Lire la note sur l`effacement diffus, rédigée par le réseau

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Note sur
l’effacement diffus
Mise à jour 29 octobre 2013
Fiche réalisée par Hespul
Introduction
L'effacement diffus, consiste en l'arrêt synchronisé d'un grand nombre d'appareils de
faible puissance visant à générer une certaine économie de puissance appelée sur le
réseau
électrique,
nommée
capacité
d'effacement,
qui
peut
être
valorisée
économiquement via le mécanisme d'ajustement par lequel le gestionnaire de réseau de
transport (RTE) règle en temps réel l'équilibre offre-demande de l'ensemble du système
électrique français.
La loi NOME (Nouvelle Organisation des Marchés de l’Electricité), adoptée en 2010, a
prévu la mise en place d'un « marché de capacité », qui doit permettre d'échanger des
garanties de capacité d'effacement ou de production. Les modalités de mise en place de
ce marché ne sont pas encore totalement définies, mais il est probable qu'il accélérera le
développement de cette nouvelle activité économique.
Alors que l'augmentation constante de la pointe hivernale et de la consommation
électrique française appellent d'urgence des actions de maîtrise de la demande en
électricité dans tous les secteurs pour éviter le black-out et repousser voir annuler des
besoins d'investissement économiquement absurdes, l'effacement diffus peut apparaître
à première vue comme une opportunité : encore faut-il le démontrer et pour cela
comprendre son fonctionnement pour être en mesure d'évaluer son impact réel sur la
consommation d'énergie de ceux qui en bénéficient et de manière générale, sur les
émissions de gaz à effet de serre et sur les réseaux de distribution de l'électricité.
L'objet de la présente note est de donner des clés de compréhension et d'analyse de
tous ces éléments.
Définitions
Selon le CURTE1, l'effacement est une « baisse de la puissance électrique appelée au
point de raccordement », sur sollicitation externe et pendant un temps donné, résultant
d’une action qui modifie le comportement du consommateur.
La notion d'effacement diffus fait référence aux effacements effectués dans le secteur
résidentiel, par définition nombreux et de faible ampleur unitaire. Cette note inclut
également dans l'effacement diffus l'effacement des usages thermiques de l'électricité
1
CURTE : Comité des Clients Utilisateurs du Réseau de Transport d'Electricité, instance de concertation mise en place par RTE
(http://clients.rte-france.com/lang/fr/visiteurs/accueil/espace_CURTE_presentation.jsp)
(chauffage, ballons d'eau chaude sanitaire, groupes froid) dans les bâtiments de « petit
tertiaire » (bureaux, bâtiments communaux, etc.).
D'autres types d'effacement, non abordés ici, sont mis en place dans le secteur industriel.
Délesteur : Equipement installé dans le tableau électrique qui permet d'arrêter
momentanément des usages thermiques (ballon d'eau chaude ou radiateurs électriques)
quand la puissance soutirée approche une valeur seuil (en général la puissance de
l'abonnement).
Effet-rebond : Augmentation ponctuelle de la puissance appelée après un effacement,
qui peut être plus importante que le niveau de puissance soutirée avant l'activation de
l'effacement.
Effet-report : Proportion de la quantité d'énergie effacée qui est reportée sur la période
suivant l'effacement2 pour compenser la baisse de température intérieure générée par
l'effacement ou celle de la température du ballon d'eau chaude sanitaire.
L'effet rebond et l'effet de report sont aussi appelés « effets de bord ».
Source : Hespul
Pointe
locale :
puissance
maximale
appelée
au
niveau
d'un
poste
source
(transformateur haute tension / moyenne tension) par le gestionnaire du réseau de
distribution (ERDF ou entreprise locale de distribution). La pointe locale est fortement
influencée par la répartition sectorielle au sein de la zone (résidentiel, tertiaire,
industrie,...), et par les conditions météorologiques locales.
Pointe nationale : puissance maximale appelée généralement en hiver par le
gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE), à l'échelle du réseau national tout
entier, dont l'augmentation continue, qui reflète notamment la pénétration du chauffage
électrique, est source d'inquiétude. En effet, chaque degré °C en moins de la température
extérieure entraîne une augmentation de la puissance appelée de 2,3 GW, l'équivalent
2
L'effet report peut aussi se matérialiser par une proportion de la quantité d'énergie effacée qui sera consommée avant
l'effacement pour anticiper une baisse de température.
de plus de deux réacteurs nucléaires : c'est ce que l'on appelle la thermosensibilité du
parc. À elle seule, la France génère près de la moitié de la thermosensibilité de l'Europe
toute entière.
Contexte réglementaire et
fonctionnement actuel
L'activité
d'opérateur
d'effacement
diffus
a
fait
l'objet
jusqu'à
présent
d'une
expérimentation encadrée par les « Règles transitoires de mise en œuvre de
l'expérimentation Ajustement Diffus »3 datant de 2007. Il n'existe à ce jour qu'un seul
opérateur d'effacement diffus agréé par RTE pour participer au mécanisme d'ajustement,
Voltalis. D'autres opérateurs, tel qu'Energy-Pool, sont positionnés sur l'effacement
industriel.
Un projet de décret visant à définir une procédure et des règles qui encadrent leur
participation au marché de l'électricité et au mécanisme d'ajustement est attendu et
devrait conduire à la mise en place d'un dispositif ad hoc pour l'hiver 2013.
En pratique, l'opérateur d'effacement diffus installe chez les consommateurs des boîtiers
d'effacement diffus qu'il active sur demande de RTE. Dans la mise en œuvre des
effacements, il n'existe pas à l'heure actuelle de coordination avec les gestionnaires du
réseau de distribution et les fournisseurs d'électricité. Or, si les effacements diminuent la
puissance effectivement appelée à un instant T, ils peuvent aussi générer des écarts en
moins, mais aussi en plus par les effets de bord, entre les quantités d'énergie déclarées
par les fournisseurs et les quantités effectivement consommées. Ceci peut entraîner des
pénalités financières pour les fournisseurs d'électricité qui doivent payer les écarts entre
les volumes déclarés et réalisés.
De plus, l'absence de coordination avec le gestionnaire de réseau de distribution ne
permet pas de tenir compte de l'impact potentiel des effacements sur le réseau local de
distribution.
Courbe bleue : puissance (W) agrégée de 500
points sans effacement
Courbe rouge (pointillés) : puissance (W)
agrégée de 500 points avec effacement
Source : Supélec.
Si la pénétration de ce dispositif devenait importante sur un réseau de distribution, l'effet
rebond pourrait générer de fortes contraintes physiques puisque la puissance de
soutirage post-effacement peut être supérieure à la puissance de soutirage avant
3
Disponible en téléchargement sur le site de RTE.
l'effacement. Enfin, si la zone accueille une production d'électricité décentralisée en
proportion non négligeable par rapport à la consommation, l'effacement peut aussi
engendrer des contraintes d'évacuation de la production qui est alors privée de
débouchés locaux.
Les différents types d'effacement
diffus
Il existe différents types d'effacement diffus qui n'ont pas les même buts, ni les mêmes
moyens ni les mêmes modèles économiques implicites ou explicites.
Effacement des usages thermiques
But : Equilibrer l'offre et la demande sur le réseau de transport pour éviter d'avoir recours
à des centrales de pointe.
Fréquence : Sur sollicitation de RTE, l'effacement peut avoir lieu jusqu'à deux fois par
heure, pour une durée de 10 minutes à chaque fois, et ce à n'importe quel moment de la
journée, que ce soit en période de pointe locale ou nationale, ou en-dehors.
Moyens : Boîtiers d'effacement pilotés à distance par l'opérateur d'effacement.
Opérateur d'effacement : Voltalis
Observations : La mise en œuvre de ce type d'effacement diffus, tel que pratiqué selon
les règles actuelles, n'implique aucune coordination locale entre l'opérateur d'effacement,
les fournisseurs d'électricité et les gestionnaires de réseau de distribution.
Effacement en pointe des usages thermiques
But : Diminuer la pointe de consommation et éviter ainsi le recours à des centrales de
pointe.
Fréquence : Pendant la période de pointe et d'hyper-pointe, sur sollicitation de RTE dans
le cadre du mécanisme d'ajustement ou à l'initiative des fournisseurs ou des opérateurs
d'effacement (participation aux marchés d'électricité). L'effacement peut durer de 10 à 30
min.
Moyens : Boîtiers d'effacement pilotés à distance par l'opérateur d'effacement.
Opérateurs d'effacement : Aucun à ce jour. Les effacements d'usages thermiques pour
équilibrer l'offre et la demande (cités plus haut) sont effectués en partie durant les
périodes de pointe mais pas exclusivement et sans que le but de l'effacement soit
précisément la diminution de la pointe.
Observations : Ce type d'effacement est une évolution du mode Heures Pleines-Heures
Creuses et du « signal 175 Hertz » qui permettaient de piloter les chauffe-eau électriques
dans les années 1970. Aujourd'hui, la communication avec les équipements à distance
se fait via un boîtier installé dans le tableau électrique qui permet de bloquer le courant
d'une borne de sortie.
Certains
démonstrateurs
de réseaux
intelligents
testent
actuellement ce type
d'effacement en mettant en œuvre des stratégies pour tenter de limiter les effets de bord.
L'enjeu de ces projets est aussi d'identifier les périodes et de localiser les points du
réseau de distribution (réseau faible, absence de production, etc) où ces effacements
seraient les plus bénéfiques pour le réseau de distribution, tout en diminuant la pointe
nationale.
Effacement de tout usage électrique sur signal
spécifique (incitation)
But : Diminuer la pointe de consommation et éviter ainsi le recours à des centrales de
pointe.
Fréquence : Différents types de signaux peuvent être envoyés aux consommateurs pour
les encourager à moins consommer pendant la période de pointe et d'hyper-pointe.
Moyens : Ces différents types de signaux sont :
1. des tarifs horaires différenciés,
2. le contenu carbone de l'électricité en temps réel en fonction du parc de centrales de
production en activité
3. un signal basé sur les contraintes du réseau de distribution ou de transport local.
L'effacement est mis en place par l'usager manuellement ou à l'aide d'une
programmation des équipements s'il est en capacité de les piloter.
Opérateurs d'effacement : Différents acteurs se sont positionnés sur ces offres :
1. L'EJP (Effacement Jour de Pointe) proposé par EDF est une offre qui illustre
l'effacement sur signal tarifaire : le tarif d'électricité pour les consommateurs est très cher
pendant 22 jours par an entre le 1er novembre et le 31 mars, lors des jours les plus froids
de l'année. Cette offre n'est plus disponible aujourd'hui.
2. Aucun opérateur/fournisseur connu à ce jour en l'absence de signal-prix incitatif sur le
carbone.
3. Eco Watt Bretagne envoie un signal aux consommateurs lorsque la consommation de
la région à un instant T atteint un seuil défini par RTE, qui correspond à la limite
acceptable par le réseau.
Observations : L'effacement tarifaire a le même but que l'effacement en pointe, mais il
n'est pas activé à distance et, en ce sens, il est moins fiable puisqu'il dépend du
comportement de l'usager. Par ailleurs, l'effacement dépend de l'élasticité-prix, c'est-àdire de la diminution effective de la consommation de l'usager suite à l'augmentation du
prix de l'électricité. L'élasticité-prix dépend des usages pouvant être déplacés ou
auxquels les consommateurs peuvent renoncer tout en satisfaisant leurs besoins (ex :
déplacer un cycle de machine à laver de 19h à 23h, diminuer la température intérieure de
21 à 19°C, éteindre les veilles, etc.).
Effacement diffus et maîtrise de la
demande en électricité
Dans les paragraphes suivants, il est question des deux premiers types d'effacement
diffus pré-cités, c'est-à-dire l'effacement piloté à distance à l'aide de boîtiers.
Economies d'énergie
Une seule étude existe sur les actions d'effacement diffus, menée par l'ADEME et le
CSTB, dans laquelle les auteurs indiquent que, pour le chauffage, l'effet report est de
l'ordre de 60 %4 par rapport à l'énergie effacée, autrement dit, pour chaque kilowattheure effacé des radiateurs électriques, 0,6 kilowatt-heure est consommé après
l'effacement pour compenser la baisse de température intérieure. Pour l'eau chaude
sanitaire, l'effet de report est de 100 %, autrement dit aucune économie d'électricité
n'est engendrée par l'effacement du ballon d'ECS.
L'ADEME conclut que les économies d'électricité attendues du dispositif sont de l'ordre
de 6,8 à 8,3 % sur l'année. Cependant, l'ADEME précise que ce résultat est issu d'une
extrapolation qui « ne peut pas être considérée comme représentative sur une année
entière car l'ADEME ne dispose pas des scénarios d'effacement appliqués en réalité (par
l'opérateur d'effacement diffus)»5. Ainsi lorsqu'un opérateur d'effacement diffus annonce
des économies d'électricité au-delà de cette valeur (8%), c'est que cette estimation est
optimiste et, surtout, qu'elle repose sur l'hypothèse que l'affichage des consommations
induira des changements de comportement chez l'usager. Ceci peut être effectivement le
cas6, mais il faut être bien clair que ceci nécessite la participation active des usagers.
Par ailleurs, une analyse fine de l'évolution de la température intérieure dans les
logements effacés est nécessaire pour mieux évaluer cette technologie7. La durée de
l'effacement, la puissance effacée, la performance énergétique des logements effacés, la
température intérieure avant l'effacement et le nombre de consommateurs sont des
facteurs primordiaux pour limiter la dégradation du confort ressenti et limiter les effets
report et rebond.
4
L'avis de l'ADEME explique un effacement sur 33 % du temps d'une journée induit une économie d'énergie de 13,2 %, soit
une économie d'énergie pour un effacement de 40 % (ou un report de 60%).
5
Les avis de l'ADEME, L'effacement des consommations résidentielles.
6
Les expérimentations comme celles d'OPOWER aux États-Unis (Opower, Successful Behavioral EE Programs, 2012) et de
programmes européens sur les compteurs intelligents (Smart Regions, IEA Task XVII: Integration of Demand Side
Management, etc.) montrent que l'affichage des consommations analysées encourage les comportements d'économies
d'énergie. Les pourcentages d'économies d'énergie varient de manière importance d'une expérimentation à l'autre en
fonction de l'analyse proposée et du type de population participant à l'expérimentation et la méthode de recrutement
(participation volontaire ou subie) joue un rôle non négligeable dans la représentativité de ces chiffres.
7
Les expérimentations en cours s'engagent à limiter la baisse de température intérieure à 1°C pendant un effacement. Mais
il n'y pas encore de retour d'expérience sur un panel représentatif de consommateurs.
Economies de gaz à effet de serre (GES)
L'effacement diffus est activé sur demande de RTE pour assurer l'équilibre d'offredemande par des moyens autres que les centrales de pointe qui sont fortement
émettrices de GES. Les centrales de pointe (gaz, charbon, fioul) sont beaucoup plus
flexibles que les centrales dites de base qui fonctionnent plutôt à régime constant. La
puissance effacée à un instant T engendre donc une réduction des émissions de GES.
Cependant, le bilan des économies effectivement réalisées est complexe à calculer
puisqu'il doit tenir compte de l'effet report et de l'effet rebond8. Une réduction des
émissions pourra être constatée seulement à condition que l’énergie non consommée
lors de l’effacement ne soit pas reportée, ou que la production d’électricité lors du report
de consommation ne soit pas aussi carbonée que la production évitée par l’effacement,
ce qui nécessite de connaître précisément le profil du report.
En l'absence d'études fiables sur le sujet, et dans la mesure où le bilan GES nécessiterait
une analyse fine de scénarios d'effacement pour chaque opérateur, il est impossible de
conclure que l'effacement diffus contribue de manière certaine à une réduction des
émissions de gaz à effet de serre d'un consommateur ou d'un territoire donné.
L'utilisation de l'électricité comme mode de chauffage
La valorisation des effacements de consommation sur les marchés d'électricité sont une
mesure intermédiaire pour pallier l'augmentation inquiétante de la pointe d'électricité
française en jouant sur la thermosensibilité du parc, mais sans la modifier.
L'adoption d'un dispositif d'effacement ne peut donc pas être vu comme une solution
pérenne et structurante.
D'autre part, il est à craindre que les effacements n'entraînent des dérives commerciales
en rénovation thermique où les consommateurs seraient démarchés par des opérateurs
d'effacement voire rémunérés pour adopter ce mode de chauffage (ex : le remplacement
d'une chaudière fioul par des radiateurs électriques plutôt qu'une chaudière à
condensation), ce qui aurait des conséquences négatives sur tous les paramètres
(énergie, GES, réseau, …).
La mise en œuvre de l'effacement ne doit donc en aucun cas entraîner l'abandon de
mesures ayant un effet de réduction plus structurant sur la pointe, c'est-à-dire la
rénovation thermique du parc de bâtiments existants, la substitution du chauffage
électrique par d'autres modes de chauffage, la production d'eau chaude sanitaire par les
énergies renouvelables, etc.9
8
C'est aussi ce que rappelle l'étude de E-cube Strategy Consultants commandée par la CRÉ dans le cadre de la consultation
sur la valorisation des effacements dans le cadre des marchés de l'électricité et du mécanisme d'ajustement (Etude des
avantages que l’effacement procure à la collectivité et de leur intégration dans un dispositif de prime, cf p. 7-8, 6 juin 2013).
9
L'étude de E-cube Strategy consultants, commandée par la CRÉ en 2013, rappelle que, dans le cas où il y aurait
effectivement des économies d'énergie mesurables induites par des effacements, ces économies « correspondent à une
perte d’utilité pour le consommateur (… économies d’énergie sont probablement dues à une baisse de la température du
Performance des équipements effacés
Le dispositif d'effacement diffus est adapté à des équipements basiques acceptant être
pilotés en « tout ou rien ». Si les équipements à piloter sont équipés d'un système de
régulation qui permet une modulation de puissance, le boîtier d'effacement doit être
compatible avec ce système de régulation de manière à ne pas dégrader fortement leur
performance et entraîner des surconsommations ainsi que le raccourcissement de leur
durée de vie. De plus, le redémarrage des appareils effacés peut générer de forts appels
en puissance10 surtout lorsque les systèmes sont constitués de machines tournantes
(pompes, moteurs, etc). Il est donc nécessaire que le boîtier n'induise pas l'arrêt complet
de l'équipement, évitant ainsi une forte puissance au redémarrage. L'usager doit avoir
la garantie que les boîtiers qui pilotent l'effacement soient compatibles avec ses
équipements à effacer.
Renforcements sur le réseau de distribution
L'effacement diffus doit être remis dans le contexte des diverses actions de maîtrise de la
demande en électricité que peut porter la collectivité. Si cette dernière souhaite mettre en
place des actions de réduction de la pointe de consommation en vue d'éviter le
renforcement du réseau de distribution, les effets de ces actions doivent être infaillibles et
pérennes. Dans ce contexte, l'effacement diffus ne peut avoir d'intérêt pour la
diminution de la pointe qu'à deux conditions sine qua non :
•
qu'il soit automatisé et très fiable. Or les expérimentations menées à ce jour ont
identifié une éventuelle défaillance de mise en œuvre de l'effacement, soit par
non-activation volontaire (refus du consommateur de réduire le confort ressenti),
soit par défaut de transmission de l'ordre d'effacement entre l'agrégateur et les
boîtiers de commande.
•
qu'il concerne un grand nombre de consommateurs, seul moyen d'effacer une
puissance importante tout en limitant à la fois la baisse de la température intérieure
(effacement très court) et les effets de bord11.
•
que le rebond soit maîtrisé en redémarrant les équipements effacés dans le
groupe d'utilisateurs de façon décalée, pour maintenir un facteur de foisonnement
des puissances similaire à celui avant l'effacement.
logement concerné) ... et ne sont donc pas directement comparables avec les économies d’énergie procurées par exemple
par des travaux d’isolation qui représentent des économies d’énergie pour un niveau de confort inchangé.»
10
11
C'est le cas par exemple des pompes à chaleur.
L'effet rebond peut être limité si le redémarrage des équipements thermiques est progressif (ex : si un ensemble de
consommateurs effacés est divisé en plusieurs groupes et que chaque groupe est réalimenté de manière décalée).
Renforcements sur le réseau de distribution
Secteur résidentiel
Hormis une économie sujette à caution sur sa facture d'électricité, les fournisseurs de
services opérant actuellement des effacements (opérateur unique d'effacement diffus ou
fournisseurs dans le cadre de programme de recherche) propose comme compensation
à l'usager potentiellement effacé en contrepartie de l'installation d'un boîtier d'effacement,
l'accès à un portail sécurisé de suivi de ses consommations12,en mettant en avant la
possibilité pour les utilisateurs de s'approprier leurs consommations d'énergie et de faire
ainsi des économies sur leur facture. Or, l'expérience montre que pour être réellement
utile à l'usager, un suivi de consommation doit 1) être facilement lisible et accessible en
quasi-temps réel, 2) distinguer les consommations par usage sur la base de la
consommation réelle des équipements13, et 3) être associé à des conseils ciblés pour
réaliser des économies d'énergie.
Ainsi, une courbe de charge en puissance (kW) des usages thermiques effacés
(radiateurs électriques et ballon d'eau chaude sanitaire) ne peut être suffisante pour
inciter les consommateurs à faire des économies d'électricité. A minima, cette information
doit être accompagnée d'une courbe de puissance soutirée au niveau du compteur et
d'une analyse des consommations en énergie et en puissance.
Les offres de solutions commerciales permettant un suivi fin des consommations
d'énergie voire la programmation et le pilotage des équipements à distance par l'usager,
sont de plus en plus nombreuses sur le marché, mais elles restent à ce jour onéreuses14
pour les particuliers. Cependant, un boîtier permettant simplement l'affichage déporté de
la puissance instantanée soutirée peut être fort utile de part sa simplicité de lecture et sa
présence permanente dans le logement. Ce type de boîtier peut être paramétré pour
changer de couleur en fonction de certains critères (ex : rouge lorsque l'usager
s'approche d'une puissance maximale définie).
Secteur tertiaire
Dans le cas des bâtiments communaux, si l'objectif est d'identifier des gisements
d'économies d'électricité et d'engager des actions de MDE, deux stratégies sont
possibles pour récupérer les données pertinentes :
•
obtenir les courbes de charge a minima au pas de temps horaire en en faisant la
demande au gestionnaire de réseau de distribution si les bâtiments sont équipés
12
Dans certaines expérimentations, les usagers reçoivent également des prises intelligentes et un thermostat.
13
Certains fournisseurs de services proposent une répartition par usage seulement à partir d'une courbe de charge au pas de
temps de la minute. Ils utilisent un algorithme qui permet d'associer un profil de puissance soutirée à un type d'équipement
(« l'empreinte » de l'équipement). Cette méthode a le désavantage d'introduire un pourcentage non négligeable d'erreur
lorsque plusieurs équipements sont en fonctionnement.
14
De l'ordre de 300 à 400 euros pour des systèmes qui pilotent et suivent les consommations d'énergie, et sont associés à
plusieurs watt-mètres qui permettent de faire de la mesure de prise individuelle.
de compteurs communicants Linky15.Cependant, dans ce cas, le suivi ne se fait
pas en temps réel mais bien a posteriori, et l'interprétation fine des données
(performance des équipements, surconsommations liées à un équipement
spécifique, etc) sera difficile.
•
équiper le parc d'outils de suivi de consommation permettant la gestion multi-fluide
d'un parc de bâtiments à distance et pour tout type d'équipements.
•
équiper les compteurs et les organes de contrôle existants (GTC, etc.) de boîtiers
permettant la centralisation des données sur une plateforme et leur restitution de
manière simple mais efficace.
15
La CRÉ précise que « les données (du compteur Linky) seront consultables gratuitement sur un site Internet dédié à cet effet
sur le modèle des sites de consultation des comptes bancaires. » (Lettre d'information, octobre 2013, disponible sur le site de
la CRÉ)
En résumé : quelles stratégies de MDE favoriser ?
Tableau : Classement des différentes actions de MDE en fonction des gisements de valeur recherchés par la
collectivité ou les particuliers
Actions de MDE
Eviter le renforcement des réseaux de
(par ordre croissant de
distribution (réduction de la pointe locale)
Réduire la facture d'électricité
Identifier des gisements d'économies
d'électricité / Sensibilisation des usagers
coût)
Boîtier d'effacement diffus
avec suivi de
consommation16
Non : le programme d'effacement se fait
sur la demande du gestionnaire du
réseau de transport et ne prend pas en
compte les contraintes locales du réseau
Très limité : le taux de report est a minima de 60 %
pour le chauffage et 100% pour l'ECS. Le pilotage en
tout ou rien peut même parfois dégrader la
performance des équipements dans le temps.
Condition : le boîtier doit permettre
d'afficher l'intégralité des
consommations (pas seulement
chauffage et ECS)
Limité : ne permet pas un suivi fin des
consommations par usage
Passage en HC/HP
Non : la puissance souscrite reste
inchangée.
Limité : dépend de la différence entre les tarifs
HC/HP et du comportement des usagers.
Non
Installation d'un
thermostat d'ambiance
Non : la puissance souscrite reste
inchangée.
Oui : le pilotage du chauffage électrique via le
thermostat d'ambiance permet de mieux contrôler
la température intérieure.
Limité: pas d'informations autre que la
température intérieure, mais permet
d'améliorer le confort ressenti.
Délesteur
Oui : le délesteur module les usages
thermiques lorsque la puissance soutirée
s'approche d'un seuil défini par l'usager
et peut permettre de diminuer la
puissance souscrite.
Oui : seulement si la puissance souscrite est
effectivement diminuée et si l'usager modifie son
comportement au-delà du déplacement des charges.
Non : l'effacement se fait de manière
transparente (non visible) pour l'usager.
16
Ceci s'applique à la mise en œuvre actuelle des offres d'effacement, mais pourrait évoluer si une coordination locale est mise en place. L'activation des effacements doit être faite sous
ordre des GRD si les effacements sont utilisés comme un moyen de différer des investissements sur le réseau.
Suivi de consommation
multi-fluide et de tous les
équipements
Non : la puissance souscrite reste
inchangée sauf si le suivi mène à des
actions de MDE et à une baisse de la
puissance souscrite.
Condition : l'identification des gisements
d'économies permet de mettre en place des actions
MDE
Oui : permet un suivi fin, des
comparaisons parlantes pour les
usagers et une analyse des actions de
MDE les plus pertinentes.
Changement de mode de
chauffage et de production
d'ECS
Oui : Chaudière bois, chaudière gaz
condensation, chauffe-eau solaire,
Oui : diminution significative de la facture
d'électricité et souvent de la facture globale
d'énergie. Amélioration significative du bilan en
énergie primaire.
Non
Rénovation thermique de
l'enveloppe niveau BBC
Oui : à condition que les usagers
n'installent pas de chauffage électrique
d'appoint et/ou que l'effet rebond soit
maîtrisé
Oui
Non
17
Limité : PAC ou chauffe-eau thermodynamique avec un COP élevé17.
Les équipements fonctionnant avec comme source froide l'air extérieur ont une performance (COP) qui décroit en même temps que les températures extérieures.
Agence Locale de
l’Énergie et du Climat
4 rue Voltaire
38 000 -Grenoble
Tél. : 04 76 00 19 09
www.alec-grenoble.org

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