Sous la direction de Martine Morisse, maître de conférence à Paris 8 Mémoire de validation de la formation d'éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse École Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse Pôle Territorial de Formation Grand Nord REMERCIEMENTS J'adresse mes remerciements à ma directrice de mémoire et aux formatrices du Pôle Territorial de Formation Grand Nord, pour les conseils qu'elles m'ont prodigués afin de mener à bien mon travail de mémoire. Je tiens également à remercier ma tutrice de stage et ma direction, pour son soutien et ses encouragements. Je souhaite aussi remercier les éducateurs pour le temps qu'ils m'ont accordé pour répondre à mes questions. Sommaire INTRODUCTION....................................................................................................................................1 I LE CADRE DU PREMIER ENTRETIEN............................................................................................4 A) L’ordonnance du Juge des enfants, acte déclencheur de la rencontre.................................................7 B) Un premier entretien sous le signe du paradoxe................................................................................10 C) Une prise en charge institutionnelle du premier entretien.................................................................13 II LE PREMIER ENTRETIEN : ESPACE DE LA RENCONTRE EDUCATIVE ENTRE DIFFICULTES ET PRECONISATIONS...............................................................................................23 A) Le premier entretien : espace interactif................................................................................24 B) Le nécessaire ancrage de la relation éducative : Quelles difficultés ?..................................25 C) Ancrer la relation éducative au premier entretien : quelles préconisations ?........................32 III UNE EXPERIMENTATION POUR GARANTIR LA PREMIERE RENCONTRE........................39 A) D'une expérience personnelle... ….......................................................................................39 B) …. A un outil personnel .......................................................................................................41 C) Un outil pour le service... ..................................................................................................44 D) …Pour réflexion plus large...................................................................................................49 CONCLUSION....................................................................................................................................51 BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................54 ANNEXE.............................................................................................................................................56 Introduction Lors de mon expérience professionnelle précédente en tant qu'assistant d'éducation au sein d'un lycée professionnel, la question de l'accueil m'a souvent interrogé. Ainsi, la première rencontre entre un professionnel et l'adolescent m'a toujours sensibilisé. A chaque rentrée scolaire, l’accueil des nouveaux internes était un moment solennel, où des enjeux se jouaient à différents niveaux. Du point de vue institutionnel, il nous fallait présenter l’internat ainsi que son fonctionnement. Ce temps était également consacré aux recueils des renseignements administratifs ainsi que la remise du règlement intérieur. Sur le plan humain, il s'agissait, dans un premier temps, de la rencontre entre un professionnel et des adolescents. Dans un second temps, la séparation entre des parents et leurs enfants confiés à l’établissement pour un temps déterminé marquait un « coup de force ». Ce moment difficile était vécu de manière différente selon les individus. Il devait, à mon sens, être accompagné de la meilleure manière qu’il soit. Cet accompagnement avait pour but de rassurer les jeunes ainsi que leurs parents quant au déroulement de la prise en charge. Ainsi, je me suis très tôt posé la question suivante : comment le professionnel peut-il aborder au mieux cette rencontre et accueillir l'adolescent dans les meilleures conditions possibles ? Ce questionnement s'est renforcé depuis mon entrée en formation en septembre 2011. En effet, les périodes de stage d'observation ont fait naître des questions et des prises de 1 conscience sur cette première rencontre entre le professionnel et le jeune. Elles ont été l'occasion de plusieurs interrogations. Durant mes différentes périodes de stage, il m'a été possible d'observer plusieurs rencontres entre professionnels et jeunes à des stades différents de la prise en charge, du travail éducatif et dans des structures différentes (Milieu Ouvert, hébergement, Permanence Éducative Auprès du Tribunal). J'ai ainsi assisté à des premiers entretiens de Liberté Surveillée Préjudicielle, de Mesure Judiciaire et d'Investigation Éducative, des entretiens à différents moments des suivis éducatifs, des entretiens dans le cadre d'une prise en charge en Hébergement, dans le cadre de la Permanence Éducative Auprès du Tribunal, dans les couloirs du Tribunal pour Enfants... Toutefois, un entretien avait particulièrement retenu mon attention. Pendant ma période de stage en Milieu Ouvert en janvier 2012, j’ai analysé un premier entretien dans le cadre d'une mesure de Liberté Surveillée Préjudicielle d'un jeune. Cet acte éducatif avait fait l'objet d'un écrit dans le cadre de la formation. De nombreuses interrogations et constatations ont été suscitées par ce moment. En effet, cette rencontre entre le jeune, sa famille et l'éducateur avait été particulièrement difficile. Le mineur s'était montré réticent à toute intervention éducative. Les parents ne semblaient pas entretenir de bonnes relations. J'avais également été frappé par leurs positions respectives face à l'éducateur. Je la trouvais symbolique par rapport à la situation. Le jeune se trouvait ainsi assis entre le père et la mère comme s'il faisait « tampon » ou s'il était l'objet du conflit. L'entretien s'est déroulé dans des conditions compliquées et un climat conflictuel. L'éducateur avait donc dû composer avec ce contexte pour le mener au mieux. En tant qu'éducateur stagiaire, cet entretien avait fait naître un questionnement sur ce premier entretien et sur la manière de le conduire au mieux notamment en faisant avec les attitudes et les réponses proposées par chacun. La situation de ce jeune m'avait permis de faire de nombreuses constatations qui m'ont servi de base dans cette étude. En effet, j'ai eu l'opportunité de suivre le mineur à trois reprises dans des conditions distinctes. Les lieux n’étaient pas les mêmes. Les personnes présentes (parents ou professionnels) étaient 2 différentes. Le jeune s'est comporté autrement. Le mineur qui semblait méfiant, vindicatif et fermé lors du premier entretien à laisser place à un mineur détendu, à l'écoute. À partir de cette observation, je me suis posé plusieurs questions : quelle est l’influence du lieu dans l’entretien ? Quelles sont les incidences des conditions et des attitudes sur son déroulé? Étant pré-affecté au Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert d'Amiens, j'ai donc voulu poursuivre ce travail sur les premiers entretiens généralement consacrés à l’accueil et donc de la première rencontre entre le jeune et le professionnel. Celle-ci m'apparaît primordiale. La première rencontre est la première pierre du travail éducatif. Il interroge le cœur de la pratique de chaque professionnel que ce soit en hébergement ou en milieu ouvert. Il s'agit d’un moment avec un enjeu particulier. Elle est la première prise de contact avec le mineur et/ou sa famille. Ainsi, elle permet aux protagonistes de mettre un visage sur le nom apparaissant sur l’ordonnance du Juge des Enfants. Cet accueil doit être l'occasion de poser le cadre de l'intervention du service, de l'éducateur, d’expliquer la mesure et la procédure tel que le prescrit le référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Au-delà de ces prescriptions, il faut également permettre au mineur et à sa famille de pouvoir mesurer et de saisir l'importance de tous ces éléments. Le professionnel doit donc faire appel à des outils, des « savoir être » et des « savoir faire » : techniques d’entretien, faire appel à des champs de la communication, l’écoute, l’empathie, le Document Individuel de Prise en charge (DIPC)... Il est également le moment où le travail d'investigation et éducatif débutent. Les premières hypothèses et pistes de travail naissent. Il est l’occasion d’imaginer les contours d'un projet éducatif. Il me semble pertinent de s'interroger sur le premier entretien en Milieu Ouvert pour mieux le comprendre et l'appréhender. Cette connaissance me paraît essentielle pour mieux accueillir les mineurs dont nous avons la charge. Travailler sur le premier entretien me permet de poser les bases de ma pratique et faire évoluer mon identité professionnelle. Ainsi, ma question de départ est la suivante : comment mener au mieux le premier entretien et donc la 3 première rencontre avec l'adolescent en Milieu Ouvert ? Dans une première partie, il me paraît important d'étudier le cadre du premier entretien pour mieux en comprendre les contours et pouvoir en mesurer l'impact sur nos pratiques professionnelles. À partir de cette base de connaissances nécessaires, il est judicieux de s'attarder sur les difficultés rencontrées par l'éducateur pour ancrer une relation éducative lors du premier entretien. Le professionnel n'est pas pour autant dépourvu de solutions. Ainsi, à l'aide de certaines préconisations, le professionnel peut mieux les appréhender. Enfin, les constatations émanant du terrain d'observation qu'est le Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert d'Amiens appuyées par les champs théoriques explorés seront le point de départ pour une réflexion sur la ou les action(s) à envisager pour faire du premier entretien, un moment propice à l'ancrage de la relation éducative. 4 TITRE 1 : Le cadre du premier entretien La rencontre est définie comme le « fait de se trouver fortuitement en présence de quelqu'un ». Un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et un mineur ne se retrouve pas en présence par hasard. En effet, cette rencontre tire son origine de l'infraction commise par l'adolescent et de la saisine de la chaîne judiciaire. Ainsi, avant qu'une décision judiciaire intervienne, une procédure pénale doit être enclenchée. L'infraction doit être nécessairement constatée par les forces de l'ordre. Ces dernières en réfèrent au parquet en charge des mineurs. Le Procureur de la République en fonction des éléments en sa possession, dispose de plusieurs solutions. Ainsi, il peut décider: • de classer l'affaire s'il estime que les éléments ne suffisent pas à enclencher la procédure pénale • de prononcer une alternative aux poursuites (celle-ci lui laisse la possibilité en cas de non-exécution de saisir à nouveau l'autorité compétente) • de saisir le Juge des Enfants ou le Juge d'Instruction soit par la voie du déferrement ou par la Convocation par Officier de Police Judiciaire (COPJ) en vue d'une mise en 5 examen. • La loi du 10 août 20111 a introduit la possibilité pour le procureur de la République de saisir directement, le Tribunal pour Enfants sans instruction préalable du Juge des Enfants ou Juge d'Instruction sous certaines conditions (peine d'emprisonnements encourus (5 ans pour les plus de 13 ans ou 3 ans pour les plus de 16 ans), une enquête de personnalité de moins de 12 mois le mineur fait l'objet ou fait déjà l'objet d'une ou plusieurs procédures, une investigation sur les faits n'est pas nécessaire). Cette procédure exclut les primo-délinquants. À ces stades, le magistrat saisi peut prendre toute décision judiciaire qu'il juge utile sous couverrt de l'Ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante. Ce texte législatif offre au magistrat un large éventail de réponses pour établir une intervention adaptée aux faits, au temps de la procédure (mise en examen, jugement ou encore alternatives aux poursuites) et au mineur. Ainsi, des mesures éducatives ou d'investigation, de sanctions éducatives, de mesures de probations ou de peines peuvent peuvent être prononcées. Si le magistrat décide de prononcer une mesure pénale à l'encontre d'un mineur, une ordonnance est émise. Ce document juridique provoque la saisine d'un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. La décision judiciaire est notifiée puis expliquée au mineur et à ses représentants légaux. Elle est, ensuite, transmise à un Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert. La structure est alors officiellement saisie pour exercer la décision. Elle aura la charge de l'attribuer à un éducateur. Pour expliquer la procédure d'attribution, je m'appuierais sur mes observations faites au Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert d'Amiens. Ainsi, après avoir été enregistrée par le secrétariat, la mesure est attribuée par le Responsable d'Unité Éducative à un éducateur lors de la réunion de service hebdomadaire. L'attribution est effectuée selon deux critères principaux : la zone d'intervention du professionnel et sa capacité pour de pouvoir absorber le 1 Loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs et décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011 6 suivi éducatif au sein de l'ensemble de ses prises en charge (c'est à dire dans la limite de 25 mineurs). L'éducateur désigné est chargé d'envoyer, par voie postale, une convocation au mineur ainsi qu'à ses représentants légaux pour un premier entretien. Cette première rencontre se déroulera dans les locaux du service. Le suivi éducatif peut ainsi débuter Cette décision juridique aura un impact sur l'intervention et le travail de l'éducateur. En effet, elle fixe le cadre de l'intervention. De plus, elle a un impact sur la rencontre entre l'éducateur référent de la mesure et le mineur. Le mineur se voit contraint d'accepter une aide non demandée. On parle alors d'aide contrainte. Le premier entretien se déroulera donc dans ce contexte paradoxal. Enfin, le cadre institutionnel vient également se greffer au cadre juridique. Une nouvelle strate s'impose donc à l'éducateur. A) L'ordonnance du Juge des Enfants, acte juridique déclencheur de la rencontre : Comme il l'a été dit précédemment, lors de la mise en examen ou du jugement, le Juge pour Enfants a la possibilité de prononcer toute mesure qu'il lui semble nécessaire. Une ordonnance est alors émise. Cette dernière précise le service saisi pour l'exécuter, la qualification pénale de l'infraction, la nature de la décision, la durée et les objectifs ou obligations à respecter s'il s'agit d'une mesure de probation. Plusieurs constats peuvent être fait à partir du contenu de l'ordonnance. Cette décision judiciaire donne une légitimité juridique à l'intervention éducative des services de la Protection judiciaire de la Jeunesse et de l'éducateur désigné par la direction. Ainsi, contrairement à certains professionnels intervenant auprès d'adolescents en difficulté comme les éducateurs officiant en club de prévention ou encore dans le champs administratif de l'Aide Sociale à l'Enfance, les usagers n'ont pas la possibilité de solliciter 7 directement l'aide d'un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Seul un magistrat a autorité pour solliciter ses services. Cette constatation a une incidence sur l'entrée en relation entre l'éducateur de la PJJ. Cette conséquence sera étudiée lors des développements suivants. Par ailleurs, si la décision légitime l'intervention des structures de la PJJ, elle en fixe également le cadre. En effet, dans son ordonnance, le juge fait apparaître la qualification pénale de l'infraction, l'intitulé de la mesure prise, le motif, ses modalités d'exercice et les objectifs ou obligations assorties. Cette décision judiciaire sert de fond à la prise en charge. Elle en fixe le contenu général c'est à dire l'ensemble des éléments. Ces derniers auront une incidence sur l'intervention de l'éducateur. En effet, comme il l'a été dit précédemment, l’ordonnance du 2 février 1945 offre un large panel de mesures, sanctions et peines. Ces dernières n'ont pas la même dimension contraignante ou la même gravité ou incidence judiciaire. Ainsi, pour expliciter mes propos, je vais comparer les mesures de Liberté Surveillée Préjudicielle et de Contrôle Judiciaire. Ces dernières n'ont pas la même portée judiciaire. La première citée est une mesure éducative prononcée à titre provisoire par le Juge des Enfants. Elle a pour but de surveiller le comportement du mineur, de veiller à son insertion scolaire, professionnelle et sociale. Les évolutions du mineur seront prises en compte par le magistrat lors du jugement. Elle a une vocation purement éducative. Son non-respect n'emportera pas les mêmes incidences qu'un Contrôle Judiciaire. Cette mesure pénale est également prononcée avant jugement. Elle est ordonnée à l’égard d’un mineur mis en examen qui encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine de réclusion criminelle. Elle se veut contraignante et restrictive de libertés. Le magistrat peut ainsi l'assortir d'obligations dont le non-respect est susceptible d'entraîner la mise en détention provisoire du mineur. Le caractère éducatif de la mesure est à relier aux obligations qui peuvent être prononcées par le magistrat. Par exemple, le Contrôle Judiciaire peut s'accompagner d'une obligation de suivre une scolarité ou une formation professionnelle ou d'une obligation de se rendre aux convocations du service éducatif mandaté. La dimension probatoire de l'une et le caractère de surveillance de l'autre auront un 8 impact sur le travail de l'éducateur. Les éducateurs interrogés dans le cadre de cette étude ont pu faire part de cette incidence. Ainsi, pour Grégory, « tu ne fais pas un entretien de LSP et un entretien de CJ de la même manière. Dans un CJ, tu énonces et insistes sur les obligations et les conséquences du non-respect. Tu es plus rigide. Dans une LSP, qui est une mesure qui se veut éducative, tu insistes plus sur cette dimension. C'est un passage obligé de rappeler le cadre. Il faut que le jeune puisse avoir conscience des délimitations qui entourent la prise en charge et quel est mon rôle ». Pendant ces deux années de formation, j'ai pu observer que l'éducateur aborde la première rencontre de manière différente selon la ou les mesure(s) mentionnée(s) dans l'ordonnance. J'y ai également été confronté pendant ma période de pré-affectation au Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert et d'Insertion d'Amiens. Ainsi, j'ai eu à mener des premiers entretiens dans le cadre de mesures différentes. J'ai choisi de comparer mon intervention dans deux mesures pré-sentencielles : une Liberté Surveillée provisoire et un Contrôle Judiciaire. L'accompagnement éducatif et la dimension d'aide sont présents dans ces deux mesures dévolues aux mineurs. Il n'en demeure pas moins que j'ai mis en avant le caractère probatoire du Contrôle Judiciaire lors de cette première rencontre. Ainsi, j'ai insisté sur les conséquences d'un éventuel non respect en étayant mes propos d'exemple. Pendant le premier entretien de LSP, j'ai mis l'accent sur la dimension éducative. L'éducateur, de fait, adapte son discours et met l'accent sur les enjeux principaux de chaque mesure. Il lui revient de faire comprendre aux mineurs les tenants et les aboutissants de son intervention. Autrement dit, dans mon exemple, les mineurs concernés doivent comprendre les incidences. Pour une Liberté Surveillée Préjudicielle, le magistrat en tient compte de l'évolution et de l'implication de l'adolescent dans le suivi éducatif lors du jugement. En cas de non-respect du Contrôle Judiciaire, une détention provisoire peut être prononcée par le Juge des Enfants à l'égard du mineur. L'ordonnance rendue par un magistrat fait naître la rencontre mais son contenu 9 délimite également le cadre de l'intervention éducative. Ce dernier devra être explicité lors de la première rencontre et influence donc la pratique de l'éducateur. Le professionnel se doit de faire avec les attendus du mandat judiciaire, Il convient d'ajouter que si elle fait naître la rencontre, elle ne se fait que sur la base d'une obligation. En effet, l'accompagnement et le suivi éducatifs n'interviennent que par l'intervention judiciaire. Le mineur est contraint à recevoir une aide. Le concept d'aide contrainte est communément retenue. Expression sur laquelle, il convient de s'attarder. B) Un premier entretien sous le signe du paradoxe : Par son ordonnance, le Juge des Enfants, ayant repéré des fragilités dans une situation, demande au mineur et aux détenteurs de l'autorité parentale d'accepter une aide apportée par un service éducatif de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Autrement dit, le magistrat fait une injonction judiciaire à laquelle les usagers doivent se soumettre. Cette situation apparaît dès lors paradoxale. En effet, la demande d'aide émane généralement d'une personne qui en ressent le besoin. Celle-ci a donc la volonté d'être aidée ou de la recevoir. Or, dans les mesures ordonnées dans le cadre de l'ordonnance du 2 février 1945, une requête d'aide n'est pas forcément formulée. La qualification d'aide contrainte a été retenue. Repères théoriques : L'aide contrainte, un oxymore : « Aide » et « contrainte » sont deux termes antinomiques. En effet, le Petit Robert définit l'aide de la manière suivante : « action d'intervenir en faveur d'une personne en joignant ses efforts aux siens ». Le Larousse donne la définition suivante de « la contrainte » : « Action de contraindre, de forcer quelqu'un à agir contre sa volonté ». Ainsi, l'aide sous10 entend que l''individu soutenue, l'ait sollicitée. La contrainte vient, quant à elle, en contradiction de cette définition. En effet, elle signifie que l'on impose une aide à une personne qui ne l'a pas souhaité. Ainsi, l'aide contrainte s'entend comme étant « toute situation où une personne se trouve à faire une « demande d’aide » qui n’émane pas d’elle mais est prescrite par un tiers ayant sur elle un pouvoir (capacité de gratifier ou de punir). »2 Jacques Pluymaekers, dans son ouvrage « Familles, Institutions et Approches systémiques »3 a précisé que l’aide contrainte est un système réunissant trois acteurs : • Le mandant • Le mandaté • L’objet du mandat. Le Juge des Enfants est le mandant dans le cadre de l'enfance délinquante. Le magistrat a la possibilité de prononcer des mesures pénales dans le but de venir en aide. Il formule donc une injonction à l'encontre d'un mineur, qui est l'objet du mandat. Il mandate un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Il lui impose de mettre en œuvre cette assistance. Afin de répondre à cette demande, la structure désignera un éducateur. Ce professionnel se devra d'agir au mieux auprès du mineur tout en rendant des comptes au mandant, le Juges des Enfants. La double contrainte au regard de l'école de Palo Alto4 : Avant d'examiner la théorie, il convient de revenir sur le postulat classique de communication. Ainsi, une communication est un échange ou une transmission d’informations entre un émetteur et un récepteur. Plusieurs éléments doivent être réunis : une mise en relation entre les protagonistes et la délivrance d'une information qu'elle soit orale, écrite ou visuelle. La communication entre individus n'est donc pas neutre puisqu'elle entraîne des rétroactions, c'est à dire des messages en retour. Cette réciprocité signifie que la 2 3 4 Guy Hardy et al, « s'il te plaît ne m'aide pas, l'aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 2001 Pluymaekers J. (1989): Familles, Institutions et Approches systémiques, Paris, ESF. p. 108-110 L'école de Palo Alto : courant de pensée et de recherche en sciences de l'information et de la communication 11 communication est établie. Gregory Bateson5 a observé les phénomènes de communication au sein de familles de schizophrène. Il a ainsi remarqué qu'une personne pouvait transmettre un message à son interlocuteur à un niveau verbal se contredisant à un niveau non verbal. Ce dernier se trouve alors dans l'incapacité de répondre efficacement à ces deux messages opposés. Les deux individus se retrouvent enfermés dans ce système de communication. À partir de ces constatations, il a développé la théorie de la double contrainte. Bateson a déterminé les éléments suivants pour qualifier une situation de communication soumise à double contrainte. Ainsi, il faut : • « deux individus ou plusieurs partageant une interaction essentielle au moins pour l'une d'elle. • Un de ces deux individus se retrouvent pris à deux niveaux de messages dont l'un est contradictoire. On parle alors d'injonction paradoxale ». L'individu concerné par ce double niveaux d'informations n'a pas la possibilité ou la capacité d'y répondre de manière satisfaisante. En effet, il se retrouve plonger dans une situation paradoxale. Pour pouvoir y répondre efficacement, l'injonction n'aurait pas dû être prononcée. Il est alors possible de s'interroger sur la situation du mineur et ses parents face au Juge des Enfants. Ne sont-ils pas confrontés à une double contrainte ? 5 Gregory Bateson (1904-1980) : anthropologue psychologue américain à l'origine de ce que l'on appelle l'école de Palo Alto 12 L'ordonnance judiciaire, une injonction paradoxale d'aide : Comme il l'a déjà été souligné précédemment, l'aide suppose une volonté de la recevoir. Ainsi, soit un individu la sollicite ou il accepte la proposition d'aide émanant d'une tierce personne. Dans le cadre d'intervention de la Protection Judiciaire de la jeunesse, un paradoxe prend naissance dans le bureau du Juge des Enfants. L'injonction prise par le magistrat mène à une situation contradictoire. Il est demandé à un adolescent et les représentants légaux de saisir une aide non sollicitée. Ils deviennent ce que Guy Hardy6 appelle des « aidés contraints ». Une contradiction vient donc de se dessiner et le magistrat délivre le message suivant : « je veux que tu changes même si tu ne te rends pas compte de cette nécessité ». Il s'agit donc de répondre à des difficultés repérées mais non encore identifiées par les intéressés. Cette aide peut dès lors apparaître disqualifiante voire être stigmatisante. En effet, le mineur et ses représentants légaux sont mis face à leurs éventuels dysfonctionnements ou défaillances. La décision vient également reconnaître que ces personnes ne sont pas en capacité d'admettre qu'elles ont besoin d'aide. Il existe un second degré de lecture à la décision du magistrat. En effet, pour Guy Hardy, le magistrat sous-entend tacitement ces propos : « je veux que tu changes parce que je constate que tu as un problème mais tu ne peux simplement m'obéir, il faut que tu veuilles changer. » Le changement suppose une volonté. « Être aidé » à se changer nécessite également un désir. En effet, pour vouloir évoluer, le mineur et ses parents doivent le souhaiter. Ces derniers se retrouvent face à un ordre auquel il leur est difficile de répondre car on leur demande de changer face à un problème qu'ils n'ont pas encore identifié. On parle alors d'une injonction paradoxale d'aide. D'une démarche de changement qui se devrait être volontaire, il est intimé aux individus de changer. 6 Guy Hardy : Assistant social. Formateur en approche systémique 13 Le paradoxe est renforcé par l'intervention du tiers mandaté par le magistrat : un établissement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Le Juge des Enfants introduit une nouvelle lecture : « je veux que tu changes, que tu veuilles te changer et pour cela je te demande d'accepter cette aide. » Or, cette aide n'ayant pas été sollicitée, elle ne trouve pas forcément échos auprès des usagers. Les usagers doivent donc avoir deux volontés : celle de changer et celle d'être aidés. Un jeu se noue donc entre tous les acteurs. L'éducateur se trouve lui également au cœur de cette contradiction. Ainsi, Guy Ausloos évoque un paradoxe qu’il qualifie d’inhérent à l’aide contrainte : « se trouver en situation d’avoir à aider quelqu’un qui ne demande pas d’aide, même si souvent, il en aurait besoin.. » 7 L'éducateur peut se retrouver donc face à des mineurs réfractaires. Pour illustrer mes propos, je me souviens des paroles de Kevin. Ainsi, lors du premier entretien de Liberté Surveillée Provisoire avec Kevin, celui-ci m'a tenu les paroles suivantes : « Je n'ai pas besoin d'aide. Je m'en fous de ce que peut dire le juge et je lui dirais la prochaine fois que je le verrais »8 lorsque j'ai abordé le fait que le Juge des Enfants avait repéré des fragilités qui l'ont poussé à prendre cette décision. Cet exemple montre qu'à cet instant, l'adolescent n'a pas encore conscience de ses difficultés. Il ne comprend pas que le magistrat lui ait imposé d'être aidé par un travailleur social. Il reviendra donc à l'éducateur de lui faire comprendre la décision et prendre conscience que ces difficultés existent vraiment. Elle suppose un véritable travail sur l'adhésion avec le jeune. L'objectif ne sera pas de l'obtenir dès cette première rencontre mais lui en faire entendre les bénéfices. Ainsi, « l'adhésion ne constitue en aucun cas un préalable à la prise en charge éducative, le mineur ne pourra changer que s'il peut à un moment donné s'approprier ce qui lui arrive.9 » Cet extrait du « Rapport de la Commission Nationale sur le Milieu Ouvert » suppose que l'adhésion soit un enjeu à travailler au cours de la prise en charge. La question se pose d'autant plus dans le contexte de l'aide contrainte. L'éducateur devra positionner l'adolescent et ses représentants légaux en tant qu'acteurs. 7 Guy AUSLOOS in Guy Hardy. S’il te plait ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire. p. 9 8 Propos tenus par Kevin lors du premier entretien de Liberté Surveillée Préjudicielle en date du 29 mars 2013 9 Rapport de la commission nationale sur le Milieu Ouvert, décembre 2002, p. 23 14 La décision judiciaire sert donc de fondement à l'intervention de l'éducateur. Elle l'oriente et le guide lors du premier entretien puis tout au long de la prise en charge. Le cadre institutionnel vient également impacter sur la première rencontre. Ainsi, il vient donner une forme à ce premier acte éducatif de la prise en charge. C) La prise en charge institutionnelle du premier entretien : exemple du STEMOI d'Amiens : Le premier entretien est le premier acte éducatif posé par l'éducateur. Son déroulé est défini par un cadre institutionnel. En effet, il est le moyen technique ou l'action qui matérialise la rencontre. Dans cette sous partie, j'ai choisi de présenter la manière dont est préparé le premier entretien au sein du Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert et d'Insertion d'Amiens, lieu de ma pré-affectation. Cette organisation ne tient pas lieu de généralité. En effet, le premier entretien peut s'organiser différemment dans d'autres établissements de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Pour les décrire, je m'appuie tant sur mes observations participantes ou non et le projet de service en cours de révision. Le premier entretien marque la prise en charge effective de la mesure et donc du mineur par le service. Avant même cette rencontre, l'ordonnance a été attribuée à un éducateur. Ce dernier est chargé de convoquer par écrit le jeune et sa famille. Cette convocation reprend en partie la décision du juge en énonçant la mesure prise, la date de son prononcé, la date et l'heure de l'entretien ainsi que l'adresse du service. Un plan est fourni avec la convocation afin de permettre aux usagers de repérer la structure. Ce courrier est effectué au nom du RUE et comporte le nom de l'ensemble des intervenants. 15 • Le temps de l'accueil : − le symbolisme d'une convocation au service : La première rencontre entre les professionnels et les usagers s'effectue au sein des locaux du service. Le choix de convoquer au sein des locaux de la structure apparaît symbolique. « Un symbole se définit comme une réalité matérielle (un bâtiment, une statue, une pièce de monnaie...) qui communique quelque chose d'immatériel (une idée, une valeur, un sentiment...)10 ». Autrement dit, « comme tous les signes, les symboles « signifient », c'est à dire qu'ils portent le sens qu'un individu ou un groupe leur prêtent »11 . Ainsi, les locaux d'un service de la PJJ comme tous les lieux sont porteurs d'autre chose que d'eux mêmes en tant qu'étendues matérielles. Jérôme Monnet ajoute que l'espace public comme l'est un établissement de la PJJ joue un rôle déterminant dans l'efficacité symbolique d'un lieu. C'est à la fois un espace de liberté et le champ de la contrainte publique (sphère de l'application des règles et normes sociales...). Avant même de pénétrer dans le service, le mineur et ses représentants légaux ont conscience qu'ils vont rentrer dans un espace public représentant le Ministère de la Justice et véhiculant cette image. Les éducateurs marquent l'importance que le premier entretien s'y inscrive. Ainsi, Marianne souligne « qu'il est important que ce premier entretien se passe au service. Il faut qu'il vienne « chez nous » pour qu'ensuite nous puissions aller à leur domicile. C'est important au niveau de la symbolique et cela évite le côté intrusif d'une visite à domicile sans même s'être apprivoisés ». A travers ces propos, il convient de distinguer deux éléments primordiaux : • la volonté d'inscrire le jeune et sa famille dans la prise en charge : le cadre de l'intervention et le lieu « ressource » qu'est le service de Milieu 10 11 Jérôme Monnet, « La symbolique des lieux : pour une géographie des relations entre espace, pouvoir et identité », 1998 Idem note 9 16 Ouvert, • la volonté d'établir ce premier contact dans un lieu « symbolique » et éviter d'entrer d'emblée dans l'intimité de la famille. De plus, un premier entretien au domicile pourrait être vécu comme intrusif par la famille. Il faut d'abord « s'apprivoiser ». Grégory, quant à lui, relate les propos de Paul Fustier : « FUSTIER disait que des murs découlaient l'état d'esprit de la structure qui l'accueille. » Ainsi, les locaux du service et l'accueil sont les premiers témoins de la prise en charge et du cadre de l'intervention. L'image renvoyée par le service en découle. L'adolescent et ses représentants légaux peuvent se faire une première idée sur la prise en charge. Ils peuvent également se sentir sécuriser par l'image renvoyée. − la première prise en charge physique : Lors de leur arrivée au service, le mineur et ses parents se présentent à l'accueil. Ils sont accueillis par les adjoints administratifs. Il s'agit des premiers accueillants qu'ils rencontrent. Ils sont, ensuite, invités à patienter dans la salle d'attente. L' adjoint se chargent de prévenir les professionnels. Lors de discussions informelles avec les professionnels ou dans le cadre des entretiens semi-directif, j'ai pu mesurer l'importance que revêt ce premier moment. « L'accueil doit être formel tout en gardant des éléments qui peuvent favoriser l'expression. » A travers, ces propos d'Arnaud, il est possible de mesurer l'importance de l'image donnée par le service. L'agencement des locaux mais aussi l'accueil apparaissent donc primordiaux. Lors de l'étude, les éducateurs s'accordent pour dire qu'il faut que les usagers se sentent attendus. La première image qu'ils auront du service est importante pour le reste de la prise en charge. Marianne propose que ce temps d'accueil soit amélioré. Ainsi, pour cette éducatrice, « il faudrait que les adjointes administratives puissent savoir que c'est le premier entretien pour ces personnes et que du coup ils soient accueillis différemment. Je ne sais pas comment 17 encore mais il me semble que l'on devrait y réfléchir même si je pense que dans notre service, les adjointes administratives le font déjà très bien.» • Présentation du cadre de l'intervention : Les professionnels présents au premier entretien diffèrent selon la nature de la mesure. Ainsi, les Mesures Judiciaires d'Investigation d’Éducative (MJIE) étant des mesures interdisciplinaires sont présents lors du premier entretien : le Responsable d'Unité Éducative (RUE), le psychologue, l'assistant de service social (s'il s'agit d'une mesure dans le cadre civil) et l'éducateur référent. Dans le cadre de mesure pénale, seuls le RUE et l'éducateur chargé de la mesure accueilleront les usagers. Il n'y a pas de distinction entre les mesures présententielles et post-sentencielles. Il peut arriver que le chef de service n'assiste pas à l'entrevue pour des raisons inhérentes à l'organisation du service. Je suis parti du postulat où le RUE était partie prenante au premier entretien pour présenter les différentes étapes de son déroulement. Le RUE s'avance et se présente auprès de l'adolescent et de ses parents. Ils sont dirigés vers une des salles d'entretien où ils sont conviés à s'installer. présentation des professionnels : Le RUE se présente de nouveau puis le ou les professionnel(s) se présente(nt) à leur(s) tour(s). L'ensemble des professionnels déclinent leur identité et leurs fonctions. Il est rappelé que la mesure est confiée au service. Il y a donc la volonté de permettre à l'adolescent et sa famille d'identifier chaque professionnel et leur fonction respective. présentation de l'administration et du service : Le RUE expose le cadre institutionnel. Il présente le service et l'institution. Ainsi, « vous êtes ici au Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert et d'Insertion d'Amiens. Cet établissement éducatif fait partie de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. La PJJ est ellemême rattachée au Ministère de la Justice. » 18 Il s'agit ici de permettre au mineur et à sa famille de faire le lien entre le cadre judiciaire et l'action éducative. Ainsi, afin de clarifier les fondements de notre intervention, le cheminement de la décision judiciaire, les liens avec le Juges des Enfants et les missions éducatives du service sont expliqués. Un livret d'accueil est remis à la fin de cette étape. Cet outil de la loi du 2 janvier 200212 portant sur la rénovation de l'action sociale et médico-sociale a pour but de présenter le service, préciser ses missions et de donner des informations utiles (coordonnées du service). Le mineur et sa famille sont ensuite informés de leurs droits et obligations ainsi que les conditions de consultation du dossier judiciaire au tribunal. Au STEMOI d'Amiens, un livret d'accueil spécifique a été rédigé selon le type de mesure. Ainsi, il existe un document pour les MJIE dans le cadre de l'enfance en danger, pour les MJIE pénales et les mesures pénales. En effet, en vue de la révision du projet de service, il est apparu important de les différencier pour clarifier l'intervention étant donné les cadres différents. Le rôle du RUE est prépondérant. Il garantit le cadre de l'institution et de l'intervention du service. En effet, son intervention légitime également le travail éducatif et les actions que va mener l'éducateur pendant le suivi. Le RUE pose donc des bases essentielles et garantit un cadre sécurisant tant pour le professionnel que pour le mineur et sa famille. Son intervention symbolise le cadre et le service qui fait tiers entre le professionnel et les usagers. présentation de la mesure : À ce stade du premier entretien, le RUE se retire de l'entretien pour laisser la place aux professionnels. L'éducateur ou les professionnels utilise(nt) ce temps afin de clarifier leur(s) rôle(s) et les modalités d'intervention de chacun (fréquence et organisation des entretiens, visite à domicile, les professionnels susceptibles d'intervenir). En s'appuyant sur l'ordonnance, la mesure est explicitée ainsi que ses attendus. Elle permet également de revenir sur les faits à partir de la qualification pénale retenue par le Juge des Enfants. Le professionnel peut, ainsi, mesurer le positionnement du jeune et de ses parents par rapport aux faits délictueux. 12 LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, site Légifrance 19 L'ordonnance est utilisée comme un véritable outil par l'éducateur. Ce document est le fil rouge de l'entretien. Certains éducateurs peuvent se sentir déposséder de cet outil lorsque le RUE participe à l'intégralité de l'entretien. Marianne tient le discours suivant : « j'ai testé le premier entretien avec le RUE, je n'ai pas aimé. Du coup, j'ai deux premiers entretiens : celui avec le RUE et celui où je l'explique de ma place d'éducatrice. L'ordonnance est un réel outil pour moi et je m'en sens possédée. Cela me met mal à l'aise. Un responsable d'unité ne présente pas le cadre institutionnel de la même façon qu'un éducateur mais cela peut être important qu'il soit là dans certains situations particulières. Cela permet de faire tiers avec l'éducateur et les usagers. Cela évite les face à face. » La mesure ne répond pas seulement à un acte posé. Elle doit nous éclairer sur sa compréhension. L'éducateur en analysera les raisons. L'éducateur essayera d'agir ou de faire agir sur les causes afin d'aider l'adolescent à faire ses propres choix. L'enjeu est de présenter le cadre judiciaire de la mesure mais aussi son caractère éducatif. Le mineur et sa famille doivent percevoir la dimension d'aide. Ainsi, pour Marianne, à ce stade, il est également important que : « Les conséquences judiciaires de la mesure doivent être comprises. Selon le caractère plus ou moins contraignant, l'éducateur modulera sa manière d'aborder le premier entretien. Je ne mène pas mes entretiens de la même façon selon les mesures LSP/CJ ou autres. Dans un CJ, je suis plus dans l'explication de la loi et dans le respect des obligations. J'essaye de lui faire peur. Dans une LSP, je ne lui fais pas aussi peur mais c'est une mesure éducative. Cela joue donc dans la relation. » Le recueil des premiers éléments : Les premiers éléments et renseignements sont recueillis (vérification des dates de naissance, adresse, prise de coordonnées téléphoniques, la composition familiale situation scolaire...). Il s'agit de faire un état des lieux de la situation, d'envisager les premières pistes de travail et d'avoir les informations nécessaires afin de se « revoir ». 20 La fin de l'entretien : La fin de l'entretien est marquée par la prise d'un nouveau rendez-vous. Il est, généralement, demandé si les usagers ont des questions tant sur la situation juridique ou sur le déroulement de la prise en charge. Ils sont, ensuite, raccompagnés jusqu'à la porte de la salle d'entretien ou la porte d'entrée. Cette pratique est différente selon les éducateurs. Comme le précise Joseph Rouzel, « Si la rencontre engagée par un éducateur avec une personne en souffrance obéit aux aléas de toute relation humaine, cette relation singulière prend en revanche une autre dimension qu'une relation d'amitié ou de camaraderie. D'une part, elle s'inscrit dans un projet, obéit à une mission et contrôlée par une institution étant elle-même sous la tutelle d'un organisme d'État ou d'une collectivité locale. Du coup, la relation éducative est au service de ces différents niveaux d'objectifs. »13 En effet, le cadre juridique et institutionnel contribuent à définir la relation sociale. Ainsi, elle participe à « la reconnaissance, par les sujets, du cadre dans lequel se déroule leurs échanges, de la façon qu'ils ont de se positionner l'un vis à vis de l'autre et de conduire leurs activités langagières. »14 Ainsi, le contexte du premier entretien aura un impact sur le déroulement de la rencontre tant pour le mineur et sa famille que pour les travailleurs sociaux. Il ne laisse pas neutre la rencontre. Avant même la rencontre physique et avant de mettre en jeu ses « savoir être » et ses « savoir faire », l'éducateur se doit de faire avec les préalables de la décision judiciaire. Il s'appuie sur le contenu de l'ordonnance et l'aide contraignante qu'elle impose. Le mineur et l'éducateur se trouve dans une situation paradoxale. Toutefois, de celle-ci devra naître une relation qui se voudra éducative. Le projet éducatif comme l'entend Joseph Rouzel, ne peut passer que par l'instauration de cette relation. Ainsi, comment le professionnel va-t-il englober ces attendus pour rencontrer l’adolescent ? Autrement dit, comment au delà de la conduite du premier entretien, l'éducateur 13 14 Joseph Rouzel, « Le Travail d'Éducateur Spécialisé », Dunod, 2000, p. 10 Robert Vion, « l'analyse des interactions verbales », les carnets du CEDISCOR, 1996, p. 19-32 21 va-t-il amorcer la relation éducative ? Le premier entretien est l'espace de la rencontre éducative. L'éducateur doit donc avoir à l'esprit les difficultés auxquelles il va se confronter pour amorcer cette relation éducative lors du premier entretien et penser à la manière dont il peut les contourner. 22 Titre II : Le premier entretien : l'espace de la rencontre éducative entre difficultés et préconisations La rencontre entre l'adolescent et l'éducateur n'est pas dû au hasard. Comme il l'a été vu précédemment, la décision prise par le Juge des Enfants la provoque. De plus, elle se passe dans un espace particulier cadré tant aux niveaux juridique et institutionnel. Ces derniers ayant été posés, il revient à l'éducateur de rencontrer le mineur et ses parents ou représentants légaux tout en s'y référant. Ainsi, après avoir été investi du suivi éducatif par l'attribution de la mesure, le professionnel est chargé de convoquer par écrit les usagers. La date de l'entretien doit être suffisamment éloignée pour permettre aux usagers de s'organiser. Les locaux du service seront le théâtre de la rencontre. Elle se voudra amorcer une relation éducative. « Si la relation éducative constitue bel et bien l’essentiel de notre action au quotidien, elle mobilise des savoir-faire et des outils spécifiques »15. L'acte éducatif qu'est le premier entretien en fait partie. Il convient de le définir. 15 Philippe Gaberan, « La relation éducative », ERES, p. 13 23 A) L'entretien, un espace d'interactions : Pour Daniel Lagache16 « l'entretien est une situation provisoire d'interactions et d'inter-influences essentiellement verbales, entre deux personnes en contact direct avec un objectif préalablement posé."17 Cette définition permet de mettre en exergue que l'entretien est une situation de communication. En effet, il s'agit de mettre en présence directe deux personnes ou plus. L'entretien est un face à face où il existe une proximité physique. À partir de ce postulat, comme le dit Paul Watzlawick,« on ne peut pas ne pas communiquer »18. Le premier entretien est le cadre où va se dérouler la rencontre entre l'éducateur, l'adolescent et ses représentants légaux. Il est donc le lieu où la mise en relation s'établit. Mettre en présence plusieurs individus provoque des interactions. Celles-ci sont de natures différentes. Communément, les termes de communication verbale et non verbale sont utilisés. Pour F.J.J. Buytendijk , « Si la possibilité de la rencontre se fonde sur la présence de l'homme par le corps et dans le corps, nous comprenons aisément que par corps on n'entend pas seulement le mouvement significatif des membres, le contenu expressif du visage et du corps tout entier et l'intentionnalité du comportement, mais encore le parler (le langage). »19 Cette citation permet de déterminer l'ensemble des interactions qui peuvent se produire lors d'un entretien. Il distingue ainsi ce qui est du langage corporel (expressions du visage, gestes, comportement) et le langage (parler). Le premier entretien est donc un espace interactif. Il doit permettre à l'éducateur d'avoir une meilleure compréhension de la situation. Pour obtenir des informations, l'éducateur s'appuie sur l'activité langagière. Au cours du dialogue, le professionnel balaie différents champs : situation familiale, scolarité, positionnement face à l'infraction... Ces éléments recueillis vont l'éclairer sur la situation actuelle du jeune. Toutefois, le recueil d'informations ne peut se réduire à la seule analyse du discours. Ainsi l'observation des gestes, 16 Daniel Lagache (1903-1972) : psychiatre et psychanalyste français Relation d'aide et formation à l'entretien, Jacques Salomé, Septentrion Presses universitaires, p. 15 18 Paul Watzlawick, « Une logique de communication », Le seuil, p.46 in Alex Mucchielli, « Psychologie de la communication » 19 Phénoménologie de la rencontre, F.J.J Buytendijk, éd. Desclée De Brouwer, p. 42 17 24 des attitudes et de la posture joue un rôle prépondérant. Les professionnels soulignent l'importance de l'observation. Pour illustrer, je m'appuierais sur les propose de Grégory : « C'est une observation affinée du ton, du silence, du langage, des regards, Même le silence a une signification et porteur d'indice à décoder. » Le premier entretien suppose également un avant, un pendant et un après l'entretien. Ainsi, dans notre cadre d'intervention, le préalable à toute entrevue est le travail de recueil d'informations (lecture de l'ordonnance, du dossier au Tribunal, du Recueil de Renseignements Sociaux Éducatifs (RRSE), appels aux personnes ressources). L'envoi de la convocation pour un premier entretien provoque alors la rencontre. Cette rencontre symbolise alors le pendant. L'éducateur doit alors projeter son suivi et poser les jalons d'une relation se voulant éducative avec le mineur. Celle-ci est l'objectif à long terme de la rencontre. Cela signifie que le professionnel doit faire une place au jeune. Autrement dit, il doit laisser un espace pour que la rencontre puisse se faire. Mettre en relation un éducateur, un adolescent et ses parents suppose qu'un jeu d'interactions et d'inter-influences se met en place à travers ces échanges « essentiellement verbaux » mais aussi non verbaux. Mettre en présence un professionnel et des individus contraints à le rencontrer implique des résistances. L'éducateur peut donc être confronté à des difficultés qui auront des incidences sur l'ancrage d'une relation éducative. B) Ancrer une relation éducative au premier entretien : Quelles difficultés ? Au delà des incertitudes qu'engendrent une première rencontre, la situation de paradoxe créée par l'injonction judiciaire engendre des réactions de la part du mineur et de ses représentants légaux. L'éducateur peut parfois être à l'initiative de résistances. Ainsi, ses 25 représentations peuvent influer sur l'entrée en relation lors du premier entretien. • Le passage du judiciaire à l'éducatif : une transition délicate : Dans les développements précédents, nous avons vu que le professionnel et les usagers se retrouvaient dans une situation paradoxale. Ainsi, l'injonction judiciaire provoque leur mise en relation rencontre. Elle l'impacte également par la relation d'aide contrainte qu'elle impose aux usagers. Le professionnel se retrouve face à des individus qui ne l'ont pas sollicitée. Jusqu'au premier entretien, l'intervention judiciaire prédomine. En effet, dans le bureau du Juge des Enfants, l'adolescent et ses parents se retrouvent devant une décision judiciaire dont la résultante est de se rendre dans un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, un établissement affilié au ministère de la Justice. Même s'il s'agit d'y rencontrer un éducateur, le cadre judiciaire reste dans leur esprit. Ils passent d'un lieu de « Justice » vers un autre lieu « Justice ». La dimension éducative peut prendre difficilement sens dans l'esprit du mineur. Les usagers se font leur propre représentation de la justice. Elle est renforcée par les liens entre l'éducateur et le Juge des Enfants. Le mandat judiciaire donné par le Juge des Enfants suppose deux dimensions. L'éducateur exerce une mission éducative auprès du mineur. L'objectif est de l'amener à une intégration des normes sociales existantes. La mission judiciaire implique également que le professionnel rende compte au magistrat de l'évolution du mineur. Ces changements seront pris en compte lors du jugement. Dans les mesures de Contrôle Judiciaire ou de Sursis avec Mise à l'épreuve, la dimension probatoire peut, du fait de leur nature, prévaloir sur l'aspect d'accompagnement et d'aide. Le lien entre le caractère judiciaire et le caractère éducatif de l'intervention entraîne une défiance de la part des usagers. Elle peut constituer une difficulté pour ancrer la relation éducative. Sa prise en compte par l'éducateur nécessaire. Ainsi, lors du premier entretien, l'éducateur énonce les liens avec le magistrat, son rôle 26 et ses missions. Il doit s'assurer que la dimension judiciaire ne prenne pas l'ascendant sur la dimension éducative. Il se doit de faire preuve de pédagogie pour inverser cette tendance. Il doit clarifier ses missions, son rôle et sa place pour permettre une meilleure lisibilité de son action et favoriser la construction d'une relation éducative. Il faut que l'utilité de la mesure et de l'intervention puisse être perçue au delà de la sphère juridique. • Les résistances opposées par l'adolescent et sa famille « Les interactions réelles, bien qu'elles soient réglées, ritualisées, comportent risque et incertitude (…) d'où la prudence, la circonspection, le faire semblant, les dérobades, le calcul, le ménagement des possibilités de repli dans le déroulement du « face à face » ordinaire »20 Ces propos d'Anne Marcellini tend à mettre en avant que toute mise en relation entre deux individus suppose des comportements ou des réactions. Dans le cadre contraint du premier entretien, l'adolescent et sa famille disposent de plusieurs issues face à la relation d'aide induite par l'injonction judiciaire. La première d'entre-elles est d'accepter la décision prise par le Juge des Enfants et d'adhérer au suivi pénal. Toutefois, il s'agit de la position idéale. Les usagers reconnaissent qu'un accompagnement leur est nécessaire. La décision du magistrat vient jouer le rôle de déclencheur ou de soutenir une démarche d'aide qui avait été envisagée mais que l'adolescent et ses parents n'avaient pas concrétisé. Or, l'éducateur est confronté à d'autres attitudes pouvant freiner la rencontre. Celles-ci sont à relier à la situation paradoxale que provoque l'aide contrainte. Comme il l'a été vu précédemment, les usagers se retrouvent face à une injonction d'aide. Il leur est demandé d'accepter un accompagnement d'un travailleur social alors qu'ils n'ont parfois pas conscience de leurs difficultés. Une tierce personne va s'immiscer dans leur 20 Anne Marcellini, Mahmoud Miliani, « lectudre de Goffman : l'homme comme objet rituel, janvier 2005 27 intimité. Ils peuvent ainsi adopter des comportements pour faire entrave à la décision du Juge des Enfants. Dans son ouvrage « S'il te plaît ne m'aide pas ! L'aide sous injonction judiciaire », Guy Hardy a, ainsi, repéré les différents comportements face à la contrainte judiciaire d'aide. Le mineur et ses représentants légaux peuvent ainsi décider de refuser l'aide. Ils estiment que leur situation ne nécessite pas l'intervention d'une tierce personne. Les observations et les enquêtes de terrain ont montré que ce refus peut se manifester de différentes manières. L'absence au premier entretien est l'une d'entre elles. En effet, il n'est pas rare que l'adolescent et sa famille ne se présente pas au service au premier rendez-vous. Certains éducateurs craignent cette réaction. Ainsi, Arnaud relate les propos suivants « ma crainte principale est pour l'usager. C'est mon empathie qui parle. Vont-ils venir ? Ont-ils conscience des conséquences ? » L'absence est révélatrice d'un état d'esprit et d'un positionnement face à la décision judiciaire. Il se retire du jeu, comme le dit Guy Hardy. Il s'agit d'une fuite, un repli sur soi face à l'accompagnement éducatif. Ils n'ont pas pris la mesure des éventuelles conséquences pénales . L'adolescent et sa famille peuvent se rendre au premier entretien et adopter un comportement démontrant des résistances face à la décision du magistrat. Leurs présences révèlent que les conséquences judiciaires ont été intériorisées a minima. Ils entendent répondre à l'injonction sans pour autant reconnaître qu'ils ont besoin d'une aide extérieure. Les postures peuvent prendre différentes formes : le mutisme, la défiance, l'agressivité, la provocation, le conflit, etc... Ces différentes attitudes peuvent même se mêler dès le premier entretien. Ainsi, par exemple, lors d'un premier entretien de LSP que j'ai eu à réaliser. Un jeune s'est rendu au service devant l'insistance de ses parents. Pendant l'entretien, il a, ainsi, adopté un comportement mutique. Les seules fois où il a pris la parole, ces dernières étaient empreintes d'agressivité : « vous n'allez pas dire ce que je dois faire » essayant même l'intimidation « faut pas me convoquer le matin, pas trop souvent et trop longtemps. » Ces quelques paroles marquent la résistance à laquelle peut être confrontée l'éducateur 28 lors d'un premier entretien. Les usagers peuvent également adhérer stratégiquement à la décision judiciaire. Il s'agit pour le mineur et sa famille de donner le change au travailleur social en feignant d'adhérer à l'injonction judiciaire. Afin de répondre à la décision, une collaboration de « façade » est mis en place en contrôlant leurs propos. Les enjeux judiciaires ont été intériorisés. Il faut alors en éviter les répercussions. Dans ce dernier cas, l'éducateur a la tâche délicate de se positionner face aux paroles et comportements de l'adolescent et du mineur. Il apparaît difficile lors d'un premier entretien de déceler cette « adhésion stratégique » à la mesure. Les entretiens suivants peuvent permettre de le percevoir. • Une rencontre sous influence ? : Au sein d'un service, il n'est pas rare que l'éducateur entendent le nom d'un mineur avant même de le rencontrer que ce soit lors de réunion ou de discussions informelles. Certains professionnels consultent également les dossiers pénaux ou en assistance éducative concernant le mineur. Ces différents éléments récoltés peuvent agir sur l'éducateur et l'image qu'il se fait du jeune. Pour illustrer ce propos, je me souviens de ma première rencontre avec Arnauld âgé de 12 ans et demi et de son contexte. Avant même de le rencontrer, j'avais entendu son prénom au vue des nombreuses Convocation par Officier de Police Judiciaire dont il avait fait l'objet. De plus, il faisait l'objet d'une MJIE en assistance éducative. Je l'avais convoqué dans le cadre d'un premier entretien de LSP. Ce dernier ne s'était pas présenté à mes deux premières convocations. J'ai profité de sa présence au service dans le cadre d'un entretien pour la MJIE. Mon objectif était de lui faire part de mon mécontentement et de l'importance de ces rendezvous. J'ai été surpris par son apparence. En effet, j'ai rencontré un adolescent dégageant une certaine fragilité. Ayant entendu son nom plusieurs fois et ayant connaissance des nombreux passage à l'acte, je l'avais imaginé avec une attitude fermée. Je me suis trouvé dans l'impossibilité de joindre le ton à ma parole. J'avais été déstabilisé inconsciemment par l'image que je m'étais construite de lui. 29 Cette expérience m'a renforcé dans l'idée qu'il était important pour un éducateur de faire tomber ses représentations. Ces dernières peuvent être un frein lorsqu'on rencontre le mineur. Le professionnel doit autant que possible faire preuve d'une certaine neutralité pour impacter sa rencontre avec l'adolescent. Il me paraît important de s'attarder sur ce concept de représentation. Il n'existe pas un consensus autour du concept de « représentations ». Nous nous appuierons sur la définition proposée par Jean-Claude Abric. Ainsi, il les définit comme étant « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté, et lui attribue une signification spécifique21. » Autrement dit, il s'agit d'un processus psychique par lequel un individu ou un groupe s'approprie une réalité et l'intègre « dans son système de valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et idéologique qui l'environne22 ». Nous nous intéresserons à la manière dont un professionnel peut être influencé par ses représentations. Michel Boutanquoi précise que « toute relation avec autrui implique la construction d’une représentation de celui-ci qui va prendre appui sur un système de représentations sociales23 ». L'éducateur est confronté à un système de représentations par la nature des missions qui lui sont confiées par le Juge des Enfants. En effet, une relation d'aide doit naître du mandat judiciaire. À partir de ces données, le travailleur social construit son propre système de représentations. Michel Boutanquoi ajoute que ces représentations sont « attachées à différents objets qui ne sont pas indépendants les uns des autres : se mêlent donc des représentations du métier, de l’action, des publics concernés (enfants, adolescents, handicapés…) et justement de la déviance.24 » Elles se construisent donc selon trois niveaux : 21 22 23 24 • la profession • les missions • le public concerné. Jean Claude Abric, «Coopération, compétition et représentation sociale » , Delval, 1987, p. 64 Jean-Claude Abric, « Pratiques sociales et représentations », PUF, 1994, 2ème édition 1997, Michel Boutanquoi, « Entre clinique, procédures et contrôle : les tensions de la relation d'aide », Nouvelle revue de la psychosociologie, 2008, n° 6 p. 57 à 68 ib. Article cité en 16 30 Les différents niveaux d'interactions influencent la construction d'une représentation. Si elles permettent d'organiser une pensée, de représenter une réalité, elles ne laissent pas neutres. Autrement dit, elles orientent et organisent les comportements. Les pratiques et les attitudes de l'éducateur peuvent donc être impactées de manière consciente ou inconsciente par ses représentations. Ces dernières sont susceptibles d'interférer sur son objectivité. Ainsi, le professionnel doit essayer de ne pas les laisser l'envahir. Les éducateurs modulent leurs pratiques respectives afin d'éviter de créer une image erronée d'une situation ou d'un adolescent. Ainsi, pour Arnaud, la consultation du dossier « c'est au cas par cas. Je ne préfère pas avoir accès au dossier civil car cela peut biaiser mon point de vue. Mais c'est vraiment au cas par cas ; cela dépend de la gravité des faits, de la mesure si c'est une MJIE par exemple on le fait systématiquement ou si les chefs nous le conseillent. » Marianne quant à elle se refuse à la consultation du dossier civil. En effet, pour elle, il s'agit du « regard d'autres travailleurs sociaux. Ceux-ci exercent des missions dans un champ différent que la justice pénale des mineurs. De plus, ces regards sont la photographie d'un instant T qui n'est plus forcément d'actualité ». Ces témoignages mettent en exergue que les pratiques divergent d'un professionnel à un autre. Chaque professionnel doit avoir conscience de la part d'influence de leurs possibles représentations sur la manière d'aborder la première rencontre. L'éducateur peut se retrouver confronter à de nombreuses difficultés au moment du premier entretien. Celles-ci peuvent nuire à l'instauration de bases nécessaires à la relation éducative. Toutefois, il revient de les relativiser. En effet, la première rencontre a certes une importance dans le déroulement futur d'une relation éducative mais elle ne la fige pas. L'éducateur, à travers ses savoir-être et l'acquisition de savoir-faire, dispose de ressources pour faciliter l'ancrage de la relation éducative. En ayant à l'esprit, certaines préconisations, il peut instaurer un climat favorable à la rencontre. 31 C) Ancrer la relation éducative dès le premier entretien. Quelles préconisations ? • Se préparer et créer des conditions d'accueil : Les éducateurs interrogés sur les éléments importants lors d'un premier entretien ont répondu : l'accueil. Les professionnels mesurent l'importance que revêt ce moment tant pour le mineur et sa famille ou ses représentants légaux que pour eux. L'accueil est le moment où les masques tombent. Un visage est mis sur le nom et prénom figurant sur l'ordonnance et sur la convocation. Il s'agit de la découverte de l'autre. « La rencontre, c'est d'abord la prégnance de l'entrevue, du regard qui rend dispos ou indispose, stigmatise ou invite à poursuivre, parfois en un clin d’œil. »25 Avec ces propos, Thierry Goguel D'Allondans, met l'accent sur la vigilance que l'éducateur doit avoir lors des premières minutes de la rencontre. Au delà du fait que chaque rencontre entre l'éducateur et le mineur est unique et singulière, Winnicott précise qu'il y a de l'impalpable autour de cette entrevue. Ainsi, pour lui, « elle dépend de l'alchimie, de l'appareillage, du chevauchement qui s'opère entre ces deux personnes et leurs mondes internes particuliers. »26 L'éducateur se doit donc d'accepter le mystère accompagnant cette situation d'interaction. Dans sa théorie de l'empreinte, Konrad Lorenz précise que « les premiers éléments d'une relation restent fixés dans toute la suite des relations. 27 » Il est donc important pour l'éducateur de soigner ce temps d'accueil et de rencontre pour la relation éducative future. Le professionnel a pour but de créer les conditions qui vont permettre à une relation éducative de s'amorcer. 25 26 27 Thierry Goguel d'Allondans et David Le Breton, « Antropo-logiques d'un travailleur social, passages, passeur et passant », Téréaèdre, p.96 Winnicott D. W., « jeu et réalité. L'espace potentiel », Gallimard, 2002 Konrad Lorenz, Théorie de l'empreinte, 32 Il me paraît important de s'attarder sur la définition du terme « accueil » pour trouver des éléments de réponse. Ainsi, il provient du verbe « accueillir ». Ce dernier est défini par le dictionnaire Larousse de la manière suivante : « être présent, venir pour recevoir quelqu'un à son arrivée quelque part » 28. Il est également défini comme le fait de « recevoir quelqu'un, lui donner l'hospitalité pour un temps plus ou moins long ». L'accueil suppose donc qu'il y ait une envie de recevoir et la mise en avant d'une qualité de la part de l'accueillant « faire preuve d'hospitalité ». L'adolescent et sa famille doivent se sentir attendus. L'accueil suppose également une intentionnalité de la part de l'éducateur. Il lui faut prendre le risque de la rencontre, c'est à dire « aller vers l'autre. » II aura aussi pour objectif de prévenir de l'appréhension générée par l'arrivée dans un service du Ministère de la Justice et par la rencontre d'un ou de plusieurs professionnels. Ce premier acte éducatif posé par l'éducateur marque les premières interactions (les premiers échanges verbaux, les premiers regards). L'accueil est un temps complexe qui met en relation des individus avec une part d'impalpable, de l'ordre de l'alchimie. Comme il l'a été vu précédemment, il est important de le soigner car il est la première image que laisse l'éducateur. Il semble nécessaire d'accueillir la famille dans de bonnes conditions afin de favoriser la relation éducative. L'enjeu est de laisser une place au mineur et à ses parents. Il est impératif qu'ils se sentent attendus. Ainsi, l'éducateur doit faire preuve d'hospitalité. En effet, au cours de mes différentes observations d'accueil, j'ai remarqué que si le professionnel montre de la bienveillance et de la cordialité, les échanges suivants sont facilités. L'accueil est un acte que le professionnel s'approprie en fonction de ses qualités et de sa personnalité. La rencontre doit être préparée en amont par les professionnels. Cette préparation peut passer par la lecture du dossier au Tribunal pour Enfants, du RRSE, la préparation des lieux, préciser les conditions d'accueil dans le projet de service ou tout autre démarche visant à améliorer ce temps. 28 Source Dictionnaire Larousse 33 L'ensemble des professionnels interrogés s'entendent sur le fait qu'il faut accueillir les usagers dans leur singularité, c'est à dire leur histoire de vie et leur personnalité. Ce préambule apparaît également nécessaire pour éviter les impairs comme convoquer un parent décédé. Ce travail pose les bases du premier entretien. De plus, préparer le premier entretien permet aux usagers de se sentir attendus mais également aux éducateurs de mieux faire face aux imprévus. La rencontre ne peut donc pas se dissocier de l'accueil. Ces deux termes sont liés. L'accueil est le préalable à toute rencontre. Il est le premier acte visible posé par le professionnel. • Une posture adaptée : Dans le cadre de cette étude, les observations participantes ou non, les entretiens auprès des éducateurs ont permis de mettre en exergue des attitudes facilitatrices dans l'ancrage de la relation éducative. Pendant les recherches documentaires, j'ai pu les analyser. Il me semble que les travaux de Carl Rogers sur la relation d'aide et l'Approche Centrée sur la Personne apportent aux éducateurs et par extension à l'ensemble des travailleurs sociaux des éléments de réponses sur notre posture. Les propos recueillis auprès de Grégory permettent de faire le lien avec les études de Carl Rogers : « Il faut montrer de l'intérêt au jeune, être dans la bienveillance et l'empathie. » Ainsi, l'éducateur doit adopter une attitude empathique lors de l'entretien, adopter une attitude non jugeante et se centrer sur l'adolescent. En complément, les observations de terrain ont permis de montrer que le professionnel doit développer son sens de l'écoute et avoir une attitude non directive. Il doit créer un climat sécurisant et instaurer une relation de confiance pour faciliter l'expression des usagers. Les éducateurs interrogés sont unanimes pour dire que le professionnel doit être empathique. Elle se définit comme l'aptitude psychologique à comprendre les ressentis d'autrui. Les observations de terrain m'ont permis de me rendre compte des effets d'une compréhension empathique. Je me souviens, d'un premier entretien où le jeune a exprimé ses 34 inquiétudes sur sa situation. En utilisant des paroles empathiques et rassurantes, l'éducateur a pu l'apaiser et favoriser l'instauration peu à peu d'un climat de confiance. Toutefois, l'empathie doit être utilisée à bon escient. Comprendre un adolescent ne signifie pas ressentir ses émotions ou encore partager ses points de vue. Le risque est d'induire un effet inverse. L'adolescent ou ses parents peuvent se fermer. Il est nécessaire d'avoir un certain recul et une certaine neutralité. Il s'agit pour l'éducateur de trouver la bonne distance pour que l'empathie soit perçue comme telle. Par son comportement et ses paroles, l'éducateur exprime sa compréhension. La singularité de chaque individu doit être pris en compte. En effet, tous n'auront pas la même réaction face à certains propos ou attitudes. Il est nécessaire de s'adapter. L'empathie s'associe à l'écoute. Pour comprendre, il faut savoir entendre. C'est une condition nécessaire pour que l'adolescent et ses parents puissent se sentir considérés et respectés. Les professionnels interrogés l'ont également cité comme étant une qualité requise au cours des entretiens. D'après, Jean Marc Randin, « écouter l’autre, dès lors qu’il y a relation humaine, ne procède pas autrement: il ne s’agit pas uniquement d’entendre avec notre sens auditif les mots prononcés, mais d’identifier – de « comprendre » disons-nous – ce qui est dit. »29 Ainsi, il ne suffit pas seulement d'être le récepteur. Il faut aussi décrypter ce que l'on reçoit. En effet, ce n'est pas parce qu'un individu écoute qu'il comprend. Le professionnel doit être en capacité d'accepter et de laisser des silences. Ainsi, ils ne doivent pas être une source de déstabilisation. Comme le dit Stefan Sweig 30, « la pause, ce silence entre deux notes, fait partie de la musique »31. Le silence fait partie intégrante de l'entretien. Il en est même un élément essentiel pour que la rencontre puisse avoir lieu. Tout silence a une signification. Comme le dit Grégory, « Même le silence a une signification et porteur d'indice à décoder ».Il peut signifier tant une rupture de la communication qu'une souffrance non mise en mot. Il revient à l'éducateur de le remettre dans son contexte pour 29 30 31 Jean-Marc Randin, « qu'est-ce que l'écoute ? Des exigences d'une puissante si petite chose », Revue ACP PR 2007 n° 8 p. 71 à 78 Stefan Sweig, (1881-1942) : écrivain autrichien Citation tirée de « La confusion des sentiments » de Stefan Sweig 35 l'interpréter et s'adapter. L'éducateur doit également adopté une attitude non directive. En effet, il doit « s'interdire de proposer ou de suggérer à l'adolescent des orientations, des conclusions, des solutions32 ». L'éducateur doit privilégier l'entretien semi-directif. Ainsi, il doit poser des questions ouvertes qui vont permettre au mineur et à ses représentants légaux de s'exprimer. Cela implique que l'utilisation de questions fermées soient limitées. De plus, il ne faut pas multiplier les interrogations. Les usagers pourraient les ressentir comme une intrusion. La qualité des échanges en serait impactée. Transmettre les informations « La communication est certainement pour une part transmission d'informations. C'est sa première modalité d'existence. »33 Pendant le premier entretien, l'éducateur transmet de nombreuses informations que le mineur et ses représentants légaux doivent être en mesure de comprendre. Les observations faites lors des entretiens ont mis en exergue la volonté des professionnels de clarifier le cadre institutionnel de leur intervention, leurs missions et leur rôle. Ainsi, lors des entretiens observés, les éducateurs ont présenté l'administration, le service, le cheminement judiciaire, leurs rôles et leurs missions. Le premier entretien a donc une fonction de clarification et d'information. L'enjeu principal est de transmettre les informations nécessaires pour arriver à un même degré de compréhension entre les différentes parties à l'entretien. L'éducateur doit donc veiller à la compréhension de chacun. Autrement dit, il doit rendre son discours accessible. Ainsi, il se trouve, ainsi, dans son rôle de pédagogue. Il dispose de connaissances et d'informations qui le mettent en position asymétrique par rapport à l'adolescent et ses parents. L'éducateur doit être en capacité de les transmettre. Comme le dit Arnaud, « Le premier entretien, pour moi, c'est la rencontre avec un individu dans sa singularité, dans sa différence. Tu es là aussi pour faire de la pédagogie de 32 33 http://www.cnrtl.fr/definition/non-directivit%C3%A9 Alex Mucchielli, « Psychologie de la communucation », PUF, 1995, p.82 36 la mesure, faire une introduction à la mesure pénale. Cette pédagogie, elle est faite autant avec les parents que le mineur. Tu adaptes ton discours. » Dans ces propos, deux éléments sont importants : la singularité de l'individu et l'adaptabilité. Chaque individu est différent et a une compréhension différente. Le contexte juridique et la décision ne sont pas toujours compris par le mineur et sa famille. L'éducateur doit donc moduler ses explications. Cette clarification a également pour but de rassurer les parents et l'adolescent. Les éducateurs ont également conscience de l'enjeu de rendre accessible les informations. Ainsi, Grégory relate qu'il a parfois « peur de ne pas avoir été compris, d'avoir employé le bon ton, la bonne posture. C'est un risque d'entrée en relation. On aborde des choses de l'ordre du trauma chez les usagers ». Outre, la clarification des informations, le premier entretien revêt des enjeux de positionnement et relationnel. Ces derniers découlent de la compréhension des informations. Communiquer permet de se positionner par rapport l'adolescent et ses représentants légaux. Ainsi, lorsque l'éducateur précise ses missions et son rôle, il donne des éléments sur son statut. En expliquant le cadre de son intervention à travers la présentation de l'administration, du cadre institutionnel, l'éducateur se met en scène. Il entend fixer le cadre de référence dans lequel va se dérouler la première rencontre et les prochains entretiens. Un jeu de position se met alors en place. L'enjeu est de délimiter la nature des relations et la manière dont les échanges vont se dérouler. Ainsi, pour Flahaut, « tout discours est produit à partir de questions fondamentales, à savoir : qui suis-je pour toi? Et qui es-tu pour moi?34 » Dans chaque premier entretien, la nature de la relation que l'éducateur entend avoir avec le mineur et sa famille, est spécifiée. L'éducateur clarifie son rôle et la place de chacun. Elle permet au jeune et à sa famille de se situer et de visualiser le déroulement à venir de la relation. Il y a donc un aspect projectif. L'adolescent et sa famille doivent pouvoir bénéficier de repères afin d'être sécurisées. La clarification de la relation, des rôles permet également de réguler les échanges. 34 F. Flahaut, « La parole intermédiaire », Seuil, 1978 in Alex Mucchielli, « La psychologie de la communication », p. 83 37 Ainsi, les usagers doivent nécessairement avoir conscience du cadre des échanges : l'entretien. Autrement dit, les échanges ne peuvent s'inscrire que dans un espace normé auquel l'éducateur contribue. Il en est le régulateur. Il veille à l'équilibre du dialogue. Toutefois, il est important que l'éducateur ne tombe pas dans l'écueil du monopole de la parole. Il doit également les fluidifier. L'éducateur doit permettre à chaque individu de s'exprimer. Ainsi comme le dit Arnaud, « il faut ne pas fixer le jeune uniquement dans les yeux, regarder la famille également. Il ne pas s'enfermer dans une discussion avec le jeune. Il faut interagir avec tous les acteurs. » L'éducateur doit garder à l'esprit que le premier entretien a un triple enjeux : un enjeu informatif, un enjeu de positionnement et un enjeu relationnel. Ils sont étroitement liés les uns aux autres. L'enjeu informatif permet d'avoir le même degré d'informations entre éducateurs et usagers. Cette phase est nécessaire. La clarification des tenants et aboutissants du suivi éducatif, de la place, et rôle de chacun permet d'ancrer les bases de la relation éducative. Ce travail de recherche et de terrain a permis de mettre en exergue les difficultés rencontrées par l'éducateur. Il n'est pas pour autant dépourvu de moyens pour s'y confronter. Le premier entretien est un acte professionnel exigeant et complexe. Pour être efficace, il est nécessaire d'acquérir un véritable savoir-faire et de s'appuyer sur des savoir-être. La conduite d'entretien s'acquiert au fil du temps. Il faut être capable de prendre du recul sur sa personnalité et sur sa pratique afin de se construire sa pratique professionnelle. Il faut donc le travailler, le pratiquer et l'analyser pour acquérir sa propre professionnalité. Mes observations faites lors des premiers mois de la formation et ma pratique m'ont conduit à m'interroger et me perfectionner. Suite à un premier entretien compliqué, j'ai expérimenté un « pense-bête » à partir des points que je me devais de travailler. 38 TITRE III : Une expérimentation pour garantir la première rencontre Comme nous l'avons vous précédemment, l'éducateur est confronté à des difficultés lors de ce premier entretien. Il peut en réduire l'influence en préparant et en s'adaptant. Le travail de recherche et de terrain Au cours de cette année de pré-affectation, j'ai eu moi-même à préparer et mener des premiers entretiens. Je me souviens de mon premier entretien avec Allan et des difficultés que j'avais éprouvé au cours de celui-ci. Étant issu d'un horizon professionnel différent, il s'agissait d'une première. Cet entretien m'a donné à voir le travail qu'il me restait à accomplir pour mieux l'aborder. Je me suis donc mis à travailler un document avec des points de vigilance à partir de mes difficultés pour mieux les affronter. Cet outil personnel m'a donné l'idée de proposer une possible application au service. A) D'un constat personnel... Je me souviens de mon premier entretien avec Allan. Dans le cadre d'une mesure de Liberté Surveillé Provisoire. Suite à ma convocation, l'adolescent s'est présenté avec sa mère. 39 Étant issu d'un autre horizon professionnel, je découvrais la conduite d'un entretien formel. En effet, dans mes expériences précédentes, j'ai surtout été confronté à des entretiens avec des mineurs à des moments informels. Cette première expérience m'a permis d'étayer ma pratique en me confrontant aux difficultés inhérentes à l'entretien. Cette rencontre menée sous la supervision de ma tutrice au sein du service a été très riche pour ma pratique professionnelle. En effet, nous avons débriefé à la fin de cette dernière. J'ai pu prendre conscience des points que je devais travailler ou affiner. Ce moment m'a également conforté dans l'idée que l'entretien est un geste professionnel complexe. Il convient donc de le travailler et de se l'approprier. Avant l'entretien, j'avais préparé les points que je devais aborder. Je me suis, ainsi référé au référentiel des mesures pour me remémorer les points à aborder un premier entretien (présentation du cadre judiciaire, du service, de la mesure...). J'avais également anticipé en amont les points que je devais aborder. J'avais donc formalisé un écrit afin de ne pas être pris au dépourvu et ne pas les omettre. J'ai éprouvé un certain stress avant cette première entrevue. Ce dernier était lié au fait qu'il s'agissait de la première fois que je conduisais un entretien formel. En effet, mes expériences professionnelles antérieures ne m'avaient pas mis dans cette position. De plus, il y a cette tension liée à la première rencontre avec l'adolescent et sa famille. Il s'agit, à mon sens, d'un moment important avec un enjeu particulier. Il me fallait donc avoir une certaine posture et faire bonne impression. Lors du débriefing, je me suis rendu compte que je m'étais fixé des objectifs trop ambitieux. En effet, ils n'étaient pas adaptés et compliqués à atteindre pour un premier entretien. Lors de l'accueil en salle d'attente, je me suis certes présenté mais je n'ai pas maintenu de contact jusqu'à leurs installations. Pendant l'entretien, les silences proposés par l'adolescent et sa mère m'ont déstabilisés. Sans en avoir conscience, j'ai adopté une attitude directive. Ainsi, dès que le silence 40 s'installait, je reprenais trop rapidement la parole. Je n'ai pas laissé de place pour accueillir le silence et donc à la possibilité pour l'adolescent et sa mère de venir y déposer leurs mots. Je n'ai pas veillé suffisamment à la qualité des échanges. J'ai également posé trop de questions fermées ne permettant pas à Allan et sa mère de développer leur propos. De ce fait, les interrogations se sont multipliées. L'entretien aurait pu basculer dans un interrogatoire même s'il semble qu'il n'ait pas été vécu comme tel. Par ailleurs, inconsciemment, je me suis surpris à compléter les phrases de chacun des participants. Il s'agissait, pour moi, de montrer que je comprenais et entendais leurs propos. Ces interventions, mêmes s'il n'était pas intentionnelles, ont pu être vécues comme intrusives par l'adolescent et ses parents. J'ai constaté que terminer les propos tenus par les usagers pour maintenir le contact interférait sur la qualité du dialogue. Au lieu de montrer ma compréhension et mon écoute, ces interventions saccadaient les échanges et n'avaient pas l'effet escompté. elles pouvaient également être vécues comme étant intrusives ou encore influencées les paroles de l'adolescent ou de ses parents. Au moment de conclure, bien que je me suis assuré de la compréhension de l'entretien en demandant si des questions restées en suspens, il m'est apparu que je n'ai pas assez insisté sur l'aspect projectif. Ainsi, j'aurais du revenir sur les points d'accord, sur les échéances futures et sur ce que je percevais de la situation à cet instant précis. B)... à un outil personnel: Ce premier entretien m'a permis de mettre en perspective les points que je devais travailler pour éviter mes écueils. En choisissant d'étudier le premier entretien et donc la rencontre entre l'éducateur et le mineur, j'ai pu analyser ma pratique professionnelle et en faire sa critique. Ainsi, à partir des difficultés repérés, je me suis fabriqué mon propre pense-bête contenant quelques conseils pratiques à partir de mes lectures et les discussions avec les professionnels du service. J'ai, ainsi, dégagé quelques points essentiels à garantir lors de la 41 rencontre. Ces constatations m'ont permis de me sécuriser dans ma pratique professionnelle. Ainsi, dans ce pense-bête, j'y avait fait figurer quelques conseils à ne pas oublier. : ➢ Fixer des objectifs simples et réalisables : La première étape a été de me fixer des objectifs simples et réalisables. Ainsi, à chaque premier entretien, je consacre ce temps pour récolter les renseignements administratifs (vérification de l'adresse, du nom des parents, demander un numéro de téléphone, composition familiale). Il s'agit de mon objectif principale. Ensuite, je me renseigne sur les premiers éléments de la situation (au domicile, la scolarité...). Je n'approfondis pas le contenu contrairement à ce que j'avais pu faire lors de mes premiers entretiens. Mon but est d'avoir une première photographie de la situation. Il s'agit de déterminer d'éventuelles pistes de travail. De plus, un approfondissement alourdirait le contenu de cette rencontre. Il faut garder à l'esprit que l'adolescent et ses représentants légaux sont soumis à de nombreuses informations. Il leurs faut assimiler et comprendre. Je pense désormais qu'il faut insister au besoin sur leur compréhension. Cela permet d'éclaircir le contexte judiciaire et éducatif. ➢ Penser le temps d'accueil J'avais conscience de son importance et de l'appréhension générée chez les usagers par la rencontre avec un travailleur social du Ministère de la Justice. Au fur et à mesure de mes différents entretiens et de mes observations, j'ai remarqué qu'il était important lors de l'accueil informel en salle d'attente de maintenir la communication avec l'adolescent et sa famille jusqu'à l'arrivée dans la salle d'entretien. Roman Jakobson 35 parle de la fonction phatique du langage. Ainsi, j'ai constaté que maintenir le contact avec des phrases simples (« nous allons nous dirigé vers la salle d'entretien », « vous avez trouvé facilement notre service? »), contribue à réduire le stress de l'adolescent et de ses 35 Roman Jacobson,(1896-1982) : Linguiste Russe ayant étudié les différentes fonctions du langage 42 représentants légaux. Ainsi, lorsque les premiers échanges s'installent, ils seront plus disponibles. Je me souviens des propos suivants d'Emmanuelle, éducatrice : « les premières minutes de l'entretien, l'adolescent et sa famille ne sont pas réceptifs aux propos du fait de leurs stress, il est important de maintenir la communication et le contact pour détendre l'atmosphère ». ne pas avoir peur des silences : Ma crainte du silence lors de la conduite de mon premier entretien était générée par mon envie de maintenir le contact avec l'adolescent. Avec la pratique, j'ai appris qu'en installant le silence, l'éducateur se rend disponible pour l'autre, c'est à dire être présent pour accueillir les mots. Il signifierait :« je suis là au cas où tu as besoin de parler ». Il participe également à la non-directivité de l'entretien en ce sens que l'éducateur laisse venir la parole sans chercher à l'influencer en posant trop de questions. ➢ Je m'étais également noté les différents points à aborder : le cadre de notre intervention, du service et de la mesure, composition familiale, états des relations familiales, scolarité, prise des renseignements administratifs. Lors des premiers temps de ce travail d'étude, j'ai été en quelque sorte mon propre sujet d'expérience. En effet, j'ai utilisé mes lectures et mes observations pour déterminer mes points de vigilance à garantir lors d'un premier entretien. Au fur et à mesure de l'avancée des travaux, j'ai enrichi ma pratique professionnelle et amélioré petit à petit ma manière d'aborder la première rencontre avec l'adolescent en Milieu Ouvert. L'utilisation de mon pense-bête m'a permis de me centrer sur mes difficultés et mes appréhensions dans la conduite d'entretien et l'instauration d'un climat favorable à l'expression d'une relation éducative. L'observation d'autres professionnelles, les entretiens semi-directifs et ma propre expérience m'ont permis de m'apercevoir des autres difficultés inhérentes au premier entretien. 43 C) Un outil pour le service... : J'ai ensuite réfléchi à la manière dont il m'était possible de mettre cette expérience au profit du service. Il m'est apparu qu'il n'était pas judicieux de proposer une forme de protocole propre au service pour le premier entretien. En effet, lors des différentes conversations ou entretiens, les professionnels m'ont fait part de leur crainte d'arriver à une homogénéisation plutôt qu'à une harmonisation des pratiques. La diversité des pratiques apparaît comme une richesse pour les éducateurs. Nous nous construisons notre propre identité professionnelle au fur et à mesure de notre expérience. Ma seconde idée s'est portée sur une extension de mon pense-bête ou fiche conseils à destination des professionnels. Lors des travaux préliminaires, je me suis souvenu de l'appréhension générée par la première rencontre avec l'adolescent et le fait d'être novice dans la conduite d'un premier entretien. Ce stress peut s'avérer déstabilisant. Les discussions que j'ai pu avoir avec les éducateurs de la promotion ou au sein du service m'ont conforté dans ma position que tout nouveau professionnel ou stagiaire peut être confronté à cette appréhension. Avec l'élaboration de mon listing avec quelques points importants, j'avais mesuré que d'avoir ce support écrit avec des repères m'avait permis d'être rassuré. Ainsi, il m'arrivait régulièrement de le consulter avant l'entretien. Cependant, en réfléchissant à cette proposition, il m'a semblé qu'il n'était pas approprié de l'étendre à l'ensemble des professionnels. En effet, la majorité des professionnels dans le service ont plus de cinq ans d'expérience en Milieu Ouvert. Il était donc important de déterminer les professionnels qui en seraient destinataires Mon choix s'est porté vers les nouveaux professionnels et les stagiaires. Cette idée coïncide avec la volonté de la direction du STEMOI d'Amiens de mettre au point un dossier à destination des stagiaires et des nouveaux professionnels arrivants au service. Ce document a pour but de proposer aux nouveaux arrivants des points de repères nécessaires à leur intégration. L'idée principale est la suivante : « pour bien accueillir les usagers, il faut que le professionnel soit également bien accueilli ». Ce dossier se composerait ainsi d'un organigramme de la direction territoriale et du service ainsi qu'un livret d'accueil comprenant les informations utiles (coordonnées des partenaires, fonctionnement du service). 44 Il me paraissait intéressant de proposer une forme améliorée de ce pense-bête dans ce dossier. En effet, je me souviens de ma position de novice face à l'outil principal en Milieu Ouvert qu'est l'entretien. Il me semble que l'élaboration d'un pense-bête peut être utile à deux niveaux de lecture différents. Dans un premier temps, il peut permettre de faire un rappel aux professionnels et de les rassurer sur les points de vigilance à garantir pour favoriser la relation éducative. Le fait de pouvoir se référer à ce pense-bête peut donner la possibilité au stagiaire ou au nouveau professionnel de ne pas oublier les points à aborder lors de cette première rencontre. Ainsi, il peut clarifier son rôle, la place de chacun. La compréhension de l'intervention du service de la part des usagers peut ainsi être amélioré. Dans un second temps, la deuxième dimension non négligeable est qu'il peut bonifier et soigner la qualité de l'accueil du mineur et de ses représentants légaux. Ainsi, l'espace de la première rencontre sera favorisé. Lors d'une discussion avec la Responsable d'Unité Éducative et de la Directrice du Service, j'ai ainsi proposé à la direction de créer un pense-bête sur le premier entretien. L'idée a été reçue positivement. La démarche a été donc présentée lors d'une réunion de service. Je suis, ainsi, revenu sur le sujet de mon mémoire pour mieux expliquer mon cheminement de penser. J'ai tenu à présenter cet outil pendant ce temps institutionnel pour dans un premier temps, impliquer les professionnels puis d'avoir leurs avis de l'ensemble du service. Ainsi, il est ressorti que ce support avec quelques points de vigilance n'était pas adapté à l'ensemble des professionnels ce qui a confirmé mon idée de départ. Ils ont toutefois émis l'idée que cet outil pouvait être utile pour les stagiaires ou les nouveaux professionnels sans ou peu d'expérience en service de Milieu Ouvert. Ils ont vu un intérêt commun à le mettre à disposition dans le dossier d'accueil qui est en construction et de le mettre à disposition sur le réseau informatique du service pour 45 faciliter son accès. Ce moment a été l'occasion d'élaborer un premier relevé des points de vigilance mais aussi d'engager un dialogue sur l'entretien en général et sur la manière de le conduire. sa construction : Un pense-bête se définit comme étant un objet, une note, un recueil de notes destiné à remettre en mémoire une tâche à accomplir, un événement ou quelques données simples touchant la vie courante. Il s'agit de construire à l'intention des stagiaires un petit recueil de points de vigilance à retenir lors du premier entretien. Ce document se doit d'être court, organisé, pratique et facile d'accès. Le professionnel doit être en mesure de le consulter et de se repérer rapidement. Ayant soumis cette idée, j'ai décidé d'établir les premiers jets de cette fiche conseils. La première ébauche se veut construite de manière chronologique par rapport au déroulé du premier entretien. Ainsi, j'ai déterminé les phases suivantes : Phase préparatoire Accueil Physique Déroulement de l'entretien Mon choix s'est arrêté sur le contenu suivant. S'agissant d'une première ébauche, il sera modifié lors d'une réunion d'équipe. PENSE-BETE DU PREMIER ENTRETIEN - Phase préparatoire s'informer a minima : il n'y a pas de bonnes pratiques en la matière. Il s'agit de sentir le bon moment pour consulter le dossier ou non se fixer des objectifs atteignables préparer les documents nécessaires (dossier avec livret d'accueil, DIPC, Recueil 46 d'informations santé, règlement intérieur, charte des droits et des libertés) aménager l'espace et le temps si besoin dédramatiser les enjeux du premier entretien : il ne fige pas pour autant la relation éducative même s'il la favorise être préparé permet de mieux gérer les imprévus − Accueil : Ne pas faire trop patienter l'adolescent et le mineur Se présenter Ne pas hésiter à maintenir le contact visuel et langagier cela permet de mettre à l'aise les usagers − Déroulement l'entretien Présentation : des professionnels du cadre d'intervention, de l'institution et du service Aborder les raisons de l'entretien (pourquoi se voit-on?) Aborder les informations de manières simples et s'assurer de la compréhension de l'adolescent ou ses représentants légaux (reformulation) Veiller à la qualité des échange en maintenant la communication/distribution de la parole Ne pas s'interdire à changer les modalités de l'entretien (ex : si situations conflictuelles entre les parents et/ ou le jeune) S'autoriser des silences Poser des questions ouvertes (attitudes non directives) Conclure l’entretien : rappeler le but et le cheminement, faire la synthèse des points d’accord et des questions restées en suspens. Le but est de permettre une projection et de sécuriser le mineur et sa famille. Ne pas oublier de prendre une date pour un nouvel entretien L'outil pourrait également prendre la forme suivante en s'attelant à rappeler ce qu'il faut savoir et faire et ce qu'il ne faut pas faire. 47 PENSE-BETE DU PREMIER ENTRETIEN CE QU'IL FAUT FAIRE Préparer l'entretien (aménagement de l'espace, préparation des documents, et consultation du dossier) Se fixer des objectifs simples Limiter la durée de l'entretien en fonction de la capacité d'attention du mineur et/ou de ses représentants légaux Respecter l'espace de paroles de chacun Présenter le cadre juridique, institutionnel,... Accepter les silences Aborder les raisons de l'entretien (pourquoi se voit-on?) Aborder les informations de manières simples et s'assurer de la compréhension de l'adolescent ou ses représentants légaux (reformulation) Conclure l'entretien et projeter les étapes futures CE QU'IL FAUT EVITER Faire trop patienter les usagers dans la salle d'attente Être trop directif (donc éviter l'interrogatoire et intrusif) et poser des questions fermées Être dans le jugement Ne pas laisser le temps de la réponse Ne pas répartir la parole et la monopoliser Ne pas considérer tous les protagonistes La rédaction du « pense-bête » doit permettre d'améliorer substantiellement l'approche du premier entretien et améliorer l'espace de la rencontre. Le travail effectué à partir du premier temps de réunion en équipe n'est que les prémices d'un document plus complet. 48 Dans l'optique de bonifier en apports cette première ébauche, un temps de travail commun doit être mis en place. Cette état me paraît nécessaire afin que l'équipe puisse en être porteuse et se l'approprier. Il pourrait être judicieux de s'intéresser à la manière dont est élaboré le premier entretien dans d'autres services de Milieu Ouvert. Cet observation permettrait de décloisonner les pratiques. Le document doit, à mon sens, être présenté à l'équipe éducative lors d'une réunion thématique, temps institutionnel prévu pour améliorer nos connaissances sur un thème particulier. L'outil y sera soumis à l'équipe afin de le valider (le fond, la forme, l'utilisation) et de le modifier. D)...Pour une réflexion plus large : Lors d'une réunion le 30 avril 2013, les Responsables d'Unité du Service de Milieu Ouvert nous ont fait part qu'ils avaient constaté que certains professionnels mettaient un certain temps avant d'aller accueillir les usagers et les emmener en entretien. Ce constat devrait déboucher sur un temps de réflexion en réunion thématique : sur le temps de l'accueil. Il serait intéressant d'élargir le thème est d'aborder le premier entretien ou l'entretien en général. Il me semble important que des ateliers d'analyse ou de partage ou de partage soient mis en place. En effet, de ma position de stagiaire, j'ai eu l'occasion pendant mes différentes périodes de stage d'observation, d'avoir un regard sur de nombreuses pratiques professionnelles du premier entretien. Je trouve que l'échange sur les pratiques en général est un point essentiel pour améliorer la pratique des professionnels. Il ne s'agit pas d'homogénéiser ni d'harmoniser les pratiques mais de les faire évoluer de manière positive. L'objectif est de faire progresser nos prises en charges dans l'intérêt des mineurs suivis et plus largement les usagers. Lors de discussions informelles, il est apparu que ce point de vue était partagé. Ainsi, 49 certains professionnels aimeraient qu'un temps institutionnel repéré soit mis en place pour réfléchir sur nos pratiques. 50 CONCLUSION L'action éducative menée par un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse se trouve à l'intersection entre la sphère judiciaire, la sphère sociale et la sphère éducative. L'intervention judiciaire vient légitimer notre action mais également en définir le cadre. Le premier entretien est généralement le théâtre de la première rencontre avec l'adolescent et par prolongement ses représentants légaux. Il s'agit d'un moment important marquant le point de départ d'une aventure humaine qui devra faire naître une relation éducative. Accueillir un adolescent pour la première fois est l'une des bases essentielles de notre action éducative. Il s'agit d'un acte complexe oscillant entre le cadre judiciaire, les cheminements intérieurs et chevauchements de chacun des protagonistes. S'interroger sur le premier entretien me paraît trouver tout son sens dans le questionnement professionnel de l'éducateur. Réfléchir à la manière dont entre en relation et sur ses enjeux, sur ce qui pourrait la faciliter (quelle est la posture à adopter ?) font écho dans les pratiques professionnelles de l'éducateur. Il me semble que ce premier contact ne s'improvise pas. Il doit être un acte éducatif réfléchi tant par le professionnel avec ses savoirfaire et savoir-être qu'au niveau institutionnel. Cette introspection est nécessaire pour que la rencontre ait toutes les chances d'éclore. À cette fin, le mineur et ses représentants doivent se retrouver devant un éducateur et un service qui puissent leurs servir de repères et de lieu « ressource ». En d'autres termes, il s'agit de mettre les mineurs, leurs difficultés et leurs parcours de vie respectifs au centre de notre action. À travers cette étude, j'ai essayé de m'interroger sur ce premier entretien de sa naissance à sa concrétisation et de montrer qu'il existe un espace pour rencontrer cet autre qu'est l'adolescent. La contrainte judiciaire caractérisant notre intervention ne doit pas 51 constituer un frein mais un point de départ. Ainsi, en recentrant notre intervention sur le jeune, en le reconnaissant dans sa singularité, en ayant une attitude non jugeante et mettre nos qualités propres en jeu peut permettre à cet espace qu'est le premier entretien d'avoir tout son sens. Ainsi, le premier entretien est le premier pas d'un passage du vivre à l'exister comme le dit Philippe Gaberan. Ainsi, pour que la personne puisse s'accepter telle qu'elle est, pour advenir ce qu'elle veut advenir, ne faut-il pas y l'accueillir, la rencontrer dans sa singularité ? Si mes expériences professionnelles précédentes ont donné naissance à ce mémoire, les travaux de recherche, d'analyse, d'observation, les entretiens menés auprès des professionnels lui ont donné forme. Ils m'ont permis de prendre du recul sur ce temps de la prise en charge et plus largement sur mon positionnement professionnel. Ainsi, j'ai pu analyser ma pratique et mieux formaliser mes propres savoir-faire, mes ressentis et mes comportements. Il me paraît également important de mettre des mots sur sa pratique pour mieux l'appréhender et la comprendre. En d'autres termes, il s'agissait de m'améliorer au fur et à mesure du déroulé des travaux. Le « pense-bête » a été le fil rouge de mes premiers pas en tant que stagiaire, c'est à travers cet outil que j'ai enrichi ma pratique. Il me semblait donc judicieux d'en proposer une transposition exploitable pour le service. Il ne s'agissait pas de faire un inventaire des bonnes attitudes et pratiques nécessaires pour un premier entretien à destination des éducateurs. L'objectif est d'en faire un repère et d'amener à une réflexion d'équipe sur ce premier contact. Il me paraît important que le premier entretien face l'objet d'un travail d'échange en équipe. Il est au cœur de notre pratique. Il pourrait être intéressant d'engager des échanges plus réguliers sur des thèmes touchant notre pratique. Ces temps me paraissent essentiel pour confronter et réfléchir à sa pratique professionnel. L'éducateur doit toujours apprendre et réapprendre pour améliorer sa . Ainsi, pour conclure, j'utiliserais cette citation que je garde à l'esprit depuis mon entrée en formation : « Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, 52 Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Nicolas Boileau 53 BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES : • Guy Hardy et al, « s'il te plaît ne m'aide pas, l'aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 2001 • Joseph Rouzel, « Le Travail d'Éducateur Spécialisé », Dunod, 2000, • Philippe Gaberan, « La relation éducative », ERES, • Jacques Salomé, « Relation d'aide et formation à l'entretien », Septentrion Presses universitaires, • F.J.J Buytendijk, « Phénoménologie de la rencontre », éd. Desclée De Brouwer, • Alex Mucchielli« Psychologie de la communucation »,, PUF, 1995, • André Guittet, « L'entretien : pratiques et techniques », Armand Collin, 7ème édition • Thierry Goguel D'Allondans, Liliane Goldstaub, « La rencontre, chemin qui se fait en marchant », Arcanes, 2000 • Joseph Rouzel, « La parole éducative », Dunod, 2000 • Thierry Goguel d'Allondans et David Le Breton, « Antropo-logiques d'un travailleur social, passages, passeur et passant », Téréaèdre, p.96 REVUES : • Jérôme Monnet, « La symbolique des lieux : pour une géographie des relations entre espace, pouvoir et identité », 1998 • Robert Vion, « l'analyse des interactions verbales », les carnets du CEDISCOR, 1996, p. 19-32 • Anne Marcellini, Mahmoud Miliani, « lectudre de Goffman : l'homme comme objet rituel, janvier 2005 • Michel Boutanquoi, « Entre clinique, procédures et contrôle : les tensions de la relation d'aide », Nouvelle revue de la psychosociologie, 2008, n° 6 p. 57 à 68 • Jean-Marc Randin, « qu'est-ce que l'écoute ? Des exigences d'une puissante si petite 54 chose », Revue ACP PR 2007 n° 8 p. 71 à 78 • Catherine Jakubiek, « Quand le livret se fait accueil », les cahiers dynamiques, 2007 n°40, p.75 à 77 • Constance Schneider, « Les voies de l'entretien », les cahiers dynamiques, 2007, n° 38 à 40 TEXTES OFFICIELS ET LEGISLATIFS • Loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs et décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011 • LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, site Légifrance • Rapport de la commission nationale sur le Milieu Ouvert, décembre 2002 CONFERENCE : • Guy Hardy, « L'aide contrainte : De la juxtaposition des spécialités vers la convergence et la complémentarité des compétences et des fonctions », 2003 SITE : • Site internet du centre national des ressources http://www.cnrtl.fr • Site internet dictionnaire Larousse : http://www.larousse.fr/ 55 textuelles et lexicales: ANNEXE 56 ENCART METHODOLOGIQUE 1. DE LA QUESTION A LA PROBLEMATIQUE Depuis ma prise de fonction en tant qu'assistant d'éducation au sein d'un lycée professionnel où j'exerçais autant des missions d'externat que d'internat, je me pose la question de la première rencontre entre un professionnel et l'adolescent. Ainsi, je me suis très tôt posé la question suivante : comment le professionnel peut-il aborder au mieux ce premier entretien et accueillir au mieux l'adolescent ? Ce questionnement s'est renforcé depuis mon entrée en formation en septembre 2011. En effet, les périodes de stage d'observation ont fait naître des questions et des prises de conscience sur cette première rencontre entre le professionnel et le jeune. J'ai ainsi pu en déduire que de la rencontre se jouait la relation éducative future. Elle est une première pierre à cet édifice. Cette rencontre est un moment délicat puisqu'il s'agit de se faire rencontrer un éducateur représentant un service (lui même mandaté par un Juge des Enfants) et un mineur contraint par la décision d'un magistrat. La rencontre se retrouve au croisement du juridique, de l'éducatif et des relations humaines. J'ai également pu constaté qu'il n'existait pas une seule façon de rencontrer un jeune mais qu'il existait des manières distinctes et différentes rencontres. Chaque rencontre est unique. Elles ne sont pas comparables entres elles. la rencontre et son déroulé diffère selon le lieu, le jeune, le temps voire la procédure. Elle dépendrait donc des conditions. Peut-on pourtant autant dire que chaque rencontre doit être personnalisée ? Par ailleurs, quelles sont les stratégies voire les artefacts que met en place l'éducateur pour rencontrer le jeune ? En première année, mon choix s'était donc arrêté sur les thèmes de la RENCONTRE ou de l’Accueil de l'adolescent et des représentants légaux. 57 A mon arrivée dans ma structure de pré-affectation, je n'avais pas recentré le sujet de mon mémoire. Ce sont les différentes observations participantes ou non qui m'ont permis de le définir. En effet, j'ai eu l'occasion de participer à de nombreux premiers entretiens très enrichissants pour ma pratique professionnelle. J'ai choisi de me focaliser sur le premier entretien en Milieu Ouvert en me posant cette problématique : Comment mener au mieux le premier entretien en Milieu Ouvert ? 2. DE L'EXPLORATION AUX HYPOTHESES Afin de compléter la phase exploratoire, il m'a semblé judicieux de continuer les observations participantes ou non à des premiers entretiens quelque soit la mesure. Celle-ci me permettra de déterminer au mieux les limites de mon sujet et de récolter les données nécessaires à mon analyse. Il m'a fallu faut garder à l'esprit qu'il conviendrait d'observer des professionnels différents. Ainsi, j'ai pu comparer les points communs et de divergence dans la manière de mener les entretiens.. De plus, ces observations ont été l'occasion de compléter ou de modifier les données déjà récoltées ou les présupposés que je pouvais avoir. J'ai ainsi pu garder une démarche dynamique pendant cette phase. Par ailleurs, il ne me fallait pas occulter de faire un point sur les publications s'interrogeant sur le sujet. Il m'a paru important d'explorer des champs différents. Ainsi, il a été intéressant d'interroger d'autres domaines (communication, sociologie, psychologie entre autres...) sur la première rencontre ou le premier entretien. Ces angles de vue ont été l'occasion de décloisonner mon point de vue, de récolter des données complémentaires ou supplémentaires ou au contraire de les confondre. Une fois, ce premier travail de recueil de données effectuées, il me fallait formuler les premières hypothèses. Ainsi, le premier entretien est généralement le théâtre de la première rencontre entre l'adolescent, ses parents et l'éducateur. Cette rencontre se fait sous injonction judiciaire. En d'autres termes, le Juges des Enfants est le prescripteur d'une aide contrainte. Si 58 la rencontre ne se fait que sous la contrainte, peut être que l'action de l'éducateur va en être impacté dans son déroulé et va confronter l'éducateur à des difficultés pour l'ancrage d'une relation éducative. Pour remédier à celles-ci, peut être revient-il au professionnel de soigner ce temps d'accueil et de rencontre pour la relation éducative future. Si l'éducateur veille à clarifier son rôle et la place de chacun. La compréhension de la relation devant se nouer sera amélioré et permettra l'instauration d'un espace pour se rencontrer. 3.METHODE DE RECUEIL ET ANALYSE DES DONNEES Pour vérifier ces hypothèses, j'ai choisi d'opérer en deux temps. Dans un premier temps, il m'a semblé opportun de limiter et concentrer mes observations aux pratiques de deux éducateurs à des stades différents de leur carrière respective. Ainsi, j'ai souhaité observer un jeune professionnel et un autre avec une expérience plus importante. J'ai pu ainsi comparer deux pratiques et faire le constat de leur approche de la rencontre. Je souhaiterais également m'entretenir avec ces mêmes personnes afin de les interroger sur leurs représentations du premier entretien. J'ai ainsi crée une grille d'analyse afin de pouvoir décortiquer la manière dont il se déroulait. J'ai axé mes observations sur des points observés dans ma première phase exploratoire. Le but était de pouvoir étudier tant le déroulé tant que les interactions verbales et non verbales. Je me suis arrêté sur les items suivants. • contexte général de l'entretien • accueil informel • accueil dans la salle d'entretien • Présentation du cadre • présentation de la mesure • recueil d'informations • communication verbale et non verbale en me focalisant sur les silences, la reformulation, l'empathie, 59 Afin de les analyser rapidement, j'ai fait un tableau à double entrée avec verticalement les items retenus et horizontalement les données récoltées au cours des deux entretiens observées. Dans un second temps, j'ai souhaité rédiger un questionnaire en direction des éducateurs. Je me suis ainsi appuyé suis les informations récoltées lors des observations puis dans les différentes lectures. Cette méthode avait pour but de croiser les données avec celles déjà récoltées. J'ai ainsi élaboré un premier questionnaire afin de le soumettre à ma directrice de mémoire. Ce questionnaire s'est révélé être trop directif. Il m'a fallu donc le modifier. Il a pris ainsi la forme suivante : GRILLE D'ENTRETIEN 1. Qu'évoque pour vous le premier entretien ? L'accueil, la rencontre votre objectif ? Quels enjeux ; 2. Quelles en sont les phases dans le déroulement de l'entretien? Avant l'entretien : 1. Comment préparez-vous le premier entretien ? 2. Quelle importance donnez-vous au choix du lieu ? Et pourquoi ? 3. Avez-vous des appréhensions avant cette première rencontre ? Si oui lesquels et pourquoi? Pendant l'entretien : 1) le démarrage de l'entretien, son contenu et la façon dont il se termine 2) L'influence des mesures et de la loi 3) Ce qui facilite ce premier entretien ou ce qui, au contraire, le rende difficile à mener 4) A quoi l'éducateur est attentif pendant son déroulement 5) Quel est pour vous l'impact de la loi du 2 janvier 2002 sur cet entretien ? Aide ou parasite la rencontre ? 6) Quelles sont, selon vous, les qualités que l'éducateur doit mettre à profit pendant le premier entretien ? Autrement dit quelle doit être son attitude ? 60 Après l'entretien : 1. Que faites-vous une fois l'entretien terminé ? 2. Comment pourrait être amélioré ce temps d'accueil selon vous ? 3. Comment qualifieriez-vous un bon entretien ? Pour analyser ces entretiens, j'ai réalisé un tableau à double entrée afin de visualiser les questions et surtout les réponses de chaque éducateur. Cette démarche avait pour but de permettre de comparer les réponses des éducateurs interrogés. J'ai choisi d’interviewer des professionnels avec une ancienneté et un parcours différent tant à la Protection Judiciaire de la Jeunesse afin de voir s'il y avait des points de vue divergents. Ainsi, j'ai interrogé : • Marianne : 2 ans d'ancienneté en Milieu Ouvert et 3 ans en hébergement PJJ • Arnaud : 8 ans d'ancienneté en tant qu'éducateur spécialisé en AEMO et 4 ans en tant qu'éducateur PJJ • Grégory : 5 ancienneté en tant qu'éducateur en Milieu Ouvert dont une année en Quartier Mineur • Sophie (dont l'entretien n'a pas été utilisable hormis les quelques notes prises pendant l'entretien) : 10 d'ancienneté en Milieu Ouvert 4. HYPOTHESES D'ACTION Le premier entretien est un acte éducatif complexe avec une part d'imprévu et de nombreuses informations à diffuser. Il me paraissait intéressant de proposer une forme de « pense-bête » en direction des stagiaires et des nouveaux professionnels. En effet, je me souviens de ma position de novice face à l'outil principal en Milieu Ouvert qu'est l'entretien. Il me semble que l'élaboration d'un pense-bête peut être utile à deux niveaux de lecture différents. Dans un premier temps, il peut permettre de faire un rappel aux professionnels et de les rassurer sur les points de vigilance à garantir pour favoriser la relation éducative. Le fait de pouvoir se référer à ce pense-bête peut donner la possibilité au stagiaire ou au nouveau 61 professionnel de ne pas oublier les points à aborder lors de cette première rencontre. Ainsi, il peut clarifier son rôle, la place de chacun. La compréhension de l'intervention du service de la part des usagers peut ainsi être amélioré. Dans un second temps, la deuxième dimension non négligeable est qu'il peut bonifier et soigner la qualité de l'accueil du mineur et de ses représentants légaux. En effet, en préparant l'entretien, ils se sentiront attendus. Ainsi, l'espace de la première rencontre sera favorisé. 5. POINTS FORTS ET LIMITES DE LA DEMARCHE Les limites de ma démarche se situent dans le fait que trois entretiens sur les quatre menés ont été exploitables. En effet, un enregistrement sur les quatre n'a pas fonctionné. Étant donné la contrainte en terme de délai, il ne m'a pas été possible d'en mener un autre. Par ailleurs, il apparaît que le nombre d'entretiens menés ne permet pas de dire que les résultats obtenus sont représentatifs. Ils peuvent simplement donner une tendance et des éléments de réponses. Toutefois, ils m'ont permis de mettre en exergue des points de convergence et de divergence. Il me paraît qu'un approfondissement des entretiens semi-directifs auraient été enrichissants et aurait permis de déterminer d'autres tendances et de collecter des informations complémentaires. Les points forts de ma démarche se situent dans les informations récoltées lors de mes observations. En effet, cette année de pré-affectation m'a permis de faire tant des observations non participantes que des observations participantes étant donnée notre prise de responsabilité progressive sur notre service de pré-affectation. J'ai ainsi pu me confronter à la réalité de la conduite d'un premier entretien et à la rencontre avec l'adolescent à plusieurs reprises. J'ai pu être au cœur de mon expérimentation et d'en tirer les bénéfices. Même si les entretiens sur lesquels j'ai concentré mes observations n'ont pas été de véritables révélateurs, mes observations participantes ont permis de les contrebalancer et offrir des données enrichissantes pour cette étude. 62 BRUNEL Jérémy Titre : Comment ancrer les prémisses d'une relation éducative lors de cette première rencontre? Thème : Le premier entretien en Milieu Ouvert résumé : La première rencontre est la première pierre du travail éducatif. Il interroge le cœur de la pratique de chaque professionnel que ce soit en hébergement ou en milieu ouvert. Il s'agit d’un moment avec un enjeu particulier. Elle est la première prise de contact avec le mineur et/ou sa famille. Ainsi, elle permet aux protagonistes de mettre un visage sur le nom apparaissant sur l’ordonnance du Juge des Enfants. Cet accueil doit être l'occasion de poser le cadre de l'intervention du service, de l'éducateur, d’expliquer la mesure et la procédure tel que le prescrit le référentiel des mesures et des missions confiées aux services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Au-delà de ces prescriptions, il faut également permettre au mineur et à sa famille de pouvoir mesurer et de saisir l'importance de tous ces éléments. Le professionnel doit donc faire appel à des outils, des « savoir être » et des « savoir faire » : techniques d’entretien, faire appel à des champs de la communication, l’écoute, l’empathie... Il est également le moment où le travail d'investigation et éducatif débutent. Les premières hypothèses et pistes de travail naissent. Il est l’occasion d’imaginer les contours d'un projet éducatif. Il m'a semblé pertinent de s'interroger sur le premier entretien en Milieu Ouvert pour mieux le comprendre et l'appréhender. Cette connaissance me paraît essentielle pour mieux accueillir les mineurs dont nous avons la charge. Ma problématique est donc la suivante : comment mener au mieux le premier entretien et donc la première rencontre avec l'adolescent en Milieu Ouvert ? J’ai essayé de montrer qu'avec un outil comme le « pense-bête », il était possible d'améliorer ce temps d'accueil et de créer un espace de rencontre possible entre l'adolescent, ses représentants légaux et l'éducateur. Mots clefs : entretien, relation éducative, relation d'aide, représentations, adhésion 63