Famille je vous h/aime !
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Famille je vous h/aime ! Forence REZNIK, Psychologue Psychanalyste secteurs 75 G 09 et 75 G 10/11 Nos traitements, sont des traitements par l’amour » déclare Freud à une soirée du mercredi 30 janvier 1907. Quelle est l’étymologie du mot famille ? Elle apparaît au XIVe siècle, issue de familier/familiarité – latin familiaris – familiariser avec. On pense à Freud et à son texte «l’inquiétante étrangeté » traduit par François Perrier par étrangeté familière, car n’y a-t-il pas quelque chose de profondément étrange, dans le fait de constituer une famille. Qu’est ce qui fonde une famille, un homme, une femme des enfants ? Audelà du biologiquement incontournable, quels mécanismes conscients et inconscients régissent les liens entre leurs membres ? Quels mouvements là aussi conscients et inconscients, déterminent les actes d’un sujet et produisent des effets repérables dans notre clinique quotidienne. La psychanalyse nous permet de décrypter, décoder, traduire, l’apparence, dans une perspective radicalement autre que celle qui nous est donné à voir ou à entendre. Il sera donc question ici, de la famille interne, celle que nous portons tous en nous, et celles que nous recevons quand nous accueillons un patient. Je vous propose de séparer ce rapide exposé en deux domaines distincts, ce qui est général, universel au regard de la psychanalyse ; et en second, concernant la clinique, ce que nos patients et leurs familles nous enseignent et, ce que nous, analystes, en retour pouvons tenter de leur apporter. Freud disait que « dans un couple, on est au moins 6 » faisant ainsi référence aux parents et grands-parents… « Au moins » c'est-à-dire qu’il faut faire avec beaucoup d’inconscients ! La psychanalyse, tout en prenant en considération, « le roman familial du sujet », sur plusieurs générations, a ceci de spécifique qu’elle compte chaque être humain 1 par 1, quelque soit le nombre de latéraux ou collatéraux ; Il est à chaque fois, question d’un sujet, puis d’un autre et les membres de la famille, eux aussi, sont considérés individuellement dans leur singularité, avec cette notion que les liens entre eux, sont emprunts de subjectivité, le plus souvent ignorée, par les sujets eux-mêmes. Famille je vous h/aime ! Amour, haine, et toute une multitude d’émotions et de mouvements ambivalents sont à l’œuvre. Mélanie Klein, éminente psychanalyste anglaise, écrit « le combat entre l’amour et la haine a ses origines dans la toute première enfance, et opère la vie durant, produisant des souhaits contradictoires » et elle met l’accent sur la capacité que chacun a, ou pas d’aimer, compte tenu de son histoire familiale et « d’un heureux concours de circonstances ». Il n’est pas question d’optimisme ou de pessimisme, seule dit-elle « l’action conjuguée et antinomique des deux pulsions. Eros et Thanatos ; pulsion de la vie, et pulsion de mort explique la bigarrure des manifestations de la vie, et aucune de ces pulsions n’intervient jamais seule. Amour / haine, altruisme / égoïsme - Un équilibre juste à trouver » Il est donc question de « l’ambivalence », terme élaboré par Bleuler, repris par Abraham puis par Freud dans « Pulsions et destin des pulsions » ouvrage dans lequel il écrit : « L’histoire de l’amour dans son apparition et ses relations, nous fait comprendre pourquoi il se présente si souvent comme ambivalent, c'est-à-dire, accompagné de motions de haine visant le même objet , et puisant leur origine dans les conflits pulsionnels. » Quand la relation d’amour à un objet est rompue, la haine remplace souvent l’amour, garantissant ainsi le maintien de l’amour, puisque l’un peut être l’envers de l’autre. On le constate, les choses ne sont pas ce qu’elles semblent apparaître de prime abord. Etre mère, être père est une chose, le devenir en est une autre, nécessitant parfois un long processus. L’arrivée d’un enfant, s’il installe ses parents dans une dénomination sociale et légale, ne permet pas automatiquement, à ceux-ci, d’incarner ces fonctions. Il faudra pour chacun, trouver sa place, dépendante de celle à laquelle ses propres parents l’ont inscrit et qui déterminera pour les sujets hommes et femmes, leur future capacité à devenir parents à leur tour. La différence entre faire et être, entre savoir-faire et savoir-être !. Le psychisme de l’enfant est totalement perméable au sens le plus caché, le plus inconnu, insu, du comportement familial, ignoré souvent par les parents eux-mêmes. Il s’agit de la transmission d’une expérience inconsciente. Ce sont les complexes liés au développement psychique qui vont jouer un rôle d’organisateur et nous permettre d’appréhender les difficultés du sujet. Comme l’écrit Lacan dans « les complexes familiaux » « complexes, images, sentiments et croyances, sont à prendre en considération dans leurs rapport avec la famille et le développement psychique qu’ils organisent depuis l’enfant élevé dans la famille, jusqu’à l’adulte qui le reproduit ». Complexe de sevrage ou d’intrusion dans lequel Lacan définit la jalousie humaine comme l’archétype des sentiments sociaux ou complexe d’Oedipe qui représente les relations psychiques dit-il dans la famille humaine, reprenant ce que Freud écrivait, à savoir que « le complexe d’Œdipe est en quelque sorte une théorie de la famille », la psychanalyse va tenter de séparer ce qu’il en est de la réalité et de la réalité psychique, des parents réels et des parents imaginaires. Par le transfert, la psychanalyse va permettre d’analyser les mécanismes en jeu dans les relations humaines et familiales, et qui déterminent de ce fait, les relations sociales. Les processus d’identification, les clivages, les traumatismes signifiants, les mécanismes de défense, les points de fixation. En d’autres termes la structure dans laquelle le sujet est ancré. A une journée de réflexion sur le thème de la famille il est intéressant de souligner que dans le transfert, le thérapeute va être mis imaginairement par le patient, dans une position tantôt de mère, tantôt de père, frère, sœur ou tout autre représentant de sa famille et ce, à certains moments du déroulement du traitement analytique. « Ces traitements par l’amour » comme le dit Freud, il s’agit évidemment de l’amour de transfert où le sujet va pouvoir rejouer dans la cure analytique, la partition de sa vie. Le transfert serait une métaphore de l’amour et des ses ratages. « La part, à jamais perdue de soi-même » comme le dit Lacan ; le travail analytique s’apparente donc à une grille de lecture qui permet, non pas de juger quiconque, car nous sommes tous, sujets de l’inconscient, mais de lire « en arrière-plan » les troubles que nous repérons dans la clinique, quand quelque chose ne va plus, ou quand la réalité vacille. En s’appuyant sur le discours du patient, le psychanalyste va déceler les signes de la souffrance du sujet et de sa famille, et décrypter par les formations de l’inconscient ; actes manqués, lapsus, rêves ou propos délirants, à qui réellement le sujet adresse-t-il ses actes par nous, nommés « gratuits », ses rires ou propos, par nous nommés « immotivés », ses voyages « pathologiques », ou ses propos délirants, pour nous le plus souvent incompréhensibles. Il n’est pas question de céder à une tentation de comprendre, du tout-comprendre, ou vouloir donner un sens, du sens « unique » le plus souvent , mais de repérer la vérité que recèle les symptômes, les actes, le délire, afin de trouver quelques fils de cette logique interne qui nous échappe pour l’essentiel, et en retour, tenter d’être des « passeurs », à savoir que ces lieux, d’écoute de soins que nous proposons dans les thérapies et dans l’institution, permettent à nos patients de trouver leurs propres lieux d’ancrage dans l’existence.