Newsletter - Schellenberg Wittmer

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Newsletter - Schellenberg Wittmer
Avocats
av r il 2 0 1 1
Newsletter
Auteurs:
Jürg Borer
David Mamane
droit de la concurrence
Contrats de distribution et droit des cartels
Pour la commercialisation de leurs produits, les producteurs ont fréquemment recours à l’expérience
de leurs partenaires commerciaux. Lors de l’aménagement de tels partenariats commerciaux, des
considérations relatives au droit des cartels doivent être prises en compte. Du point de vue du droit
suisse des cartels, il serait problématique que la Suisse soit isolée du marché européen et que la
capacité des distributeurs de fixer les prix soit influencée.
1.D u p r o d u c t e u r a u x c o n s o m m at e u r s
1.1.Les chaînes de distribution
Les produits sur les marchés internationaux cheminent du
producteur aux consommateurs par le biais de différents
procédés. Les entreprises intégrées configurent elles-mêmes
leur chaîne de distribution; les simples producteurs, quant à
eux, se servent de différents intermédiaires commerciaux
pour commercialiser leurs produits. Le choix des intermédiaires commerciaux peut être influencé par certains
critères de sélection (distribution sélective), des expériences
dans un certain domaine commercial ou par rapport à certains clients (distribution exclusive), ou encore les moyens
de distribution (point de vente fixe ou internet).
1.2 Les questions relatives au droit des cartels
Les chaînes de production soulèvent différents problèmes
en droit des cartels. Ainsi, lors d’une distribution intégrée,
une question de droit des cartels se posera uniquement lors
de l’apparition d’un pouvoir de marché sur le marché de
produits déterminés. A l’inverse, les entreprises verticalement intégrées jouissent d’une importante liberté dans
l’aménagement de leur distribution. En ce qui concerne les
intermédiaires commerciaux, la loi sur les cartels fixe des
limites strictes à leur marge de manœuvre. Ainsi, des questions relatives au droit des cartels se posent déjà lorsque des
effets sur la concurrence se font sentir. Ces effets peuvent
résulter de l’intensité des restrictions à la liberté d’action
des entreprises participantes ou de l’étendue des marchés
du produit qui sont affectés par la coopération.
Lorsque des producteurs ont recours à un intermédiaire
commercial indépendant pour la commercialisation de
leurs produits, deux aspects du droit des cartels entrent en
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jeu. D’une part, l’intermédiaire commercial doit pouvoir
fixer librement les prix pour la vente des biens indépendamment du producteur dès qu’il supporte le risque
économique lié à la vente. D’autre part, tant les producteurs
que les intermédiaires commerciaux ne doivent pas tirer
profit de leur coopération pour cloisonner indûment les
marchés au préjudice des consommateurs.
1.3 La solution en droit des cartels
Abstraction faite de la problématique du contrôle du marché qui ne sera pas abordée plus en détails, les réponses aux
questions relatives au droit des cartels se trouvent à l’article
5 de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la
concurrence (LCart). En outre, la dernière version de la
communication concernant l’appréciation des accords verticaux (CommVert)1 datant du 28 juin 2010 contient également
des règles détaillées qui doivent être prises en compte lors
de l’aménagement d’un système de distribution. Lors de
leur évaluation des questions de droit matériel, les autorités
suisses de concurrence ont aussi recours à des principes
d’appréciation tirés du droit européen des cartels. Il est
explicitement mentionné dans les considérants de la CommVert qu’elle se fonde sur le Règlement de l’UE d’exemption
par catégories concernant les accords verticaux 2 et les lignes
directrices qui s’y rapportent. La révision de ces règles
européennes sur le droit de la concurrence a été l’occasion
pour la Commission suisse de la concurrence de réviser la
réglementation suisse correspondante, la CommVert. Le
rapport au droit européen en ce qui concerne le système de
distribution en Suisse doit néanmoins être manié avec prudence. Cela a été confirmé par la Commission de la concurrence dans une décision en matière d’application du droit
européen en droit des cartels suisse en rapport avec des
médicaments non-remboursés. La Commission a alors précisé que le rapport avec la compatibilité avec l’UE n’était pas
propre à créer un rapport de confiance. Cela découlait de la
différence dans la conception des législations, la législation
européenne étant basée sur le principe de l’interdiction
(RPW 2010/4, p. 649 ss, p. 694, n°341).
2 . RÉGLEMENTATION DES CONTRATS DE DISTRIBUTION
2.1 De la présomption à la notabilité
La Loi sur les cartels (Art. 5 al. 4 LCart) établit une présomption de suppression de la concurrence efficace à l’encontre
des accords verticaux de distribution prévoyant des prix
fixes et attribuant des territoires. Cette présomption peut
être renversée par la preuve de l’existence d’une concurrence interne ou externe. La pratique antérieure de la Commission de la concurrence a établi qu’un renversement de la
présomption n’est possible que pour la concurrence au sein
d’une même marque (concurrence intra-marque). Dans la
mesure où la condition exigeant que le renversement de la
présomption devait se borner à la concurrence intra-marque,
1
http://www.weko.admin.ch/dokumentation/01007/index.
html?lang=fr
2
Règlement (UE) n° 330/2010 de la commission concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux
et de pratiques concertées
celle-ci devenait en réalité une véritable interdiction,
puisque la présomption ne pouvait quasiment jamais être
renversée tant que l’accord vertical était stable. La CommVert révisée a précisé la pratique antérieure : le renversement de la présomption de suppression de la concurrence
efficace nécessite désormais un examen du marché dans
son ensemble, à la lumière de la concurrence intra-marque
et inter-marques (Ch. 11 CommVert). Cela conduira en pratique - à l’exception du cas de position dominante sur le
marché - à ce que la présomption de suppression efficace de
la concurrence selon l’art. 5 al. 4 LCart puisse être renversée
dans la plupart des cas.
Les présomptions légales ont dès lors une valeur très limitée
pour faciliter le tri, du point de vue du droit de la concurrence, entre les accords pertinents et les accords non pertinents. Cette sélection sera effectuée par le critère de notabilité de l’article 5 alinéa 1 LCart. D’après la loi sur les
cartels, seuls les accords (de distribution) comportant un
certain degré de notabilité doivent être pris en compte. La
notabilité est donnée lorsqu’un accord restreint de façon
qualitative ou quantitative la concurrence. La CommVert
contient à son chiffre 12 alinéa 2 un catalogue des accords
considérés comme qualitativement grave (en particulier les
accords verticaux sur les prix, la protection absolue du territoire, les restrictions par rapport aux consommateurs finaux, les restrictions de livraison croisée à l’intérieur d’un
système de distribution sélective, les restrictions d’accès à
des pièces de remplacement par les ateliers non autorisés).
Selon la CommVert, ces accords constituent des restrictions
à la concurrence même si les effets quantitatifs sont minimes. Au vu de la LCart cependant, on peut en douter.
L’absence de notabilité quantitative est définie au chiffre 13
al. 1 CommVert. Cette absence de notabilité est réalisée
lorsqu’aucune des entreprises parties à un accord ne détient
une part de marché supérieure à 15% sur un marché pertinent concerné par l’accord. Constituent néanmoins une
exception à cela certains types définis d’accords dont la
gravité de l’entrave à la liberté du commerce est qualitativement lourde, ce qui conduit à une notabilité cette fois qualitative (ch. 12 al. 2 let. a à e CommVert). Finalement, tous les
accords sont censés être valables, sans examen approfondi
nécessaire, lorsque la part de marché du vendeur (dans le
marché pour la vente du produit) et celle de l’acquéreur
(dans le marché pour l’achat du produit) ne constituent pas
plus de 30% du marché et qu’un accord notablement qualitatif au sens du Chiffre 12 al. 2 CommVert ne fait pas partie
intégrante au contrat.
Contrairement à la réglementation antérieure, ce seuil de
parts de marché est applicable aux niveaux de production et
de distribution. L’extension du seuil au niveau de la distribution suite à la révision a pour but de garantir une possibilité d’intervention du droit des cartels en cas de situation
de puissance sur un marché à ce niveau. Lorsque le seuil
des parts de marché est dépassé, cela aura pour conséquence non pas que l’accord de distribution viole le droit
des cartels mais qu’un examen d’efficacité économique sera
effectué conformément à l’art. 5 al. 2 LCart. Un mécanisme
similaire est prévu au sein de l’UE. Lorsque le seuil de 30%
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est dépassé, il existe aussi en droit européen des cartels la
possibilité de procéder à un examen des conditions
d’exemption. Cet examen est pour l’essentiel équivalent à
l’examen d’efficacité économique de l’art. 5 al. 2 LCart.
L’assouplissement pour les situations de présomption dans
le domaine vertical prévu par la révision de la CommVert
du 28 juin 2010 correspond aussi à la tendance qui découle
des propositions du Conseil Fédéral en ce qui concerne la révision du droit des cartels. D’après ces propositions, les accords
verticaux sur les prix et la protection territoriale absolue
doivent être exclus des situations de présomption mais
doivent être compris dans les sanctions administratives par
un complément à l’art. 49a LCart.3
2.2 Récente jurisprudence relative aux contrats de
distribution
Importations parallèles de bières étrangères
Bien que la Suisse ne soit pas membre de l’Union Européenne, il existe un important trafic de marchandises entre la
Suisse et les pays membres de l’UE et cela constitue une
importante préoccupation pour les autorités suisses de la
concurrence. Le libre marché doit empêcher que certains
puissent, par des accords de protection territoriale absolue,
créer des situations de monopole sur le marché suisse. Une
approche stricte des accords de protection territoriale absolue
reflète cette préocuppation (situations de présomption de
l’art. 5 al. 4 LCart). Dans la procédure d’enquête clôturée
le 30 juin 2010, les parties contractantes à un accord de distribution (Anheuser-Busch Inbev et Grupo Modelo, de même
que Feldschlösschen Getränke SA) ont dû expliquer que
malgré l’accord de distribution exclusive, des importations
parallèles étaient possibles en Suisses.4
Distribution sur internet d’appareils ménagers
Autant la CommVert que les lignes directrices européennes
sur les restrictions verticales contiennent des indications
sur la distribution sur internet, en particulier pour les produits vendus par des systèmes de distributions sélectifs. La
Commission de la concurrence applique ces principes sur la
distribution internet dans le cadre de l’enquête ouverte le 15
septembre 2010 pour soumettre à examen (i) le refus
d’Electrolux AG de distribuer ses appareils électroménagers
(white goods) sur internet et (ii) sur l’application de dispositions précises sur la distribution internet de V-Zug AG.
L’autorité entend poser les principaux critères relatifs à la distribution sur internet sur la base de ces cas test. Dans son
communiqué de presse, la Commission de la concurrence a
déjà annoncé qu’il doit en principe être possible pour les distributeurs d’utiliser internet pour honorer les commandes
online des clients.
Selon la CommVert, la Commission de la concurrence
indique que la vente sur internet devait être qualifiée de
vente passive, sauf si la technique de vente cible des clients
3
http://www.weko.admin.ch/aktuell/01024/index.html?lang=fr
4
http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msgid=34020
en dehors du domaine attribué (art. 3 CommVert). La
CommVert ne contient pas d’autres indications sur la distribution sur internet. Il faut toutefois présumer que la Commission de la concurrence suisse va intégrer les principes
contenus dans les lignes directrices européennes sur les
restrictions verticales. Ainsi, cela “n’exclut pas que le fournisseur, sans limiter les ventes en ligne du distributeur,
puisse exiger de ce dernier qu’il vende au moins une certaine
quantité absolue (en valeur ou en volume) des produits en
dehors d’internet pour assurer le bon fonctionnement de son
point de vente physique. En outre, cela ne fait pas obstacle à
ce que le fournisseur s’assure que l’activité sur internet du
distributeur reste cohérente avec son modèle de distribution” (ch. 52 let. c des lignes directrices européennes sur les
restrictions verticales). 5
Distribution de véhicules BMW
Dans un communiqué de presse du 25 octobre 2010, la Commission de la concurrence a annoncé qu’une procédure
d’enquête a été ouverte contre le groupe BMW. Selon la Commission de la concurrence, il existe des informations selon
lesquelles le groupe BMW aurait ordonné à ses distributeurs
dans l’espace économique européen (“EEE”) de ne plus vendre
des véhicules neufs de marques BMW et MINI à des clients
en Suisse.6 Si cette information se confirme, la Commission
de la concurrence devra vérifier s’il y a un problème de
restriction absolue de territoire dans l’accord de distribution.
Dans ce cas, la présomption de suppression d’une concurrence efficace de l’art. 5 al. 4 LCart pourra être réfutée par la
preuve d’une concurrence suffisante inter-marques. Si cette
concurrence inter-marques est démontrée, BMW aura la possibilité d’exposer que la distribution des voitures neuves
BMW et MINI est un système de distribution efficace malgré
la restriction absolue de territoire.
3 . S W ISS F INIS H
Malgré les renvois à la réglementation européenne dans la
CommVert, la situation juridique concernant les contrats de
distribution ne correspond pas totalement à la réglementation de l’UE. A l’instar des versions antérieures de la CommVert, le concept dit du “Swiss Finish” (c’est-à-dire la prise
en compte de la spécificité de la Suisse) entre en jeu. Cela
concerne en particulier les réglementations relatives aux
recommandations de prix. Certes, certains critères relatifs à
la recommandation des prix découlant du chiffre 15 al. 3 de
la CommVert ne peuvent pas être influencés sans autre par le
producteur (niveau des prix en Suisse, respect du niveau des
prix), mais en principe il n’y aura intervention que lorsque la
recommandation de prix aura, suivant l’exercice de pressions
et d’incitations de la part d’une entreprise partie à l’accord
(ch. 15 al. 2 CommVert), l’effet d’un accord sur les prix fixes
ou minimum.
De plus, l’on retrouve le principe du Swiss Finish dans la
nouvelle CommVert. A l’inverse du Règlement européen, les
5
http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msgid=35158
6
http://www.news.admin.ch/message/index.
html?lang=fr&msg-id=35867
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réglementations suisses laissent une marge de manœuvre.
Les dispositions principales sur l’application de la notion
centrale de notabilité ne sont pas formulée comme des règles
fixes, mais comme des principes directeurs avec possibilité
d’y déroger. En particulier, on peut remarquer que la pesée
des critères de notabilité tant qualitatifs que quantitatifs
s’effectue au cas par cas dans le cadre d’une appréciation
générale (considérant IX CommVert). En ce qui concerne
l’application du droit, il reste alors un facteur sérieux
d’insécurité qui peut avoir un effet important en vue de la
menace des sanctions (la sanction maximale s’élevant à 10%
du chiffre d’affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices ; art. 49a LCart).
C o n ta c t s
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Jürg Borer
Associé
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David Mamane
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