De l`histoire, de l`image et de l`art du photomontage

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De l`histoire, de l`image et de l`art du photomontage
De l’histoire, de l’image et de l’art du photomontage
28 octobre 2014 | Gabriel Marcoux-Chabot - Collaborateur à Québec | Théâtre
Photo: Jérémie Bataglia
Les comédiens Maxime Robin et Noémie O’Farrell, en plus d’être de la distribution de la pièce, ont créé une mise en scène qui réussit à
éviter les pièges du photomontage.
Critique
Photosensibles
Une création de La Vierge folle,
mise en scène par Maxime Robin,
à partir de textes de Roxanne
Bouchard, Véronique Côté,
Jean-Michel Girouard,
Jean-Philippe Lehoux et Gilles
Poulin-Denis. À Premier Acte
jusqu’au 8 novembre.
Photosensibles éblouit et surprend par sa forme éclatée, sa mise en scène
ondoyante et sa scénographie inventive. La diversité des effets sonores et
visuels qui parsèment le spectacle impressionne également. On a le
sentiment d’assister au dévoilement graduel d’un vaste photomontage,
dont chaque nouveau fragment fait écho au précédent.
La comparaison paraît d’autant plus appropriée que la pièce s’appuie sur
cinq photographies ayant marqué l’histoire des dernières décennies. Cinq
auteurs s’en sont inspirés pour revisiter chacun à leur façon ces instants à
la fois magnifiques et tragiques, et La Vierge folle s’est chargée de les
intégrer dans un spectacle cohérent.
Si le résultat n’est pas parfait, c’est que l’art du photomontage comporte bien des dangers. Il arrive, en effet,
qu’un élément plus faible s’intègre mal à l’ensemble. C’est le cas du premier texte, plus artificiel, moins senti,
qui tombe parfois à plat dans la bouche de Lise Castonguay, dont le personnage reste difficile à cerner. Il est
possible aussi que la force d’une image s’atténue au cours du transfert. Ainsi, le jeu de Denis Harvey n’a pas
toujours l’amplitude exigée par le rôle qui lui est imparti dans le second tableau, par ailleurs finement
construit. Dès la troisième partie, toutefois, un souffle puissant s’installe, qui ne nous fera plus jamais défaut.
Soulignons par ailleurs la qualité exceptionnelle du quatrième tableau qui, en multipliant les points de vue sur
une même photo, nous entraîne des manifestations de la place Tian’anmen à celles du Québec contemporain,
à travers une réflexion extrêmement troublante sur la solidarité.
Dans l’art du photomontage, une colle de mauvaise qualité peut complètement gâcher l’effet d’ensemble. Or,
c’est un péril que la pièce parvient à éviter avec brio. Brisant systématiquement le quatrième mur, les
interventions du metteur en scène tissent des liens habiles entre chaque tableau. Truffées de réflexions sur la
photographie et d’anecdotes concernant son propre parcours, elles nous rappellent également que nous
sommes tous des individus, libres de donner sens ou non aux images qui nous entourent.
La finale, particulièrement libératrice, nous plonge dans une douce euphorie qui ne s’estompe qu’avec la fin
de la nuit.