Pédagogie de l`alternance : apprendre en pratiquant

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Pédagogie de l`alternance : apprendre en pratiquant
Pédagogie de l’alternance :
apprendre en pratiquant
MICHEL LE NIR
Centre d’Etudes, de Recherche et de Recherche-Action de l’IUT LUMIERE
IUT LUMIERE – Université Lyon 2
160 Boulevard de l’Université, Campus Porte des Alpes
69 676 Bron Cedex, France
[email protected]
http://iut.univ-lyon2.fr
Résumé — La pratique de l’alternance se traduit par une
succession de périodes de cours et de périodes d’immersion
en entreprise. Si la plupart des responsables concernés par
ce type de formation sont convaincus de la valeur ajoutée
apportée par ces périodes d’acquisition par la pratique, il
leur est souvent difficile de cerner les conditions à réunir
pour que les périodes en entreprise se révèlent réellement
formatrices. Nous tenterons d’apporter des premiers
éléments de réponse à cette délicate question en nous
appuyant sur l’observation et l’analyse des situations de
travail vécues par nos apprentis et la mise en place de
retours réflexifs sur leur pratique lors de séances
organisées à l’IUT.
Mots clés — «1+1», Alternance, Apprentissage, Diplôme
Universitaire de Technologie, Insertion professionnelle,
Parcours d’insertion, Projet personnel et professionnel.
INTRODUCTION
Outre le choix de former la totalité des étudiants en alternance,
l’IUT LUMIERE a décidé de privilégier pour les Diplômes
Universitaires de Technologie, une alternance de type «1+1»
(ou «2 dont 1»). Cela signifie que l’alternance n’est effective
qu’en seconde année, mais que la première année est
largement mise à profit pour préparer les étudiants dans les
meilleures conditions à cette alternance. Pour répondre à cet
objectif, les équipes pédagogiques ont mis en place un
parcours progressif de construction du projet personnel et
professionnel en plaçant l’étudiant comme principal acteur de
ce dispositif. Après dix années de fonctionnement les résultats
obtenus sont globalement satisfaisants. Au fil des années, il est
néanmoins apparu qu’un nombre significatif d’étudiants
rencontraient des difficultés à réfléchir à l’après IUT. Ces
difficultés témoignent de leur impuissance à recontextualiser
en seconde année les démarches et processus construits sur la
première année. Elles soulignent à quel point il leur est
difficile d’estimer les réels apports de leur pratique
professionnelle.
Après avoir rappelé les principales mesures développées sur la
première année et proposé un premier bilan de ces mesures,
cette communication mettra en évidence la nature des
difficultés rencontrées par les apprentis pour se projeter audelà des deux années de formation. Elle précisera les principes
majeurs qui ont servis de socle à un renforcement de
l’accompagnement des apprentis en deuxième année. Ce
propos sera notamment illustré à partir de l’expérience menée
au sein de la spécialité Gestion logistique et transport (GLT).
La conclusion permettra de souligner les acquis de cette
démarche et les pistes susceptibles de la conforter.
A. Différer le choix d’une entreprise pour favoriser
l’émergence d’un projet maîtrisé
La sensibilisation des étudiants à l’importance de se construire
un projet personnel et professionnel commence dès le
recrutement. Le stage de rentrée du mois de septembre est
l’occasion de prolonger ce premier questionnement en
engageant une réflexion structurée avec l’aide d’une première
équipe dont les missions sont transversales aux différents
départements. Ce travail est progressivement relayé par celui
d’une seconde équipe, spécifique à chaque département,
possédant une bonne connaissance des milieux professionnels
concernés par chaque spécialité.
1. Amorcer une réflexion individuelle dès le recrutement
Dès le recrutement, l’IUT LUMIERE affirme les caractéristiques
originales du processus de formation. Les candidats doivent
remplir un dossier de présélection prenant en compte d’autres
critères d’appréciation que les seuls résultats académiques :
motivation aux études courtes et à l’intégration rapide en
entreprise,
expériences
diverses
(professionnelles,
associatives, autres,...), capacité à s’investir dans l’extra
scolaire, dynamisme, connaissance de l’alternance, projet
professionnel. L’examen de ces dossiers donne lieu à une
sélection de candidats qui sont auditionnés par des jurys
composés de deux représentants d’entreprise et deux
enseignants de l’IUT. Il s’agit, à travers ces deux étapes de
valoriser des qualités appréciées des employeurs que
l’approche académique marginalise, tout en instaurant une
procédure de sélection posant le candidat comme acteur du
processus et principal responsable du fait que nous l’avons
retenu. Une telle pratique suppose que les candidats soient en
mesure d’amorcer une véritable réflexion quant à leur
candidature : pourquoi avoir choisi l’alternance ? pourquoi
avoir privilégié telle spécialité ? pourquoi le choix d’études
courtes ? quelle insertion envisager à l’issue des deux années
de formation ? Pour beaucoup d’étudiants finalement retenus,
le projet reste cependant flou. Subordonner l’entrée en
formation d’un candidat à l’obtention préalable d’un contrat, et
donc l’existence d’une entreprise d’accueil, présente alors le
risque de déboucher sur un projet peu adapté à son profil, à un
choix par défaut, voire à un choix d’opportunité (stage trouvé
par relation personnelle). Pour autant, différer la recherche
d’une entreprise n’a de sens que si l’on est en mesure de placer
ce jeune dans une situation où son choix sera un choix
véritablement maîtrisé. Cela suppose d’accompagner sa
démarche et de lui fournir les outils adéquats.
professionnel et la préparation à l’insertion professionnelle et
au départ en stage.
Plusieurs conditions doivent être remplies pour favoriser
l’émergence d’un choix correspondant à un véritable projet
personnel et professionnel :
- Le projet ne peut être dynamisé qu’à partir d’une réflexion
interne, partant de la personne elle-même mais nourrie
d’expériences analysées et confrontées par petits groupes à
celle des autres étudiants, scandée aussi par des échéances
fortes : soirée affiches en octobre, forum entreprises en février,
stage en avril, etc.
- Elaborer un projet professionnel suppose que l’étudiant ait
une vision globale suffisante des opportunités qui peuvent lui
être offertes. Le DUT est un diplôme généraliste. Il ne prépare
pas à un métier particulier, mais à un champ de métiers ; lequel
peut être plus ou moins large selon la spécialité. Le jeune doit
disposer d’un degré de connaissances suffisant pour se situer
dans ce milieu professionnel. Cette connaissance doit être
graduelle (identification des secteurs d’activité, des
entreprises, des métiers, des missions pendant le stage ou le
contrat). Elle doit s’appuyer sur une variété des informations et
des interlocuteurs (enseignants, professionnels parmi lesquels
de nombreux anciens, étudiants de deuxième année).
- Une meilleure connaissance de l’environnement économique
et social ne suffit pas, il est également nécessaire de doter les
étudiants d’une série d’outils incontournables pour mener à
bien une prospection efficace auprès de futurs employeurs
(sensibilisation à la collecte d’informations sur les entreprises
et les métiers, préparation aux entretiens téléphoniques et aux
entretiens d’embauche, formation à la rédaction de CV ou de
lettres de motivation).
La première étape donne à chaque étudiant pour mission
d’approfondir ses idées et de réfléchir à un métier ou une
fonction qu’il aimerait explorer. Il doit alors réaliser une
enquête documentaire et interviewer au moins un
professionnel correspondant à ce métier. En termes de
communication il doit rendre compte de son travail sous quatre
formes :
- un dossier dactylographié (test de la maîtrise minimale de
Word en principe acquise pendant le stage de rentrée)
reprenant l’ensemble de l’enquête et ce qu’il en retire comme
enseignement pour lui-même,
- un exposé devant son groupe de TD,
- une affiche réalisée à deux ou trois, résumant en quelques
points forts leurs enquêtes,
- une exposition des affiches dès la fin octobre au cours d’une
soirée organisée par les étudiants eux-mêmes à laquelle sont
conviés les enseignants de l’IUT, les professionnels qui auront
reçu les étudiants et des personnalités de l’université et du
conseil de l’IUT.
Afin de répondre à ces exigences, l’IUT a été conduit à mettre
progressivement sur pied un parcours d’insertion
professionnelle [1]. La mise en œuvre et l’enrichissement de
ce programme ont été confiés à deux équipes chargées
d’œuvrer au sein de l’IUT en étroite collaboration : l’équipe
du projet personnel et professionnel et le partenariat
entreprises.
2. Initialiser un véritable projet personnel et professionnel
Une équipe constituée de conseillères d’orientation, de
spécialistes de bilans de compétences et d’enseignants de
communication a élaboré un programme hebdomadaire. Ces
séances commencent dès le stage de rentrée. Leur objectif est
d’amener graduellement l’étudiant à mieux se connaître, à
explorer l’environnement professionnel, à se projeter et faire
des choix, à construire son propre itinéraire, à hiérarchiser ses
priorités et à définir ce qui lui convient le mieux. Il construit
progressivement un projet devant déboucher sur une première
intégration en entreprise. C’est la raison pour laquelle le travail
est réalisé à partir d’exercices pratiques et de mises en
situation. Ces groupes doivent beaucoup, dans leur conception
originelle, aux apports de l’éducation des choix tels qu’ils sont
formalisés par TROUVER/CREER, association lyonnaise de
professionnels de l’orientation et de l’emploi «dont l’objectif
est de promouvoir une conception éducative de l’orientation
qui redonne à la personne la maîtrise de ses choix dans un
environnement complexe, mouvant et incertain» [2].
Le programme de travail proposé aux étudiants comporte deux
parties principales : l’élaboration d’un projet personnel et
La seconde étape repose sur un ensemble de mises en situation
permettant aux étudiants d’être de plus en plus responsables de
l’organisation de leurs études et de leur apprentissage. Par leur
implication et leur réflexion au cours des séances, ils apportent
le matériel (expériences personnelles et professionnelles,
réflexions et questionnements) nécessaire au support du travail
de l’équipe d’animation. Ce travail de bilan et de valorisation
de leurs propres atouts sert à la préparation des lettres de
motivation, de leurs CV, lesquels devront être prêts début
décembre. A partir du mois de janvier, les séances sont
centrées sur la préparation à l’entretien de recrutement, que
celui-ci ait lieu avant, pendant ou après le forum entreprises de
février ; journées au cours desquelles des responsables
d’entreprises viennent faire passer des entretiens d’embauche
aux étudiants en vue de les accueillir en stage puis en contrat.
L’accompagnement des étudiants se poursuit à l’occasion du
forum entreprises, du départ et du retour de stage.
Toute au long de l’année, les étudiants réunissent, dans un
carnet de bord qui fera l’objet d’une évaluation, l’ensemble
des travaux de ces séances ainsi que toutes leurs activités
périphériques (autres cours, visites d’entreprises, conférences
métiers, expériences téléphoniques, échanges avec des
professionnels) qu’il s’agit de transformer en véritables
expériences participant à la clarification de leur propre
système de valeurs et à l’élaboration de leur projet personnel et
professionnel, à court (stage), moyen (contrat) et long (l’aprèsDUT) termes. C’est un moyen pour eux de prendre du recul
par rapport à leurs actions, voire inactions, et d’en faire
l’analyse.
3. Renforcer la dimension professionnelle du projet
L’étudiant n’a souvent qu’une idée imprécise des secteurs
d’activités et des entreprises dans lesquelles il est susceptible
d’évoluer par la suite. Il mesure mal les débouchés qui peuvent
lui être offerts voire les passerelles pouvant lui garantir un
large choix de trajectoires professionnelles. Il lui est enfin
difficile d’évaluer les missions qui pourront lui être confiées
dans le cadre d’un stage puis d’un contrat. Ces difficultés sont
d’autant plus fortes que le DUT est un diplôme généraliste qui
ne forme pas pour un métier, mais pour un ensemble de
métiers. Chaque spécialité débouche en effet sur une palette
plus ou moins large de métiers. Certains métiers peuvent être
émergeants, d’autres ont pu connaître des mutations
importantes depuis la création de la spécialité. Face à cette
complexité, il a semblé opportun de mettre sur pied au sein de
chaque département une équipe particulièrement sensibilisée à
l’environnement professionnel du diplôme. Il s’agit de
l’équipe du partenariat entreprises. Cette équipe est composée
d’experts métiers. Il peut s’agir de professionnels
(généralement sous statut de PAST), d’enseignants ayant une
bonne connaissance de l’environnement professionnel de la
spécialité, voire d’ingénieurs d’études ou de recherche.
Lors des premières années d’existence de l’IUT, ce sont pour
l’essentiel les membres des partenariats entreprises qui
trouvaient les futurs employeurs de nos apprentis. Du coup, les
étudiants devenaient par trop consommateurs et d’autant plus
exigeants que nous les encouragions à formaliser leurs attentes
sans pour autant réellement les confronter à la réalité de la
recherche d’emploi. C’était contradictoire avec notre projet
fort de les rendre acteurs de leur formation/insertion. Il a donc
été décidé d’initier les étudiants à leur propre prospection, les
membres de l’équipe épaulant cette recherche et ne fournissant
des contacts qu’en fonction des efforts déployés par les
étudiants.
Chaque équipe partenariat a ainsi mis en place un parcours
d’insertion progressif tenant compte des caractéristiques de
l’environnement professionnel du diplôme (visites, journées
métiers, etc.) mais également de la variété de maturation des
projets individuels. L’approfondissement de l’environnement
professionnel effectué, les étudiants présentent leur projet aux
membres du partenariat et reçoivent, le cas échéant, leur
approbation pour commencer leur prospection d’entreprises.
Le forum entreprises, organisé à l’IUT en février, permet de
confronter les étudiants à des entreprises prêtes à les accueillir
en stage de sept semaines, puis en contrat de treize mois. Les
contacts pris avec ces professionnels l’ont été par les étudiants
pendant leur prospection ou par les membres du partenariat
entreprises, chargés à la fois de gérer les relations avec des
partenaires habituels de l’IUT, mais aussi d’initier de
nouveaux contacts avec des entreprises intéressées par le
projet de l’IUT. A l’issue du forum entreprises les étudiants
qui n’ont toujours pas d’entreprise d’accueil entament une
nouvelle prospection. Leur effectif plus réduit permet aux
membres du partenariat entreprises d’entreprendre un travail
de fond. La manière dont les entretiens du forum entreprises se
sont déroulés est analysée ainsi que l’ensemble des démarches
de prospection qu’ils ont pu mener jusque là. Au début du
mois d’avril les étudiants partent en stage pour sept semaines,
encadrés par un tuteur IUT et un tuteur entreprises. Ceux-ci
définissent avec l’étudiant le programme d’activités à mener
pendant le stage, puis à l’issue du stage évaluent le travail de
l’étudiant. Dans la majorité des cas, les deux parties
confirment leur engagement pour la deuxième année. Certains
étudiants, pour lesquels le stage ne s’est pas déroulé
conformément à ce qui était attendu, mènent une nouvelle
prospection. A la fin du mois de juin le jury se prononce sur le
passage en seconde année.
B. Vers la mise en place d’un accompagnement renforcé en
deuxième année
La mise en place des différentes étapes du parcours de
préparation à l’alternance, la constitution des équipes
d’animation, la recherche et la fidélisation des entreprises ont
eu tendance à concentrer une grande partie des efforts sur la
première année. Certes plusieurs dispositions ont été prises dès
l’origine afin d’accompagner l’alternance de deuxième année :
désignation d’un tuteur IUT et d’un maître d’apprentissage et
définition de leurs missions respectives, mise en place
d’ateliers de discussion lors du retour en formation des
apprentis, etc. Si un certain nombre d’indicateurs semblent
confirmer le bien fondé de la démarche, la difficulté des
étudiants à analyser leurs pratiques professionnelles et à en
tirer des enseignements pour se projeter au-delà de l’IUT
nécessite de s’interroger sur un renforcement du suivi des
apprentis.
1. Un investissement en première année qui porte ses fruits
Le parcours d’insertion, alliant le travail des équipes du projet
personnel et professionnel et du partenariat entreprises, s’est
progressivement enrichi constituant aujourd’hui un ensemble
relativement cohérent. Plusieurs indicateurs nous paraissent
confirmer l’intérêt de la démarche :
- Quel que soit le département, on observe à l’occasion du
recrutement une véritable fidélisation des candidats, avec un
rapport entre appelés et inscrits oscillant entre 1,2 et 1,4 :
lorsqu’un jeune a amorcé la réflexion imposée par l’ensemble
de la procédure de recrutement, il a une forte propension à
aller jusqu’au bout de la démarche.
- Au moment du forum entreprises, une grande majorité
d’étudiants est capable de formaliser un premier projet
professionnel adapté aux exigences de la formation. Les
responsables d’entreprises qui les auditionnent constatent, en
général, la bonne représentation qu’ils se font des métiers et
des postes de travail.
- On aurait pu penser que lors d’un forum, les entreprises
avaient tendance à sélectionner les mêmes étudiants. En fait, il
n’en n’est rien. Le travail entrepris en amont avec les équipes
d’encadrement, permet aux étudiants de limiter le nombre
d’entretiens. Les profils de postes communiqués, la
présentation des entreprises, et les informations amassées en
amont du forum, permettent d’optimiser la recherche des
adéquations entre les postes proposés et les candidats.
- Aucun des étudiants de l’IUT ne s’est trouvé au premier avril
sans entreprise d’accueil pour le stage et moins de 1% des
étudiants se sont trouvés sans entreprise d’accueil pour le
contrat au premier septembre.
- Le renforcement de l’accompagnement tout au long du
parcours d’insertion de première année minimise le nombre de
stages qui ne débouchent pas sur un contrat. Quel que soit le
département, 70 à 80% des apprentis se trouvent dans
l’entreprise où ils ont effectué leur stage de première année.
- Le passage de première en deuxième année demeure
relativement sélectif avec en moyenne 75 à 85% des étudiants
présents en première année qui passent en deuxième année et
deviennent apprentis. Toutefois, le taux de réussite à l’issue de
la deuxième année est proche de 100%.
- Le nombre de ruptures de contrat, tout département
confondu, est particulièrement faible (moins de 1% des
contrats depuis l’origine de l’IUT). Cette rareté a permis une
fois encore d’analyser dans les meilleures conditions possibles
les quelques situations ayant conduit à ces ruptures et permis
de construire, lorsque c’était nécessaire, un nouveau projet
avec les étudiants.
- L’insertion professionnelle à la sortie est excellente et rapide.
Nombreuses sont les entreprises engagées dans le processus
qui proposent un emploi à la sortie. Les postes occupés par les
diplômés sont tout à fait cohérents avec les cibles décrites par
les programmes pédagogiques nationaux. En cas de recherche
d’emploi, les durées excèdent rarement trois mois. Elles sont le
plus souvent inférieures à un mois.
- Les poursuites d’études constituent une autre orientation
possible. Les étudiants se révèlent d’ailleurs très compétitifs
lors des sélections et obtiennent par la suite d’excellents
résultats. La plupart se font dans des voies professionnelles
(IUP, MST, ...), de plus en plus souvent par alternance avec
des taux de réussite supérieurs à 90%. Pour autant la
proportion des poursuites d’études reste, selon les
départements, les options et les promotions, comprise entre 15
et 35%.
2. Un bilan en partie contredit à l’approche du diplôme
En dépit des bons résultats enregistrés, nous avons été
progressivement alertés par les problèmes que rencontraient
certains de nos apprentis de deuxième année, pour se projeter
au-delà du DUT. Beaucoup ne parvenaient pas à mesurer
réellement le parcours accompli depuis deux ans et sousestimaient la somme des compétences qu’ils avaient pu
acquérir tout au long de leur année d’alternance. Ce sentiment
était encore aggravé par leur difficulté à établir des passerelles
entre ce qui se passait à l’IUT et ce qui se passait en entreprise.
D’autres apprentis avaient le sentiment que l’expérience
unique menée à travers un stage puis un contrat, dans la même
entreprise, pouvait les desservir. Ils courraient le risque de se
trouver enfermés dans un métier donné, sans possibilité de
mobilité future, vers d’autres métiers constituant les débouchés
de la spécialité qu’ils préparaient. Certains appréhendaient, en
dépit de l’importance de l’accompagnement mis en œuvre, le
moment où ils se retrouveraient sur le marché du travail ;
quand bien même les indicateurs en matière d’emploi étaient
encourageants (temps de recherche limité, offres d’emploi
cohérentes par rapport aux cibles du diplôme, témoignages
d’anciens confortant la bonne perception des diplômes et
l’intérêt de l’alternance). Dans tous les cas beaucoup
d’apprentis se trouvaient préoccupés à mesure que
s’approchait la fin de leur formation. Force était de constater la
difficulté des étudiants en deuxième année à recontextualiser,
pour préparer leur sortie, un certain nombre de pratiques et de
démarches mises en œuvre lors de la recherche d’un stage et
d’un contrat. Très souvent la solution alors privilégiée
consistait pour les apprentis à s’inscrire en poursuite d’études.
Pour un nombre significatif d’apprentis il s’agissait davantage
d’opportunité que de l’aboutissement d’une réflexion de fond
telle qu’ils l’avaient pourtant menée en première année. Les
phénomènes de grappes qui se développaient en constituaient
une bonne illustration. Un apprenti ayant un véritable projet
professionnel pouvant être avantageusement consolidé par une
poursuite d’études, entraînait dans son sillage des apprentis
sans véritable projet. Il est vrai que l’offre de formation
s’adressant aux titulaires d’un bac + 2 est abondante et,
surtout, que les apprentis doivent se prononcer en matière de
poursuite d’études, au premier trimestre de l’année civile. A
cette époque, ils n’ont pas encore accompli la moitié de leur
temps effectif en entreprise. En outre c’est souvent sur la
dernière partie de leur alternance, la période estivale qui va de
début juillet à fin septembre, que les apprentis se voient
généralement confier un poste de travail en autonomie
complète.
Toutes ces difficultés étaient constatées alors que, dès
l’ouverture des premiers départements, un certain nombre de
dispositions avaient été prises afin d’accompagner l’apprenti
tout au long de son parcours de deuxième année. Comme en
première année, dès lors qu’un jeune se trouvait en entreprise,
il bénéficiait d’un double suivi (tuteur IUT et maître
d’apprentissage). Cinq rencontres ponctuant l’année étaient
organisées. Ces rencontres visaient à définir les missions du
jeune pour la période à venir, mais également à faire un bilan
des missions réalisées au cours de la période précédente. Le
comportement professionnel du jeune et son intégration dans
l’entreprise étaient également considérés. Les départements
avaient également envisagés des séances de retour
d’alternance. L’idée consistait à prévoir un sas entre la
quinzaine en entreprise et la quinzaine IUT. Ces séances d’une
durée de deux heures permettaient de revenir sur l’activité
professionnelle des étudiants. Les retours d’alternance, s’ils
fonctionnaient relativement bien en début d’année devenaient
rapidement inefficaces et donnaient l’impression de se traduire
le plus souvent par des tours de table répétitifs. En outre les
étudiants se sentaient peu concernés par les expériences vécues
par d’autres collègues dont les environnements professionnels
leur paraissaient éloignés du leur. Ils avaient du mal à
percevoir les liens pourtant réels entre leur propre activité et
celle de certains des autres alternants. Au final, ce temps de
restitution et d’exploitation comportait le risque de glisser
progressivement vers ce que certains auteurs qualifient de
«bavardage institutionnalisé» [3].
Les différentes pistes explorées initialement se sont donc
révélées insuffisantes et peut-être avons nous eu
inconsciemment le sentiment qu’une fois que l’apprenti se
trouvait en entreprise, le plus dur était fait. D’autant que,
comme nous l’avons souligné, les ruptures de contrat
conservaient un caractère tout à fait exceptionnel et que le taux
de réussite en deuxième année se révélait excellent.
C. Vers la mise en place d’un accompagnement renforcé en
deuxième année
Il était donc nécessaire de repenser l’accompagnement des
étudiants de deuxième année. Ceci passait, tout d’abord, par
l’énoncé des principes sur lesquels serait bâti un programme
capable de valoriser davantage l’alternance et les pratiques
professionnelles qui en découlent.
1. Des principes confortés par l’expérience acquise en
première année
Les réflexions menées par les équipes pédagogiques,
complétées par des réunions avec les étudiants nous ont permis
de dégager un certain nombre de principes sur lesquels nous
avons décidé de rénover l’accompagnement de deuxième
année :
- Encouragés par nos pratiques de première année et attachés à
l’idée déjà évoquée, qu’un projet individuel ne peut se
développer que sur la base d’un engagement fort de la
personne, nous avons réaffirmé le rôle d’acteur principal
dévolu à l’apprenti. Quelle que soit la formule retenue celui-ci
doit être le principal artisan de la démarche. Cette démarche
doit donc s’appuyer au maximum sur ses expériences et les
enseignements qu’il est capable d’en tirer. Pouvoir reformuler,
s’exprimer, indiquer les difficultés auxquelles il se trouvait
confronté constituent autant d’étapes incontournables pour que
l’étudiant intègre pleinement ses apprentissages.
- Un tel retour réflexif sur des pratiques professionnelles ne
peut se faire sans le concours d’un médiateur et suppose
d’avoir prévu dans les emplois du temps un moment
permettant de faire le point. Chaque apprenti bénéficie déjà du
soutien d’un maître d’apprentissage et d’un tuteur IUT, mais
leur rôle a tendance à se focaliser sur l’expérience immédiate
vécue en entreprise.
- Dans les discussions qui ont précédé la mise en place d’un
nouveau programme d’accompagnement nous avions été
sensibles à l’importance accordée par les étudiants aux
nombreuses échéances qui jalonnent le parcours de première
année. Celles-ci présentent notamment l’avantage de permettre
aux étudiants de se situer dans leur progression.
L’accompagnement de deuxième année doit se baser sur un
programme d’actions précises et progressives, si possible
ponctuées par des étapes permettant aux apprentis de mieux se
situer.
- En ce qui concerne la progression, nous avons souhaité là
encore tirer parti des enseignements de la première année. En
première année, les réflexions individuelles des étudiants sont
précédées de nombreux échanges collectifs destinés à dresser
un panorama complet des orientations professionnelles qui
peuvent leur être offertes. En deuxième année, il nous a
semblé pertinent de partir à nouveau d’une démarche
collective visant à faire prendre conscience aux apprentis de la
richesse des trajectoires professionnelles possibles, avant de
les inciter à se centrer à nouveau sur leurs propres
perspectives.
- Nous tenions, en revanche, à éviter l’un des effets pervers de
la construction du parcours d’insertion de première année.
Celui-ci conduit le jeune à préciser, affiner son projet pour
aboutir, comme par un processus en forme d’entonnoir, au
choix d’une entreprise et d’un poste de travail particuliers. Ce
processus donne parfois aux jeunes l’impression qu’un choix
s’effectue sans retour possible. Il faut donc encourager
l’enrichissement mutuel des étudiants afin de favoriser leur
prise de distance à travers la comparaison de chaque
expérience personnelle avec celle des autres apprentis [4]. Il
est indispensable d’offrir à chaque alternant l’occasion
d’entendre les autres membres du groupe commenter et
interpréter son expérience et de lui fournir l’opportunité de
participer, à son tour, à l’analyse des expériences des autres.
En outre, cette construction ne doit pas, au risque de retomber
dans les travers de la première année, se limiter à la seule
sortie immédiate de l’IUT. Les réflexions engagées doivent
conduire les étudiants à se projeter à différents termes : court
(la fin du diplôme) ou moyen (de deux à cinq ans).
En tout état de cause il apparaît vital que le processus élaboré
permette une meilleure valorisation du diplôme préparé et de
l’alternance.
2. Une illustration du parcours de deuxième année : la
spécialité GLT
A titre d’illustration, nous allons pour finir nous intéresser à la
manière dont la démarche a été déclinée par l’équipe du
département Gestion Logistique et Transport. Ce département
forme des techniciens supérieurs du transport et de la
logistique, appelés à occuper des postes aussi variés
qu’exploitant transport, gestionnaire de parc, gestionnaire de
stocks, assistant logistique, assistant qualité, assistant
marketing, etc. Le rythme d’alternance privilégié est de quinze
jours à l’IUT pour quinze jours en entreprise.
Le parcours d’accompagnement de deuxième année en GLT se
compose de trois périodes. La première se déroule de
septembre, début de l’alternance, à décembre. Elle met
l’accent sur une première prise de recul des apprentis quant
aux missions exercées en entreprise. Elle commence par la
composition de groupes de travail qui tiennent compte de
l’activité des apprentis. Ceux-ci doivent se positionner à partir
de deux axes majeurs :
- le caractère plutôt fonctionnel (études et projets) ou plutôt
opérationnel (gestion au quotidien) de leurs missions en
entreprise,
- la nature plutôt à dominante transport ou logistique de ces
missions.
Les groupes (trois à quatre groupes pour une quarantaine
d’étudiants) sont constitués en fonction de la réponse des
apprentis. Chaque groupe se voit alors confier la création d’un
support de communication visuel, complété par un exposé oral
destiné à décrire les missions des apprentis du groupe en les
rendant compréhensibles et claires pour des étudiants de
première année. Une manifestation est organisée début
décembre entre les promotions de première et deuxième
années, dont l’organisation est confiée aux apprentis. Pour les
étudiants de première année, il s’agit d’une étape du parcours
d’insertion de première année. Pour les apprentis c’est
l’aboutissement d’un premier retour réflexif collectif sur leur
activité entreprise. Cette réflexion suppose en amont une
analyse de leur propre expérience, mais également une
confrontation avec les expériences vécues par les apprentis de
leur groupe. La journée de rencontre permet ainsi d’offrir un
descriptif complet des activités professionnelles vécues par les
apprentis. Les échanges portent non seulement sur les
missions, métiers, entreprises, secteurs que côtoient les
alternants, mais aussi sur leur expérience en matière de
prospection d’entreprises, de définition de leur projet
personnel et professionnel, de première insertion ou de gestion
de l’alternance. La matinée est réservée aux exposés des
apprentis. Même si le cahier des charges qui leur est confié est
précis (temps d’exposé limité à vingt minutes, présentation
vivante et dynamique, déroulement logique, détermination
d’un fil conducteur, échange avec le public à l’issue de
l’exposé), une grande latitude est donnée aux étudiants quant à
la présentation elle-même. Cette latitude permet aux étudiants
de faire preuve d’originalité et débouche sur la réalisation de
produits de grande qualité. Certains groupes se filment en
situation en entreprise, d’autres proposent un diaporama
animé, beaucoup constituent de la documentation d’appoint
(lexique des termes du transport et de la logistique à maîtriser
avant le stage, descriptif des postes de travail, etc.), certains
organisent des quiz ou des «duels» permettant de révéler les
écarts existants entre des apprentis occupant un même poste de
travail mais dans des entreprises de natures différentes.
L’après-midi, il est procédé à la constitution de groupes
mixant des étudiants des deux années. Les tours de table
proposés permettent un questionnement plus direct des
participants. Un étudiant de première année essaiera
d’expliquer où il en est de sa réflexion et ce qui l’a incité à
suivre cette formation, tandis qu’un étudiant de deuxième
année lui donnera des conseils quant à la manière de conduire
sa prospection et de se préparer au forum ou au stage. Il lui
indiquera les apprentis pouvant lui servir de référents compte
tenu du projet qu’il envisage de mener à bien. Cette première
étape reste malgré tout très descriptive. Il était donc essentiel
de la compléter.
La seconde étape du travail se déroule de janvier à avril. Elle
prend la forme d’ateliers d’échanges et d’expériences et a pour
objectif l’identification des aspects formateurs du parcours en
entreprise. L’objectif est de mettre en évidence à partir du
vécu d’un apprenti, ce que l’on entend lorsque l’on dit de
façon vague et imprécise que «l’entreprise est formatrice».
Chaque atelier se construit autour d’un thème et donne lieu à
quatre exposés en rapport avec ce thème. Ces exposés doivent
être précédés d’une introduction commune et suivis d’une
conclusion commune. L’exposé comprend une présentation
succincte de l’entreprise. La mission principale de l’étudiant,
sa finalité, les moyens mis à disposition pour l’accomplir, les
outils théoriques et méthodologiques utilisés, les problèmes
rencontrés et les solutions adoptées, doivent être précisés. Les
éléments de connaissances abordés à l’IUT pouvant constituer
des pré-requis mobilisables pour l’exécution de la mission
doivent être soulignés. Enfin, l’apprenti doit s’interroger sur la
valeur ajoutée de l’alternance. Quelles sont les compétences
techniques, méthodologiques, mais également relationnelles
développées en entreprise ? A l’issue des exposés, le groupe
d’animation propose un débat aux apprentis ou donne la parole
à un conférencier (professionnel ou enseignant) afin d’apporter
des compléments d’informations sur le thème retenu. Le rôle
d’un enseignant est particulièrement utile pour souligner les
articulations entre les cours et l’activité en entreprise. Il est à
noter que les deux premières étapes de l’accompagnement de
deuxième année donnent lieu à une évaluation du travail des
apprentis.
La dernière étape qui se déroule d’avril à juillet, constitue une
réactivation du projet personnel et professionnel. L’idée est
d’assister les étudiants en les aidant à tirer un bilan de leur
expérience passée et présente. Ce bilan est destiné à leur
permettre de mieux se projeter dans le futur et leur offre
l’opportunité de clarifier leurs propres critères de choix et
d’analyse. Pour les étudiants, réfléchir à leur future carrière
c’est d’abord être capable de faire le point sur ce qu’ils sont,
ce qu’il souhaite devenir, puis de confronter ces souhaits à la
réalité. Ils doivent définir les moyens pour y parvenir et être en
mesure de lire les opportunités ou analyser les propositions qui
leur sont faites. Les bilans doivent donc permettre aux
apprentis de faire à la fois le point sur les compétences qu’ils
ont acquises au cours des deux années et sur celles qu’il leur
reste à acquérir. Ils doivent favoriser la constitution d’un
portefeuille de compétences individuel. Une telle réflexion
doit être précédée d’une présentation générale sur la notion de
carrière professionnelle, sur la façon dont celle-ci se construit,
sur la méthodologie de questionnement utilisée pour parvenir à
des choix, sur la part d’aléas et les opportunités qui peuvent se
présenter par rapport aux choix réalisés. Lors d’une première
séance, les apprentis sont regroupés en binôme. Chaque
membre du binôme interroge son collègue afin de l’aider à
formuler et expliciter ses paramètres de décision et ses choix.
Ce travail en miroir permet d’introduire un regard extérieur et
bénéficie de la discussion qui s’engage entre les deux
apprentis. Afin de faciliter ce travail, une grille de
questionnement est proposée aux deux acteurs. Par exemple,
pour visualiser la trajectoire passée, l’apprenti précise ce qu’il
voulait faire initialement et ce qu’il a été vraiment capable de
faire. Il s’interroge ensuite sur les écarts constatés. Il confronte
ensuite l’idée qu’il se faisait du secteur ou du métier qu’il a
approchés et du contexte professionnel dans lequel ces actions
ont été expérimentées. Une fois encore les écarts sont mesurés,
puis l’apprenti s’interroge, via son partenaire, pour évaluer si
l’expérience qu’il a vécue l’a, ou non, rapproché de son
objectif initial. Il se questionne sur les enseignements qu’il en
a tiré et sur la capacité qu’il a démontré pour réduire les
éventuels écarts. Une fois ce travail accompli, il va s’efforcer
de se projeter dans le futur en précisant ses objectifs en termes
de carrière professionnelle à deux, trois, voire cinq ans. Il lui
est nécessaire de repréciser ses attentes, ses motivations et
d’expliciter le secteur d’activité et le métier qui ont sa
préférence. Pour y répondre, il est nécessaire de faire le point
sur l’état de son projet personnel et professionnel (par rapport
au métier qu’il souhaite exercer et au contexte professionnel
dans lequel il s’imagine évoluer, quelles sont les compétences
sur lesquelles il est en mesure de s’appuyer ? comment peut-il
définir son rôle professionnellement ? Quelles sont les
composantes de son projet qui concernent sa vie extra
professionnelle et comment concilier l’ensemble ?). L’apprenti
peut ensuite formaliser sa trajectoire «idéale» à moyen terme.
Parallèlement au renforcement de l’accompagnement de
deuxième année, l’équipe GLT s’est également intéressée à la
manière d’adapter la pédagogie à des jeunes qui sont passés
d’un statut d’étudiant à celui de professionnel. Le
morcellement des enseignements, l’insuffisante valorisation de
la transversalité des problématiques de ces enseignements, la
tendance des apprentis à attendre des cours qu’ils apportent
des éléments de réponse immédiats aux problèmes qu’ils
rencontrent lors des quinzaines en entreprise, le caractère plus
passif des étudiants confrontés à des enseignements dont la
présentation reste en partie magistrale, constituent autant
d’obstacles qu’il faut dépasser. Pour tenter de répondre à
certaines de ces difficultés, le département à mis en place des
quinzaines thématiques. Chaque quinzaine apparaît comme un
module de formation homogène, construit autour d’un
enseignement «phare» et de quelques enseignements
«supports». Au cours de la quinzaine, les étudiants se voient
confier un projet en début de quinzaine. Le cas posé, véritable
«fil rouge» de la quinzaine, nécessite de mobiliser des
connaissances dans diverses disciplines dont les cours sont
dispensés lors de la quinzaine. Cette démarche a été peu à peu
généralisée. Lorsqu’un module est élaboré, il s’efforce de tenir
compte des contraintes posées par le programme pédagogique
national,
mais
également
du
déroulement
de
l’accompagnement de deuxième année. Lorsque c’est possible
l’articulation entre enseignements et projet personnel et
professionnel des étudiants est renforcé. La dernière quinzaine
thématique proposée est, à ce titre, tout à fait exemplaire. Cette
quinzaine met l’accent sur la gestion des ressources humaines.
L’une des principales missions confiée aux étudiants vise à
leur faire définir des profils de poste associés à des entreprises
fictives. Partant de documents présentant ces entreprise, ils
s’efforcent de déceler les besoins en personnel. Ils définissent
alors des profils de poste de techniciens supérieurs en transport
et logistique et conçoivent des petites annonces. Les apprentis
issus des autres équipes peuvent se porter candidats sur ces
postes. Les volontaires élaborent CV et lettres de motivation.
Ceux qui sont finalement sélectionnés passent des entretiens
d’embauche animés par les apprentis qui ont élaboré les profils
de poste. Cet exercice présente un double intérêt. Pour le
candidat au poste c’est l’occasion de mettre en pratique les
méthodologies présentées au cours de la troisième étape du
parcours d’accompagnement de deuxième année. Ils doivent
en particulier valoriser les compétences acquises au cours de
l’alternance et mesurer leur adéquation au poste proposé. Pour
les apprentis qui jouent le rôle des employeurs, l’exercice est
également très enrichissant. Ils mesurent à cette occasion les
difficultés auxquelles peuvent être également confrontés des
recruteurs : élaboration d’une fiche de poste, détermination
d’une grille d’analyse permettant la sélection des CV,
animation des entretiens de sélection, etc.
CONCLUSION
Il est encore un peu tôt pour prendre la pleine mesure des
actions engagées. En ce qui concerne la première étape qui se
termine par la rencontre entre promotions, les objectifs initiaux
semblent atteints. En exprimant leurs questionnements et leurs
doutes, alors qu’ils sont en pleine initialisation de leur projet
professionnel, les étudiants de première année permettent à
leurs aînés de prendre la pleine mesure du chemin que ces
derniers ont déjà parcouru. Les typologies élaborées par les
apprentis lors de leurs présentations démontrent une vision
tout à fait juste de leur environnement professionnel. Elle leur
a incontestablement permis d’amorcer une réflexion de fond
sur leur activité professionnelle et a enrichi la vision qu’ils ont
de leur diplôme et de ses débouchés. Leur référentiel s’est
étendu. Il devrait concourir ultérieurement à favoriser leur
mobilité professionnelle.
Les difficultés interviennent plutôt au cours des deux phases
suivantes. Lors des réflexions menées en ateliers, on constate
une certaine hétérogénéité des apprentis. Certains ont du mal à
passer d’une démarche descriptive sur leurs missions à une
démarche analytique sur les compétences qu’ils ont acquises.
Une fois encore le rôle des animateurs est alors essentiel. Il
reste que la multiplication des témoignages, organisée de
manière structurée, enrichit les participants. La troisième étape
est la plus délicate à mener. Le simple fait d’imposer le
moment de la réflexion à une personne quant à son parcours et
ses aspirations n’est pas naturel en soi. Mais c’est aussi parce
que ce travail n’est pas spontané qu’il est nécessaire d’en faire
un passage obligé. Le travail en binôme permet de contourner
en partie les inhibitions ressenties pas certains apprentis pour
évoquer leur avenir. Mais la possibilité offerte aux
responsables pédagogiques de s’appuyer sur les expériences
des uns et des autres pour alimenter la réflexion collective tend
parfois à produire l’effet inverse. Il est également délicat de
trouver le juste équilibre entre une démarche trop simple qui
présenterait le risque d’aboutir à des descriptions pauvres et
une démarche trop ambitieuse qui risquerait de dépasser les
apprentis. C’est une des raisons pour lesquelles plusieurs
supports méthodologiques ont été élaborés afin de faciliter leur
réflexion sur les aspects formateurs de leur pratique
professionnelle (lexique des concepts clés, liste de verbes
d’action pour la construction du descriptif d’activités).
Cette dernière étape souffre enfin d’un calendrier défavorable.
La réflexion sur les poursuites d’études démarre très tôt.
L’idéal serait que la troisième étape la précède. Actuellement,
un apprenti préfèrera jouer la carte de la sécurité en posant sa
candidature à une poursuite d’études dès les mois de février ou
mars. Il lui sera dès lors difficile d’envisager sereinement
d’autres scénarios et surtout d’accepter de les confronter. En
outre, peu d’études permettent aujourd’hui de mesurer
l’avantage relatif à poursuivre ses études. Du fait de
l’allongement de la période qui s’étend de l’obtention du
dernier diplôme à une certaine stabilité professionnelle, il
serait nécessaire d’enquêter des titulaires de DUT, cinq ans
après leur sortie du système éducatif et de comparer leur
situation avec celles des titulaires de diplômes homologués à
bac + 3, bac + 4 ou bac + 5, respectivement quatre, trois et
deux ans après leur sortie de formation.
Outre le renforcement des outils de suivi et l’implication plus
systématique d’enseignants et de professionnels, notamment
les maîtres d’apprentissage, lors de la tenue des ateliers
d’expériences et d’échanges, plusieurs pistes peuvent être
envisagées pour alimenter la démarche. Le parcours de
première année a été très largement enrichi par la capacité
d’expertise des membres des partenariats entreprises. Il a
également été complété par plusieurs travaux auxquels ont
participé les membres des équipes pédagogiques des
départements. Les études menées par le département GLT en
collaboration avec les autres départements de la spécialité
(deuxième et troisième enquêtes nationales sur les diplômés de
la spécialité [5], [6], analyse nationale des métiers de la
spécialité [7]) ont permis de clarifier les cibles du diplôme et
d’initier une lecture des trajectoires professionnelles des
anciens. Cette préoccupation est très largement partagée par
les autres départements de l’IUT LUMIERE. Les études
produites, complétées par un suivi fin des diplômés et une
analyse des situations de travail, menée avec le concours des
apprentis, devraient permettre de constituer progressivement
un référentiel des trajectoires professionnelles. D’une mission
de stage de première année à une situation professionnelle
après deux ou trois années d’expériences, en passant par le
contenu d’un contrat ou d’un poste occupé lors d’une primo
insertion, les départements pourront disposer ainsi d’une série
de photographies très précises.
Bien qu’elle n’ait été qu’à peine évoquée dans cette
communication, l’articulation entre la progression des
enseignements et le déroulement du parcours progressif
d’insertion constitue l’une des réussites de la première année.
Cette articulation est tout aussi essentielle pour la seconde
année et méritera d’être examinée avec une grande attention.
L’exemple de quinzaine évoqué précédemment témoigne
d’opportunités qu’il est nécessaire de savoir saisir. Enfin, la
démarche présentée devrait bénéficier des réflexions en cours
à l’IUT LUMIERE sur la délicate question du transfert des
apprentissages. Une équipe d’enseignants - chercheurs est
actuellement en constitution autour de cette thématique.
REFERENCES
[1] Le Nir Michel, Michel Jacques-André, Nérieux Carol,
«Deux démarches d’insertion par et pour l’alternance»,
Colloque sur l’Enseignement professionnel court postbaccalauréat : enjeux sociaux, enjeux territoriaux, Le Mans,
décembre 1998.
[2] Gilles Dominique, Saulnier-Cazals Josette, VuillermetCortot Marie-Josée, «Socrate, le retour…, pour accompagner
la réussite universitaire et professionnelle des étudiants»,
Trouver-Créer, Lyon, 1994, 185 p.
[3] Mauduit-Corbon Michelle, Martini Franck, «Pédagogie de
l’alternance», Pédagogies pour demain, Nouvelles approches,
Paris, 1999, 96 p.
[4] Tilman Francis, Delvaux Etienne, «Manuel de la formation
en alternance», Ed. de la Chronique Sociale, Lyon, 2000,
174 p.
[5] Beckerich Christophe, Le Nir Michel, «Insertions
immédiate et différée des diplômés du DUT Gestion
Logistique et Transport», Congrès International de l’AECSE,
Lille 5-7 septembre 2001.
[6] Le Nir Michel, «Troisième enquête nationale sur les
diplômés de la spécialité GLT», Assemblée Générale de
l’ADIUT, 30-31 mai et 1er juin 2001.
[7] Bourgeay Sophie, Dubrion Benjamin, Le Nir Michel,
«Vers l’élaboration d’une cartographie des métiers de la
spécialité GLT», Assemblée des chefs de département GLT,
Lyon, mars 2001, 90 p.